Plantes aux feuilles bizarres: les plantes à fenêtre
Voici encore un autre article sur les plantes à feuillage bizarre, une petite série que je publie de temps en temps. Cet article fait suite à Cinq plantes aux feuilles bizarres, Quatre autres plantes aux feuilles bizarres et Plantes aux feuilles bizarres: les feuilles perfoliées, si jamais vous voulez les relire.
Comment les feuilles fonctionnent… habituellement!
Presque partout sur la planète, les feuilles ont la même structure. Elles ont une surface supérieure plane et vert foncé, couleur qui vient des chloroplastes, ces cellules vertes qui convertissent la lumière solaire en énergie et qui sont placées juste sous la surface de la feuille. Leur partie inférieure a peu de chloroplastes et est donc vert plus pâle. Cette organisation est très logique, car la plante veut capter un maximum d’énergie solaire et le soleil se trouve au-dessus de la plante. Même leur port (la plupart des feuilles sont portées à l’horizontale) est conçu pour recevoir tout le soleil possible.
Se protéger du soleil
Voilà pour une feuille typique! Mais certaines plantes, notamment celles de climat aride, sont confrontées à une situation où le soleil est tellement intense et brûlant que la plante ne peut pas absorber toute l’énergie produite. Bien au contraire, elle doit se protéger des excès de soleil.
Ces végétaux ont développé différentes stratégies pour contourner un soleil trop intense. Parfois, les feuilles sont recouvertes de cire ou de poils qui réfléchissent une bonne partie du soleil, parfois la plante sacrifie ses feuilles pour faire la photosynthèse à partir de ses tiges (c’est le cas notamment des cactées) et parfois la plante abandonne la partie complètement, perdant ses feuilles pour rester en dormance pendant la saison chaude. Mais de toutes les adaptations à un soleil trop intense, ce sont les plantes à fenêtre qui sont les plus fascinantes.
La fenêtre foliaire: une vitrine végétale
La plupart des plantes à fenêtre se retirent sous le sol pendant la saison chaude, ne laissant que la pointe de leurs feuilles exposée. Et cette partie exposée n’est pas verte, mais translucide, comme une fenêtre. Ainsi, la lumière intense et brûlante pénètre par la pointe de la feuille, mais se trouve alors diffusée et redirigée vers les chloroplastes qui sont situés à l’intérieur de la feuille, sous le sol. D’ailleurs, «pointe de la feuille» est presque un oxymoron: le bout des feuilles des plantes à fenêtre est rarement pointu, car une surface mince perdrait trop d’eau. Il est donc plutôt tronqué ou arrondi, ce qui réduit la surface exposée au vent asséchant.
Cette adaptation ingénieuse, que les botanistes appellent tout simplement une fenêtre foliaire ou fenêtre épidermique, s’est produite non pas une seule fois, mais plusieurs fois, dans des familles différentes. Les pierres vivantes (Lithops, Fenestraria, Frithia, Opthalmophyllum, etc.), aussi appelées plantes cailloux, de la famille des Aizoacées, sont les plus connues des plantes à fenêtre, mais plusieurs plantes dans d’autres familles, comme les Asphodelacées, les Astéracées et des Pipéracées, appartiennent aussi à cette catégorie.
Curieusement, presque toutes les plantes à fenêtre viennent des déserts du sud de l’Afrique. On ne sait toutefois pas ce qu’il y a de si particulier dans les conditions de cette région qui stimule les plantes à développer une fenêtre plutôt que, ou en plus, d’autres méthodes de survie à la sécheresse: succulence, longue dormance, réduction des stomates, etc.
Une fenêtre bien en évidence
La plus visible des fenêtres est sans doute celle du Fenestraria rhopalophylla, une Aizoacée souvent appelée tout simplement «plante à fenêtre» (le sens du nom Fenestraria). Cette plante présente une touffe de feuilles tubulaires dressées gris-vert pâle, chacune coiffée d’une extrémité arrondie complètement translucide: on dirait qu’elle est coiffée d’une lentille cornéenne!
Dans la nature, seulement la pointe translucide est visible, du moins, pendant la saison sèche, le reste de la plante demeurant enterré. En culture, on se plaît à exposer la base des feuilles, en partie pour mettre la forme curieuse de la plante plus en valeur, mais surtout, parce qu’on n’arrive pas à imiter la chaleur intense et sèche de son pays natal dans nos demeures: si l’on enterre les feuilles comme dans la nature, la pauvre plante tend à pourrir.
Frithia pulchra, une autre Aizoacée, est très similaire, avec les mêmes feuilles tubulaires et croissance en rosette, mais cette fois, les extrémités paraissent tronquées plutôt qu’arrondies.
Les véritables «pierres vivantes» ou «plantes cailloux» (genre Lithops, famille des Aizoacées) ont aussi des fenêtres, mais elles sont moins visibles, car la fenêtre est marbrée de taches opaques plus pâles qui imitent la coloration des roches voisines.
Chaque pierre vivante (et il en existe des dizaines d’espèces) se compose de deux feuilles en demi-lune pressées l’une contre l’autre et les feuilles peuvent être vertes, grises ou même rougeâtres. Leurs proches parents, les Conophytum, n’ont qu’une seule feuille perfoliée par plante. Certains Conophytum ont des fenêtres, d’autres pas.
Des mini-aloès
Le genre Haworthia est très proche de genre Aloe (les deux appartiennent à la famille des Asphodelacées) et plusieurs espèces ressemblent d’ailleurs à de petits aloès, avec une croissance en rosette et des feuilles nettement pointues.
