Quatre autres plantes aux feuilles bizarres
Le 30 novembre 2017, le sujet de ce blogue était Cinq plantes aux feuilles bizarres. Voici un autre blogue sur le sujet, avec cette fois-ci quatre plantes aux feuilles réellement étranges.
Albuca spiralé (Albuca spiralis ‘Frizzle Sizzle’)
Personne ne sait pourquoi les feuilles de l’albuca spiralé poussent enroulées en tire-bouchon, mais c’est bel et bien sa façon de croître, en culture comme dans la nature dans le sud de l’Afrique. Peut-être que les feuilles enroulées offrent une certaine protection contre le soleil très intense du secteur? Personne ne le sait.
L’albuca ‘Frizzle Sizzle’ est très populaire et se vend par milliers en pots individuels au printemps, surtout comme «curiosité végétale». Je soupçonne que cette popularité diminuera, car la plante n’est pas nécessairement très facile à cultiver, du moins, quand on essaie de lui faire passer l’hiver, et ainsi peu de gens réussissent à la garder au-delà du premier été. Comme elle est plus curieuse que belle et assez coûteuse, aurez-vous vraiment une raison d’acheter une nouvelle plante tous les printemps une fois votre curiosité satisfaite?
C’est une petite plante de la famille des Asparagacées de 10 à 20 cm de hauteur et de 15 à 20 cm de diamètre qui pousse à partir d’un bulbe habituellement enterré… mais que vous pouvez laisser exposé aux trois quarts pour un effet encore plus bizarre si vous le voulez. Les feuilles spiralées sont vert moyen, parfois un peu glauque. Plus les conditions sont sèches, plus elles tire-bouchonnent. Les feuilles poussent à partir d’un bulbe verdâtre rappelant un peu un oignon, mais toxique.
Les fleurs sont portées par groupe de 10 à 20 sur une tige dressée de 15 à 20 cm de hauteur et rappellent vaguement une jacinthe par leur positionnement alors que chaque fleur individuelle ressemble à un narcisse trompette retombant. En effet, il y a trois tépales qui s’ouvrent grandement et trois qui restent serrés, ces derniers formant la «trompette». Les fleurs sont vertes ourlées de jaune et pas nécessairement très voyantes. Leur parfum est agréable, mais de faible intensité.
Le cultivar ‘Frizzle Sizzle’ est une sélection de l’espèce faite par le Néerlandais Gerardus Adrianus Maria Zwidgerst. On le dit plus frisé que l’espèce (ce qui est discutable), mais surtout mieux adapté à une culture estivale. Alors que l’espèce semble limitée à un cycle de croissance relativement court, entrant rapidement en dormance après la floraison, ‘Frizzle Sizzle’ refleurit souvent plusieurs fois pendant l’été, notamment à la fin de l’été quand les températures baissent un peu. Bien que la plante soit à croissance hivernale sous le climat méditerranéen de son pays d’origine, on a réussi à l’adapter à un cycle de croissance printanière et estivale en culture et on la vend donc au printemps en pleine croissance.
Quand des bulbes secondaires se forment autour de la plante mère, vous pouvez les utiliser pour produire de nouvelles potées de cette plante.
Placez ‘Frizzle Sizzle’ dans un emplacement ensoleillé et arrosez seulement quand le sol est sec. Il tolère mieux un peu de sècheresse que trop d’eau. Pendant l’été, on peut le cultiver en plein air, habituellement comme annuelle, ou encore, comme bulbe tendre à rentrer à l’automne. Seulement dans les régions au climat méditerranéen, donc chaud et sec l’été et plus frais et pluvieux l’hiver (zones 8 à 10), peut-on songer à le cultiver en plein air toute l’année. Après la floraison, le feuillage commence à jaunir, signe qu’il est temps de cesser les arrosages et de mettre la plante en dormance, car cela aide à stimuler sa prochaine floraison. Comme habituellement cette plante est cultivée en pot, logiquement vous la laisserez dans son pot pendant sa dormance, désormais hivernale.
Il est aussi possible de le cultiver toute l’année si vous maintenez des arrosages plus fréquents, mais, sans période de dormance, il y a moins de chance que la plante refleurisse.
Malgré ces possibilités, la plupart des gens pensent qu’il est en train de mourir quand les feuilles jaunissent en fin de saison et ils jettent alors la plante à l’automne.
Arum titan (Amorphophallus titanum)
Cette plante de la famille des Aracées est surtout connue comme la plante avec la plus grosse inflorescence au monde, atteignant parfois 3,5 m de hauteur. Quand elle fleurit dans un jardin botanique, c’est un grand événement médiatique et les gens viennent en grand nombre la voir et la sentir (car l’inflorescence dégage une odeur nauséabonde). La floraison ne dure qu’environ trois jours.
