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Curiosité au jardin: les arachides poussent à l’envers!

Ça vous dit quelque chose, ces petites pinottes en écale qu’on achetait au dépanneur du camping? Vous savez, ces trucs dans leur petite coque beige réticulée qu’on décortiquait consciencieusement pour partager avec les écureuils qui nous regardaient avec leurs grands yeux suppliants?

Photo: Vladislav Nikonov

Eh bien, j’ai une petite nouvelle pour vous: ces collations nostalgiques cachent quelques secrets botaniques plutôt surprenants. D’abord, les arachides, contrairement à ce que leur surnom de «pinottes» pourrait laisser croire – ce surnom vient de l’anglais «peanut» qui fait effectivement référence aux noix (nuts) – ne sont même pas des noix! Et tenez-vous bien: elles ne poussent pas dans les arbres (comme les noix!), mais sous terre, au niveau des racines!

Une légumineuse déguisée en noix

Première petite révélation: l’arachide appartient à la famille des haricots! Ces petites écaleuses sont en fait des légumineuses (Fabacées) qui se donnent des airs de noix. Ben oui: les pinottes, c’est des beans!

Les vraies noix (cajou, noisettes, glands, etc.) sont des fruits secs et durs qui poussent dans les arbres, comme des pommes, et il faut généralement utiliser une certaine force pour briser leur couche extérieure. L’arachide, elle, c’est une gousse modifiée qui contient des graines distinctes, exactement comme un haricot, mais en version souterraine, et dont l’enveloppe est faite pour s’ouvrir d’elle-même à terme (et est donc beaucoup plus facile à ouvrir à mains nues au bord du feu de camp!).

Photo: Ivar Leidus

Et c’est là que ça devient intéressant (et étrange!) pour le jardinier curieux: la plante d’arachide fait ses petites fleurs jaunes bien innocemment au-dessus du sol, comme n’importe quelle plante. Après la pollinisation, la fleur développe une espèce de tige appelée «gynophore» qui pousse vers le bas et s’enfonce dans la terre pour aller y développer ses gousses. Ce n’est donc pas un stockage de racine comme une patate, mais bel et bien un fruit, que la plante cache sous la terre!

Gynophore après la fécondation, juste avant de plonger sous terre. Photo: Alain Busser

C’est ce qu’on appelle la géocarpie, et c’est si rare dans le règne végétal que seulement une vingtaine d’espèces pratiquent cette technique. Je ne veux surtout pas vous dire quoi faire, là, mais si observer les phénomènes étranges de la nature vous passionne, plantez des arachides!

Photo: Pollinator

Les écales: protection et confusion

Maintenant, parlons de ces fameuses écales – je veux dire la coque extérieure beige et texturée qu’on casse pour accéder aux arachides. Cette coque, c’est en fait la gousse modifiée qui s’est développée sous terre: ne la mangez pas, c’est pas mal plus coriace que les p’tites fèves jaunes! Elle sert de protection contre l’humidité du sol, les champignons, les insectes et les variations de température. Bref, elle joue le même rôle que pour les haricots «aériens».

La fine peau rougeâtre qui enveloppe chaque graine d’arachide est une autre protection – c’est ce qu’on appelle le tégument séminal. Cette petite peau-là, certaines personnes l’enlèvent, d’autres la mangent. Elle est riche en antioxydants et en tanins, d’où sa saveur légèrement amère. C’est comme la peau des beans qui craque quand on les fait trop cuire!

Photo: Sanjay Acharya

Le mystère du «deux par deux»

Vous vous êtes sûrement demandé pourquoi les arachides viennent presque toujours deux par deux dans leur coque? La réponse est dans l’économie d’énergie de la plante. Quand l’ovaire de la fleur se développe sous terre, il contient initialement 2 à 6 ovules. Mais la plante fait un calcul: est-ce qu’elle investit toute son énergie dans une seule énorme graine ou est-ce qu’elle répartit son énergie et ses nutriments dans six petites?

La nature a tranché: deux graines, c’est l’optimum! Ça permet de prendre un risque calculé (si une ne germe pas, l’autre prend la relève) tout en maximisant les réserves énergétiques de chacune. Et ces réserves sont généreuses: 50% de lipides, 25% de protéines – c’est plus nutritif qu’un œuf, à poids égal!

