Du potager au shaker : mes plantes ont du vice (et c’est tant mieux!)
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Mes deux derniers articles avaient le mot «confession» dans le titre: je dois me sentir particulièrement en confiance ce printemps pour vous en dire autant! Jamais deux sans trois, même si ce n’est pas dans le titre, voici une troisième révélation: J’adooooooore l’alcool!
Quoi?! Ma blogueuse préférée a un problème d’alcool!?
Mais non! Pas en termes de quantité! En termes de variété. Le cocktail du samedi soir n’a pas à être ennuyeux et, croyez-moi, avec tous les incroyables produits québécois qu’on fabrique à partir de végétaux d’ici, il y a de quoi adorer ce monde de saveurs et le redécouvrir à l’infini.
Le rapport avec le jardinage? Eh bien, l’alcool est fait à partir de plantes fermentées qui sont ensuite souvent aromatisées avec… d’autres plantes.
Autre argument: je vous jure qu’ajouter du gin floral Violette, de la distillerie Mariana, à votre première récolte de bleuets, écrasés dans un shaker, avec du sirop de lilas maison, c’est un très bon moyen de savourer l’été, surtout après une longue journée de jardinage! C’est mon go to post jardinage depuis deux ans, ce gin aux fleurs!
Mais comment c’est fait, l’alcool? Comment les plantes sont-elles transformées ou ajoutées pour créer des breuvages aussi variés? Je vous dis tout ça dans cet article, pour lequel j’ai même bénéficié des précieux conseils d’une experte en la matière: Madame Gin!
La magie de la fermentation: l’alcool, c’est du sucre transformé
Avant de vous parler des plantes spécifiques, comprenons ce qui se passe quand on fait de l’alcool.
C’est beaucoup plus simple qu’on pourrait le croire. On a besoin de deux choses: du sucre et des levures. Les levures sont ces petits champignons microscopiques qui, quand on les met en présence de sucre dans un environnement sans trop d’oxygène, font la fête et produisent deux choses: de l’alcool et du CO2. Eh oui, les bulles dans la bière et le champagne, ce sont… des pets de champignons!

D’où vient ce sucre? Des plantes, bien sûr! Et selon la plante qu’on utilise, on obtient un alcool différent. Il existe pratiquement autant de types d’alcools que de plantes sucrées ou qui contiennent de l’amidon (qui est une forme de sucre).
Vous pensez raisins et canne à sucre? Érable? Vous n’avez pas tort, ce sont des idées évidentes! Mais le sucre se cache aussi dans des plantes insoupçonnées!
Les céréales: la base de vos 5 à 7
Je ne parle évidemment pas de Lucky Charms ici, mais bien des céréales cultivées: le blé, l’orge, le riz, etc. Les céréales sont probablement les plantes les plus utilisées mondialement pour fabriquer de l’alcool. Si vous avez déjà savouré une bière après avoir désherbé vos plates-bandes (soyons honnêtes, c’est une excellente motivation), vous avez bu un alcool de céréales.
L’orge est la reine des céréales dans le monde de l’alcool. Pour transformer son amidon en sucres fermentables, on la fait malter – un processus où on laisse les grains germer légèrement avant de les sécher. On encourage la plante à transformer elle-même les réserves d’amidon dans la graine en sucre, puis on l’arrête en plein élan en la séchant.

D’autres céréales comme le seigle, le maïs et le blé sont également très populaires. Le bourbon américain qui a ce goût légèrement sucré, c’est grâce au maïs. Le whisky qui vous réchauffe en hiver après avoir déneigé l’entrée? Merci au seigle et à son petit côté épicé! La bouteille de saké que vous avez choisie un peu au hasard parce que vous ne comprenez pas ce qui est écrit sur la bouteille? C’est de l’alcool de riz.
Il est fascinant de voir comment ces grains, qu’on pourrait semer dans notre jardin, finissent dans un verre à cocktail après quelques transformations. Je me plais parfois à imaginer que les épis de maïs de mon potager pourraient un jour devenir du bourbon… avant de me rappeler que je n’ai pas l’équipement nécessaire et que c’est, de toute façon, très facile de mal fermenter quelque chose et de s’empoisonner. Je laisse ça aux pros!

