Par Mathieu Hodgson
1 octobre 2023

Doit-on fermer son potager à l’automne?

La saison du potager tire à sa fin. Déjà, avec les nuits plus fraîches, plusieurs plantes ont arrêté de produire. D’autres, préférant la fraîcheur, continuent, mais il y a une fin à tout et éventuellement vous devrez vous résigner à «fermer votre potager»!

Fermer son potager, pourquoi?

Si vous êtes un jardinier paresseux, comme moi, vous ne «fermez» pas votre jardin ornemental, laissant à la nature le soin de décomposer les feuilles et tiges mortes qui restent en fin de saison. Pourquoi fermer son potager?

La majorité des publications et sites web suggère d’enlever les débris végétaux de votre potager en fin de saison en retirant les plantes au complet, incluant les racines, les feuilles et les tiges, laissant ainsi le sol nu. On prétend que les maladies et les insectes ravageurs peuvent hiverner dans ces débris et revenir la saison suivante… Ça ne me semble pas très paresseux, tout ça!

Voici pourquoi je laisse mes plantes au jardin

Personnellement, je ne fais à peu près pas de ménage dans mon potager à l’automne. Je laisse toutes les plantes en place: branches, feuilles, racines, fruits pourris, tout! Un de mes seuls travaux consiste à ramasser et déchiqueter les feuilles mortes qui tombent sur les surfaces dures (patio, terrasse, etc.) pour ensuite en recouvrir le sol de mon jardin où elles servent de paillis, protégeant ma terre du lessivage, de l’érosion, des variations de température, tout en alimentant mon sol de matière organique.

Les tiges et feuilles mortes que je laisse au jardin abriteront en hiver des insectes bénéfiques (et moins bénéfiques, je vous l’accorde, mais tout se balance à la fin, non?).  Leurs racines protègent le sol de l’érosion et représentent un apport substantiel en matière organique qui nourrira la faune et la flore du sol, microscopique ou non, et qui la transformeront éventuellement en nutriments pour les fruits et légumes. La matière organique aide par ailleurs à la structure du sol, lui permettant à la fois de se drainer, mais aussi de stocker l’humidité, et elle permet à l’oxygène d’avoir accès aux racines qui en ont besoin pour effectuer leur travail.

Déranger le sol équivaut à détruire une partie de la vie microbienne qui s’y trouve. Quoiqu’il y ait toujours certains dérangements dans la terre d’un potager, il est bien de minimiser le travail du sol afin de préserver la vie microbienne autant que possible.

Maladie et ravageurs

Mais qu’en est-il des maladies et des insectes nuisibles qui ont sévi cette saison? Reviendront-ils l’année suivante? Probablement que oui, mais il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne m’en fais pas avec ça :

1. Plusieurs champignons, bactéries, maladies et insectes, passeront l’hiver dans le sol, que j’enlève les plants ou non. Le fameux mildiou, par exemple, revient année après année puisque ses spores hivernent dans la terre.
2. Même si j’élimine les plantes affectées, ces problèmes persistent dans mon environnement: dans les potagers de mes voisins, dans les plates-bandes ornementales, dans les parcs, etc. Si c’était possible d’éradiquer ces insectes et maladies, ce serait déjà fait!
3. Je pratique la rotation de culture. En changeant le lieu de plantation de chaque type de plante chaque année, les pestes qui survivent dans les débris organiques auront de la difficulté à trouver leur proie qui se sera déplacée.

Attention! On peut difficilement généraliser pour tous les problèmes qui surviennent au jardin et je n’ai pas l’espace ici pour tous les décrire (on pourrait écrire un livre au complet sur le sujet). Si vous voulez en avoir le cœur net, vérifiez, pour chaque maladie ou ravageur que vous avez eu dans votre potager s’il hiverne dans les plants morts ou dans le sol ou un autre endroit. Éliminez, si vous le voulez, les plantes qui les abritent.

Degrés de tolérance

Pour ma part, j’ai un très haut degré de tolérance pour ce genre de problème et pour l’imperfection au jardin en général. Si un plant est affecté par une maladie ou un insecte, il est très rare que j’intervienne. Je préfère m’en tenir aux fruits et légumes qui ont peu de problèmes et réussissent bien chez nous.