Contrairement aux graines faites pour voyager (pensez aux érables avec leurs petites ailes ou aux pissenlits avec leurs soies volatiles), l’arachide mise tout sur la survie locale. Pas de gadgets pour la dispersion, juste des réserves maximales pour que les plants démarrent dans la vie, avec un lunch bien généreux, le tout juste à côté de maman!

Cultiver des arachides au Québec: mission possible!

Peut-on vraiment faire pousser ça ici? La réponse est oui, avec des variétés de saison courte comme la ‘Valencia’ ou la ‘Garoy’. Ces variétés arrivent à maturité en 110-120 jours au lieu des 150 jours des variétés du Sud.

Mignonne fleur d’arachide. Photo: H. Zell

La méthode qui fonctionne au Québec:

  • Semis intérieur (4-6 semaines avant le dernier gel)
  • Transplantation extérieure quand les températures sont au-dessus de 10 °C
  • Culture en contenants possible
  • Sol léger, sablonneux, très bien drainé
  • Protéger du gel, et récolter le plus tard possible, quand le feuillage jaunit

Les arachides fraîchement récoltées sont amères. Le goût s’améliore avec le temps, le séchage ou même la cuisson.

Bon à savoir: les arachides enrichissent le sol en azote, comme toutes les légumineuses. Vos plants de l’année suivante vont vous dire merci!

Pour le plaisir du jardinier

Maintenant, parlons franchement: est-ce que ça vaut la peine économiquement? Quand on peut acheter un sac de 2 kg d’arachides en écale pour 5$ en promotion à l’épicerie, et que votre récolte maison vous donne l’équivalent de deux poignées après 6 mois d’efforts… soyons réalistes: pour nourrir votre famille en cacahuètes, l’épicerie reste un meilleur choix! Bref, si vous pensiez économiser sur le beurre de pinottes (ça fait drôle de se dire qu’on beurre nos rôties avec des haricots, non?), j’espère que vous êtes très très motivés!

Mais vous me connaissez, la valeur est ailleurs. D’abord, vos arachides maison vont avoir un goût de fraîcheur incomparable. Ensuite, quel spectacle fascinant de voir ces gynophores s’enfoncer dans la terre! Sans compter que c’est probablement le seul légume que vous pouvez cultiver qui va surprendre vos invités. «Comment ça, ça pousse en dessous de terre?» Ça vaut tous les cours de biologie du monde.

Récolte immature. Photo: Delince

Alors voilà: les arachides, ce n’est peut-être pas le placement du siècle, mais c’est certainement une aventure horticole dépaysante. Une légumineuse qui pousse à l’envers avec ses petites graines en duo dans leur coque protectrice… c’est quand même assez particulier!

L’été prochain, pourquoi ne pas essayer? Au pire, vous aurez appris quelque chose. Au mieux, vous aurez de quoi nourrir les écureuils du camping avec vos propres pinottes en écale!


  1. L’arachide est une légumineuse qui pousse sous terre. Étonnante nature!
    Merci pour cet article fort intéressant, Audrey.

    • Bonjour,
      Et pour ceux qui veulent voir des plants d’arachides au Québec, passez par le jardin nourricier au Jardin botanique de Montréal. Notre merveilleuse horticultrice Isabelle, en plante toujours.

      Louise, guide bénévole au Jardin

    • Où peut-on se procurer ces variétés de semence? J’aimerais bien vivre l’expérience avec mon petit-fils l’an prochain.
      Merci

  2. Toujours très intéressant tes articles, j’adore te lire. Merci

  3. De plus en plus mieux, l’Amour pousse pousse..!

  4. Merci Audrey pour ces infos fascinantes! Ça donne vraiment le goût d’essayer. Mais pour semer des arachides, est-ce qu’on prend simplement des arachides crues achetées à l’épicerie ou chez Bulk Barn et on les met en terre? Si oui, à quelle profondeur?

    • Je suis intéressé aussi par la réponse à ces questions.