Les fruits: de la vigne au verre
Parlons maintenant des fruits, ces merveilles juteuses et naturellement sucrées. Si vous êtes plus vin que bière, vous êtes team fruits!
Le raisin est le champion incontesté, avec ses milliers de variétés qui produisent des vins aux profils infiniment diversifiés. Mais savez-vous que même après avoir pressé le raisin pour le vin, on n’en a pas fini avec lui? Les résidus (peaux, pépins, rafles) sont distillés pour produire des alcools comme le marc ou la grappa italienne. Rien ne se perd, tout se transforme!
Sans oublier les eaux-de-vie faites à partir des autres petits fruits rouges! Canneberges, cerises sauvages et framboises sont à l’honneur dans nos régions. Ça goûte l’été et ça impressionne la visite!
Les pommes et les poires entrent aussi dans la danse avec le cidre, le calvados et le poiré. Parlez-en aux vergers que vous visitez à l’automne, c’est tout un monde! J’ai souvenir d’une soirée de camping en octobre où il faisait près de zéro, on était presque assis dans le feu pour se réchauffer, et on se passait une bouteille de cidre légèrement épicé. Depuis, les cidres de glace et poirées sont devenus le «dessert» par excellence qui accompagne les feux de camp d’automne.
(N’étant pas du tout une preneuse de photos, je n’ai pas d’image d’archive à vous sortir. Voici donc la version Intelligence artificielle de ce moment. Non mais ils ont tu pas l’air heureux, avec leur bouteille mystère!?)
Les autres: canne à sucre, agave et pommes de terre
Le monde des alcools s’étend bien au-delà de ce qu’on peut cultiver dans nos jardins québécois. Je n’ai jamais réussi à faire pousser de la canne à sucre dans ma cour (étonnant, n’est-ce pas?), mais je suis quand même fan de rhum dans mes jus de fruits frais. Même en hiver, quand même mes pensées semblent gelées, un peu de rhum dans mon chocolat chaud me rappelle que, quelque part, c’est l’été.
L’agave, cette plante succulente qui ressemble à un aloès géant, donne la tequila et le mezcal. On cuit ses cœurs charnus pour libérer les sucres avant de les fermenter. C’est fascinant de penser qu’une plante qui stocke l’eau pour survivre dans le désert finit par produire un alcool aussi caractéristique!

Et que dire des pommes de terre? Ces tubercules qu’on s’évertue à cultiver dans nos potagers peuvent aussi, une fois fermentés et distillés, donner de la vodka. Mais voici ce que Madame Gin m’a appris et qui m’a complètement soufflée: il faut six fois plus de pommes de terre que de grain (de céréales) pour faire la même quantité d’alcool! Six fois! Ça veut dire que l’alcool de patates, c’est le top du top, la classe, le fancy par excellence… Dire que c’est une culture qui a sauvé des civilisations et qui est pourtant encore caractérisée comme un légume «de pauvres»! Vénérons la patate, mesdames et messieurs: dans le monde de l’alcool, elle est une reine!
L’acérum: quand l’érable devient un spiritueux
Et maintenant, laissez-moi vous parler de ma découverte préférée: l’acérum! Si vous êtes Québécois comme moi, vous connaissez notre amour pour tout ce qui touche à l’érable. Il y a évidemment des whiskys bien connus et des gins qui sont aromatisés avec du sirop d’érable… Mais connaissez-vous cette merveille qu’est l’acérum?
C’est un spiritueux 100% québécois fabriqué à partir de sève d’érable fermentée. Son nom est un mélange ingénieux entre Acer (le nom latin de l’érable) et rum (rhum en anglais). C’est comme si l’érable et le rhum avaient eu un bébé, et quel bébé délicieux! (À la relecture, cette phrase est particulièrement étrange, mais je vous la laisse quand même!)
La fabrication commence avec la sève d’érable, collectée comme pour le sirop, mais au lieu de la faire bouillir jusqu’à épaississement, on la fait fermenter avec des levures. Ensuite, ce liquide fermenté est distillé lentement dans un alambic, donnant naissance à une eau-de-vie aux notes fruitées et subtilement érablées.
L’acérum existe en version blanche (non vieillie) ou brune (vieillie en fûts de chêne, parfois des barils ayant contenu du sirop d’érable). Et bonne nouvelle pour les puristes: aucun additif, colorant ou sucre ajouté n’est autorisé – juste de la sève d’érable, des levures, et éventuellement le vieillissement en fût.
Ce qui me rend particulièrement fière, c’est que l’acérum a récemment obtenu une indication géographique protégée (IGP). Ça signifie que seuls les spiritueux produits au Québec, selon des méthodes strictes et avec de la sève d’érable québécoise, peuvent porter ce nom. C’est comme si notre terroir était embouteillé – un peu de notre unicité québécoise à partager avec le monde!
Les plantes qui donnent du goût: l’art de l’aromatisation
Maintenant, parlons des plantes qui ne fournissent pas l’alcool lui-même, mais qui lui donnent sa saveur. C’est là que le jardinage et la mixologie se rencontrent vraiment!
Prenons l’exemple du gin. C’est mon spiritueux préféré pour les cocktails d’été à cause de la variété incroyable de saveurs et de parfums qui s’en dégagent. C’est essentiellement une vodka (alcool neutre) aromatisée principalement avec des baies de genévrier, mais aussi une multitude d’autres «botaniques» – terme chic pour dire «plantes aromatiques».
La liste des plantes qu’on peut trouver dans un gin est longue et fascinante: coriandre, écorces d’agrumes, racine d’angélique, réglisse, fenouil, cardamome, baies de sureau… Fleurs, fruits, légumes, racines… Beaucoup sont des plantes qu’on pourrait cultiver dans nos jardins!
Il existe principalement deux façons d’incorporer ces arômes:
- La macération: les plantes trempent dans l’alcool pendant 24 à 48 heures, comme un thé très fort;
- L’extraction à la vapeur: les plantes sont placées dans un panier au-dessus de l’alcool qui, en s’évaporant, passe à travers elles et capture leurs essences. La vapeur refroidit, redevient liquide, et garde ses nouveaux parfums.

