Quand les plantes s’habillent de poils: une exploration des trichomes
En botanique, on peut faire plusieurs analogies avec le règne animal. Les termes utilisés sont d’ailleurs parfois les mêmes: l’épiderme, la cuticule, les vaisseaux conducteurs et même la pilosité. En effet, si l’on compare l’épiderme animal avec celui des plantes, on remarque que certains présentent des poils, tandis que d’autres en sont totalement dépourvus. Tout comme chez les animaux, les poils des plantes ont diverses fonctions qui vont de la protection à la régulation de la température. Plus à l’aise que certains humains en ce qui concerne l’esthétisme corporel, les plantes n’ont aucune gêne à arborer fièrement leurs poils, ou plutôt, leurs trichomes!
Vous avez sûrement déjà remarqué que certaines plantes sont poilues, d’autres moins alors que certaines pas du tout. Cette caractéristique pilifère peut rendre les feuilles douces au toucher, rugueuses et parfois même collantes. On peut classer les plantes selon la présence ou l’absence de poils: celles qui en possèdent sont dites pubescentes tandis que celles qui en sont dépourvues sont dites glabres. De plus, lorsqu’elles présentent une très grande densité de poils, semblable à de la fourrure, elles sont qualifiées de tomenteuses.
À quoi servent ces poils? Ont-ils une fonction?
La réponse est oui, ils ont une fonction. Les trichomes jouent plusieurs rôles essentiels qui varient selon les espèces et leurs besoins spécifiques. Allons-y voir de plus près!
Commençons avec un peu d’anatomie
Les trichomes, qui ne sont constitués que de quelques cellules, peuvent être considérés comme des cellules épidermiques modifiées. Ces structures spécialisées se présentent sous diverses formes, et certaines sont glandulaires, c’est-à-dire capables de sécréter des substances spécifiques. Vous trouverez ci-dessous un schéma illustrant plusieurs types de trichomes et leurs caractéristiques distinctes.
Et maintenant leurs fonctions!
Une protection contre les herbivores
Les trichomes des plantes jouent un rôle important contre les herbivores en rendant leurs feuilles moins appétissantes, voire urticantes. Un exemple caractéristique est celui de l’ortie dioïque (Urtica dioica), dotée de poils spécialisés contenant des substances irritantes qui découragent les animaux de la consommer. Vous en avez peut-être fait l’expérience en arrachant cette plante dans votre jardin: au moindre contact, ses trichomes, semblables à de fins aiguillons de verre, se brisent pour libérer une substance irritante. Cette substance composée entre autres d’histamine et d’acide formique provoque une sensation de brûlure ou de démangeaison. Cette stratégie de défense chimique illustre l’ingéniosité des plantes pour assurer leur survie face aux prédateurs.
Protection solaire
Les poils présents sur les feuilles des plantes peuvent également jouer un rôle crucial dans la réduction de la perte d’eau. En créant une couche d’air immobile à la surface de la feuille, ils limitent la circulation de l’air et réduisent l’évapotranspiration. L’exemple de la lavande (Lavandula angustifolia), une plante originaire des zones ensoleillées de la Méditerranée, permet d’illustrer cette adaptation. Ses trichomes étoilés, ressemblant à de minuscules petits parasols, forment une barrière naturelle contre la déshydratation en réfléchissant la lumière solaire et en protégeant les tissus internes de la chaleur excessive.
L’édelweiss (Leontopodium alpinum), plante emblématique des régions alpines helvétiques, est parfaitement adapté à son environnement extrême grâce à ses bractées tomenteuses recouvertes de poils denses et argentés. Ces poils réfléchissent une partie du rayonnement solaire, protégeant ainsi la plante des effets néfastes d’une exposition trop intense. Cette adaptation courante chez les plantes des milieux ensoleillés en altitude limite la chaleur absorbée et préserve les tissus fragiles, contribuant du coup à leur survie dans des conditions climatiques hostiles.
Récolte de l’humidité
Certains trichomes se spécialisent dans la capacité d’extraire l’humidité directement de l’air pour permettre l’hydratation de certaines plantes. C’est le cas typique des plantes épiphytes comme les Tillandsias qui utilisent leurs trichomes spécialisés pour capter l’humidité ambiante et même pour assimiler des particules nutritives. Ces trichomes agissent également par capillarité permettant à l’eau recueillie de se répartir uniformément sur la surface de la feuille pour être ensuite absorbée par la plante. Lorsque ces trichomes peltés (en forme de disque) entrent en contact avec l’eau, ils se recourbent et emprisonnent l’eau contre la surface foliaire. Une adaptation fascinante et essentielle pour ces plantes épiphytes qui ne possèdent que très peu de racines.
