
Mais qu’est-ce que c’est que cette chose? Ce n’est pas un ballon, ça tient au sol. C’est blanc, lisse et assez ferme…
Ce n’est pas une roche, ce n’est pas une plante, ce n’est pas un animal…
Logiquement, il ne reste qu’une option: c’est un champignon!
«Ben non! Les champignons, c’est en forme de champignon! Un petit chapeau sur une tige…»
Vous ne me croyez pas? Attendez quelques jours et ça commencera à brunir. Quand ce sera bien «mûr», sautez dessus. Un nuage de fumée va s’en échapper quand ça éclatera comme un ballon. Et puis? C’est bien ce qui se passe? Voilà: c’est une vesse-de-loup géante!
Mon premier champignon comestible
Même si les champignons ne sont pas des plantes, vous avez peut-être déjà quelques connaissances sur le sujet. Avez-vous déjà eu un champignon dans le terreau de votre plante d’intérieur? Ajoutez-vous des mycorhizes à votre jardin? Est-ce que vous aimez les champignons de Paris?
J’étais à cette étape de ma vie moi aussi quand j’ai décidé de me lancer dans la cueillette sauvage. Je vois des dizaines de champignons que je ne connais pas dans la forêt, puis je vais à l’épicerie et je soupire devant les chanterelles séchées à 12$ le petit sachet… avant de me résigner à prendre les champignons de Paris, à 2$ la barquette.
Si les commerçants peuvent se vanter de vendre des «champignons sauvages du Québec», pourquoi ne pas essayer de les trouver soi-même?
On ajoute à ça que faire des économies, tout le monde aime ça! Mon mac’n cheese aux pleurotes était bien bon, mais JAMAIS je n’aurais acheté pour 30 ou 40$ de champignons à l’épicerie pour le faire… économies ou vie d’épicurien: à vous de voir!
Bref, ainsi débuta ma vie de cueilleuse sauvage.
C’est difficile de savoir par où commencer… Où chercher? Quoi chercher? Qu’est-ce qui est dangereux?
Si vous voulez vous initier à la cueillette de champignons, je vous suggère de commencer par chercher deux ou trois espèces qui sont faciles à identifier. Voici donc ce qui est, à mon avis, un des champignons les plus faciles à trouver et à identifier: la vesse-de-loup géante.
(C’était mon tout premier champignon sauvage… j’en suis presque nostalgique!)
Pourquoi est-ce un bon «premier» champignon?
Pour plusieurs raisons!
- On ne peut le confondre avec AUCUN autre champignon;
- Il est GROS et donc facile à repérer de loin;
- Il pousse dans les champs et pelouses, des milieux ouverts et faciles à trouver;
- Il est présent pendant une longue période de l’été;
- Il n’y a pas de risque de s’empoisonner;
- Il est très facile de savoir s’il est à point ou trop vieux;
- Je n’en ai jamais vu un parasité par les insectes.
N’est-ce pas que ça a l’air facile!
Si vous commencez votre carrière de cueilleur en cherchant des morilles dans les sous-bois, il y a des risques que vous vous découragiez. Il y a beaucoup de paramètres à considérer: la période, la pluie, le milieu, le fait qu’elles sont souvent bien camouflées… Le risque que vous n’en trouviez pas ou même que vous les confondiez avec autre chose de potentiellement dangereux est là et, franchement, commencer avec une frustration n’est jamais une bonne idée dans aucune activité.
Alors voilà: entendez mes mots (lisez-les quelques fois si vous ne m’entendez pas crier jusqu’à chez vous):
Commencez SIMPLE. ?Commencez FACILE. ?Commencez de manière SÉCURITAIRE.
La vesse-de-loup, comment la reconnaître?
C’est facile: c’est une grosse boule blanche plus ou moins sphérique. Quand vous la retirez du sol, vous verrez que l’endroit où elle s’ancre est plus étroit et a une texture plissée. En fait, ça ressemble à un sac fermé avec un cordon (mais sans cordon).
Elle peut être de la grosseur de votre poing ou de la grosseur d’un ballon de plage (!). Oui, oui, certains gros spécimens pèsent 40 ou 50 livres!
Prochaine étape, après avoir crié votre joie, coupez votre vesse en deux. L’intérieur devrait être ferme (comme un champignon de Paris) et, surtout, blanc immaculé. Si c’est jaune ou brun, votre champignon est malheureusement trop vieux. Si c’est mauve avec des pois jaunes, vous avez sûrement mangé un autre genre de champignon (et ce n’est peut-être pas le moment d’essayer d’identifier ce qui est comestible, hihi!).
Beaucoup de champignons sont dévorés de l’intérieur par les larves d’insectes. Ils ont l’air tout beaux, puis en coupant le pied, on réalise que le champignon est criblé de trous… et donc probablement plein d’insectes et… de leurs déjections! La vesse-de-loup n’a pas ce problème. Elle est parfois grignotée en surface par les limaces, mais si elle est encore blanche à l’intérieur, aucune raison de ne pas partager.