La prochaine fois que vous goûterez un gin, essayez d’identifier les botaniques. C’est comme un jeu de devinettes pour jardiniers amateurs! Cette note florale, est-ce de la lavande? Cette touche épicée, peut-être du piment? Ce côté fruité, des framboises?
Et ne me lancez pas sur les liqueurs herbacées comme la Chartreuse avec ses 130 plantes! Ces boissons sont de véritables jardins botaniques en bouteille!

Les recommandations gin de Madame Gin: du québécois dans votre verre!
Puisqu’on parle de gin et que j’ai la chance d’avoir une experte sous la main, Madame Gin m’a partagé ses coups de cœur québécois. Et croyez-moi, ces suggestions vont vous faire découvrir des merveilles d’ici!
Le gin Marie-Victorin de la Distillerie des Subversifs mérite une mention spéciale. Vous savez qui était Marie-Victorin? Ce botaniste québécois légendaire qui a étudié notre flore avec passion! Le nom de ce gin est donc parfaitement choisi pour notre thématique. Anciennement appelé Pigger Henricus, ce classique québécois est aromatisé naturellement avec du panais. Du panais! Qui d’autre que nous aurait eu l’idée de mettre un légume racine dans un gin? C’est génial! Et je vous rassure, ça ne goûte pas le panais comme si on mangeait la racine (ça serait moyen intéressant avec un tonic, mettons!). C’est un arôme très délicat. J’adore cette distillerie! Leurs crèmes de menthe et leur gin d’érable: purs délices! En plus, leurs bouteilles sont belles!
Ensuite, il y a toute la gamme des gins de la distillerie Ubald, qui appartient à Patates Dolbec. Oui, vous avez bien lu: une entreprise de patates québécoise qui fait du gin! On se souvient que l’alcool de patate, c’est la classe! Tous leurs gins sont élaborés à partir des cultures de patates ou de grain de l’entreprise. Madame Gin a un faible particulier pour leur gin herbacé Vallée, distillé sur une base d’alcool de patates.
Pour les amateurs de fruits, Entre Pierre et Terre produit le gin du Verger, fabriqué à partir de poires et pommes de leur verger. C’est comme boire un verger.
Mon coup de coeur
Et ma (future) découverte coup de cœur: le gin Floraisons d’Hydromel Charlevoix. L’alcool de base est fait à partir du miel de leurs ruches, donc techniquement à partir des fleurs (le miel, c’est du nectar de fleurs régurgitées, bonne dégustation!). Le plus beau? Le papier de leur étiquette contient des graines de fleurs! Une fois la bouteille vidée, vous pouvez planter l’étiquette. C’est pas merveilleux, ça? Par contre, il n’est disponible que sur place à la distillerie… Je n’y ai pas encore goûté, mais c’est une excellente raison d’aller faire un tour dans Charlevoix, non?
Si vous voulez en savoir plus sur le monde fascinant des gins, des aromates, et des cocktails, je vous recommande madamegin.com. C’est une mine d’or d’informations, surtout si vous débutez et que vous ne savez pas trop où donner de la tête!
Le jardinage pour cocktails: cultivez vos ingrédients
Voici maintenant la partie qui vous intéresse peut-être le plus: comment intégrer cette passion pour les alcools botaniques dans votre jardin?
Si vous êtes comme moi, vous avez peut-être déjà un coin «herbes aromatiques» dans votre potager. Pourquoi ne pas l’étendre en y ajoutant des plantes spécifiquement choisies pour vos cocktails maison?

