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Attention: les mouches blanches sont de retour!

Mouches blanches ou, plus correctement, aleurodes. Photo: warwick.ac.uk

Quand les jours s’allongent à la fin de l’hiver et au printemps, nos plantes d’intérieur reprennent vie… et aussi les aleurodes, couramment appelés mouches blanches. On les reconnaît facilement: quand on s’approche d’une plante infestée, les aleurodes s’élèvent en masse, apparemment pris de panique, et volètent dans toutes les directions. On dit souvent qu’ils ressemblent à des pellicules volantes! Ils ne volent pas longtemps, mais atterrissent très rapidement sur la même plante ou sur une plante voisine.

Même si les aleurodes semblent souvent sortir de nulle part au mois de février ou de mars, leur apparition subite n’est pas due à la génération spontanée comme le croyaient les scientifiques au milieu du XIXe siècle. Ces insectes rentrent souvent dans la maison à l’automne sur des plantes et des boutures qu’on a rapportées de l’extérieur ou encore sur nos vêtements quand nous travaillons dans le jardin, et s’établissent en catimini sur nos plantes d’intérieur. Ils demeurent toutefois peu visibles durant l’automne et au début de l’hiver, car ils entrent rapidement en diapause (dormance) sous l’influence des jours courts et des températures souvent plus fraîches. 

À l’approche du printemps, quand les jours s’allongent et que la température remonte, cependant, ils se réveillent et s’installent sur nos semis et nos plantes d’intérieur, souvent en très grand nombre. Leur cycle de vie — de la ponte des œufs au début d’une nouvelle génération — prend aussi peu que trois semaines (à 21 à 24 °C)! Ainsi, leur nombre peut augmenter très rapidement.

Qu’est-ce qu’un aleurode?

L’aleurode est un petit insecte de la famille des hémiptères (famille du puceron) et n’est pas alors une véritable mouche (famille des diptères). 

Aleurode des serres (Trialeurodes vaporariorum). Photo: D Cappaert, Bugwood

L’espèce principale trouvée dans nos semis et plantes d’intérieur est l’aleurode des serres (Trialeurodes vaporariorum). Originaire d’Amérique centrale, il a été introduit accidentellement dans les régions tempérées et chaudes de tous les continents. Il est omniprésent à l’extérieur. Dans les climats très froids, il hiverne à l’intérieur sur les plantes cultivées dans les maisons et les serres, puis regagne l’extérieur pendant l’été.

Une autre espèce, l’aleurode du tabac (Bemisia tabaci), d’introduction plus récente, est presque aussi courante.

Il existe plus de 1500 espèces d’aleurodes, notamment dans les régions tropicales, mais les deux mentionnées sont les plus courantes dans nos plantes d’intérieur et semis. 

Pour simplifier les explications, l’information présentée ici décrit spécifiquement l’aleurode des serres, mais pour le jardinier, les différences entre cette espèce et l’aleurode du tabac sont sans grande conséquence, surtout en ce qui concerne leur contrôle.

De près, la «pellicule» s’avère être un minuscule insecte jaune pâle aux ailes blanches qui ne mesure que 2 mm de longueur. 

Nymphes d’aleurodes. Photo: www.growweedeasy.com

La femelle adulte pond des œufs à l’envers d’une feuille. Elle peut pondre jusqu’à 500 œufs au cours des 3 à 6 semaines qu’elle vit. Ces œufs minuscules, et donc rarement remarqués, donnent des nymphes semi-transparentes qui se fixent rapidement sous une feuille et deviennent alors immobiles, ne bougeant pas même si on y touche. En forme de petites écailles presque transparentes, elles sont collées sur la feuille, habituellement en présence d’adultes ailés.

Cycle de vie de l’aleurode des serres. Ill.: entomologie.ca.uky.edu

Après 16 à 18 jours, les adultes émergent de la coque nymphale, qui demeure longtemps sous la feuille, transparente et vide. La femelle peut parfois déjà commencer à pondre seulement 24 heures après son émergence.

Les dégâts

Les aleurodes endommagent les plantes de trois façons.