Les espèces qui ont des fenêtres ont cependant des feuilles à l’extrémité plus arrondie. Dans la nature, elles vivent sous le sol avec seulement cette partie de la feuille exposée. Certaines, comme H. cymbiformis et H. retusa, ont de petites fenêtres à l’extrémité de la feuille qui se mélangent à des cellules vertes normales, alors que chez H. truncata, l’extrémité de la feuille, qu’on dirait coupée à la scie, est entièrement translucide, un détail qu’on ne remarque que de près.
Un autre genre de la famille des Asphodelacées, Bulbine, produit aussi quelques plantes à fenêtre (notamment B. haworthioides et B. mesembryanthemoides) qui, elles aussi, ont des feuilles collées au sol portant des marques translucides. Curieusement, la plupart des autres bulbines ont un comportement très différent: ce sont des plantes à bulbe qui passent la saison sèche en dormance sous le sol et qui produisent des feuilles comme celles des graminées pendant leur saison de croissance.
Yeux de chat
Le collier de perles (Senecio rowleyanus), une petite plante d’intérieur assez populaire de la famille des Astéracées, est aussi une plante à fenêtre, mais sa fenêtre est plutôt discrète. Chacune de ses petites feuilles, presque aussi ronde qu’une perle, est vert tendre… mais cette partie de la feuille ne fait pas de photosynthèse. Vous remarquerez que chaque feuille porte une raie qui paraît vert foncé, comme un œil de chat, mais qu’en fait, elle est transparente, laissant voir l’intérieur de la feuille. C’est par cette fente que la lumière pénètre et atteint les cellules faisant de la photosynthèse à l’intérieur de la feuille, sur le pourtour.
Contrairement aux autres plantes à fenêtre vues jusqu’à maintenant, cette plante n’est pas partiellement souterraine, mais pousse dans la nature complètement exposée, comme plante tapissante, ses longues tiges s’enracinant en touchant le sol. En culture, on la fait souvent retomber joliment d’un panier suspendu.
S. herreianus, aussi appelé collier de perles, est similaire, mais aux feuilles plus pointues. La chaîne de bananes (S. radicans) produit des feuilles succulentes encore plus allongées rappelant, comme le nom le suggère, des bananes. Les deux portent le même genre de fenêtre très étroite.
Feuille pliée en deux
On a vu que la fenestration a évolué indépendamment dans différentes familles, presque toutes originaires d’Afrique du Sud, mais il y a une exception importante.
Dans le vaste genre Peperomia de la famille des Pipéracées, qui comprend plus de 1500 espèces distribuées partout dans les tropiques, il y a aussi quelques espèces à fenêtre, toutes originaires du Pérou et de l’Équateur. La logique derrière leur fenestration n’est pas aussi claire, car ces pépéromias ne vivent pas dans une région désertique, mais plutôt dans une forêt tropicale, souvent en épiphyte. Mais il peut être utile à une plante épiphyte, sans terre pour protéger ses racines et exposée au vent, de développer une résistance à la sécheresse, alors…
Ce qui est fascinant avec le pépéromia du prêcheur (P. dolabriformis, dont le nom spécifique veut dire en forme de doloire, un genre de hache) est qu’on semble l’avoir surpris en pleine évolution. On sent très bien que ce qui était à l’origine une feuille elliptique et plane tout à fait ordinaire s’est plié vers le centre, comme une main en prière (d’où le nom commun pépéromia du prêcheur). Ce qui était l’endos vert pâle de la feuille est désormais porté à la verticale avec une fenêtre légèrement enfoncée (qui paraît vert foncé, mais qui est en fait transparente) au centre.
D’autres pépéromias ont un port similaire, comme P. nivalis et le très surprenant P. graveolens, où l’extérieur de la feuille est rouge et fait donc tout un contraste avec la fenêtre verte au centre.
P. ferreyrae, aux feuilles succulentes étroites et pointues, légèrement arquées, semble plus évolué, car on ne remarque plus l’effet de feuille pliée en deux.
Enfin, le plus bizarre des pépéromias à fenêtre est sans aucun doute le pépéromia colonnaire (P. columella) dont les petites feuilles très succulentes semblent carrément tronquées.
Les plantes à fenêtre sont réellement fascinantes: placez-en devant votre fenêtre!
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Comment garder les plantes cailloux,j’ai essayé quelques fois mais je les perds surtout l’hiver ,elles pourrissent
Je voulais éviter d’aborder cette question épineuse, car c’est compliqué à expliquer, mais essentiellement, il faut seulement arroser ces plantes de mai à septembre, arrosant bien, mais laissant quand même le terreau s’assécher avant d’arroser de nouveau. En automne et en hiver, même si les feuilles semblent ratatinées, pas une goutte d’eau. Vers la fin du printemps (mai, habituellement), de nouvelles commenceront à ressortir des “carcasses” des anciennes, qui auront l’air complètement assèchées à ce moment. C’est là que vous commencez à arroser de nouveau.
Fascinante Nature,…..wow
Bonjour jardinier,
j’adore le Senecio rowleyanus, mais j’en ai perdu 3. Un a eu de la moisissure, les boules ont fondu les unes après les autres, j’ai moins arrosé le suivant qui s’est desséché. J’ai changé la terre du 3ème en le mettant dans de la terre à cactées et en l’arrosant peu, tous les 15 jours, et il a eu la même maladie que le 1er. Je vient d’en racheter un 4ème, ce sera ma dernière tentative. Pourriez-vous me prodiguer vos précieux conseils ?
Il faut toucher au terreau avant d’arroser. Essayer de mettre une plante sur un régime spécifique est rarement une bonne idée, car ses besoins peuvent changer selon une foule de facteurs. Aussi, offrez beaucoup de soleil.
Merci pour ce superbe article, magnifiquement illustré !
Claire