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Un paillage adéquat, qu’est-ce que ça signifie?

La nature sera toujours la meilleure école pour comprendre les besoins des végétaux. Elle fonctionne de façon autonome en suivant des règles environnementales omniprésentes et interreliées qui permettent à tout l’écosystème d’un milieu donné d’être en équilibre perpétuel.

Photo: jacquesdurocher/Getty Images

La majorité des problèmes que nous rencontrons dans nos cultures sont provoqués par la rupture de cet équilibre. J’ai remarqué que tous les écosystèmes de la planète, où sont présents les cinq paramètres vitaux des plantes, sont occupés par des végétaux. Les sols ne sont jamais à nu. Les paramètres vitaux sont : l’eau, l’air, la nourriture du sol, la chaleur et la lumière. Grâce à ces éléments, les végétaux construisent leur habitat en créant ce que j’appelle : le pâté chinois naturel. Si ce mets vous est inconnu, il s’agit d’une superposition de trois ingrédients principaux : viande hachée, crème de maïs (ou maïs en grains) et au-dessus de la purée de pommes de terre. Peu importe la recette, cette comparaison est pour faire ressortir qu’où il y a des végétaux sur la planète, vous retrouverez toujours trois couches distinctes d’ingrédients. C’est comme cela partout, sauf trop souvent dans nos propres cultures.

Le pâté chinois naturel

Partout sur la planète où il y a un couvert végétal naturel, on remarque trois couches distinctes de matière, dont chacune joue un rôle essentiel et complémentaire. Si l’une d’entre elle était absente, il faudrait oublier la vie végétale et, par conséquent, la vie animale ainsi que la nôtre, celle de l’humanité.

Les différentes couches de sol. Source: Académie de Bordeaux

1. La couche de soutien des plantes: le sol.

Sable, argile, limon, terre noire et même roc… la vie végétale s’installe sur toutes ces matières. Cette couche sert de support dans lequel (ou sur lequel, dans le cas du roc) les végétaux se fixent et étendent leurs racines afin de puiser l’eau et les minéraux qui remontent du sol, ou qui circulent sur et dedans les interstices du roc, grâce au phénomène de la lampe à l’huile.

2. La couche nutritive vivante: l’humus.

Composée de matière organique décomposée et en processus de décomposition, cette couche contient ce qu’on nomme le compost, mais bien plus que cela. Cette couche est habitée par un écosystème vivant qui s’active pour transformer les tissus morts des plantes en compost et  pour mêler celui-ci aux premiers centimètres du sol, ce qui crée une terre riche au-dessus d’un sous-sol pauvre.

3. La couche de protection: un paillis de végétaux morts ou de plantes couvre-sol.

C’est à la fois la couche qui protège la couche nutritive et qui contribue en même temps à former l’humus C’est cette couche de protection qui nourrit la vie dans le sol et qui contribue à la fertilité de celui-ci. C’est donc de cette couche qu’il est question dans cette article.

La couche la plus souvent négligée est la couche du dessus. Cette couche est composée de végétaux morts et vivants. Dans les écosystèmes naturels, il y a toujours les deux. Dans nos pratiques de culture, il n’y a souvent que la forme vivante de végétaux, ceux que l’on cultive et nous n’attachons pas ou peu d’importance à la couche de végétaux morts que nous nommons «paillis».

Six caractéristiques avantageuses 

Sur le marché, on retrouve plusieurs catégories de paillis.

Sur le plan environnemental, un paillis adéquat doit avoir ces six caractéristiques avantageuses :

1. Il doit provenir de végétaux

Dans la nature, tout ce qui sert de paillis provient des végétaux. Ce sont toujours les tissus morts des végétaux qui forment des paillis. Regardez les feuilles des arbres dans le bois ou les herbes mortes des prairies sauvages. L’utilisation de plastique, de géotextile, de pierre concassée ou de copeaux de caoutchouc n’est pas automatiquement synonyme d’allègement de la tâche et ne permet pas d’obtenir tous les bienfaits qu’apporte un paillis naturel.

Photo: Getty Images.

2. Il doit ressembler le plus possible aux végétaux sur lesquels vous l’appliquez

Que retrouve-t-on comme paillis dans une forêt d’érables? Dans une forêt de conifères? Dans une prairie sauvage? Si on suit la logique environnementale, est-il sensé d’appliquer un paillis de conifère sur des plantes herbacées?

3. Il doit se décomposer rapidement

Dans la nature, ce qui compose le paillis devient par la suite la nourriture des plantes. Les paillis utilisés doivent donc se décomposer suffisamment rapidement pour permettre aux végétaux de s’autofertiliser, à moins de tenir absolument à acheter des engrais concentrés et du compost, coûteux en argent comme pour l’environnement.

