Site icon Jardinier paresseux

Constats d’une jardinière en repos forcé

Ce n’est vraiment pas comme ça que j’avais imaginé ma saison de jardinage: couchée sur le divan ou me promenant entre les cliniques et les hôpitaux. Est-ce que ma saison est complètement perdue pour autant? Pas nécessairement. Ne pouvoir qu’observer sans intervenir m’a finalement aidée à comprendre ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas dans mon aménagement paysager et ces constats m’aideront à mieux planifier mon futur jardin.

L’ambition naïve du printemps

Ah, ces premiers jours du printemps, quand la joie de photographier mes crocus et mes perce-neige me remplissait d’espoir sur la saison de jardinage à venir! J’allais compléter le programme d’aménagement paysager du Jardinier paresseux et de tisanji, déplacer mes plantes en fonction de mes nouveaux plans d’aménagement, puis profiter des rabais de fin de saison pour acheter et planter les végétaux manquants. À la fin septembre, je vivrais dans un jardin d’Eden.

Mon début de saison était prometteur alors que je photographiais avec enthousiasme mes crocus et mes perce-neige. Crédit photo: Martine Mombleau
Crédit photo: Martine Mombleau

Le brutal retour à la réalité

La réalité m’a rattrapée assez rapidement! Je pourrais résumer ainsi ma fin de printemps et mon été: la déconstruction d’une partie de ma clôture pour permettre des travaux majeurs d’infrastructure, des bacs à potager qui se désintègrent pendant leur déplacement, des entrepreneurs qui écrasent des sections de plates-bandes avec leur machinerie, puis la maladie, une blessure, une chirurgie et de la réadaptation (toujours en cours). Disons que mon jardin d’Eden est plutôt devenu un jardin de débris et de mauvaises herbes.

Débris, mauvaises herbes et gazon trop long ornent maintenant ma cour. Crédit photo: Martine Mombleau.

Condamnée à observer

Je n’ai donc pas pu jardiner de l’été, ni même avancer dans le programme d’aménagement, car souvent je n’avais même pas assez d’énergie pour lire, encore moins pour apprendre de nouveaux concepts et les mettre en application. Je regardais mon jardin laissé à lui-même à partir de mon salon et, de temps en temps, je sortais prendre des photos de telle ou telle fleur pour mettre un peu de baume sur mes journées difficiles.

J’ai passé des semaines à désespérer de mon jardin à l’abandon, voyant un problème ici ou là et me sentant prise de l’impulsion de le régler immédiatement, comme je l’aurais fait d’habitude. Mon manque d’énergie me retenant sur mon divan, j’ai pourtant dû prendre mon mal en patience, ce qui s’est finalement transformé en une longue observation de laquelle certains constats ont émergé. Maintenant, je sais que, lorsque je serai en mesure de reprendre le programme d’aménagement, je pourrai m’appuyer sur ces constats pour faire de meilleurs choix dans la planification de mon jardin de rêve. Je vous partage ici quelques-uns de ces constats.  

Constat 1: les joints de mousse, ça ne fonctionne pas pour moi

Ah, le beau rêve romantique d’avoir un chemin de pierres dont les joints seraient remplis de mousse! Je le caresse depuis des années, arrachant les quelques minuscules mauvaises herbes qui poussent dans les joints du chemin menant à ma porte d’entrée pour laisser la mousse y prospérer. Du moins, c’est l’illusion que j’ai créée dans ma tête pour me convaincre que je réussirais à obtenir un chemin aussi beau que ceux de mes dossiers d’idées d’aménagement. En effet, après une saison entière à ne pas entretenir ledit chemin, celui-ci est complètement envahi par les mauvaises herbes, me jetant au visage tous les efforts que je devais mettre en réalité les années précédentes pour le maintenir à peu près en état.

Mon terrain est grand, mes plates-bandes nombreuses et mon énergie limitée. Force est de constater que je dois réviser mes plans. Parce que je préfère jardiner dans mes plates-bandes que sur un chemin d’accès, les joints de mousse seront remplacés par du sable polymère qui durcit après arrosage. La nature a amplement de place pour prospérer ailleurs sur mon terrain. Si je veux admirer des mousses, j’irai me pencher sur les rochers présents dans mon boisé.

Joints de mousse – Le rêve. Crédit photo: Photo générée par l’IA.  
Joints de mousse – La réalité. Crédit photo: Martine Mombleau.

Constat 2: mon buddleia doit rester exactement là où il est

Les règles d’aménagement paysager, c’est si bien! Respectez votre zone de rusticité, placez chaque plante au bon endroit, prévoyez les dimensions à maturité pour ne pas avoir besoin de tailler, répétez la même plante à plusieurs endroits pour créer une harmonie, etc., et vous aurez un magnifique jardin à entretien minimal.

