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Sauvez ails et oignons de la teigne

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Poireaux atteints de la teigne.

La teigne du poireau (Acrolepiopsis assectella, syn. Acroplepia assectella), aussi appelée ver du poireau, semble encore plus abondante que jamais cette année. Dire qu’aussi peu que 5 ou 6 ans, on pouvait cultiver les alliacées (oignons, poireaux, ails, etc.) au Québec presque sans problème et que maintenant les cultiver approche l’impossible dans bien des régions.

Savoir reconnaître votre ennemi

Larves de teigne.

Vous saurez que vos alliacées sont atteintes de cet insecte quand le feuillage commence à paraître troué ou grugé. La petite chenille vit à l’extérieur des alliacées à feuilles plates (poireaux, ail, etc.) au début de la saison, migrant éventuellement au cœur de la plante, mais pénètre carrément à l’intérieur des feuilles des alliacées à feuilles tubulaires (ciboule, oignon, etc.) pour les vider par l’intérieur, laissant des «fenêtres» translucides.

Fenêtres translucides dans les feuilles d’oignon.

Elle creuse aussi dans la tige florale de l’ail, la fauchant (adieu récolte de fleur de l’ail!) et parfois descend aussi dans le bulbe (le fût dans le cas des poireaux). Les ouvertures provoquées permettent souvent à d’autres agents pathogènes, notamment la pourriture, de s’intégrer dans la plante pour causer encore plus de dégâts.

Le papillon ressemble à un petit bout de bois.

Vous voyez rarement l’adulte, un petit papillon brun d’apparence très anodine. Il est nocturne; si on le voit jour, il a toujours les ailes repliées et ressemble alors à un petit bout de bois. On voit beaucoup plus facilement la petite chenille vert clair, sur les feuilles, dans ses tunnels ou à travers les fenêtres qu’elle provoque. Les œufs blanc iridescent, placés sous les feuilles, sont minuscules et difficiles à apercevoir.

Pupe

Mais on peut voir les pupes brunes entourées d’un cocon en mailles aérées quand ils sont placées sur ou sous le feuillage. Mais souvent les chenilles descendent dans le sol et dans les déchets au sol pour devenir pupe et ces pupes sont difficiles à voir.

Introduite accidentellement en Amérique du Nord de l’Eurasie dans les années 1990, la teigne du poireau a surtout commencé à être un problème dans les potagers domestiques canadiens depuis 2007. Sous notre climat, l’hiver froid a souvent raison des adultes hivernants dans le sol ou les déchets au sol, mais ils s’installent aussi à la fondations des structures humaines qui dégagent de la chaleur, ce qui permet à l’espèce de proliférer, d’autant plus que la femelle peut pondre une centaine d’œufs en seulement 3 semaines. Donc même une poignée de survivants peut rapidement provoquer des dégâts majeurs. Pire, il y a deux ou trois générations par été, à partir de la fin d’avril ou début de mai pour se terminer en septembre. Les dégâts s’empirent à mesure que l’été avance.

Une récolte diminuée

Quand la population de la teigne est relativement réduite, ou qu’on le contrôle bien, il est quand même possible d’obtenir une récolte raisonnable de bulbes d’ail et d’oignon. Mais pour les alliacées dont on récolte le feuillage, notamment la ciboule et le poireau (le fut du poireau est composé de feuilles imbriquées et les larves de la teigne y pénètrent), même une infestation modérée est désastreuse.

Agissez tôt…

La répression de la teigne du poireau commence l’automne précédent. Dès la récolte, nettoyez le secteur de tout débris d’alliacée où les adultes peuvent hiverner. Remplacez aussi le paillis par un paillis frais.

La couverture flottante: la meilleure méthode de contrôle.

De loin la meilleure méthode de contrôle pour un potager familial est l’utilisation d’une couverture flottante (voile anti-insecte) posée tôt au printemps. Pour que cela fonctionne, il faut aussi faire une rotation de cultures, plantant les alliacées dans un emplacement où il n’y avait des oignons, poireaux, ails, etc. l’été précédent et donc où il n’y a pas d’adultes qui hivernent dans le sol. Une fois couverte de la voile translucide, les teignes adultes ne pourront plus y pondre leurs œufs et le problème est alors réglé.

Une autre possibilité est de retarder le repiquage des plants. La première génération de teignes adultes (papillons) est active de la fin d’avril à la fin de juin, selon la région. Si vous repiquez vos plants au jardin après leur passage, à la fin de juin ou au début de juillet, le gros du problème sera résolu, car la deuxième génération devrait venir d’ailleurs, si même elle réussit à trouver vos plants. Évidemment, cette technique ne fonctionnera pas dans un jardin communautaire où d’autres jardiniers cultivent des alliacées depuis le début de la saison.

Ou sauter une année. Si vous ne cultivez pas d’alliacées pendant un été au complet, et que votre jardin est isolé de toute autre (encore, cela ne fonctionnera pas dans un jardin communautaire), cela éliminera complètement la teigne du secteur. L’année suivant, même si les papillons réussissent à trouver votre potager, ils risque d’être peu nombreux, réduisant l’infestation.

… ou tard

Toutes les méthodes précédentes présument une action préventive: il faut alors avoir prévu l’infestation. Mais que faire quand que vous vous trouvez avec une infestation en cours?

BTK

La récolte manuelle des larves au stade baladeur (avant qu’elles ne s’insèrent dans les feuilles) et des pupes qui paraissent plus tard aidera beaucoup, mais des traitements répétés au BTK (Bacillus thuringiensis kurstaki) une bactérie qui s’attaque aux larves, est encore plus efficace. Le BTK n’affecte que les chenilles de papillon et ne touchera pas aux insectes bénéfiques de votre jardin.

Une fois que la larve a pénétré à l’intérieur des tissus de la plante, par contre, le BTK ne peut plus l’atteindre. Il faut donc surveiller la présence de larves baladeuses et répéter les traitements au BTK quand elles sont présentes. Dans certains cas, il peut être nécessaire de traiter hebdomadairement pendant une bonne partie de l’été.

Le choix d’autres insecticides pour un jardin potager familial est limité. Vous pouvez toutefois essayer le pyrèthre, le savon insecticide, le savon à vaisselle, le neem ou des pulvérisations de prêle ou de feuilles de rhubarbe, toujours sur les larves baladeuses (ou les adultes, si vous les voyez). Évitez les pulvérisations à l’ortie: elles ont la réputation d’attirer la teigne.

Maison de perce-oreilles.

Vous pouvez aussi encourager la présence de perce-oreilles dans le jardin, un des rares insectes prédateurs qui s’est montré efficace à contrôler la teigne.

En Europe, il existe des pièges commerciaux aux phéromones qui attirent spécifiquement les adultes… mais on les utilise surtout pour vérifier la présence des adultes afin de savoir quand faire des traitements. Ils ne semblent pas très efficaces à prévenir les infestations ni à réduire celles qui sont en cours.

Le futur

Présentement différents niveaux de gouvernement regardent la possibilité d’introduire en Amérique du Nord des prédateurs, des parasites et d’autres agents pathogènes de la teigne du poireau qui sont courants en Europe et Asie, mais qui n’ont pas suivis l’insecte lors de son introduction au Nouveau Monde. Éventuellement peut-être ces introductions pourront faire baisser la population à un niveau plus acceptable.

Pour l’instant, dans la plupart des régions (elle n’est pas encore présente partout en Amérique du Nord), la teigne demeure un problème majeur pour les amateurs de potager. À vous de décider comment vous allez la traiter.

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