Photo: Hans Verburg

4. Il doit être disponible

Encore une fois, par souci environnemental et d’économie, il serait préférable que le paillis utilisé se trouve facilement et en quantité suffisante sans avoir nécessité de transport sur de grandes distances. Il doit se trouver en quantité suffisante pour approvisionner tous ceux et celles qui en ont besoin.

5. Il doit être peu coûteux

Qui souhaite investir une fortune dans ses plates-bandes et son jardin, quand il existe un moyen de faire autrement? Comme le paillis utilisé doit se décomposer rapidement pour assurer une autofertilisation, s’il faut qu’il soit coûteux, ce ne sera pas à la portée de tous, d’autant plus que les paillis coûteux sont justement ceux qui sont les moins disponibles.

Les feuilles font un bon paillis économique. Photo: unkas_photo

6. Il doit être fait de matériaux non ou peu décomposés, pas trop grossiers et qui restent aérés

Pour éviter que les semences de plantes indésirables emprisonnées dans le paillis ne germent, il faut que les matériaux constituant le paillis puissent s’assécher entre les pluies. Voilà pourquoi ce dernier doit impérativement demeurer aéré.

En revanche, si les matières qui composent le paillis sont trop grossières, l’aération sera trop grande et ce sera le sol qui s’asséchera. De plus, ce type de paillis grossier sera moins stable face au vent. Cela vous obligera à mettre une couche de paillis trop épaisse et apportera d’autres problèmes.

Enfin, si les matériaux utilisés sont à un stade de décomposition trop avancé, le paillis ne jouera plus un rôle de protection, mais deviendra, comme cela se passe dans la nature, une couche nutritive et, par voie de conséquence, un excellent milieu de germination. D’ailleurs, il risque d’y avoir du gaspillage de matière organique, puisque cette dernière, devenue ce qu’on appelle de l’humus et se trouvant à la surface, s’envolera au moindre coup de vent ou lors d’une bonne pluie, contaminant ainsi les eaux de ruissellement plutôt que de servir de nourriture à vos végétaux.

L’analyse des types de paillis selon les caractéristiques environnementales

Type de paillisProvenance de végétauxRessemblance*Décomposition rapideDisponibilitéCoût faibleMatériaux aérés
Écailles de cacaoOuiNonOuiNonNonNon
Écailles de sarrasinOuiOuiOuiNonNonNon
Écorce de pin   OuiNonNonNonNonNon
Paillis de cèdre, pruche, pinOuiNonNonNonNonNon
BRF (bois raméal fragmenté)    OuiNonOuiNonNonNon
Pierre décorative ou volcaniqueNonNonNonNonNonNon
Paille de céréaleOuiOuiOuiNonNonNon
Feuilles d’arbres déchiquetéesOuiOuiOuiOuiOuiOui
Plantes herbacées fraîchement hachéesOuiOuiOuiOuiOuiOui
* L’analyse est faite en fonction d’une utilisation du paillis sur les végétaux les plus couramment utilisés dans nos aménagements paysagers et nos jardins potagers, à savoir des plantes herbacées. Les résultats de cette colonne différeraient donc légèrement si les mêmes paillis étaient appliqués sur des plantes arbustives feuillues ou des conifères.

Le retour au sol des matières végétales mortes

Le retour au sol des matières végétales mortes fait foi de tout dans la nature. Sans ce retour des tissus morts, la vie végétale ne pourrait exister. Cela fait partie du grand processus de consommation circulaire (le PCC) où rien ne se perd et rien ne se crée dans la nature. Faire fi de cette grande évidence en environnement nous expose à de l’entretien accru, des dépenses sans fin en consommation de produits qui, peu importe lesquels, ont un impact négatif sur l’environnement.

Photo: dawnie12 

Personnellement, les seules matières qui entrent dans mes jardins ne sont que les feuilles des arbres et les plantes herbacées de mon environnement immédiat. Je les gère comme étant des ressources et non des déchets. Je le fais non pas par paresse, mais par sagesse!

Je vous souhaite un bon jardinage environnemental!


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  1. C’est bien de s’inspirer de la nature. Mais dans la nature, il ´y a personne pour déchiqueter les feuilles mortes.

    • Oui, il y a plein d’insectes qui s’en occupent

    • IL n’y a personne qui les ramassent non plus! Mais où voulez-vous en venir avec cette remarque?
      Vous pourriez très bien ne pas les déchiqueter, mais l’apparence et la facilité d’utilisation en serait autrement.

  2. On revient au naturel ce matin, au gros bon sens de la nature, à son observation.
    Merci pour ce texte fort intéressant.

