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Apoballis et Schismatoglottis: origine, variétés et conseils de culture

Photo de Schismatoglottis calyptrata, par Kenraiz.

Voilà, on est en mars, l’hiver abuse de notre hospitalité. Et même moi, qui suis un amateur de plantes d’intérieur (choquant, n’est-ce pas?), il y en a certaines que je regarde ces jours-ci d’un œil attristé et/ou empli de colère. Ces amies vertes, qui étaient si jolies durant l’été, sont maintenant de plus en plus ternes, de moins en moins fournies, et les rares feuilles qui restent commencent à sécher de la pointe jusqu’aux côtés.

L’article d’aujourd’hui concernera non pas une sorte de plante, mais deux, dont la culture est tellement similaire qu’il serait inutile d’écrire un deuxième article. Il s’agit de l’apoballis et du schismatoglottis, deux plantes au feuillage ornemental (et, pour la seconde, au nom esthétiquement déficient) qui souffrent particulièrement de la sécheresse atmosphérique, commune durant l’hiver.

Origine

Les deux plantes appartiennent à la famille des Aracées, une famille bien connue des adorateurs de plantes d’intérieur, de laquelle vient nombre d’invités de nos intérieurs: Epipremnum aureum (pothos), Philodendron, Spathiphyllum (lis de la paix), Aglaonema, Dieffenbachia, Anthurium, Zamioculcas zamiifolia (ZZ)… et j’en passe!. En effet, on apprécie les Aracées pour leur feuillage et leur tolérance relative au manque de lumière.

Dans un élan saisissant d’originalité, les apoballis appartiennent au genre Apoballis et les schismatoglottis au genre Schismatoglottis. Cela dit, les deux plantes sont tellement proches que certains botanistes rangent les apoballis, quelque 12 espèces qu’elles sont, dans le genre Schismatoglottis, lui-même composé d’une centaine d’individus.

C’est précisément l’espèce Apoballis acuminatissima qu’on tend à voir apparaître parfois comme plante d’intérieur, un spécimen particulièrement esthétique qui sera décrit plus loin. Cette plante vient, comme la plupart des apoballis, de l’île de Sumatra en Indonésie.

En ce qui concerne les schismatoglottis, plusieurs plantes retrouvées dans nos intérieurs sont des hybrides aux parents non spécifiés. On a découvert des schismatoglottis dans la nature dans l’Océanie et en Asie du Sud-Est, particulièrement sur l’île de Bornéo. Fait intéressant: il existe également une sorte de schismatoglottis, S. prietoi, qui est entièrement aquatique.

Photo par Alexey Yakovlev d’un des cent schismatoglottis du genre – si les réputés experts de l’espèce savent duquel il s’agit, ils peuvent l’écrire dans les commentaires. En attendant, notons la couleur de la feuille, d’un vert presque argenté – certains cultivars adoptent des teintes similaires, au grand bonheur des collectionneurs de plantes au feuillage ornemental.

Description

Plusieurs caractéristiques des apoballis et des schismatoglottis rappellent d’autres Aracées, notamment leur inflorescence (rare en intérieur et à intérêt restreint) formée d’un spadice et entourée d’une spathe, typique des Aracées.

Les deux plantes sont composées de larges feuilles cordiformes ou légèrement lancéolées dépendamment des espèces, elles sont minces, ont une texture parfois presque parcheminée et aux couleurs variées, liées par un moyennement long pétiole à une tige. Les sujets plus petits ressemblent à des rosettes, mais avec l’âge, la perte naturelle des feuilles révèle une tige marquée de cicatrices foliaires. Plusieurs années peuvent être nécessaires pour voir la tige en raison de l’espace internodal restreint. Le détail des feuilles, principal critère esthétique, sera abordé plus loin lorsque seront présentées les diverses variétés.

Ni les apoballis ni les schimatoglottis ne tendent à se ramifier, même lorsqu’ils sont taillés. Cependant, ils forment des plantes d’intérieur fournies en raison de leur tendance à la multiplication végétative par rejets. Les apoballis, comme les lis de la paix, dont ils sont si proches tant de formes que de culture, vont former des colonies d’individus très serrés les uns sur les autres, tandis que les schismatoglottis produisent des rejets qui apparaissent un peu plus loin au bout d’un rhizome souterrain, un peu plus à la manière des aglaonemas.

Apoballis acutissima ‘Lavallei’, par Chen Kuntsan.

