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D’autres grands enseignements au cœur de la nature

Dans mon article précédent, je vous ai fait part de certaines de mes observations et de ma compréhension de l’environnement dans lequel évolue le monde végétal. J’ai utilisé un langage de tous les jours afin de rendre plus accessibles les phénomènes qui nous entourent, les interactions constantes des êtres vivants et le fonctionnement de l’écosystème de nos jardins et aménagements.

Lorsqu’on parle d’environnement, ce qu’il y a de formidable, c’est que ces enseignements sont universels. Ce sont des principes ou des lois qui s’appliquent à tous les êtres vivants partout sur la Terre. Nul besoin de nombreuses années d’études ni de grands diplômes pour comprendre ce qui est nécessaire afin de jardiner de façon efficace, avec facilité et plaisir.

Photo: MNstudio

Comprendre les besoins des végétaux

Il y a une différence entre apprendre une technique de culture et comprendre les besoins des végétaux. Observer la nature m’a permis de comprendre les limites de différentes techniques de culture. Au fil de mes 50 années à jouer dans la terre, j’ai remarqué que plusieurs techniques enseignées allaient à l’encontre de la logique environnementale. Chaque fois que je me suis éloigné des huit grands principes environnementaux (que je vous partage plus bas), j’ai dû gérer une condition de culture qui, normalement, aurait dû être gérée naturellement par l’écosystème environnant.

Pourquoi les plantes dans la nature sont-elles autonomes en eau et en nourriture? Pourquoi les nôtres ne le sont-elles pas? C’est parce que nous ne favorisons pas la mise en place d’un écosystème adéquat pour le type de végétaux que nous souhaitons cultiver. Au lieu de faire pousser les plantes que nous désirons avoir, nous devrions créer, encourager, bâtir un écosystème adéquat correspondant aux besoins de ces plantes. En prenant soin de l’écosystème, celui-ci effectuera le travail pour lequel il est programmé depuis des millénaires: favoriser la présence de végétaux dans un vaste engrenage où tout s’enchaîne naturellement.

Grands principes environnementaux

Dans mon article précédent, je vous ai livré trois des huit grands principes environnementaux qui m’aident depuis une vingtaine d’années à jardiner sans effort. Le pâté chinois naturel, les vêtements de la terre et la lampe à l’huile sont les plus importants, du moins, ils sont la base pour comprendre l’importance et la pertinence des 5 autres ci-dessous:

  • La place est au plus fort;
  • Le soleil, source de vie des végétaux;
  • Chasse le naturel et il reviendra au galop!;
  • Vivre et laisser vivre;
  • La patience est une vertu.

La place est au plus fort

Dans la nature, la vie est toujours accordée aux animaux les plus forts. C’est le mâle le plus fort qui dominera le troupeau et s’accouplera avec les femelles, permettant de transmettre de bons gènes à la progéniture. Si une femelle est faible, elle engendra des petits plus vulnérables aux maladies et ce sont eux qui seront la proie des prédateurs. C’est ce qu’on appelle la sélection naturelle. Ce processus assure la continuité de la race.

Photo: Elena Photo

Pour le règne végétal, c’est la même chose. Une plante de soleil qui est mise à l’ombre sera frêle et sensible aux maladies et produira de petites fleurs (si elle en produit), ne pouvant donc pas se multiplier. Elle périra et, automatiquement, faute d’avoir pu créer des semences, ne pourra assurer sa pérennité à cet endroit. La sélection naturelle fera son œuvre et seuls les végétaux adaptés dans ce secteur proliféreront.

Processus de consommation circulaire

Comme rien ne se perd dans la nature, les végétaux en état de stress ne disparaîtront pas sans servir à quelque chose dans le cycle de la vie; ce cycle que je nomme le PCC, le processus de consommation circulaire. Ces végétaux stressés seront donc consommés par d’autres êtres vivants, comme des insectes ou champignons que nous jugeons nuisibles (chenilles, pucerons, moisissures). Ces vecteurs sont présents, dans la logique environnementale, pour recycler les végétaux inadaptés, les composter de manière à assurer l’implantation de végétaux adaptés à cet environnement. C’est ainsi qu’une plante non adaptée à un milieu cédera sa place tout en nourrissant d’autres vies. Dans la nature, avec la compréhension de ce principe, nous constatons que tout sert à tout et qu’il n’y a jamais production de déchets.