Ce sont de bien beaux principes, mais quand on réalise qu’une plante existante qu’on adore est à la limite de sa zone de rusticité en raison d’une étiquette mensongère, que ses dimensions sont du double de ce qui était prévu, qu’elle prend tellement d’espace qu’elle envahit le chemin le plus passant du terrain (imposant une taille annuelle de mi-saison) et qu’elle est si grande, débordant de la partie la plus large de la plate-bande, qu’il sera impossible de la répéter, que fait-on? Doit-on la déposer au compost ou la déplacer?

Pas si vite! Mon buddleia a peut-être tous ces défauts, mais confortablement installé près de ma fondation du côté sud, il prospère depuis 6 ans malgré sa faible rusticité et il m’a comblée de joie pendant tout cet été de repos forcé en me permettant d’observer, à partir du divan où j’étais clouée, les nombreux pollinisateurs (colibris, papillons, bourdons et autres) qui venaient s’y nourrir. Une taille annuelle et un bris des règles de l’aménagement paysager sont largement compensés par le bonheur que cette plante me procure.  

On dit, peu importe le domaine, qu’il faut connaître les règles pour savoir quand les briser. Eh bien, cher Jardinier paresseux, règles ou pas, je vous annonce que mon buddleia restera exactement là où il est.

Quelques-uns des pollinisateurs qui visitent mon buddleia: le monarque. Crédit photo: Martine Mombleau.
Le sphinx du chèvrefeuille. Crédit photo: Martine Mombleau.
Le grand porte-queue. Crédit photo: Martine Mombleau.

Constat 3: le secteur de plein soleil doit rester sauvage

J’habite en campagne sur un terrain en pente, majoritairement boisé, alors que j’aime surtout cultiver les petits fruits et les vivaces de plein soleil. La majorité de mon terrain se trouve à l’ombre profonde, une bonne partie à la mi-ombre et quelques rares sections au plein soleil. Je voulais donc rentabiliser chacune des sections de plein soleil en y intégrant mes plantes préférées. Une de ces sections se trouve entre les deux étages d’un mur de soutènement, dans une pente, et elle est encadrée de gravier. J’ai bien tenté au fil des années d’y transférer divers fruitiers et vivaces, mais ces plantes ne prospèrent pas dans ce milieu difficile, alors que les plantes sauvages, majoritairement indigènes, s’y installent et s’y multiplient sans arrêt. En plus, ces plantes indigènes sont très jolies et utiles à la faune locale.

Cet été, j’ai déclaré forfait dans ma bataille contre les forces de la nature. Les verges d’or, asclépiades communes et asters à feuilles cordées n’ont plus rien à craindre: je n’essaierai plus de leur faire partager leur espace avec des plantes de jardinerie. Mieux encore, alors que je m’amusais à identifier les mauvaises herbes qui envahissaient mes plates-bandes cet été, j’ai découvert que quelques-unes de ces soi-disant mauvaises herbes étaient des espèces indigènes et même, que certaines étaient menacées. Au lieu de se diriger vers le bac à compost, elles rejoindront leurs camarades dans la zone désormais nommée «section indigène».

Constat 4: je ne m’ennuie pas vraiment de mon potager

Je n’aurais jamais pensé dire cela un jour, mais je ne crois pas que je vais refaire un potager.

D’abord, avec des arbres à l’est et à l’ouest de mon terrain (en plus du nord), je n’ai qu’un seul endroit qui reçoive assez de soleil pour cultiver des légumes: une ancienne place de stationnement sur laquelle j’avais disposé des bacs surélevés. Le problème, c’est que ces bacs, même construits avec un bois réputé imputrescible, se sont défaits en morceaux lors de leur déplacement, révélant les dommages causés par la pourriture et les fourmis charpentières. Je me demande donc si la reconstruction de telles structures en vaut vraiment la peine.

J’avais déjà considérablement réduit, au fil des années, le nombre de variétés de légumes que je cultivais. Dès ma deuxième année au potager, j’avais éliminé les légumes que je considérais comme peu rentables, c’est-à-dire ceux dont le prix est très bas en saison, comme les carottes, les oignons et les pommes de terre. La troisième année, j’avais abandonné les cultures qui donnaient peu de résultats dans mes conditions, soit les brocolis, les choux-fleurs et les choux de Bruxelles. La quatrième année, j’avais abandonné les légumes que je ne mange presque jamais comme les navets, les rutabagas et les radis. Et, à la fin de la dernière saison de jardinage, je m’étais interrogée sur la pertinence de continuer à cultiver les tomates, aubergines et poivrons, que j’adore, étant donné le peu de rendement que j’arrive à atteindre dans mes conditions d’ensoleillement.

