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Strobilanthes : origine, variétés et conseils de culture

Photo par Mokkie

J’hésite à recommander les strobilanthes comme plante d’intérieur en raison de leurs besoins en humidité atmosphérique élevés. Toutefois, j’ai tenté de conserver une plante achetée au rabais durant tout l’hiver, avec un succès mitigé, ce qui semblait toutefois indiquer que j’avais sous-estimé sa tolérance la sécheresse atmosphérique. Lorsque je suis passé en fin de semaine devant un kiosque qui vendait des potées de Strobilanthes d’au moins 10 pouces de diamètre (pour ceux qui sont sans sens de la mesure, ça veut dire de grosses potées!), j’ai été saisi par leur beauté, que j’avais également sous-estimée; je crois qu’il est temps d’écrire un article sur l’entretien du strobilanthes en intérieur – et surtout, comment le rendre à son plus beau!

Origine

Originaire du Myanmar en Asie tropicale, on ne cultive en intérieur qu’une (voire deux) espèce des quelques 250 qui composent le genre Strobilanthes. Ces vivaces ou sous-arbrisseaux font partie des Acanthacées, une famille de plantes de culture intérieure plutôt délicate, comme Aphelandra et Fittonia. En revanche, dans les régions tempérées et humides, on cultive plusieurs espèces de strobilanthes pour leur feuillage décoratif ou pour leur floraison généreuse. Certaines vivaces plus rustiques ont même fait leur chemin en Europe, puisqu’elles peuvent y survivre aux hivers les plus doux (descendant seulement de quelques degrés sous zéro).

Petite pause linguistique

L’espèce de strobilanthes dont traite cet article est Strobilanthes dyerianus, qui est de loin la plus cultivée, à l’intérieur au moins. On la surnomme aussi «bouclier persan», bien que la plante ne soit pas perse. La théorie veut que ce nom lui eût été donné puisque ses reflets métalliques rappellent ceux d’un bouclier en métal. Et oui, pour les plus observateurs: même au singulier, le mot strobilanthes prend un «s» final. 

Certains Strobilanthes, comme ce S. callosus, sont cultivés pour leur floraison. Photo par Dinesh Valke.

Description

Les strobilanthes poussent le plus souvent en sous-bois, dans des zones humides et ombragées, ou à l’orée de la forêt; elles se sont donc adaptées pour survivre à des conditions de lumière faible, mais d’humidité constante. Ce sont des plantes qui ne poussent guère bien haut; dans le cas de S. dyerianus, on parle de 60 à 90 centimètres pour les sujets adultes, rarement jusqu’à 1 mètre 20. En raison de sa petite taille et de ses tiges, qui poussent sans écorce puis deviennent graduellement ligneuses avec l’âge, on désigne S. dyerianus comme étant un sous-arbrisseau. Le port de ce cultivar est légèrement ramifié, mais les sujets destinés à l’ornemental sont souvent taillés pour adopter une forme plus dense et plus esthétique.

Les feuilles de S. dyerianus sont spectaculaires et présentent une propriété rare, celle d’adopter des reflets métalliques (comme chez certains Begonia, Scindapsus et Pilea cadierei, pour ne nommer qu’eux). Les feuilles sont d’un vert foncé généreusement maté d’un violet argenté, adoptant une texture gaufrée en raison des nervures qui les creusent. Le feuillage est opposé, donc deux feuilles poussent à chaque nœud sur la tige; de forme ovale à lancéolée, la légère courbure des feuilles vers le bas leur confère une forme gracieuse, contrastant avec le rebord dentelé.

Quel feuillage magnifique! Photo par Top Tropicals.

En fleur

Quand la plante fleurit, elle se garnit d’un épi floral un peu comme celui de sa cousine l’aphélandra (qu’on voit pas mal plus souvent en fleurs sur le commerce!) où poussent de petites fleurs tubulaires bleu pourpre pâle. Bien que les fleurs soient plutôt jolies, il est rare qu’on cultive les strobilanthes pour leur floraison et on recommande plutôt de supprimer les épis floraux pour que la plante se concentre sur la production de feuilles. La floraison est automnale, voire hivernale.