Feuilles endommagées par les aleurodes. Photo: http://www.missouribotanicalgarden.org

D’abord et surtout, les nymphes (et, à un moindre degré, les adultes) aspirent la sève des feuilles, les laissant affaiblies, flétries, difformes et souvent marbrées de jaune. S’il y en a beaucoup, toute la plante dépérit. 

Aussi, les aleurodes peuvent transmettre des maladies aux plantes infestées, comme le virus de la mosaïque. 

La fumagine se forme sur les feuilles couvertes de miellat. Photo: www.pepinieres-valderdre.fr

Enfin, ils émettent un liquide transparent et sucré, appelé miellat, qui peut couler sur les feuilles inférieures et le plancher. Éventuellement, le miellat noircit sous l’effet d’un champignon appelé fumagine.

La fumagine n’est pas directement nuisible pour les plantes, mais à cause de sa coloration noire, elle réduit la photosynthèse et la plante manque alors d’énergie solaire et perd de plus tout attrait physique. Dans les cas extrêmes, elle s’affaiblit et peut même mourir.

Contrôler le fléau

Les aleurodes sont extrêmement prolifiques et assez généralistes: plus de 700 espèces végétales peuvent en être victimes, dont des plantes d’intérieur, des annuelles hivernant dans la maison, des semis, etc. Ils ont toutefois une nette préférence pour les fuchsias, les pélargoniums, les poinsettias, les fines herbes et les tomates et, en général, les plantes à feuilles minces.

Le problème se corrigera plus ou moins tout seul si vous placez les plantes en plein air pendant l’été, car alors le vent, la pluie et les prédateurs naturels des aleurodes réduiront la population à un niveau acceptable. Par contre, entre le réveil de ces insectes en février-mars et la sortie des plantes en mai ou juin, ils ont le temps de faire un beau gâchis.

D’abord, on isole

Placez la plante infestée en isolement. Photo: smartgardenguide.com

Dès que vous vous rendez compte de la présence d’aleurodes, isolez immédiatement les plantes atteintes. Déplacez-les la nuit, car les aleurodes sont diurnes et ne volent pas à la noirceur. Comme cela, les adultes resteront sur la plante infestée pendant le déplacement.

À défaut d’une autre pièce où placer les plantes infestées, vous pouvez les sceller dans un sac de plastique transparent.

Insecticides à la rescousse

On peut contrôler les aleurodes en vaporisant les plantes d’un produit insecticide, comme le savon insecticide et l’huile de neem. Appliquez-en sur les deux côtés des feuilles des plantes atteintes. Comme cette technique réduit l’infestation sans l’éliminer complètement, il faut répéter les traitements, au moins sur les plantes sérieusement atteintes, toutes les semaines.

Tournez leur faiblesse à votre avantage

Les aleurodes ont un petit défaut qui peut être bien utile dans leur répression: ils sont attirés par la couleur jaune, qui représente, à leurs yeux, une plante affaiblie et donc une proie facile. 

Piège collant à l’œuvre. Photo: www.andermattgarden.co.uk

On peut alors placer des pièges collants jaunes (offerts en jardinerie) tout près des plantes atteintes et ainsi en ramasser par centaines. Malheureusement, il en reste souvent assez pour continuer à causer des dégâts. 

Les aleurodes sont irrésistiblement attirés par un aspirateur peint en jaune. Ill.: Claire Tourigny, tirée du livre Les 1500 trucs du jardinier paresseux

Il est encore plus efficace de peindre l’extrémité d’un aspirateur manuel en jaune et de le passer parmi les plantes: les aleurodes, voletant paniqués autour de la plante-hôte, se lanceront sur l’aspirateur comme si c’était du chocolat… et se feront aspirer. Évidemment, ce traitement n’affecte que les adultes; les nymphes, immobiles, restent collées sous les feuilles. Il faut donc répéter tous les quatre à six jours, à mesure que les nymphes muent en adultes. Après environ trois ou quatre traitements, les derniers adultes auront été aspirés et le problème sera résolu.

