En Amérique du Nord, on consomme en moyenne trois tasses de café par jour. Imaginez ce que cela génère en résidus de café, communément appelé le marc de café! Il n’est donc pas surprenant de constater que de nombreux scientifiques se sont penchés sur la question: comment récupérer ou réutiliser ce qui reste à l’intérieur de nos filtres? Comment intégrer ces millions de tonnes de déchets dans une économie plus circulaire?
On attribue au café plusieurs propriétés. De nombreuses légendes urbaines sont largement véhiculées à son sujet. Toutefois, comme vous le verrez, la plupart des affirmations concernant le café sont fausses!
Que retrouve-t-on dans le marc de café?
La plupart des mythes concernant le marc de café sont probablement issus du fait que le café est particulièrement riche en matières fertilisantes. En effet, les résidus de café sont particulièrement riches en azote. Le ratio carbone/azote est généralement estimé à 10/1. On trouve aussi dans les restes de café de petites quantités de potassium, de phosphore, de magnésium et de calcium. Puis, dans une plus petite échelle, des lipides, des triglycérides, des acides gras, de la lignine et des phénols et quelques traces d’aluminium, de fer, de manganèse et de cuivre.
À la lecture de cette longue liste, on serait porté à croire qu’il s’agit d’un ingrédient miracle. Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Prenons quelques instants pour déconstruire quelques mythes persistants et découvrir en quoi le marc de café peut être utile en horticulture.
Repousser les chats?
Pas prouvé! Aucune étude ne démontre la véritable efficacité du marc de café sur l’attirance ou la répulsion des animaux et des insectes. On ne sait pas si les chats fuient vraiment ces endroits.
Tuer les limaces?
Pas prouvé! Plusieurs jardiniers à la recherche de solutions écologiques ont suggéré de saupoudrer les résidus de café au pied des hostas afin de tuer les limaces. Même si le café ne parvient pas à détruire ces gloutons gastéropodes, une étude récente a démontré que le marc de café a bel et bien un effet répulsif! Mais ne vous apprêtez pas trop rapidement à gambader de joie. La même étude révèle que le marc de café efficace contre les limaces est aussi… toxique pour les plantes! Puis lorsqu’on arrive à un mélange de compost suffisamment vieilli pour qu’il soit sécuritaire pour les plantes… il perd toute son efficacité contre les limaces! Autrement dit, on ne peut pas réussir à repousser les limaces à l’aide des résidus de café.
Pour fertiliser les plantes?
Oh là, là! Ici, il faut tenir compte de plusieurs nuances. D’abord, les résidus de café contiennent de la caféine et d’autres toxines qui inhibent la croissance des plantes. Autrement dit, malgré les quantités intéressantes d’azote, de phosphore et de potassium, de prime abord, le café est néfaste pour les plantes. Il est prouvé qu’une application d’une mince couche, incorporé au sol de surface, est néfaste pour la croissance du chou, des radis, des tournesols, des poireaux et des violettes!
Cela, je peux le confirmer personnellement! Chaque année, lorsque j’enseigne la botanique, je fais une expérience avec les élèves. L’un d’eux rempote une plante dans un substrat entièrement fait de marc de café. Et chaque année, c’est la première plante à succomber!
Limiter la croissance des mauvaises herbes?
Possiblement! Comme mentionné précédemment, le marc de café utilisé directement au sol a un effet néfaste sur la croissance des plantes. On peut donc supposer qu’il empêcherait la croissance des mauvaises herbes. Malheureusement c’est assez rare que nos mauvaises herbes ne cohabitent pas avec de «bonnes plantes»… Un peu comme les limaces: il faudrait tuer nos plantes pour profiter des bienfaits du café comme herbicide naturel!
À utiliser en paillis?
Non! Toutes les études confirment que d’épaisses couches de résidus de café déposées à la surface du sol peuvent devenir problématiques. D’abord, les particules du café en surface finissent par former une croûte impénétrable. Ensuite, les plantes se mettront à crier d’agonie, vous suppliant de mettre fin à leurs jours! Tous s’entendent pour dire que les paillis de café nuisent à la bonne croissance des plantes et parfois même à leur survie!
Toutefois, on remarque peu d’effets quand les restes de café sont appliqués en fines couches et incorporés dans les premiers centimètres de sol.
Bon pour acidifier le sol?
Oui et non! En fait, le grand défi ici est que tous les grains de café ne sont pas nés égaux et toutes les techniques d’extraction du café n’ont pas le même effet. Ainsi, on peut trouver du marc de café avec un pH acide, neutre ou même alcalin! On ne peut donc pas affirmer que le café agit comme acidifiant. D’ailleurs, même lorsque le marc de café est acide, cette acidité ne demeure pas bien longtemps et l’activité microbienne du sol vient rapidement neutraliser cette propriété.
Du café dans le compost?
Oui! C’est véritablement ici que l’on peut soutirer le meilleur du marc de café. Pour profiter pleinement des propriétés fertilisantes du café, il faut que celui-ci soit dilué et composté. La plupart des études suggèrent un volume maximal 10 à 20 % de marc de café dans le compost. Au-delà de ce pourcentage, les effets toxiques du café se manifestent.
Aussi, une récente étude confirme qu’un compost vieilli longtemps, plus de 14 mois, devient très intéressant pour la croissance des plantes. Sans vraiment pouvoir l’expliquer en détail, les chercheurs arrivent à la conclusion que les effets de la caféine et des autres toxines sont neutralisés par une période prolongée de compostage.
Aussi, de plus en plus de recherches confirment que les larves des mouches soldat noires (Hermetia illucens) peuvent vivre et se nourrir directement dans le marc de café pur. Il serait donc réaliste de produire du frass à base de café!
Autre fait intéressant, si vous êtes amateur de culture de champignons à l’intérieur, l’incorporation du marc de café aux substrats de culture est devenue une très belle avenue pour récupérer ces résidus. Cela s’applique notamment pour la culture des pleurotes en forme d’huître.
D’ailleurs, on a découvert que la caféine est transférée dans les fructifications des champignons, mais qu’il faudrait consommer 250 kilos de pleurotes pour obtenir l’effet d’une tasse d’espresso! Je vais donc continuer à moudre mon petit breuvage du matin, tout en poursuivant ma réflexion sur la meilleure manière de réutiliser mes résidus.