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Gelée de canneberge ou canneberge gelée?

À la suite de mon article sur les traditions du temps des fêtes à propos de la gelée d’atocas, vous avez été plusieurs à me supplier de vous donner plus d’informations sur ce petit fruit et sa culture. Voici donc pour vous, cher public en délire, tout ce qu’il faut savoir sur la canneberge, sa culture, ses bienfaits…

… Et surtout sur la raison pour laquelle je n’irai JAMAIS travailler dans une cannebergière!

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

La canneberge de chez nous

Saviez-vous que le Québec est la province produisant le plus de canneberges au Canada? C’est dans la région du Centre-du-Québec qu’on retrouve près de 80% de nos producteurs. Et pour cause! La culture nécessite deux choses: des terrains relativement plats et des sols sablonneux. La canneberge ne vit pas dans l’eau, contrairement aux images véhiculées, elles préfèrent les sols secs.

Plante vivace, la canneberge est un arbuste rampant qui produit des fruits dès sa troisième année. Elle aime les sols acides et ne nécessite pratiquement pas d’entretien. Comme c’est une plante originaire d’Amérique du Nord qui pousse à l’état sauvage dans les tourbières acides, sa culture est facilitée: le climat est idéal. Ce n’est pas comme essayer de faire pousser des bananes, ce qui demanderait beaucoup plus de travail pour accommoder la plante.

Fleur de canneberge. Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Elle ne nécessite qu’une ou deux fertilisations par année et peu d’entretien: couper les branches abîmées et les tiges végétatives aux trois ans. Est-ce que ça signifie peu de travail pour les producteurs? Non! Il reste toujours la lutte contre les insectes et les mauvaises herbes, l’arrosage (qui est heureusement réalisé par des gicleurs), ainsi que la gestion de ce grand défi du jardinier paresseux, j’ai nommé: l’hiver!

Le froid? Ça va. Mais le reste…!

Bien que la canneberge soit adaptée à notre climat et résistante aux températures glaciales, il faut prendre deux choses en considération: 1. C’est un champ, et 2. … C’est un champ!

Un plant de canneberge seul dans une tourbière est protégé par les autres plantes, les arbres et la grande quantité d’eau dans le sol. Les vents, le verglas, les mètres de neige qui s’accumulent sur l’arbrisseau sont alors beaucoup moins intenses. Le plant au milieu d’un champ se prend tous les éléments hivernaux de plein fouet.

Ensuite, il faut considérer la rentabilité du champ. En nature, si la moitié des branches, bourgeons et fleurs sont emportés par la saison froide et les gels printaniers… Eh bien, on s’en fiche un peu! L’arbre n’en soufre aucunement. Mais pour le producteur qui perd la moitié de sa récolte, c’est autre chose.

Protection hivernale

C’est pourquoi, même si c’est une plante tout à fait capable de survivre à l’hiver rude du Québec, les cultivateurs doivent la protéger.

Comment fait-on? On habille chaque plant individuellement? On les déterre pour les mettre dans la grange? On leur met bonnet de laine et mitaines?

Non, la réponse est à la fois beaucoup plus simple… et spectaculaire! On gèle les plants. On les recouvre de 6 pouces de glace. On en fait un grand lac gelé à la canneberge. Et puis on se revoit au printemps!

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

C’est fascinant cette pratique: les bourgeons, qui se forment à l’automne, résistent très bien au froid, alors les geler ne leur cause aucun tort. Qu’il vente, neige, grêle, les canneberges sont bien à l’abri avec un «toit» sur la tête… Ou plutôt autour de la tête! Au printemps, les bourgeons pourront donner des stolons d’environ 30 centimètres de haut, qui porteront les fleurs puis les fruits.

Image de mai 2023: gel hâtif? On (re)gèle! Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Encore une fois, cette pratique n’est pas de tout repos pour les cultivateurs qui doivent inonder le champ au bon moment en décembre et le drainer au printemps, tout en arrosant copieusement en cas de gel printanier.

La récolte, on ne se casse pas la canneberge

Vous avez déjà vu la récolte de canneberge? C’est absolument fascinant! Quand les fruits sont immatures, ils sont blancs, puis, quand ils changent de couleur pour leur jolie teinte cramoisie, responsable de tant de nappes de Noël tachées, les fruits sont mûrs. À ce moment, les producteurs battent leurs champs pour détacher les fruits des plants, puis ouvrent les valves des réservoirs.