Un piège lumineux 

Voici le modèle de piège lumineux que j’utilise chez moi. Photo: www.produitssuperieur.com

Une autre solution, plus coûteuse, mais nécessitant moins d’effort, consiste à attirer les aleurodes avec un piège lumineux. De tels pièges se composent d’une lampe, d’un ou de plusieurs tubes fluorescents spécialement conçus pour attirer les insectes et d’un carton collant. 

Les insectes volants, dont les aleurodes, étant irrésistiblement attirés par la lumière, ils y affluent, puis restent collés sur le carton. Il ne reste qu’à remplacer ce dernier quand il est couvert d’insectes. Avec un tel appareil, on peut réduire les problèmes d’aleurodes à tel point que, si jamais ils sont présents, c’est dans une quantité si infime qu’il n’est plus nécessaire d’agir.

Vous trouverez plus d’information sur les pièges collants ici.

Le piège lumineux collant (pas le piège de type zappeur, qui n’est pas efficace contre les très petits insectes comme les aleurodes) est vraiment la méthode parfaite pour le jardinier paresseux. Depuis que j’utilise un piège lumineux (environ 20 ans maintenant), les aleurodes sont passés d’un fléau annuel à une incidence 0. Sans doute que quelques aleurodes entrent chez moi chaque automne, mais tous finissent collés dans le piège.

Prédateurs à la rescousse… en serre

Guêpe (Encarsia formosa) parasitant une nymphe d’aleurode. Photo: Koppert Biological Systems

Il n’est pas logique de penser libérer des insectes prédateurs dans une maison typique, car habituellement, l’air y est trop sec et alors les prédateurs ne vivront pas assez longtemps pour remplir leur mission. Par contre, beaucoup de serres (à l’atmosphère très humide) utilisent des prédateurs pour contrôler les aleurodes, soit des guêpes parasites (Encarsia formosa, Eretmocerus eremicus ou Eretmocerus mundus) ou même une petite coccinelle noire (Delphastus catalinae).


La saison de la chasse aux aleurodes est malheureusement déjà commencée. Si vous voulez avoir de belles plantes, ouvrez l’œil maintenant et préparez-vous à réagir sans tarder.

Étiquettes + Aleurodes, Contrôle des aleurodes, Mouches blanches, Contrôle des mouches blanches


commentaire sur "Attention: les mouches blanches sont de retour!"

  1. […] Attention: les mouches blanches sont de retour! — Jardinier paresseux […]

  2. Lors de l’aération du terrain doit- on enlever les carottes de terre? Merci

    Envoyé de mon iPhone

    >

  3. Caroline Fréchette

    Cher Jardier, je déprime! mon hibiscus est infecté de ces mouches blanches, je l’ai “traité” à la légère, mais quelle erreur! Je me rends compte que ces mouches ont aussi envahi mes semis de laitue et tomates… je pleure. Je croyais que ça partirait en les sortant, mais à la lecture de votre article, dois-je désespérée complètement? snif

    • À l’extérieur, le problème se corrigera passablement, car les ennemis des aleurodes viendront baisser la population. Jamais à 100%, mais habituellement assez pour permettre une bonne récolte. Douchez régulièrement les plantes avec un jet d’eau assez fort peut également les décourager.

      • Caroline Fréchette

        Merci beaucoup de vos conseils (ceux-ci et tous les autres)! Merci pour tout ce travail, vous nous donnez un bon coup de main (surtout que mon chum est anglophone, je lui envoie toujours la version anglaise quand on ne se comprend pas sur un sujet… horticole!)

      • Anglophone/francophone: une bonne réflexion. Je n’avais pas pensé à ça! Merci pour les commentaires! ?

  4. […] Voici quelques trucs pour contrôler les aleurodes. […]

  5. Est-ce que ce sont les mêmes bestioles à l’extérieur. Je marche sur mon terrain et une nuée de petites mouches blanches sort de la pelouse et de toute la végétation aux alentours ( haie décédés, plate bandes etc etc. Que puis-je faire? J’ai arrosé avec de l’Ambush mais ça ne semble pas fonctionné. Ce qui me dérange le plus c’est d’en respirer quand je marche sur mon terrain. Arrivé à quelques reprises.

  6. Erratum: De cèdres au lieu de décédés