Bien qu’elle ne soit pas extrêmement esthétique, je trouve ceux qui recommandent de supprimer la floraison de S. dyerianus un peu capricieux! Photo par Top Tropicals.

Variétés

La seule variété qu’on cultive «couramment» (et j’emploie ce terme avec générosité, car les strobilanthes sont plutôt rares à l’intérieur, mais très fréquemment proposés quand vient l’été pour leur facilité de culture à l’extérieur) est le bouclier persan (Strobilanthes dyerianus décrit plus haut) et ses feuilles mauve iridescent.

On peut également avoir du succès avec le feuillage vert foncé aux nervures argentées de S. lactatus, qu’on voit moins souvent (et j’ai envie de dire… avec raison; bien que les strobilanthes puissent survivre à nos intérieurs, ce ne sont pas non plus les plantes les plus faciles. D’autres plantes bien plus aisées peuvent mieux couvrir nos besoins de feuillage argenté, par exemple les Scindapsus évoqués plus haut).

Il ne s’agit pas de S. lactatus mais d’un autre strobilanthe non identifié, qui représente bien, je trouve, le feuillage argenté que les Strobilanthes peuvent revêtir. Photo par Bigul Malayi.

Parenthèse pour les jardiniers qui ne vivent pas au Québec

Puisque cette rubrique concerne les plantes d’intérieur, je ne dresserai pas la liste des Strobilanthes cultivés à l’extérieur, mais citons rapidement quelques espèces qu’on pourrait voir dans les jardins tempérés: S. anisophyllus (un buisson au feuillage foncé lancéolé et au port très dense), S. violacea (un couvre-sol aux fleurs violettes) et S. atropurpureus (un petit buisson étalé qui produit des hampes florales rappelant celles des hostas). La rusticité de ces plantes leur permet de survivre à de petites descentes sous le seuil de congélation sans trop de dommage.

Conseils de culture

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Lumière

Pour que leur feuillage garde leur couleur iridescente et vive, il est mieux de cultiver les strobilanthes sous un éclairage vif. Ils pourront également survivre à un éclairage moyen, mais leur couleur pourrait être plus terne. Attention aux rayons directs et brûlants du soleil l’été: dans la nature, rares sont les strobilanthes qui le voient. Ils ne sont simplement pas équipés pour survivre sous cette lumière trop vive.

Et le méchant soleil direct le reste de l’année?

Dans l’hémisphère nord, les rayons de soleil automnaux, hivernaux et printaniers sont généralement beaucoup plus doux, donc du soleil direct ne fera pas de mal à cette plante en ces saisons, surtout si elle est en santé et bien abreuvée.

À vrai dire, peu de plantes en intérieur craignent le soleil direct: c’est vraiment lors de l’été – ou à l’extérieur – qu’il convient d’être plus prudent. Nul besoin de mettre un voilage devant les fenêtres l’hiver: au contraire, toutes les plantes d’intérieur qui ne sont pas en dormance apprécient un peu plus de lumière pendant les mois les plus sombres. Pourvu que les fenêtres soient bien isolées!

Est-ce la lumière ou seulement la difficulté de capturer par photo les nuances de pourpre qui rend ce strobilanthes presque rose? Je ne sais pas, mais j’ai tendance à croire qu’il s’agit d’un S. dyerianus cultivé sous une belle lumière! Peut-être que je vais moi-même faire le test… Photo par Krzysztof Ziarnek.

Arrosage

On alterne l’arrosage selon la période: en période de croissance, le terreau doit être constamment humide. En période de repos, là où la croissance se réduit, on peut laisser sécher le terreau sur un ou deux centimètres entre deux arrosages. 

Humidité atmosphérique

C’est là où le bât blesse! S. dyerianus ne peut survivre sans une humidité atmosphérique modérée à élevée. On parle d’un taux entre 50 et 70% d’humidité relative, nécessaire en tout temps.