Variétés

La seule forme d’apoballis qu’on retrouve parfois sur le marché au Québec est la magnifique A. acutissima ‘Red Sword’ ou ‘Lavallei’ (ces deux noms semblent être des synonymes), une plante dressée et vive, dont les feuilles vertes sont plus ou moins mouchetées d’argent, parfois tellement que la plante paraît plus argentée que verte. Les feuilles sont donc luisantes à la lumière, tandis que le revers est d’un pourpre particulièrement profond. Les pétioles sont aussi de cette teinte, pour un beau contraste avec les feuilles.

Aucun autre apoballis ne semble utilisé comme plante d’intérieur pour l’instant. En revanche, quelques schismatoglottis apparaissent occasionnellement dans les commerces! Le plus commun est s. wallichi, une plante de taille considérable. Les feuilles sont d’un vert foncé orné de deux bandes d’un vert plus pâle. Au niveau du port, on voit des feuilles moins dressées que pour l’apoballis présenté plus haut, rappelant un peu plus la forme du syngonium ou de l’alocasia.

Photo de S. wallichii, par Mokkie.

S. borneo ‘Silver’

S. borneo ‘Silver’ est une plante aux feuilles plus petites, minces, dont la couleur centrale verte est largement bordée de bandes argentées. On voit même aussi apparaître les magnifiques feuilles entièrement argentées de l’hybride schismatoglottis ‘Silver’ ou ‘Silver Form’, une plante à croissance dense et chétive. Certains hybrides complexes, plus rares au Québec, présentent des feuilles dont le détail rappelle les motifs de camouflage (comme S. ‘Thailand’ et d’autres non spécifiés) ou des ornements aux teintes argentées (S. hendrikii, S. metallica). À partir de ce moment, non seulement les hybrides sont plus difficiles à dénicher (à mon grand dam!), mais en plus les noms commencent à se mêler et certains sont simplement désignés comme Schismatoglottis sp., soit une espèce indéterminée pour le moment.

Cette photo, d’une qualité discutable, met en vedette une plante que j’ai trouvée dans une quincaillerie, sans autre identification que la mention «Feuillage» accompagnée d’un prix. À ce jour, je n’ai toujours pas la certitude de quelle plante il s’agit, mais sa forme (et la vitesse effarante à laquelle elle a choisi de se dessécher et de mourir) m’amène à penser qu’il s’agissait bel et bien d’un Schismatoglottis sp.

Conseils de culture

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Lumière

Une lumière moyenne est le minimum nécessaire pour assurer la santé des plantes. Une lumière vive serait d’ailleurs préférable. En situation de lumière basse, les plantes poussent lentement et le risque de pourriture des racines est grandement accru.

Attention cependant au soleil direct: s’il est loin d’être fatal pour les plantes d’intérieur (contrairement à ce qu’on dit souvent), l’augmentation de la chaleur amènerait la plante à utiliser rapidement ses réserves d’eau pour compenser. Et, comme nous allons voir plus tard, l’arrosage est un peu délicat. La prudence est de mise: après tout, les apoballis et les schismatoglottis ne sont pas habitués à voir de soleil direct dans leur environnement naturel.

Pour plus d’informations sur la luminosité en hiver et nos plantes d’intérieur.

Arrosage

Ces deux plantes font partie de la catégorie complexe des plantes qui ont besoin que le terreau s’assèche très légèrement, mais qui ne tolèrent pas que le terreau s’assèche longtemps. Je m’explique: optimalement, on voudrait laisser le terreau de plantes comme le lis de la paix ou l’hibiscus s’assécher très légèrement et que la plante commence à avoir un peu soif pour ensuite l’abreuver intensément. En effet, un terreau constamment humide amène éventuellement la pourriture des racines.

Cependant, les feuilles minces de l’apoballis ou du schismatoglottis ne conservent aucune eau et on peut voir les plantes assoiffées s’écraser dramatiquement si elles sont laissées à elles-mêmes trop longtemps. Quand elles sont abreuvées, elles reprennent une belle forme… les premières fois. Si elles subissent ce sort trop fréquemment, elles finissent par ne plus se redresser.

En règle générale, les gens qui ont du succès avec les lis de la paix sauront bien comment arroser ces deux plantes. Sous une lumière vive, il ne devrait pas y avoir de problème afin de garder le terreau constamment humide. Les apoballis tolèrent légèrement mieux la sécheresse et peuvent être arrosés un peu plus parcimonieusement.