Sa forme est un peu spéciale aussi et le nom botanique le dit clairement: Amorphophallus titanum veut dire «pénis difforme géant». C’est le spadice central colonnaire, composé de milliers de fleurs minuscules, qui prend cette forme. Il est entouré d’une énorme spathe (bractée) verte à l’extérieur et d’un rouge vin lugubre à l’intérieur.
Ce que tout le monde semble oublier est que la feuille est tout aussi spectaculaire que la fleur. À son maximum, elle peut atteindre 7 m de hauteur et 5 m d’envergure. On dirait un épais tronc vert marbré de pourpre et coiffé de nombreuses feuilles ovales, mais en fait, le «tronc» n’en est pas un. C’est le pétiole parfaitement dressé de l’unique feuille que la plante produit et les «feuilles» au-dessus sont en fait un seul limbe fortement découpé. En fait, la feuille ressemble tellement à un arbre qu’elle est prise pour un arbre par ceux qui ne la connaissent pas. Malgré sa taille démesurée, la feuille est une structure temporaire et meurt après environ six mois de croissance quand la plante entre en dormance.
Les années où la plante fleurit (et elle ne fleurit qu’aux sept à dix ans), la floraison a lieu pendant la période où la feuille est dormante.
Il ne faut pas passer sous silence le tubercule souterrain qui grossit année après année et qui peut atteindre le poids incroyable de 154 kg! Il faut un pot énorme (1000 litres) pour le contenir! Après une floraison, le tubercule rapetisse et la prochaine feuille aussi perd sa taille titanesque, n’étant pas plus haute que la taille d’un homme. Puis la feuille et le tubercule grossissent de nouveau année après année, emmagasinant de l’énergie en vue de la prochaine floraison.
Évidemment, cette plante n’est pas un bon choix pour la culture dans la maison ni dans le jardin, à moins que vous ne viviez soit dans une grande serre tropicale soit dans une jungle. Il ne faut qu’un éclairage moyen, mais une forte humidité (80% et plus) et des températures chaudes (21 à 30 °C le jour et jamais moins que 19 °C la nuit pendant la période de croissance) pour arriver à la faire pousser. Par contre, on trouve cette plante géante dans beaucoup de jardins botaniques.
Il existe toutefois des espèces d’Amorphophallus de taille plus restreinte qui seraient plus intéressantes à essayer de cultiver, comme A. konjac (anc. A. rivieri), qu’on peut facilement cultiver en pot comme plante d’intérieur ou comme bulbe d’été pourvu qu’on respecte son besoin pour une dormance hivernale. Il peut même pousser en pleine terre (zones 7 et plus). La feuille unique atteint quand même une taille impressionnante: 1,2 à 1,8 m de hauteur! Et cette espèce peut fleurir annuellement… si les conditions sont exceptionnellement bonnes. Chez moi, par contre, je n’ai eu que deux floraisons en presque 20 ans! Notez bien qu’il faut recouvrir le tubercule d’au moins 15 cm de terre, car les racines émergent du haut du tubercule, pas du bas.
Tous les amorphophallus sont toxiques aux humains, chiens et chats, bien que le tubercule cuit soit comestible.
Bégonia ‘Bunchii’ (Begonia x erythrophylla ‘Bunchii’)
Passons maintenant à une plante de taille plus commode, une plante d’intérieur que tout jardinier pourrait facilement cultiver, mais avec des feuilles encore bizarres à souhait: le bégonia ‘Bunchii’.
Il s’agit d’un bégonia hybride, trouvé à l’origine par Lloyd Bunch en 1914 en tant que mutation sur le populaire bégonia nénuphar (B. x erythrophylla). Plutôt que d’être lisses, les marges des feuilles de ‘Bunchii’ sont fortement et bizarrement frisées, ce qui lui a mérité le nom de «lettuce leaf begonia» (bégonia à feuilles de laitue) en anglais. De plus, les feuilles ont une jolie coloration: vert bronzé avec un revers rouge vin… et la plante fleurit facilement l’hiver (c’est une plante à jours courts), produisant des nuages de petites fleurs rose pâle à cette période. C’est une plante d’intérieur patrimoniale largement distribuée à travers le monde… dans les maisons privées, mais rarement offerte dans le commerce… sans doute parce qu’elle n’est plus aussi à la mode qu’elle l’a été il y a 75 à 100 ans!
Le bégonia ‘Bunchii’ est de culture facile. Poussant à partir de rhizomes rampants qui courent sur la surface du pot et qui en retombent quand la plante est plus mature, il tolère facilement les conditions de maison, dont un éclairage moyen et des températures et niveaux d’humidité normalement trouvés dans un logement. Un peu d’engrais de temps en temps et parfois un peu de taille (pour que les rhizomes ne débordent pas trop du pot) peuvent être utiles. On peut facilement multiplier cette plante par boutures de rhizomes ou même par boutures de feuilles ou de sections de feuille.