Voici quelques suggestions faciles à cultiver au Québec:
- Menthe: La base des mojitos. Attention, elle est envahissante! Mettez-la en pot ou elle colonisera tout votre jardin!;
- Mélisse: Cousine de la menthe et également envahissante (j’en sais quelque chose!). Délicieux goût citronné et estival;
- Basilic: Délicieux dans les cocktails à base de gin. Essayez le basilic thaï pour une touche anisée;
- Thym: Subtil et polyvalent, parfait pour infuser des sirops;
- Lavande: Pour des cocktails floraux élégants. Je vous donne un point bonus si vous m’invitez!;
- Lilas: Il y a tellement eu de pluie cette année que mes lilas ne goûteraient rien, mais habituellement, je fais un sirop avec les fleurs: un délice!;
- Concombre: Techniquement, un fruit, mais tellement rafraîchissant dans les cocktails d’été;
- Fraises: Pour des daiquiris maison incomparables;
- Rhubarbe: Fait un sirop acidulé merveilleux pour équilibrer les drinks sucrés.
Jouez avec les saveurs et explorez: vous n’avez pas besoin d’une recette pour chaque cocktail! Vos fines herbes, fruits et autres s’utilisent de mille façons dans les breuvages: en garniture, en sirop, écrasés dans un shaker, en infusion, en rim de sel ou sucre… soyez créatifs!

En conclusion: trinquons à la diversité botanique!
De l’orge maltée dans votre bière au sirop d’érable dans votre acérum, en passant par les dizaines de plantes qui parfument votre gin québécois, les boissons alcoolisées sont un véritable hommage à la diversité et à l’ingéniosité botanique de notre planète.
J’espère que cet article vous a donné envie d’explorer ce monde fascinant où jardinage et mixologie se rencontrent. Peut-être même que la prochaine fois que vous dégusterez un verre de vin, vous penserez différemment aux raisins qui l’ont produit, ou que vous regarderez les érables en entaillage avec un respect renouvelé. Et peut-être que vous découvrirez un nouveau gin québécois grâce aux suggestions de Madame Gin!
Si vous cultivez des herbes, des fruits ou des fleurs comestibles, vous êtes déjà à mi-chemin de créer vos propres infusions, sirops ou garnitures pour cocktails maison. C’est une autre façon de profiter des fruits (littéralement!) et de votre labeur au jardin.
À votre santé, chers jardiniers-mixologues en herbe! Et surtout, comme pour le jardinage: expérimentez, amusez-vous, mais consommez toujours avec modération. Une bonne récolte, comme un bon cocktail, ça se savoure lentement!

(Ben oui, il fait froid, mais on en profite quand même! La meilleure photo: le p’tit chapeau de jardinage et la robe de chambre, awaye donc su’l blogue! Je ne suis pas une influenceuse glamour!)
<3
super article! wow la photo! je vais aller coucouner mes patates!
Très intéressant votre blogue !
Merçi de Nous éclairer … enfin …sur une panoplie de produits québécois …sur les tablettes de la SAQ dont on n’oserait déguster.
Un très bel été à vous !
Ça me fait plaisir! Je vous encourage à visiter les distilleries ou à faire la dégustation de produits vedettes à la SAQ ! Le tout devient bien moins mystérieux et on fait de belles découvertes!
Je ne bois pas d’alcool mais cet article très intéressant m’en a presque donné le goût! Je refile
À mon chum qui fera de délicieuses découvertes cet été grâce à toi.
Ce matin votre texte se lisait comme un bon roman !
Quelle belle main d écriture !
Wow merci! Moi qui avais peur d’avoir fait un article trop long!
Quelle bonne saveur ce matin! Merci.
Ahahah! Wow toujours aussi rafraichissante! Merci! 😉
Moi je fait une liqueur tout a fait délectable avec de l’estragon français , du sucre et de la vodka, c’est divin
J’essaie ça sans faute! J’adore les découvertes!
Vraiment intéressant cet article! Et il y en a pour tous les goûts! J’ai particulièrement aimé le passage sur les alcools québécois, et moi qui ne suis pas très « gin », j’ai bien envie d’essayer le gin Marie-Victorin (un bel hommage) de la distillerie des subversifs (un nom attirant). Merci pour cette richesse d’infos!