Les causes de stress

Toutes les plantes vivant un stress quelconque auront tendance à disparaître au profit de plantes mieux adaptées. J’entends par stress quelconque:

  • Luminosité inadéquate;
  • Humidité du sol inadéquate;
  • Taille faite au mauvais moment;
  • Blessures;
  • Fertilisation déséquilibrée (trop ou pas assez);
  • Température ambiante inadéquate;
  • Pourcentage d’humidité relative trop ou pas assez élevé;
  • Végétaux génétiquement modifiés;
  • Végétaux hyper hybridés;
  • Végétaux greffés;
  • Végétaux transplantés.

Les causes de stress ne manquent pas. Il est cependant facile d’en tenir compte. Pour certains stress plus difficiles à identifier ou à contrôler, ne vous en faites pas, la loi de la sélection naturelle se chargera de faire un tri de ce qui est bien adapté et de ce qui ne l’est pas… mais il faut parfois accepter de perdre quelques végétaux pour apprendre qu’ils n’allaient pas là où nous les avions plantés.

Photo: rviard

C’est toujours le plus fort qui gagne. C’est un grand principe naturel auquel nous devons toujours faire face. Si nous ne le respectons pas, nous devrons faire «la respiration artificielle», comme on pourrait dire, pour maintenir en vie nos végétaux. Vous battre contre cette vérité implique de consommer continuellement des produits et de mettre un temps fou à surveiller vos cultures.

Le soleil, source de vie pour les végétaux

Tout le monde sait que les végétaux ont besoin de lumière pour vivre et pousser, à des degrés différents d’intensité lumineuse. Dans la pratique, on fait référence à cette intensité lumineuse par les désignations «Ensoleillé, mi-ombragé ou ombragé». Jamais il n’y a la désignation «Noirceur totale»! Et pour cause, car sans lumière, aucune plante ne peut vivre.

Ce principe fondamental permet de comprendre comment se débarrasser efficacement des plantes indésirables, communément appelées les mauvaises herbes. Sachant que la lumière est essentielle à la croissance des végétaux, le fait de priver certains végétaux de lumière les fera mourir.

La méthode de la noirceur ou de l’occultation

Nous nommerons donc cette méthode «la méthode de la noirceur ou de l’occultation». Cette méthode, tout à fait naturelle, consiste à couvrir de toiles ou d’autres matériaux opaques une surface occupée par des végétaux indésirables. Notez que cette méthode éliminera les mauvaises herbes annuelles, mais aussi les vivaces déjà implantées, car ce sont ces dernières qui sont les plus difficiles à contrôler et que souvent nous ne prenons pas le temps de bien combattre. Les graines des mauvaises herbes, quant à elles, seront contrôlées par des paillis adéquats ou des végétaux couvre-sol compacts, en respectant le principe «Les vêtements de la Terre».

Un exemple concret

Par exemple, vous voulez éliminer la pelouse remplie de mauvaises herbes à un endroit sur votre terrain pour en faire une surface propre afin de cultiver un jardin potager, voici comment procéder avec cette méthode:

Il s’agit concrètement de priver de lumière les plantes indésirables pendant un minimum de quatre mois au cours de la saison de croissance. Par souci écologique et économique, trouvez-vous des toiles ou des matériaux opaques recyclés, à travers lesquels les plantes ne pourront traverser pendant cette période. Il peut s’agir de vieilles toiles de piscine, de vieux tapis, de polyéthylène, de papier journal, de carton, de panneaux de bois ou de tôle usagée, etc. L’idée est de pouvoir réutiliser des matériaux qui risqueraient de se retrouver dans des sites d’enfouissement et créeraient des déchets, afin de leur donner une deuxième vie. Vous verrez qu’il n’est pas difficile d’en trouver, tellement il se jette de ressources dans notre belle société de surconsommation.

L’obscurité totale

Une fois cette installation effectuée, il est très important de vérifier que les mauvaises herbes vivaces déjà implantées soient plongées dans une obscurité totale. Si les matériaux disponibles ne sont pas assez opaques, vous pouvez les recouvrir d’un paillis qui complétera l’opacité. Du même coup, l’aspect esthétique de la parcelle de terrain en préparation sera amélioré, pour vous-même comme pour vos voisins qui ne comprendront sans doute pas ce que vous faites ni le but de votre installation.

Pour que la méthode d’élimination des mauvaises herbes vivaces déjà implantées par privation de lumière soit efficace, vous devez vous assurer de maintenir la noirceur totale pendant un minimum de quatre mois pendant la saison de croissance. La façon de calculer cette période et d’adapter cette méthode à différentes situations vous est décrite en détail dans le livre Zéro mauvaise herbe, c’est possible, (De Mortagne, 2009) et aussi dans Potager, faire plus avec moins (Pratico Éditions, 2023).

