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Quels légumes s’autopollinisent ?

Par Larry Hodgson

Question : Est-ce que c’est vrai que les tomates s’autopollinisent et n’ont pas besoin d’abeilles pour féconder leurs fleurs? Et quels autres légumes s’autopollinisent ?

Suzanne Drury

Réponse : Oui, c’est vrai que les tomates s’autopollinisent — on dit qu’elles sont autogames —, mais cela ne signifie pas que les abeilles ne leur sont pas utiles.

Il se trouve que les étamines (parties mâles) de la fleur de tomate forment un tube protecteur (tube staminique) autour du pistil (partie femelle). Comme le pistil est plus court que le tube, les abeilles et autres insectes n’ont normalement pas accès au pistil et ne peuvent donc pas transférer le pollen d’une fleur de tomate à une autre. Au lieu de cela, le pollen tombe sur le stigmate (la partie fertile du pistil) de la même fleur et c’est cela qui conduit à la fécondation de la fleur et à la formation d’un fruit. La fleur est donc pollinisée par son propre pollen : c’est l’autopollinisation.

Cependant… le pollen n’atteint le stigmate que s’il se détache de l’étamine et pour cela, il faut un mouvement quelconque. Souvent, c’est le vent qui, secouant la fleur, libère le pollen. 

Brosse à dents électrique qui pollinise une fleur de tomates.
On peut féconder une fleur de tomate en la faisant vibrer avec une brosse à dents électrique. Photo: jardinierparesseux.com

Aussi, les humains utilisent parfois une brosse à dents électrique pour faire vibrer les fleurs, décollant le pollen et assurant la fécondation.

Cependant, certaines abeilles sont d’excellentes «secoueuses de pollen». Les bourdons et certaines abeilles solitaires font de la pollinisation vibratile («buzz pollination» en anglais). C’est-à-dire qu’elles atterrissent sur la fleur et commencent à faire vibrer leurs muscles de vol. Cette vibration libère le pollen et assure la fécondation. Aussi, une partie du pollen tombe de la fleur où l’abeille le récolte, donc elle en tire sa part.

Les abeilles domestiques, quant à elles, ne font pas de la pollinisation vibratile et sont alors de peu d’utilité pour la pollinisation des tomates. Les bourdons (leurs cousins plus gros et plus poilus) ainsi que certaines abeilles solitaires (Halictus spp.), par contre, excellent à ce travail. D’ailleurs, les bourdons sont si efficaces à polliniser par vibration que les producteurs commerciaux de tomates en libèrent dans leurs serres pour assurer une récolte optimale.

Face de chat sur 2 tomates vertes.
Tomates souffrant de face de chat, résultat d’une pollinisation inadéquate. Photo: Marie-Josée Guilbault

Si la fleur n’est que partiellement pollinisée, cela donne souvent un fruit déformé, un problème appelé «face de chat». Le jardinier a donc tout intérêt à voir les bourdons et abeilles solitaires fréquenter ses tomates.

Les Solanacées aiment se faire brasser

La situation est similaire pour de nombreuses autres Solanacées (plantes de la famille de la tomate), telles que les poivrons (et piments), les cerises de terre et les aubergines. (Les pommes de terre aussi, mais les jardiniers ont rarement de l’intérêt à les voir produire des fruits, car leurs baies sont toxiques.) Toutes sont en grande partie autogames, mais peuvent profiter grandement de la présence d’un pollinisateur vibratile pour assurer le plein développement de leurs fruits.

Plantes surtout autogames

Fleur de haricot commun.
Les fleurs de haricot commun sont rarement pollinisées par les insectes. Photo : Thomas Bresson, Flickr

Il n’y a pas beaucoup d’autres légumes autogames… sauf dans la famille des Fabiacées (les légumineuses). Certains, tels que le haricot de Lima, le haricot commun, le soja, le pois et l’arachide, s’autopollinisent et peuvent se passer d’abeilles. Dans leur cas, le mécanisme est différent : le pollen se répand naturellement sur le stigmate alors que la fleur est encore fermée, tôt le matin avant que les abeilles ne soient présentes. Donc, les abeilles ne sont pas absolument nécessaires, la pollinisation étant déjà assurée, mais… les fleurs demeurent toujours fertiles après cette pollinisation initiale et utilisent occasionnellement le pollen apporté par les abeilles. 

Curieusement, d’autres légumineuses nécessitent une pollinisation croisée assurée par les insectes : le haricot d’Espagne, par exemple, doit être pollinisé par des abeilles ou même par des colibris.

Autopollinisation au besoin

Il y a également le cas des plantes qui comptent surtout sur la pollinisation croisée, soit l’apport de pollen de la fleur d’une autre plante pour assurer leur fécondation, mais qui ont aussi un «plan de sauvegarde» : si les abeilles ne se pointent pas, elles s’autopollinisent. C’est même très courant dans le monde végétal. Beaucoup d’Astéracées, par exemple, utilisent ce système, notamment, parmi les plantes potagères, le tournesol. Ainsi, même en l’absence d’abeilles ou d’autres pollinisateurs, le tournesol produira des graines fertiles… et comestibles!