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

En effet, la canneberge est récoltée en inondant le champ. Grâce aux quatre alvéoles à l’intérieur des fruits, ils flottent. À mesure que l’eau envahit le champ, sa surface tourne au rouge, alors que tous les petits fruits remontent à la surface. Une courroie flottante est ensuite glissée sur la surface pour ramener les canneberges vers le côté du bassin où se trouve l’énorme balayeuse à canneberge. Et boum! Un camion de canneberges!

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Pourquoi je ne travaillerai jamais dans un champ de canneberges?

Parce qu’au moment de la récolte, il faut aller dans l’eau pour s’assurer du bon fonctionnement. C’est en octobre, c’est froid, mais avec le bon équipement, ce n’est pas si mal. Le réel problème (pour moi), c’est que toutes les petites bestioles dans la plantation se noient, s’envolent, ou se mettent à flotter. Et parmi les bestioles flottantes, on retrouve… les araignées!

En effet, collègue inestimable des cultivateurs, et, je dois l’avouer à contrecœur, des jardiniers en général, les bestioles à huit pattes abondent dans ces champs, et particulièrement dans les champs bios, qui représentent plus du tiers de nos champs de canneberges québécois.

C’est génial d’être l’endroit numéro 1 au monde à produire des canneberges bio, non? Eh bien pensez à ces pauvres travailleurs de la canneberge qui pataugent dans leur soupe de fruits et d’araignées: ils méritent toute notre admiration.

Notez qu’il n’a pas l’air trop malheureux, quand même!

Avec un bon équipement, ça reste quand même pas si mal, mais là où je décroche complètement, c’est ici: instinctivement, ces petits prédateurs se dirigent vers la «terre ferme». Ce ne sont pas des animaux aquatiques qui sont confortables dans, ou dans ce cas-ci, sur l’eau.

Mais voilà, pour elles, VOUS ÊTES LA SEULE CHOSE QUI SORT DE L’EAU.

Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je roule dans l’herbe en criant quand je rencontre une de ces horribles bestioles dans mon jardin. Vous m’imaginez, bouée de sauvetage pour araignées!? Franchement, juste d’y penser, j’ai des frissons.

D’où vient toute cette eau?

C’est une question qu’il faut se poser, après tout, on inonde et on congèle le champ, mais cette eau ne peut pas rester là tout le temps, la canneberge n’est pas une plante aquatique et elle ne survivrait pas à une vie immergée. Il faut donc pouvoir drainer les champs après la récolte, ainsi qu’au printemps, mais aussi s’assurer de mettre l’eau pas trop loin pour pouvoir la réutiliser. On ne remplit pas un champ comme une piscine, avec un tuyau d’arrosage, et encore moins avec le réseau d’aqueduc de la ville!

La cannebergière a un réservoir. Pas une cruche d’eau gigantesque, non, c’est un lac.

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Think big: deux lacs, en fait! Un lac en amont et un en aval, permettent d’inonder rapidement, mais aussi de drainer les champs. L’eau est contrôlée à l’aide d’un savant système de pompes et de portes, et les champs sont inondés chacun leur tour pour limiter les besoins en volume d’eau. Un lac, ça a beau être grand, le champ l’est aussi: on n’est pas branché au Lac St-Jean quand même! Alors on y va un champ à la fois et l’eau est récupérée et recyclée d’année en année.

Des bienfaits connus depuis longtemps

Bien avant que les colons arrivent en territoire américain, les Premières Nations récoltaient la canneberge sauvage. Ils l’utilisaient évidemment pour ses vertus culinaires, mais également pour soigner différents maux, et même pour la conservation des viandes. C’est d’ailleurs l’un des aliments qui fut donné aux colons souffrant de scorbut (causé par une très grande carence en vitamine C).

Notez que la présentation faite aux colons devait être légèrement moins fancy! Crédit photo: leporcduquebec.com

Chargée à bloc de vitamine C, la canneberge est faible en sucre et en sodium. Elle est excellente pour la santé des os et des dents, et ses particularités antiadhésives en font un allié contre la plaque dentaire, les ulcères et les infections urinaires (surtout chez la femme). En consommant beaucoup de canneberges, les parois internes (bouche, estomac, vessie) sont protégées des bactéries, qui peinent alors à s’accrocher et sont tout simplement évacuées par l’organisme.