Note de l’éditeur : Si 4 mois d’occultation suffisent généralement pour éliminer les végétaux courants d’une pelouse, la durée nécessaire peut varier selon les espèces présentes. Certaines plantes particulièrement résistantes, comme la renouée du Japon (Reynoutria japonica), peuvent nécessiter une occultation prolongée allant jusqu’à trois ans pour être entièrement éradiquées. Pour garantir l’efficacité de la méthode, il est essentiel d’utiliser des matériaux opaques et résistants, de vérifier régulièrement l’absence de percées de lumière et d’intervenir rapidement en cas de repousses. Une surveillance et des ajustements périodiques sont souvent nécessaires pour éviter toute reprise de végétation.

Une méthode simple et efficace

Avec cette méthode, vous êtes assuré d’éliminer complètement les plantes indésirables, et ce, jusqu’au moindre rhizome souterrain, peu importe sa profondeur. Cette méthode permet de combattre les mauvaises herbes implantées au travers d’un muret de pierre sans avoir à défaire le muret. Aucun effort, aucun pelletage de terre, aucun détourbage! Quoi demander de mieux! C’est la méthode idéale pour récupérer un sol sous les arbres puisque nous ne brisons aucune racine.

Photo Wikimedia Commons

Cette méthode est tellement simple que certaines personnes hésiteront à la mettre en pratique, croyant que c’est trop simple pour être efficace. Mais attention, il y a de petits détails importants à respecter si vous voulez des résultats permanents, oui, permanents, car si c’est bien fait, vous n’aurez plus jamais besoin de répéter cette action. Je vous invite donc à prendre connaissance de tous les détails, car, comme pour une recette de gâteau, si vous ne respectez pas la recette, le gâteau ne sera pas réussi.

Encore plus…

Mais ce n’est pas tout! En plus de tous les avantages énumérés précédemment, il y en a plusieurs autres! Le fait de ne pas détourber vous permet de conserver la matière organique sur votre sol et les végétaux indésirables qui meurent sous la toile opaque deviennent le compost pour vos prochaines cultures. De plus, à l’image du «Pâté chinois naturel», ce compost se trouvera à la bonne place, soit sur le sol. Ce n’est pas tout! Les végétaux qui meurent constituent la nourriture parfaite pour les vers de terre et autres insectes du sol. Tout ce petit monde vivant se promène sous la toile opaque et creuse des tunnels, aérant par le fait même le sol. Lorsque viendra le temps d’enlever les toiles après la période de 4 mois d’obscurité, la terre sera meuble et prête à être plantée, sans labour ni rotocultage. C’est un vrai petit miracle!

Travailler de pair avec la nature

Dans les faits, c’est que nous nous servons simplement du PCC (Processus de consommation circulaire) qui valorise tout, nous épargnant beaucoup d’effort et de dépenses. La nature est généreuse quand nous prenons le temps de la comprendre de lui permettre de faire ce qu’elle a à faire!

Photo: carlossanchez

Je vous laisse digérer ces enseignements et voir de quelle manière vous pourriez en profiter dans vos projets de jardinage de manière la plus paresseuse possible! J’ai hâte de vous révéler la suite et la fin de cette exploration dans le monde de la logique environnementale!

Bon jardinage!


  1. Jardinière du dimanche

    J’utilise cette « noire et occulte méthode » régulièrement. Et pour votre information, dans la cour à bois de la plupart des quincailleries on jette à la poubelle les grandes toiles de plastique qui entourent les paquets de planches. Il suffit de demander à un employé et il vous en donnera une. Elles sont larges et robustes, blanches d’un côté et noires de l’autre avec parfois quelques trous, qu’on peut facilement « patcher » avec du gros ruban genre « duct tape ». Ça fait le travail et c’est gratuit! ?

    • Vous avez raison! Les cours à bois regorgent de toiles qui se retrouvent dans le container. Il y a aussi les toiles bleues qui recouvrent les bateaux durant l’hiver dans les marinas, les tubes d’ensilage et de foin des agriculteurs, les plastiques de serres qu’on recouvre d’un paillis pour la rendre opaque, etc.

  2. Bonjour,
    Est ce qu’une période d’occultation de 4 mois est suffisante pour le tussilage? J’ai deux endroits où j’aimerais planter des bleuets et framboisiers. Je suis assez envahie par cette plante dont je m’efforce de couper les feuilles le plus souvent possible. Merci pour vos précieux conseils