Fait intéressant: les schismatoglottis évacuent leur excès d’eau par guttation, ces petites gouttes qui apparaissent au bout des feuilles, un phénomène tout à fait normal. Mais attention de ne pas tacher les meubles sur lesquels ils reposent!

Humidité atmosphérique

Les plantes tolèrent difficilement nos intérieurs sans un petit peu d’aide. Elles ne sont cependant pas trop exigeantes en matière d’humidité atmosphérique: ce n’est que l’hiver qu’elles font des caprices. Toutes les autres saisons, elles mènent leur petit train de vie sans problème. L’hiver, il est possible que vous ayez à ensacher vos plantes durant les mois de chauffage intense, car le chauffage assèche beaucoup l’air ambiant. Les autres options sont d’utiliser un humidificateur ou de grouper les plantes délicates au cœur d’autres plantes.

S. neoguineensis au feuillage moucheté rappelant les motifs camouflage évoqués plus haut. Photo par David J. Stang.

Terreau et rempotage

Aucune préférence niveau terreau, un terreau de base pour plantes d’intérieur conviendra sans problème. Je trouve personnellement que les terreaux à base de fibre de coco sont les plus faciles à garder uniformément humides.

Le seul moment où il faut rempoter la plante, c’est lorsqu’on n’est plus capable de lui assurer un arrosage constant puisque le terreau, en quantité de plus en plus disproportionnée par rapport aux racines, n’arrive pas à leur assurer l’hydratation requise.

Attention: les apoballis sont plus susceptibles à la pourriture des racines et apprécient donc un terreau où sont additionnés des éléments drainants (perlite, copeaux de bois, sable). Les schismatoglottis tendent à tolérer tout type de terreau sans trop de problèmes. C’est probablement la principale différence entre les deux plantes…

Engrais

On peut les fertiliser avec la dose recommandée d’engrais tout usage durant la période de croissance (donc principalement de la moitié du printemps à la moitié de l’automne). En termes de croissance, une autre différence entre les deux plantes: les schismatoglottis poussent beaucoup plus vite que les apoballis.

Température

Plantes tropicales par excellence, éviter les descentes en dessous des 15 °C.

Entretien

Aucune taille n’est nécessaire pour les garder belles. Une fois que l’hygrométrie et l’arrosage sont compris, ce sont des plantes qui demandent très peu de soin. À la rigueur, on doit retirer une feuille basale lorsqu’elle sèche et, pour ceux que ça dérange, couper la pointe des feuilles qui aurait peut-être bruni l’hiver en raison de la sécheresse atmosphérique. Mais évidemment, cela veut dire ne pas respecter la règle des 15 pas!

Multiplication

On va généralement diviser les plantes pour les multiplier. Il faut pour cela avoir un spécimen suffisamment mature pour qu’il ait commencé à produire des rejets. On déterre alors la plante pour sectionner la racine qui relie le rejet à la plante mère, mais seulement lorsque le rejet a produit quelques-unes de ses propres racines. Évidemment, c’est beaucoup plus facile à faire pour les rhizomes longs et visibles des schismatoglottis que pour les racines serrées des apoballis.

Je n’ai personnellement jamais testé le bouturage par tige et on trouve peu d’informations à ce sujet. En ce qui concerne les apoballis, en raison des tiges cachées et des espaces internodaux restreints, il serait difficile de prélever une bouture sans enlaidir la plante mère. J’imagine que des boutures aquatiques sont faciles à faire raciner pour les schismatoglottis, comme pour beaucoup d’Aracées, puisque, de nature, plusieurs schismatoglottis mènent une vie hybride, à moitié aquatique et à moitié terrestre.

Astuce: Même si j’encourage toujours l’expérimentation horticole, je pense important de souligner que ce sont deux plantes plutôt délicates. Il est sans doute très possible de les diviser ou même de les bouturer, mais rangeons les chances de notre côté: choisissons une plante en santé, visiblement en croissance, utilisons même peut-être des hormones de croissance, couvrons les plantes en convalescence et, pourquoi pas, faisons nos expériences chirurgicales l’été, quand la plante est dehors et profite d’une ombre éclaircie et de l’humidité estivale.

Ce S. kotoensis, qui pousse ici à l’extérieur en Taiwan, a produit un petit rejet qu’on peut voir légèrement derrière la tige de la plante. Selon, l’état de ses racines, on pourrait songer à diviser la potée. La plante mère en produirait un autre sans doute rapidement. Photo par Shihchuan.