Terreau et rempotage

Un terreau drainant pour plantes d’intérieur est suffisant pour le strobilanthes. Personnellement, je trouve que les terreaux à base de fibre de coco sont les plus faciles à garder constamment humides. (La fibre de coco a des propriétés hydrophobes lorsqu’elle est sèche, mais étant donné qu’on ne laisse pas tellement le terreau sécher, il ne devrait pas y avoir de problème.) Ajoutons quelques éléments drainants (perlite, tourbe, etc.) et le tour est joué!

Certaines potées de strobilanthes peuvent devenir vraiment grosses, comme celle-ci qui a été prise au Jardin botanique de Montréal par «Montréalais» (nom du photographe qui a eu l’amabilité de publier sa photo en ligne). Loin de moi l’envie de remettre en question l’expertise de nos amis d’Espace pour la vie, mais ce strobilanthes identifié comme S. anisophyllus m’apparaît ressembler beaucoup plus à S. dyerianus qu’aux autres photos de S. anisophyllus trouvées en ligne. Comme quoi… j’imagine qu’avec 250 membres du genre Strobilanthes, ça doit se ressembler un brin!

Engrais

Comme pour beaucoup de plantes, il suffit de fertiliser à l’aide d’une dose normale d’engrais tout usage durant la période de croissance, généralement d’avril à septembre.

Température

S. dyerianus est une plante tropicale qui aimerait des températures constantes d’au moins 18 °C toute l’année. Certaines sources suggèrent qu’il peut supporter des descentes jusqu’à 12 °C, mais ça m’apparaît risqué.

Entretien

Pour avoir une potée de strobilanthes esthétique, un certain entretien régulier est nécessaire. Tout d’abord, ce n’est pas une plante qui est portée à se ramifier par elle-même, il faut donc l’encourager en pinçant la pousse terminale. C’est une opération à répéter, puisque malgré ces encouragements, le strobilanthes peut tarder à se densifier.

Les plantes vieillissantes tendent à se dégarnir à la base, ce qui laisse voir les tiges ligneuses et tordues des sujets âgés, souvent considérées comme disgracieuses. Pour y remédier, on peut soit cacher la base de la potée avec des boutures plus jeunes soit remplacer la plante mère chaque deux à trois ans.

Multiplication

La multiplication du strobilanthes est plutôt facile: on procède par boutures de tiges tendres (qui n’ont donc pas encore produit d’écorce), qu’on place dans un terreau particulièrement aéré, par exemple de tourbe et de sable. Il est alors nécessaire que la bouture soit maintenue au chaud, entre 21 et 25 °C, et en situation de serre. Des racines devraient apparaître entre deux et trois semaines sous une lumière vive indirecte. Pour plus d’informations sur le bouturage, découvrez le texte Le bouturage pour les nuls.

Le dernier défi d’entretien concerne l’hiver: lorsqu’on démarre le chauffage durant les mois trop froids, il est possible que le strobilanthes souffre du manque d’humidité atmosphérique. Diverses manières permettent d’augmenter l’humidité: de toutes, sans conteste, la meilleure est l’utilisation d’un humidificateur. Il est possible qu’il faille enrober le strobilanthes d’un sachet de plastique transparent pendant quelques mois pour lui permettre de passer l’hiver sans perdre trop de plumes, ou plutôt de feuilles.

Astuce

S’il est possible de sortir le strobilanthes l’été, il s’en portera bien mieux. C’est une plante traditionnelle de terrasse estivale et il profite des températures et de l’humidité atmosphérique accrues. Une place à l’ombre lui convient très bien et il deviendra rapidement beaucoup plus beau que s’il ne restait à l’intérieur toute l’année. S’il s’agit d’une plante de difficulté moyenne à l’intérieur, c’est une plante très facile dehors: profitons-en!

Ça prend quand même un minimum d’entretien pour avoir une potée dense! Photo par David J. Stang.