Nous avons tous des conditions et des degrés de tolérance différents. Je comprends totalement les personnes qui ont de grands jardins et qui en ont besoin pour se nourrir. Peut-être voudront-ils prendre les maladies et insectes plus au sérieux que moi. Je suggère tout de même fortement d’utiliser un paillis organique ou un engrais vert, plutôt que de laisser le sol à nu. Sachez tout de même que, malgré toutes les interventions qu’on puisse faire, les maladies et ravageurs seront de retour.

Il va sans dire que ces conseils ne s’appliquent pas nécessairement aux agriculteurs à petite ou à grande échelle qui ont des conditions de production différentes d’un potager résidentiel et dont le revenu en dépend.

Mettre les débris au compost

Si on décide d’éliminer des plants infectés, sachez que la majorité des insectes et maladies seront détruits lors du processus de compostage… s’il est fait de la bonne façon, bien sûr!

Quand un tas de compost est fait dans les règles de l’art, avec le bon ratio de brun vs vert (azote/carbone) et qu’il est de la bonne taille, le processus de décomposition créera assez de la chaleur pour tuer la majorité des infections nuisibles. Cependant, si vous ne faites pas votre compost avec assez de sérieux (ce qui est souvent mon cas, paresseux que je suis!), votre tas ne chauffera pas assez et certaines maladies et insectes pourraient survivre. Vous les répandrez ensuite partout où vous mettrez votre compost, aggravant ainsi le problème.

Une autre option serait de mettre ces débris infectés dans le fond d’une plate-bande ornementale où ils n’affecteront pas votre potager, à condition d’être à une bonne distance. Vous aurez donc évité de jeter cette matière organique et elle sera utile pour d’autres plantes.

Autres solutions

Alors, si éliminer les débris organiques de notre jardin n’empêche pas les maladies et les insectes ravageurs de se propager, qu’est-ce qu’on fait? Avant tout, le plus facile est d’éliminer le problème à la source. En choisissant des semences résistantes aux maladies et aux ravageurs, vous réduirez, sans nécessairement éliminer, les problèmes.

Je suis de l’avis que d’avoir un potager diversifié, avec plusieurs types de fruits et légumes, mais aussi des fleurs ou des vivaces, attirera une faune diversifiée, dont des insectes bénéfiques qui aideront à réprimer ceux qui sont nuisibles. De plus, cette diversité de végétaux fera en sorte que lorsqu’une récolte sera affectée, une autre ne le sera pas et l’odeur de certaines plantes pourra masquer celles de vos cultures auprès des prédateurs ou les attirer loin d’elles.

Dans le cas de plantes potagères qui sont gravement infectées plusieurs saisons d’affilée, il serait peut-être temps de faire une pause d’une ou plusieurs années pour que la maladie se dissipe ou que l’insecte responsable disparaisse, n’ayant plus d’hôte.

Les filets anti-insectes sont une autre solution écologique pour protéger vos récoltes pour celles qui sont affectées par certains insectes ravageurs. En plaçant un filet par-dessus de vos cultures, les insectes comme la piéride du chou, les chrysomèles, la mouche de la carotte, la teigne du poireau et plus, ne pourront pas manger ou pondre leurs œufs sur vos cultures. N’oubliez pas d’enlever le filet sur les plantes qui nécessitent une pollinisation comme les concombres, les courges et les melons, lorsque les fleurs s’épanouissent. Normalement, il sera trop tard pour que la chrysomèle endommage vos plants sérieusement après ce temps.

Qu’est-ce qu’il reste à faire?

Les jardiniers paresseux ont peu à faire à l’automne, que ce soit au potager ou dans leur jardin ornemental. Mais, il y a quand même quelques petits trucs à accomplir avant l’arrivée de l’hiver: nettoyage et rangement des outils, des boyaux d’arrosage et des pots, vider les gouttières, déchiqueter et entreposer les feuilles mortes (ou pas!), etc. Lisez Quelques menus travaux à faire au jardin avant l’hiver de Larry Hodgson, pour en savoir plus.

Avec le temps que vous gagnerez en laissant vos plantes mortes sur place, pourquoi pas agrandir votre potager, planter des bulbes ou simplement faire une balade en forêt pour profiter des couleurs d’automne?

Mathieu Hodgson

Mathieu est gestionnaire des sites web jardinierparesseux.com et laidbackgardener.blog, pour lesquels il aime bien écrire. Il est aussi concepteur de jardins à Montréal, au Canada. Dans ses temps libres, on peut le retrouver à jardiner sur sa terrasse ou à la pêche sur le bord d'une rivière.

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