  3. Excellent article, l’un des plus intelligents que j’aie lu sur le sujet ; suivre la nature au plus près, c’est en effet le meilleur moyen d’éviter les problèmes des cultures.

  4. Super info, utile et bien expliquée. Merci

  5. J’ai une pelouse de trèfle. Celui coupé par la tondeuse pourrait il servir de paillis à mes tomates en pot?

  6. Pour ma part ayant une montagne de pins rouge sur ma propriété, j’applique depuis 3 ans un paillis d’aiguilles de pins dans les zones sans couvre-sol… “ca fait la job” comme on dit par chez nous

    • C’est parfait Nathalie!
      Ayant un écosystème de conifères chez vous, il n’y a rien de mieux que de retourner au sol les aiguilles dans l’environnement de ces conifères!

  7. Je viens d’envoyer un courriel à M.Fortier au sujet de la tonte de pelouse puisqu’il n’en parle pas ds son article. Je l’ai essayé ds mon potager mais trouve que les retailles de gazon font plaques et demeurent agglutinées sans doute l’humidité mais on ne peut pas le faire sécher en l’étendant au soleil avant de l’épandre….trop d’opérations pr le Jardinier paresseux! Comment alors l’utiliser efficacement? Quelqu’un a-t-il la recette?

    • J’aimerais aussi connaître le sujet! Je suis!!!

    • La tonte de gazon fait partie des plantes herbacées. On l’applique
      fraîchement tondue. On ne la laisse pas sécher avant sinon ça fait
      justement des plaques qui ne s’étendent pas bien.
      Une fois en place, on laisse faire les insectes du sol qui le dégradent
      et on en ajoute au besoin pour maintenir l’épaisseur adéquate.
      Cela est clairement expliqué en détail dans mes livres.

  8. Bonjour,
    Qu’est-ce que qu’une plante herbacée fraîchement hachée? Si j’accumule des plantes herbacées pendant l’été et que je l’ai mets dans des contenants, est-ce que ça fonctionne aussi? Est-ce que je dois déchiqueter mes plantes herbacées?
    Merci pour cet article vraiment détaillé et instructif!

    • Les plantes herbacées sont toutes les plantes qui ne font pas de bois. De l’herbe, tous vos plants du jardin, toutes les vivaces et les fleurs annuelles et toutes les plantes aquatiques font partie des plantes herbacées.
      Appliquées fraîchement tondues car si vous laissez ça en tas ou dans des contenants, ça va chauffer, fermenter, se coller ensemble en séchant et ce sera très désagréable à utiliser, voire même inutilisable.
      Cela est clairement expliqué en détail dans mes livres.

  9. bonjour pouvez vous me dire si vous avez en plante interieur hoya belle.a fleurs de porceleine merci de me repondre

  10. Oui, j’ ai une Hoya mais qui ne fleurit pas depuis des années. Elle semble en santé exposée à beaucoup de lumière mais tout à fait paresseuse. Je lui donne un peu d’engrais 15-30-15 occasionnellement., j’ai ajouté un peu de terreau en surface, rien n’y fait. Comment la stimuler à fleurir?

    Merci de ce précieux blog.

  11. Merci pour cet article. Pouvez-vous préciser quelle épaisseur de paillis de feuillage déchiqueté on peut mettre sur la terre du potager. Je recueille à l’automne les feuilles tombées de mon énorme marronnier , je les déchiquète à la tondeuse, mais je les conserve pour mon compost. Je pourrais donc selon vous, m’en servir comme paillis.? J’ai un petit potager de 100 pieds2.

    • Gardez-vous-en tout de même pour le compost, mais les reste pourrait servir de paillis dans les allées de jardin à raison de 1 po d’épaisseur. Mais le mieux pour un jardin ce sont des plantes herbacées fraîchement tondues.

  12. Super Interressant! Merci Beaucoup . Mais cette année, nous avons tellement de mauvaises herbes que nous n’utilisons pas les retailles de pelouses ( nous laissons par contre les pissenlits un certain temps pour les abeilles ). De plus nous avons enlevé presque toute notre pelouse pour faire place à d’autre plantes ( surtout comestibles) Ça fait drôle en banlieue ..mais d’autre ont commencé à nous imiter ! J’ai déjà essayé du foin comme paillis mêlé à des retailles du potager et ça fonctionne super bien. La difficulté c’est de trouver du foin !

    • Les dites mauvaises herbe dans votre pelouse sont aussi des plantes herbacées et ne sont donc pas néfastes comme paillis. Créer des massifs de plantes autres que de la pelouse est très bien! L’utilisation de l’herbe et des feuilles d’arbre règle le problème d’approvisionnement., la nature nous les donne, alors que le foin et la paille doivent être produits et il y a des coûts à cela.