Par contre, ‘Bunchii’ n’est pas le plus «frisé» des bégonias. Ce titre revient à B. ‘Crestabruchii’, similaire, mais aux feuilles plus grosses, poilues plutôt que lisses et beaucoup plus frisées à la marge. Par contre, je trouve ‘Crestabruchii’ difficile à bien cultiver, avec une nette tendance à aller en dormance à l’automne. Donc, la feuille de ‘Crestabruchii’ est plus bizarre, mais ‘Bruchii’ est beaucoup plus facile à cultiver.
Echeveria caronculé (Echeveria gibbiflora carunculata)
Le genre Echeveria est un genre de plantes succulentes originaires des régions arides d’Amérique centrale, nommé pour l’artiste botanique mexicain Atanasio Echeverría. C’est un membre de la famille des Crassulacées et il est très apparenté au genre Sedum. Typiquement, les echeverias produisent des plantes courtes et trapues formant une dense rosette de feuilles épaisses, souvent de couleur bleu glauque ou encore, fortement couvertes de poils blancs, et des épis dressés de fleurs en clochettes roses, rouges ou orange, souvent aux pointes jaunes. Elles font beaucoup penser aux joubarbes (Sempervivum spp.) de nos rocailles qui sont, essentiellement, les pendants européens rustiques des echeverias centraméricains gélifs.
L’echeveria caronculé est une variante de l’E. gibbiflora, aux feuilles lisses et épaisses. L’echeveria caronculé en diffère par ses feuilles caronculées, c’est-à-dire qui portent des caroncules, soit des excroissances charnues. Il n’est pas clair si cette forme existe à l’état sauvage et mérite alors vraiment son épithète botanique (carunculata) ou si elle est uniquement trouvée en culture (dans ce cas, il faudrait l’appeler ‘Carunculata’). Et la feuille est réellement bizarre, le limbe portant de multiples bosses irrégulières, comme si elle était envahie par un cancer métastatique: il n’y a pas deux feuilles pareilles. Les feuilles sont d’un bleu vert glauque rehaussé de rose, souvent à marge ondulée, et peuvent être de bonne taille, donnant une rosette de jusqu’à 30 cm de diamètre. Les fleurs estivales sont rouges et d’intérêt nettement secondaire comparativement au feuillage curieux.
Avec le temps, les feuilles inférieures tombent, libérant un «tronc» épais… mais la plupart des gens jugent cette façon de pousser disgracieuse et rempotent occasionnellement la plante, coupant le fond de la motte de racines de façon à pouvoir la placer plus au fond pot, puis enterrent la tige nue sur laquelle, bientôt, de nouvelles racines apparaissent. Ou encore, ils coupent la tête de la plante et la bouturent. Si vous continuez de cultiver le tronc, il produira des plantules que vous pourrez utiliser pour la multiplication.
On trouve assez facilement cette plante en pépinière, mais elle est rarement identifiée. Généralement, on voit surtout des hybrides comme ‘Etna’ (le plus courant), ‘Cameo’, ‘Dick Wright’ et ‘Barbillion’, mais, sans étiquette, il est peu probable que vous sachiez un jour le vrai nom de votre plante.
Il faut à cette plante un maximum de lumière pour bien pousser, avec plusieurs heures de soleil direct, du moins pendant l’été. L’hiver, quand il est presque en dormance, il peut tolérer plus d’ombre. Les plantes placées un tant soit peu à l’ombre tendent à rapetisser peu à peu et finissent par mourir. Arrosez relativement abondamment au printemps et à l’été et vous pouvez même alors fertiliser un tout petit peu à cette saison (tout engrais conviendrait), mais l’automne et surtout l’hiver, il faut réduire les arrosages à un minimum, n’arrosant que quand le terreau est réellement sec en profondeur.
L’echeveria caronculé tolère très bien la canicule estivale, mais préfère un hiver au frais et au sec. En théorie, il peut tolérer une touche de gel, mais je vous suggère de ne pas pousser le bouchon trop loin. La plante n’est pas à l’aise avec une forte humidité et il faut surtout éviter de verser de l’eau dans le feuillage l’hiver, car elle peut s’accumuler et provoquer une pourriture fatale.
On multiplie la plante par boutures de tige ou par séparation de plantules. Par boutures de feuilles, aussi, du moins en théorie, mais je n’ai jamais eu de succès avec cette méthode.
Et voilà! Quatre plantes à feuillages tout à faire remarquables. Il y en aura d’autres au cours des semaines à venir.
[…] J’écris une série de blogues sur les plantes aux feuilles bizarres, des articles qui paraîtront de temps en temps au cours des mois à venir. Deux articles précédents ont déjà été publiés: vous pouvez les lire à Cinq plantes aux feuilles bizarres et Quatre autres plantes à feuilles bizarres. […]
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