Problèmes

  • Feuilles ternes: la plante manque de lumière.
  • Feuilles molles, qui pendent tristement le long des tiges: la plante a besoin d’être arrosée. Si c’est la première fois que ça arrive, elle devrait rebondir assez vite. Ça peut également être le signe d’un changement d’environnement trop brusque: traitez-la alors comme d’habitude, mais laissez-lui une petite semaine de mauvaise humeur et elle devrait bientôt s’adapter à sa nouvelle vie.
  • Feuilles qui s’enroulent: l’humidité atmosphérique est trop basse.
  • Feuilles qui sèchent et tombent: l’humidité atmosphérique est trop basse depuis trop longtemps ou la plante n’a pas été assez arrosée.
  • Feuilles qui jaunissent et tombent: la plante est mal traitée. Le plus souvent, elle est sous un courant d’air ou elle a été trop arrosée (oui, c’est possible!).
  • Parasites: cochenilles, araignées rouges (en atmosphère trop sèche), pucerons (surtout quand la plante est sortie dehors l’été).

Toxicité

Le strobilanthes n’est pas toxique.

Fructification massive synchronisée

Bien que cela ne concerne pas notre bon vieux bouclier persan, certaines espèces de Strobilanthes sont des exemples d’un phénomène botanique qu’on appelle «fructification massive synchronisée», où les plantes coordonnent leur reproduction en produisant une floraison massive certaines années, plutôt qu’une production faible comme les autres années. On croit qu’il s’agit d’une adaptation pour assurer que certaines graines puissent survivre, puisque les animaux qui les consomment ont alors plus de nourriture qu’ils ne peuvent dévorer.

Dans le cas des strobilanthes, on voit que S. kunthiana fleurit une fois tous les douze ans, année spéciale à laquelle tous les individus fleurissent en même temps. C’est une espèce qui ne pousse que sur la chaîne de montagnes indiennes nommée Ghâts occidentaux; les collines sont alors recouvertes d’épis floraux bleu-violet, pour un spectacle impressionnant. Après cette floraison, la plante meurt.

La prochaine floraison aura lieu en 2030. À la demande générale, il me fera plaisir d’aller couvrir l’événement en direct pour le Jardinier paresseux (tous frais payés, bien sûr). Nul besoin de me remercier, je suis plein d’abnégation comme ça. Photo par Rakeshkdogra.

Conclusion

Comme mon expérience l’a prouvé, il est possible de conserver un strobilanthes à l’intérieur l’hiver, même sans humidificateur. La plante demande cependant un entretien, notamment par la taille et probablement par un séjour estival dehors, mais elle peut alors devenir une potée touffue d’un feuillage violet iridescent. Maintenant que je sais comment la rendre belle, je vous dirai dans un an si j’ai réussi à produire quelque chose d’aussi beau que ce que j’ai vu en vente… à suivre. Entre nous, la plante est tellement belle qu’il vaut la peine de relever le défi! Et vous, allez-vous garder vos strobilanthes vendus comme annuelles une fois l’été fini?

Photo par Top Tropicals.

  1. Très cher (vous permettez) Collin,
    J’adore vos articles tellement touffus, non pas que je sois une jardinière passionnée, mais plutôt que j’apprécie et admire l’affection que vous démontrez pour les belles plantes que vous nous présentez. Merci et A+

  2. Désolée, Colin, un seul L.

  3. Marie-Josée Lafaille

    Bonjour, tu m’a eue mon cher car au debut de l’article, je me disais « je n’ai aucun intérêt pour une plante de maison difficille à garder ». Mais elle est si belle que tu m’as donné le goût d´essayer avec la méthode du plastique l’hiver. Le look metallique me fait penser à la vivace Brunnera Jack Frost. Bonne journée

  4. Je suis curieux ! Si je cultive du S. dyerianus en intérieur sans humidificateur, existe-t-il une astuce pour conserver ses feuilles violettes irisées toute l’année ? Ou dois-je le mettre dehors en été pour obtenir cet effet ? Among Us Online

  5. Super intéressant! J’ai toujours eu du mal avec les plantes qui demandent beaucoup d’humidité. C’est un peu comme essayer de combiner les bonnes cartes dans un jeu de merge solitaire pour réussir un beau tableau végétal. J’ai hâte de lire vos astuces pour les Strobilanthes!