    • Ben oui, simple demême! Bon, c’est certain qu’acheter des semences vous donnera un meilleur résultat: vous aurez une variété adaptée, et la certitude que vos semences sont fraîches. Mais honnêtement, j’ai déjà planté des légumineuses séchées de l’épicerie, des graines de lin et de moutarde, et ça a toujours donné un résultat allant d’acceptable à étonnamment bon, alors les arachides d’épicerie: pourquoi pas!?

  5. « Les pinottes, c’est des beans! ». Ah, ce sera sûrement ma phrase préférée de la journée, sinon de la semaine! ?

  6. Ma mère me racontait que sa mère cultivait les arachides , entre autres, dans son immense potager en 1925…

  7. La valeur du jardinage est difficile à mesurer. Mais pour moi, le plaisir que ça me procure est inestimable. Et ça, c’est sans compter ses bienfaits à l’égard de ma santé physique et mentale. C’est certain qu’il y aura toujours un voisin, un collègue ou un beau-frère pour te rappeler que le chou-fleur est à 99¢ cette semaine à l’épicerie ?

  8. Petite précision au lieu d’arachides en écailles, c’est arachides en écales qui est plus indiqué mais véritablement on devrait parler de cosses au lieu d’écailles.
    Ainsi au lieu d’écailler des arachides on préfèrera écosser des arachides comme on le ferait pour des petits pois, après tout ce sont, tout deux des légumineuses comme vous le mentionnez.
    Vos articles me procurent toujours beaucoup de plaisir.

  9. Petite erreur commune : les « pinottes » ont des écales. Les écailles, c’est pour les poissons.

    • Vous avez tout à fait raison! C’est corrigé!

    • Ça me rappelle cette pub quand j’étais petite: Plus fraîches dans les calles que l’arachide dans l’écale.
      Nos peanuts arrivaient par bateaux?

      • Une recherche sur internet ne donne rien sur cette pub. Je l’ai vue sur une boîte de carton d’emballage avec un dessin d’arachide, dans les années 1970. C’est comme ça que j’ai appris qu’on disait « écale » et non « écaille ». Comme quoi les pub ont du bon! Quelqu’un d’autre s’en souvient?

  10. Merci pour cet article, très instructif et ça donne le goût d’en faire l’essai…Les écureuils en plantent à chaque année un peu partout sur le terrain. J’aime aussi la manière dont tu traites les sujets. Ta plume rend les sujets encore plus vivants et intéressants.

  11. Un plaisir à lire. Merci.

  12. Je crois que les arachides qu’on achète à l’épicerie on été grillées si je ne me trompe pas. Elles risquent de ne pas pousser! À surveiller 😉
    J’en suis à ma 2e année avec la variété Valencia. Le très sympathique semencier des « Jardins ornementales de Catherine » m’a vendu mon p’tit sachet de semence avec le même commentaire que toi Audrey: « Tu ne récoltera pas des masses les premières années, mais ce sera une belle expérience. Garde les plus grosses pour les ressemer l’année suivante, ça adaptera progressivement tes plants à tes conditions, et tes récoltes augmenteront! »
    Je surveille mes plants avec beaucoup de curiosité. Ils on bien résistés aux canicules et à la sécheresse de cet été (RiveSud de MTL).
    J’ai hâte de voir ce qui se cache en dessous!!!
    Merci Audrey pour tes rubriques 🙂

  13. Love it!! je veux essayer ca!

  14. Merci,
    Vraiment toujours intéressant !

  15. j’avais mangé des peanuts fraîches en Inde, ils ont une grosse production là-bas, j’avais tellement aimé ça, je ne savais pas que je pouvais en faire pousser chez moi! ? une petite poignée par année, en plus de l’intérêt éducatif, ça vaut la peine! très intéressant article!

  16. j’avais mangé des peanuts fraîches en Inde, ils ont une grosse production là-bas, j’avais tellement aimé ça, je ne savais pas que je pouvais en faire pousser chez moi! ? une petite poignée par année, en plus de l’intérêt éducatif, ça vaut la peine! très intéressant article!

  17. Génial! Merci

  18. Merci pour cet article. J’en ai planté pendant quelques années pour le plaisir de voir se beau phénomène. Et c’est si délicieux. Maintenant, cette année, pour la première fois, j’ai plantée du souchet.
    Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur cette plante. Merci. J.M