Les fines herbes vivaces

Il est certain que je continuerai à cultiver mes fines herbes vivaces dans leur plate-bande désignée. Puisque cette plate-bande est visible de mon salon, j’y intégrerai peut-être d’autres plantes qui, comme mon buddleia, me permettent d’observer des colibris à partir de mon divan. Pour ce qui est des autres légumes, je n’ai pas encore pris de décision. Ceux que j’aime bien cultiver et qui produisent bien chez moi sont les courgettes, laitues, bettes à carde et choux frisés. J’aime aussi les fines herbes annuelles. Peut-être leur dédierais-je un nouveau bac, en métal cette fois, ou peut-être leur ferais-je une place dans la plate-bande des fines herbes vivaces… c’est à suivre.

Une chose qui est certaine, c’est que je ne referai pas un potager formel garni de dizaines de variétés de légumes. D’ailleurs, j’ai bien aimé ma nouvelle habitude adoptée cet été de m’arrêter à un des kiosques de mon village pour acheter de beaux gros légumes cultivés par mes voisins agriculteurs.

Et puis, je dois l’admettre, mon cœur penche pour les plantes à fleurs. C’est de prendre soin d’elles qui m’a manqué cet été et ce sont elles qui m’ont apporté de la joie lorsque je les admirais et les photographiais.

Quelques-unes de mes plantes à fleurs préférées: le myosotis Jack. Crédit photo: Martine Mombleau.
L’échinacée Rainbow Marcella. Crédit photo: Martine Mombleau.
La scille de Sibérie. Crédit photo: Martine Mombleau.

Constat 5: les fruits doivent être faciles d’accès

De quel manque de sens pratique ai-je fait preuve en positionnant mes arbustes à petits fruits! Rien de tel qu’une tentative de récolte au centre d’un amas de framboisiers piquants trop rapprochés les uns des autres pour se décourager de retourner un jour récolter des fruits. C’est sans compter mes autres fruitiers qui se retrouvent dans une pente abrupte ou qui ne sont accessibles qu’en se tenant en équilibre sur un rocher ou en écrasant des vivaces. Et que dire de l’idée de mettre certaines plantes si loin des sentiers fréquentés que j’oublie carrément leur existence, et donc de récolter leurs baies.

Décidément, lorsque je reprendrai le programme d’aménagement, je devrai prévoir des emplacements plus pratiques pour mes fruitiers. Je ne souhaite pas continuer de me faire égratigner les bras pendant que je me tiens en équilibre dans une pente, tout cela afin de récolter les trois baies qu’il reste à la dernière journée de la période de récolte.

Constat 6: ça commence à bien aller dans certains secteurs

Après de multiples essais et erreurs, certains coins de mon jardin commencent à me récompenser de mes efforts. C’est surtout le cas dans une partie de mon jardin d’ombre, où les spirées, hostas, fougères, myosotis, cœurs saignants et alchémilles se mélangent maintenant joyeusement. C’est ce que j’ai constaté en prenant des photos cet été et cela m’encourage à reproduire le même type de schéma dans les autres sections de ce jardin d’ombre où, autrefois, ne poussait que du très malheureux gazon en manque de soleil.

Ça commence à bien aller dans le jardin d’ombre 
Crédit photo: Martine Mombleau.
Crédit photo: Martine Mombleau.

Mes dernières suggestions

En guise de conclusion, j’aimerais faire quelques suggestions aux gens qui, comme moi, sont découragés par leur jardin.

  1. Parfois, se reposer et observer est la meilleure chose à faire dans l’immédiat. De plus, quitter le mode action peut faire émerger de belles idées.
  2. Si la vue d’ensemble de votre jardin vous décourage, concentrez-vous sur les quelques éléments de beauté individuels en attendant de pouvoir corriger l’aménagement d’ensemble.
  3. Si vous voulez vous ressourcer, allez profiter de la beauté dans un jardin public. Peut-être même y trouverez-vous de l’inspiration.

Je vous laisse d’ailleurs sur quelques photos que j’ai prises au Kingsbrae Garden de Saint-Andrews lors de mon voyage de repos au Nouveau-Brunswick cet été; une visite qui m’a procuré bonheur, ressourcement et inspiration.

Quelques photos de ma visite au jardin Kingsbrae de Saint-Andrews avec mes deux chiens (et accessoirement mon conjoint?) Crédit photo: Martine Mombleau.
Crédit photo: Martine Mombleau.
Crédit photo: Martine Mombleau.

Et pour vous, comment ça se passe au jardin cette année? Si vous faites partie du programme d’aménagement, arrivez-vous à progresser comme vous le souhaitez? Commencez-vous à détecter ce qui fonctionne et ce qui doit être corrigé dans votre jardin? Faites-moi part de vos expériences et n’hésitez pas à commenter cet article.

Quitter la version mobile