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Microplastiques au jardin: ce qu’il faut savoir

Le plastique s’est glissé partout dans nos vies et le jardin n’y échappe pas: pots et jardinières, filets, toiles, arrosoirs… et même des plantes artificielles! À ses débuts, il avait tout pour plaire: peu coûteux, léger, durable et facile à modeler selon nos besoins. Mais aujourd’hui, on réalise que ce «miracle» cache aussi des risques bien plus grands qu’on ne l’aurait cru. Non seulement il génère des déchets difficiles à gérer, mais il se fragmente en microplastiques qui contaminent les sols, l’eau et, inévitablement, nos jardins. Et nos potagers, dans tout ça? Que deviennent nos aliments?

Microplastiques. Photo: Oregon State University

Qu’est-ce qu’un microplastique?

Les microplastiques sont de minuscules particules de plastique, mesurant moins de 5 millimètres, qui proviennent soit de la dégradation lente d’objets plus volumineux (sacs, bouteilles, vêtements synthétiques, etc.), soit d’une fabrication directe à petite taille, comme les microbilles autrefois utilisées dans certains produits de soins. Invisibles ou presque, ils se retrouvent désormais partout: dans l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les sols, les océans, et même dans les organismes vivants. Parce qu’ils persistent très longtemps dans l’environnement et qu’ils peuvent être ingérés par les êtres humains, les microplastiques suscitent une inquiétude croissante quant à leurs effets sur la santé des écosystèmes et la nôtre.

Comment le plastique se retrouve-t-il au jardin?

Évidemment, tout objet en plastique laissé au jardin finit par se dégrader avec le temps sous l’effet du soleil et du gel. Mais les microplastiques s’y introduisent aussi par les terreaux, composts, fumiers, amendements ou engrais, qui peuvent déjà en contenir – souvent parce qu’ils ont été entreposés dans des contenants en plastique. Ils voyagent également dans l’air, transportés par le vent et la pluie, ou encore par l’eau d’arrosage. Même si nous faisons des efforts pour limiter le plastique au jardin, ces minuscules fragments, déjà omniprésents dans l’environnement, finissent inévitablement par s’accumuler dans le sol de nos potagers et de nos plates-bandes.

Pour y voir plus clair, examinons leur impact sous trois angles: le sol, la faune et le microbiome et la santé des plantes.

Le sol

La base de tout jardin est le sol. C’est à travers lui que les racines des plantes puisent l’eau, l’air et les minéraux nécessaires à leur développement. Or, la présence de microplastiques perturbe ce fonctionnement. Une étude récente a montré qu’ils fragilisent la structure du sol. Normalement, un sol en santé forme de gros agrégats stables – des sortes de petits blocs qui permettent à l’air et à l’eau de circuler correctement. Avec l’ajout de microplastiques, ces agrégats diminuent et se désagrègent en particules plus petites et instables et le sol devient moins cohésif, moins perméable et donc moins efficace pour retenir l’eau, l’air et les nutriments dont les plantes ont besoin.

Photo: Milka Susan/Wikifarmer

À cela s’ajoute un autre problème: les plastiques ne libèrent pas seulement des fragments, ils libèrent aussi des additifs chimiques comme les phtalates, le bisphénol ou certains métaux lourds. Ces substances, incorporées au plastique pour lui donner de la souplesse, de la couleur ou de la résistance, s’échappent peu à peu lors du vieillissement et s’accumulent dans la terre.

D’autres travaux nuancent toutefois ce portrait: si certains additifs nuisent à la santé du sol, les particules plastiques elles-mêmes peuvent parfois augmenter la porosité et faciliter la croissance des racines, notamment en présence de végétaux. Bref, les microplastiques ne sont pas neutres. La tendance majoritaire des études est qu’ils fragilisent la structure et la stabilité des sols, mais certains effets ponctuels (comme une meilleure aération) peuvent apparaître dans des conditions particulières.

Faune et microbiome

Nous savons maintenant à quel point la faune et les micro-organismes du sol sont essentiels à la santé des plantes. Les organismes vivants qui s’y trouvent contribuent à rendre les nutriments assimilables, s’associent aux racines pour en améliorer l’efficacité et participent à la formation d’une structure de sol plus stable et fertile.

La présence de microplastiques dans leur environnement affecte aussi ces petits alliés du jardin. Une étude de 2024 a exposé différentes espèces de vers de terre à des microplastiques avec comme effet inflammation interne, stress oxydatif, respiration réduite, et même dommages aux tissus digestifs. Cela affecte leur métabolisme, leur survie et bien sûr leurs bénéfices au jardin.