Pollinisation croisée requise

Fleurs de citrouille mâle et femelle.
Fleur de citrouille mâle (en haut) et femelle (en bas). Photo : Mad.madrasi, Wikimedia Commons

Bien sûr, si votre idée d’origine était qu’il ne serait pas nécessaire d’attirer les pollinisateurs dans votre potager, n’oubliez pas que la plupart des autres légumes-fruits, dont la plupart relèvent de la famille des Cucurbitacées (concombres, courges, melons, etc.), nécessitent absolument une pollinisation par les insectes. En effet, ces plantes sont monoïques : elles produisent des fleurs femelles et mâles séparées sur la même plante et leur pollen est trop lourd pour voyager par le vent. Elles dépendent donc entièrement des insectes pour transporter le pollen d’une fleur mâle à une fleur femelle. 

Le framboisier (techniquement pas un légume, mais souvent cultivé dans le potager) peut théoriquement s’autopolliniser, mais en fait, ne produit pas bien si des insectes, majoritairement des abeilles, n’assurent pas une pollinisation. Quant à cet autre fruitier potager, le fraisier, encore une fois les fleurs peuvent s’autopolliniser s’il le faut, mais les plants produiront des fruits de meilleure qualité s’ils sont pollinisés par les insectes.

Enfin, la majorité des petits fruits et arbres fruitiers (pommiers, kiwis, bleuetiers, etc.) dépendent fortement de la pollinisation croisée assurée par les abeilles ou d’autres insectes pollinisateurs pour produire une bonne récolte.

Un potager sans abeille ?

Si vous voulez éviter complètement les abeilles dans votre potager, ne plantez que des légumes-feuilles et des légumes-racines (laitues, épinards, choux, carottes, betteraves, oignons…): ils sont récoltés pour la table bien avant d’arriver à la floraison et alors, n’offrent pas de fleurs qui intéressent les abeilles. Ce n’est que si vous voulez qu’ils produisent des semences que vous devrez leur permettre de fleurir… et alors vous aurez besoin d’abeilles pour que la plupart d’entre eux produisent des semences viables.


Voilà! La plupart des plantes qu’on cultive dans le potager nécessitent une pollinisation par les insectes (entomogamie), principalement d’ailleurs par les abeilles. Et même dans les cas où cela n’est obligatoire, il n’y a pas beaucoup de légumes dont on peut dire qu’ils s’autopollinisent efficacement sans l’aide des insectes butineurs.

Étiquettes + Légumes qui s'autopollinisent, Légumes autogames, Autogame


commentaire sur "Quels légumes s’autopollinisent ?"

  1. Merci pour toutes ces infos précieuses
    Savez vous au Québec il est possible d’avoir une ruche dans son jardin, si une compagnie s’occupe de former des amateurs jardiniers soucieux des abeilles ?
    Au plaisir de vous lire

  2. Je ne connaissais pas le truc de la brosse à dents électrique.
    Pour polliniser mes tomates sur la terrasse, qui ne reçoit pas la visite des abeilles, j’utilise un petit pinceau doux et je “gratouille” le fleurs lorsqu’elles s’épanouissent.
    En été, ça fait une distraction matinale. .

  3. Bien contente de lire cet article ce matin, surtout pour la tomate que je dois fertiliser à la main (brosse à dent électrique) puisque, cultivée en serre dans ma région (Gaspésie / Bas-Saint-Laurent), les bourdons et papillons qui s’y aventurent, quand on peut ouvrir tout grand les portes, restent quand même assez rares.

    Y a t-il du danger de polliniser d’autres espèces de tomates cultivées dans ma serre en passant ma brosse à dents sur un plant de tomates après l’autre ? J’essuie les poils entre chaque plant différent, mais ma question demeure s’il reste du pollen sur les soies.

    Contente aussi d’apprendre pour les haricots car, si je déduis bien, cela veut dire qu’on peut sans problème les cultiver sous toiles flottantes ? … et même sous abris en polythène (tunnel) dans les cas de ma région froide, jusqu’à ce que les températures permettent de les découvrir complètement – ces deux types de barrière empêchant évidemment le travail des polinisateurs ?

    Un article sur les pollinisations croisées (je ne sais pas si j’ai le bon mot) entre différents types de courge (ex. Délicata plantées près de Butternut et/ou de courgette zucchinis, etc.) serait utile si un tel article n’existe pas déjà. En plantant les types de courges les unes près des autres, je me demandais si on pouvait se retrouver avec courges musquées rayées ! –
    je rigole, mais ma question est sérieuse.

    Merci !

  4. c’est éducatif merci

  5. Merci pour cet article. Bref, précis, clair, instructif et utile.

  6. Top votre article. Merkiiiii..!!! Je vais au jardin piur appliquer et reflechir a des projets futurs en me nourrissant de vos connaissances. Brice.

  7. C’est quoi les meilleurs fleures à ajouter au jardin pour les pollinisations natifs afin de mieux pollinisation les cucurbitacers ? Merci