Source: © Mouvement J’aime les fruits et légumes

Les propriétés antioxydantes de la canneberge, quant à elles, sont idéales pour la santé cardiovasculaire et l’augmentation du bon cholestérol.

Il ne s’agit pas d’une médecine traditionnelle sans fondement; les effets positifs de la canneberge ont été démontrés dans de nombreuses études. Fraîches, séchées ou en jus, dans une salade, un cocktail ou une sauce: c’est l’été, c’est un fruit local (au Québec), et ça goûte bon. Profitez-en, c’est à consommer sans modération!

Photo: Association des producteurs de canneberges du Québec (APCQ)

Merci à l’Association des producteurs de canneberges du Québec pour leur révision de cet article, ainsi que l’utilisation de leurs photos. Si vous désirez en apprendre plus sur les pratiques ou des producteurs, je vous invite à visiter leur site web au www.notrecanneberge.com


  1. Simplement Merci.
    Colette

  2. Tellement intéressant! Merci Audrey, vous êtes une communicatrice hors pair!

  3. Enfin, grâce à toi, une partie du mystère est résolu! Merci!

  4. Vraiment intéressant. Merci beaucoup! Bonne journée à vous et à tous.

  5. Bonjour Audrey..alors je vais me mettre aux canneberges en plus des framboises…..mais sais tu que l’hypnose peut t’enlever ta phobie des araignées??..

    • J’ai déjà entendu parler de l’hypnose, mais comme je ne perd pas connaissance ou autre réaction extrême, je ne ressens pas le besoin de me “guérir”, mais merci du tuyau!
      Ma phobie étant fort probablement génétique, j’arrive quand même à rationaliser une fois la réaction instinctive passée et… ça nous fait bien rire ce côté cordonnier mal chaussé !

  6. Bravo, Audrey, pour cet article très complet! J’ai appris plein de choses en te lisant aujourd’hui. Et moi non plus, je n’irais pas en récolter. Horreur des araignées sans compter qu’elles doivent être pas mal grosses puisqu’elles ont pu manger tout ce qui grouillait dans le champ tout l’été.
    On va laisser ce soin aux braves producteurs de canneberges du Québec!

  7. et on produit bio en plus, c’est juste trop cooooool. merci pour cet article éclairant… et surprenant (geler un champs, quand même, ca surprend!)

  8. Merci pour cet article fascinant.
    L’inventivité des hommes est sans fin.

  9. Manon (de Lanaudière)

    Bonjour!
    Est-ce normal que vos articles journaliers ne se soient pas rendus dans Lanaudière depuis vendredi? 🙂 Bizarre…

    Manon (de Lanaudière)

  10. Je suis émerveillée d’avoir eu le privilège de vous lire. Je suis mieux renseignée au sujet de la culture de la canneberge que j’aime tant. Merci de votre écrit qui répond à toutes mes questions. C’est géniale de récupérer l’eau.

  11. Merci pour tous vos excellents articles. Malheureusement, depuis peu, lorsque je recherche un sujet particulier sur votre site, les annonces «  pleuvent » et pullulent littéralement, au point où ça devient impossible de rechercher et trouver quoi que ce soit sur le site du Jardinier Paresseux. Peut-être ne suis-je pas habile à éviter ces annonces publicitaires (?) mais, je navigue pourtant depuis longtemps sur Internet sans jamais avoir eu ce problème de façon si envahissante, au point où chercher sur votre site me rebute maintenant. Voyez- vous une solution ?
    Merci de votre attention.

    • En ce moment, nous travaillons sur différentes façons d’augmenter les revenus du site pour pouvoir réduire la quantité de publicités. J’espère que nous y arriverons et pourrons réduire, même les éliminer entièrement, mais il reste beaucoup de travail à faire.

  12. Très intéressant
    Louise Beaudoin a sculpté de magnifiques araignées et elles sont exposées partout dans le monde. Il y en a une géante au musée d’Ottawa. La MAMAN Une image puissante de la protection maternelle.

  13. J’ai un gros problème de mauvais herbes dans une de mes plate-bandes. Je sais qu’on peut mettre du papier journal et recouvrir de terre ou de paillis mais est-ce qu’on pourrait utiliser du carton,( pc j’ai un gros stock de boites de carton). À noter qu’il y a aussi des bulbes printaniers dans cette plate-bande, est-ce un problème?
    J’attend vos précieux conseils. Merci.

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