Photo: Getty Images

Les microplastiques perturbent aussi les champignons mycorhiziens qui aident les plantes à mieux absorber l’eau et les nutriments. Ils peuvent accentuer les effets néfastes des métaux lourds sur ces associations plante-champignon, réduisant ainsi leur rôle essentiel pour la santé et la croissance des végétaux.

Les bactéries sont aussi influencées par ces petites particules de plastique, qui réduisent la diversité des espèces bénéfiques contribuant à la fertilité du sol, comme celles qui fixent l’azote ou rendent le phosphore disponible aux plantes. Cela perturbe les cycles naturels des nutriments et du carbone. De plus, les particules de plastique colonisées par des microbes hébergent une biodiversité appauvrie, dominée par des espèces opportunistes, ce qui réduit encore la richesse microbienne du sol.

Santé de plantes

Pendant longtemps, on pensait que les microplastiques restaient uniquement dans le sol ou étaient ingérés par les animaux. Mais depuis quelques années, plusieurs études ont confirmé que les plantes peuvent les absorber.

Les bâches plastiques dégradées peuvent être source de microplastiques. Photo: F. Kesselring

Les nanoplastiques, encore plus petits que les microplastiques, sont particulièrement préoccupants, car leur taille leur permet de pénétrer facilement dans les racines des plantes et de circuler jusqu’aux tiges, feuilles et parfois même jusqu’aux fruits. Une fois à l’intérieur, ils provoquent du stress oxydatif qui abîme les cellules, réduisent la germination et la croissance, et peuvent altérer la photosynthèse. De plus, ces minuscules particules agissent comme des éponges à polluants, transportant des métaux lourds ou des pesticides directement dans les tissus végétaux.

Risques pour la santé humaine

Est-ce que les microplastiques de notre jardin peuvent se retrouver dans nos assiettes? Oui. Est-ce préoccupant? Oui, bien sûr, mais pas davantage que leur présence déjà omniprésente dans nos maisons, dans notre environnement et même dans les aliments que nous achetons au commerce.

Je ne peux pas vous donner d’informations précises sur la présence de plastiques dans les récoltes de nos potagers, mais une chose est sûre: les microplastiques représentent un risque émergent pour la santé humaine. Ingérés avec l’eau, avec les aliments, ou encore inhalés via l’air et la poussière, ils peuvent provoquer de l’inflammation et du stress oxydatif dans l’organisme. Certains relâchent aussi des additifs toxiques connus pour perturber le système hormonal. Bien que leurs effets à long terme soient encore mal compris, on sait déjà qu’ils s’accumulent dans nos tissus et participent à notre exposition globale à la pollution plastique.

Photo: Getty Images
Photo: Getty Images

Éliminer le plastique au jardin, est-ce peine perdue?

Éliminer complètement le plastique au jardin est sans doute illusoire: il est déjà omniprésent dans notre environnement, et nos jardins n’y échappent pas. Mais cela ne veut pas dire que tout effort soit vain. Plutôt que de viser le «zéro plastique», on peut réduire l’usage du plastique là où c’est possible – par exemple en remplaçant les toiles de paillage synthétiques par du paillis organique, ou en privilégiant les pots en terre cuite, en bois ou en métal plutôt que des contenants jetables. Quant aux plastiques solides et réutilisables, mieux vaut les conserver le plus longtemps possible afin de limiter la production de nouveaux déchets. Ce n’est donc pas une mission impossible, mais plutôt un changement progressif vers des choix plus durables, au jardin comme ailleurs.


  1. De quels contenants jetables parles-tu? Est-ce ceux qui servent à partir des semis et qui sont vendus en grande quantité, ceux qu’on peut laisser en terre quand le semis est prêt à la plantation?

  2. Une source importante de micro et nanoplastique est présent dans le compost industriel produit à partir des bacs bruns. Cette méthode de collecte, généralisée presque partout sur le territoire du Québec, ne permet pas d’obtenir un compost de qualité car le bac brun permet aux délinquants environnementaux de mettre n’importe quoi dans leur bac. Pour ces gens, c’est une deuxième poubelle et les plastiques qu’ils jettent dans le bac se retrouve mêlé avec les matières organiques. Sur le site de compostage, ces plastiques se dégradent au soleil et restent dans le compost au moment du tamisage. Un belle façon d’éviter d’accumuler des micro et nanoplastique dans notre jardin est de faire soi-même son compost. De cette manière, vous savez que vous aurez un compost de qualité. Sans quoi les efforts des gens écoresponsables sont sapés, détruits par les gens qui se fouttent de la préservation de l’environnement.

  3. Merci de nous sensibiliser à cet enjeu qui m’inquiète depuis quelques années. Dans ma cour urbaine et dans ma ruelle, où je jardine, je ramasse régulièrement des plastiques de toutes sortes, jetés par les passants et transportés par le vent. Désolant!