Problèmes

  • La plante paraît fatiguée, ses feuilles tombent piteusement ou les tiges sont carrément molles, et le terreau est sec: la plante a grandement besoin d’eau. Un arrosage généreux, en laissant tremper le pot une trentaine de minutes, lui permettra de s’abreuver. Attention: la plante est endommagée chaque fois, même si elle reprend vite. Le stress hydrique est un stade où il ne faut pas se rendre trop souvent.
  • Attention cependant à trop compenser: les arrosages suivants devraient être réguliers et adaptés aux besoins de la plante. On peut avoir tendance à trop l’arroser après ne pas l’avoir fait suffisamment: la pauvre plante, choquée d’avoir manqué d’eau, se retrouve trop arrosée et particulièrement sujette à la pourriture. Comme le dit le vieil adage: «Trop, c’comme pas assez»!
  • La plante paraît fatiguée, ses feuilles tombent piteusement ou les tiges sont carrément molles, et le terreau est encore humide: les racines sont probablement en train de pourrir. Essayez de placer la plante à la lumière pour qu’elle refasse ses racines ou prélevez des boutures, mais il est probable que ce soit malheureusement trop tard.
  • Ce problème apparaît particulièrement dans les situations où la plante croît sous une lumière moyenne ou faible.

Plus encore…

  • La plante paraît fatiguée, ses feuilles tombent piteusement ou les tiges sont carrément molles, et le terreau est encore humide, mais je viens de la rempoter ou de la diviser: il s’agit d’un choc d’adaptation. Essayez d’augmenter l’hygrométrie si possible et tentez de limiter le plus possible les autres changements, particulièrement les changements de position. Elle devrait reprendre de la vigueur d’ici quelques semaines.
  • Le bout des feuilles sèche de plus en plus, la plante devient de plus en plus laide et je commence à bouder: manque d’humidité atmosphérique. Il faut assurer un apport d’eau régulier et augmenter l’hygrométrie (humidificateur, sachet de plastique ou regrouper les plantes ensemble). C’est un problème particulièrement fréquent l’hiver… la solution est peut-être simplement d’attendre les jours plus cléments avec patience.
  • Insectes: les apoballis et les schismatoglottis ne sont pas particulièrement sujets aux insectes. On les voit parfois affectés par les habituels coupables, notamment les cochenilles en tous genres, les tétranyques à deux points et les thrips.

Toxicité

Il existe somme toute très peu d’information de qualité sur les apoballis et les schismatoglottis (à vrai dire, on ne les retrouve même pas dans la Bible des jardiniers d’intérieurs!), je serais surpris qu’une étude sérieuse ait été faite sur leur toxicité. 

Quand on sait que les Aracées sont pas mal toutes toxiques en raison de leur sève riche en cristaux d’oxalate de calcium, j’aurais tendance à également ranger les apoballis et les schismatoglottis dans la liste des plantes toxiques – et donc à garder hors de portée des minous et pitous. 

Photo par Chen Kuntsan.

Conseils lors de l’achat

N’est-ce pas la grande joie quand on a l’embarras du choix de plusieurs spécimens en santé devant nous? Dans ce cas, au-delà de regarder le feuillage le plus en santé, on peut regarder au niveau du terreau la présence de rejets émergeant. Des fois, une plante plus modeste, avec plusieurs bébés, deviendra rapidement une potée plus fournie qu’une plante plus grosse qui ne s’est pas encore divisée.

Conclusion

Ne désespérez pas si vos apoballis ou vos schismatoglottis ont basse mine l’hiver: dès que viendront les jours plus ensoleillés, un peu comme une personne atteinte de blues saisonnier, ils reprendront bien vite forme avec leur feuillage si esthétique et leur forme gracile. Entre-temps, faisons attention à l’arrosage, à l’humidité atmosphérique et attendons de voir avec émerveillement poindre le doux minois de leurs rejets qui apparaîtront sans doute dans quelques mois!

Photo de S. wallichii, par Chen Kuntsan.

  1. Merci Colin!

  2. Merci Colin . J’ai lu cet article avec beaucoup d’intérêt .

  3. Merci Colin, je crois que j’ai trouvé le nom de 2 de mes plants que j’ai depuis plusieurs année. J’ai toutefois une question pour vous. L’une d’entre elle a plusieurs tiges, qui selon moi serait considéré comme des fleurs, sur ces fleurs on y retrouve des gouttes d’eau. Depuis quelques jours ces gouttelettes se sont transformées en cristaux. Est-ce que vous savez qu’est-ce c’est? Et pourquoi cela se produit?