Cuisiner la vesse-de-loup
Quand j’ai commencé, bien que je sois à l’aise en cuisine, j’étais un peu inquiète de mes recettes. Comment cuisiner les champignons sauvages? Je veux que ça soit bon et je veux aussi éviter de m’empoisonner! J’ai passé des heures à chercher des recettes avec tel ou tel champignon… Alors je vais vous faire gagner du temps:
- Tous les champignons sauvages doivent être CUITS jusqu’à rendre toute leur eau. Ça rapetisse beaucoup, eh oui, je sais! C’est décevant de voir notre beau champignon devenir minuscule. Mais, bonne nouvelle pour vous: la vesse-de-loup est le champignon qui rapetisse le moins dans la poêle (selon mes observations, rien de scientifique ici)!
- Ne me lancez pas d’objets s’il vous plaît, les mycologues confirmés, mais… en fait, non, sautez au troisième point. Tout de suite, allez! Vous lisez encore? Dernier avertissement…
OK, c’est votre choix, mais ne venez pas vous plaindre!
Selon moi, les différences entre les champignons au niveau du goût et de la texture sont minimes. Je ne pourrais probablement pas identifier au goût la moitié des champignons que je cueille (juste comme ça, tout seul, peut-être, mais pas dans une recette). Alors, faites votre recette préférée et remplacez les champignons de Paris par votre récolte… C’EST TOUT!
Un champignon, c’est un champignon!
Quand vous faites des tartes aux pommes, vous avez vos variétés préférées. Mais, franchement, avec une autre sorte, vous aurez un résultat un peu plus croquant ou moins sucré… mais vous aurez tout de même une tarte aux pommes! Alors voilà: un champignon, c’est un champignon! Vous allez être déçus si vous espérez découvrir un monde de saveur complètement nouveau et inédit. Arrêtez de chercher LE champignon qui a quatre fourchettes dans votre livre: vous serez DÉÇU!
- Rebonjour les mycologues! Ça va bien? Cool, on poursuit!
La vesse-de-loup a quand même une certaine particularité en cuisine: quand j’en ramasse une qui est un peu vieille (mais encore blanche au milieu), il arrive que je l’épluche. Rien de dangereux, mais l’extérieur devient plus coriace avec le temps et je trouve que c’est déplaisant.
- Une autre particularité de la vesse-de-loup: je trouve qu’elle a un goût «gras». C’est difficile à expliquer, mais je l’ai cuisinée en potage une fois et j’avais l’impression de manger des patates pilées (purée de pommes de terre, amis d’Europe!) au gras de poulet. C’était très bon, mais vraiment particulier. Je n’ai retrouvé ce côté viandeux-gras dans aucun autre champignon.
Un petit frère comestible, mais…
La petite vesse-de-loup (ou vesse-de-loup perlée) est aussi comestible, MAIS…
J’ai trois «mais» en fait!
«Mais» numéro un. Il existe une espèce de petite vesse-de-loup qui ne fait pas l’unanimité sur sa comestibilité: la vesse-de-loup marginée. Bien qu’elle ne représente aucun danger, il a été reporté qu’elle pourrait causer des hallucinations auditives!
Elle a des petites pointes partout. Ça lui donne une allure d’oursin.
«Mais» numéro deux. Il existe un sosie à ces petites perles blanches: le scléroderme, dont le jeune spécimen est également une boule blanche. Celui-ci n’est pas comestible. Comment le distinguer? Rien de plus facile! Coupez votre champignon en deux. Si c’est noir, c’est le méchant sosie.
«Mais» numéro trois. De la taille de pièces de deux dollars en moyenne, ça va vous en prendre en tabarouette pour avoir une quantité intéressante!
Pourquoi ça «pète»
Certains les appellent les «pet-de-loup». Quand les vesses-de-loup sont vieilles, leur bel intérieur immaculé se transforme en spores. Ceux-ci sont minuscules et très légers afin que le vent puisse les disperser. Ainsi, quand les vesses sont bien «mûres», un coup de vent ou un coup de pied peut faire éclater la couche extérieure (qui s’est épaissie) et libérer la poudre intérieure en un nuage volatil. Pouf! Ou plutôt: prout!
Les spores ne sont pas dangereux, mais évitez quand même d’en prendre une bouffée… Comme n’importe quelle petite poussière, ça peut être irritant pour vos bronches.
(Bon, après, c’est vous qui choisissez hein! Si vous aimez prendre des snif de farine en cuisinant votre pizza aux champignons, je ne vous en empêche pas!)
En passant, le champignon n’est qu’un organe reproducteur. Sa cueillette n’est pas dommageable pour l’individu qui se trouve sous terre et le fait que les spores des champignons que vous cueillez ne se répandent pas ne nuit pas à l’espèce. Alors vite, cueillez ce champignon avant qu’un écureuil le fasse!
***Précaution lors de la consommation de champignons sauvages***
Vous êtes 100% responsable de ce que vous ingérez. N’essayez qu’une seule nouvelle variété aux trois jours afin de repérer une éventuelle allergie ou réaction à une espèce en particulier. Il est recommandé de ne pas consommer plus de 250 g (avant cuisson) de champignon sauvage par semaine. Au Québec, aucun champignon n’est dangereux au toucher. Vous pouvez aussi les sentir et les goûter crus (en recrachant) sans aucun risque, peu importe l’espèce. Ne cueillez pas dans les pelouses traitées aux produits chimiques (engrais, herbicide, pesticide), car les champignons accumulent les toxines. LES APPLICATIONS D’IDENTIFICATION DE CHAMPIGNONS NE SONT PAS FIABLES!
Bonne cueillette!