Stockage d’huiles essentielles
Certains trichomes sont spécialisés dans le stockage d’huiles essentielles ou d’autres composés chimiques, jouant ici un rôle de protection. Par exemple, les trichomes glandulaires de la menthe contiennent des huiles aromatiques responsables de son odeur caractéristique et rafraîchissante. La plupart des plantes dites aromatiques, comme le basilic, le romarin ou la lavande, possèdent ces trichomes spécialisés dans le stockage d’huiles. Libérées par les trichomes bulbeux, les huiles ne se contentent pas que de protéger la plante des herbivores: elles apportent des arômes intenses et raffinés autant en parfumerie qu’en cuisine.
Des poils glanduleux et collants
Certaines plantes carnivores, comme celles du genre Drosera, utilisent des trichomes spécialisés pour capturer leurs proies. Leurs feuilles sont couvertes de poils glandulaires qui sécrètent un mucilage, une substance collante et riche en polysaccharides. Ce piège naturel immobilise les insectes imprudents qui s’y aventurent. Une fois piégée, la proie est lentement digérée grâce aux enzymes libérées par ces trichomes, permettant à la plante d’y puiser les nutriments essentiels d’un repas inhabituel, mais vital pour sa survie dans les sols pauvres. Gare aux insectes qui osent y poser leurs pattes: les Drosera ne laissent rien au hasard!
On retrouve des poils glandulaires similaires chez les grassettes (Pinguicula sp.), des plantes carnivores qui capturent également leurs proies grâce à une sécrétion collante. Dans cette vidéo, on peut observer une mouche de terreau (sciaride) prise au piège sur la surface visqueuse de la feuille. Pour illustrer la viscosité du mucilage sécrété par les trichomes, l’extrémité d’un trombone a été utilisée. La démonstration met clairement en évidence la solidité de ce piège naturel. Ce mécanisme ingénieux permet aux grassettes de capturer et digérer leurs proies, extrayant elles aussi des nutriments essentiels à leur survie.
Il y a des trichomes glandulaires, très abondants sur certaines plantes, qui jouent un rôle crucial en sécrétant des substances chimiques, notamment les cannabinoïdes. Ces poils sont particulièrement concentrés sur les inflorescences, expliquant ainsi l’intérêt de la récolte de cette partie de la plante. En effet, ce sont les inflorescences qui contiennent les plus grandes quantités de ces composés actifs, recherchés pour leurs propriétés psychoactives ou thérapeutiques.
Et encore plus!
La liste pourrait se continuer encore sur les nombreuses utilités des poils chez les plantes. S’ils se font parfois discrets, leurs fonctions n’en sont pas moins extraordinaires! Chez les violettes par exemple (Viola sp.), on retrouve quelques trichomes à l’entrée de la fleur plus spécifiquement à la base de ses pétales latéraux.
Ces derniers forment une structure qui agit comme un guide, orientant les insectes pollinisateurs (comme les abeilles ou les papillons) vers le centre de la fleur, où se trouvent le nectar et les organes reproducteurs (pistil et étamines).
Ces quelques poils forment également une barrière physique partielle qui limite l’accès aux insectes trop petits ou inaptes à effectuer la pollinisation comme certaines fourmis. Cela réserve ainsi le nectar aux pollinisateurs efficaces, à ceux qui le méritent finalement! De plus, cette petite touffe de poils aide à réduire l’évaporation du nectar, le rendant plus attrayant pour les insectes tout en préservant cette ressource essentielle.
Les trichomes, incroyablement importants
C’est ici que s’achève ce parcours poilu. Nous souhaitons qu’il vous ait mieux fait comprendre l’incroyable importance des trichomes chez les végétaux et les rôles fondamentaux qu’ils jouent dans la survie de notre flore. Qu’ils soient glandulaires, étoilés ou simples, les poils présentent autant d’instruments de défense que de façons de s’alimenter. Présents aussi bien chez les plantes carnivores que chez les plantes épiphytes, ils fascinent et méritent toute notre attention.
À leur manière ils rappellent nos propres poils qui eux aussi jouent un rôle dans notre protection et notre régulation thermique. Que ce soit pour les plantes ou les animaux, les poils sont bien plus qu’une simple particularité: ils sont des alliés pour l’adaptation et la survie. Alors, soyez fier de vos poils!
Super article, très intéressant, clair et instructif. On en redemande. Juste une question. À quoi peuvent servir les trichomes que l’on peut observer à l’extrémité du lobe médian du labelle de certaines orchidées ? Phalaenopsis tetraspis par exemple.
Vraiment intéressant et instructif. Bravo et merci
Très, très intéressant!
merci pour cet excellent article – tellement bien documenté et rédigé avec intelligence et pédagogie !
En espérant vous lire à nouveau en 2025 !
Vraiment très intéressant, merci beaucoup !
Très intéressant, merci!
Article très intéressant! J’ai appris beaucoup sur les merveilles de la nature! Merci ??
Mais quel article instructif ! Je l’ai lu jusqu’à la fin et je vais continuer de vous suivre, vous êtes des enseignants super !! Merci pour cet article.