      • Merci pour cette info ! On continue à s’améliorer et à réduire nos coûts et surtout tenter de se rendre à zéro déchets.

  13. Merci pour votre article bien expliqué.

  14. Très intéressant article! Pour une nouvelle plate-bande, lorsque les feuilles mortes ne sont pas encore disponibles, avez-vous des suggestions?

  15. Bonjour, peut-on utiliser les plantes indésirables qu’on arrache au fur et à mesure comme paillis ? Ne vont-elles pas repousser ainsi au potager surtout lorsqu’elles sont en fleurs ou qu’elles sont montées en graines au moment où on les a arrachées? Merci pour cet excellent article.

    • Bien sur! Ce sont des plantes herbacées elles aussi. Si cela vous inquiète, laissez-les sécher au soleil une journée et appliquez-les par la suite. En fleur ce n’est pas grave et même s’Il y aurait de graines, le but du paillis est d’empêcher la germination, alors qu’il y ait déjà des graines déjà présentes dans le sol ou bien même si vous en ajoutez, lorsque vous savez quoi faire pour ne pas qu’elles germent, on ne s’inquiète pas.

  16. Besoin de votre aide pour identifier un insecte qui mange mes feuilles de tomates..
    Merci Suzanne

  17. Faudrait voir l’insecte!

  18. Personnellement, lorsque je coupe ou arrache une plante, je la remets sur le sol pour qu’elle se décompose. Ça vaut pour les autres végétaux du jardin. Pour les tomates, je coupe le pied à la base et laisse les racines dans la terre pour conserver y l’azote.

    • Est-ce que vous laissez les racines et fleurs? J’arrache beaucoup de mauvaises herbes et l’idée de les utiliser comme paillis me semble géniale saud que je ne veut pas simplement les voir se multiplier dans mes plates bandes.

  19. J’aimerais savoir pourquoi le paillage “doit ressembler le plus possible aux végétaux sur lesquels vous l’appliquez”.
    Si j’utilise un paillage à base d’autres plantes, en quoi cela va-t-il différer de manière si importante que cela pourrait affaiblir la terre ou les cultures ?

    Simplement avancer que c’est comme ça qu’on trouve le paillage dans la nature n’est pas un argument suffisant pour moi.
    Car nous aussi êtres humains faisons partie de la nature, et nos interactions avec le monde végétal ne peuvent pas être enlevées de l’équation.

    Je me permets cette remarque car j’ai vu revenir à plusieurs reprises dans les commentaires des éloges de la nature, et il faut garder à l’esprit que si l’on ne fait pas attention, on a vite fait de tomber dans un biais cognitif (qui s’appelle à juste titre “l’appel à la nature”) ?

    • S’harmoniser avec les lois naturelles ne veut pas dire de laisser faire totalement la nature! Cela veut dire de s’inspirer de sa façon de faire au lieu de tenter de réinventer la roue. J’ai reconnue 8 grandes lois environnementales. Ces lois sont immuables et omniprésentes dans le monde végétal. Si on les ignore, on s’attire des ennuis, des dépenses, de la consommation de produits pour régler des problèmes qu’on se créent soi-même si on ignore ces grandes lois.

  20. Mon expérience personnelle .
    Depuis plusieurs années je composte nos déchets de cuisine et ceux de certains amis sauf bien entendu la viande ,les os .Pour ce faire j’ai besoin de feuilles fournies par nos arbres ,sauf que ce n’est pas suffisant alors je ramasse les feuilles chez les voisins et les broient . Bon an mal an j’accumule de 10 a 12 gros sacs pour mon composte et autant que je disperse sous nos plantes comme paillis , au début d’automne , au printemps ,après la pluie et avant les grandes canicules .Je n’ai aucune mauvaise herbes dans nos plates-bandes et le sol est friables et humides .Les beaux paillis en copeaux de cèdre je les laissent aux autres, ces paillis ne font qu’assécher les sol mais ils sont beau et demande beaucoup d’entretien .Mes feuilles ne coutent rien en plus de nourrir le sol . Merci Dame Nature

    • C’est excellent Junior!
      Concernant les résidus de viande, de poisson, de produits laitiers, de sauce et d’excrément de chien et de chat, bref, tout ce qu’on ne peut pas mettre au compost, il existe un biodigesteur domestique nommé “Le Cône Vert”?

  21. Enfin! Un article concis mais complet sur la question du paillis. Je passe mon temps à décourager mes connaissances d’utiliser le paillis de cèdre. Aussi à éduquer sur le jardinage écologique comme d’arrêter de “récurer” les plates-bandes à l’automne. Je vais pouvoir les référer à cet excellent article. Merci!

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