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Le cactus qui a fait le tour du globe!

Le cactus-gui (Rhipsalis baccifera) est le cactus le plus répandu au monde… mais il ne ressemble pas trop à l’image qu’on se fait d’un cactus! Source: www.gardentags.com

Tout article le moindrement sérieux écrit sur les cactus mentionne qu’ils sont strictement endémiques du Nouveau Monde, à une exception près: le cactus-gui (Rhipsalis baccifera, syn. R. cassutha).

Mais vous êtes-vous déjà demandé comment cette espèce a réussi à voyager du Nouveau Monde (elle est largement répandue en Amérique centrale et du Sud, dans les îles des Caraïbes et même en Floride) jusqu’au Vieux Monde, où on la trouve notamment à Madagascar, au Sri Lanka, très localement en Inde et dans la plupart des pays d’Afrique tropicale? Je vais vous l’expliquer dans cet article, mais d’abord, jetons un coup d’œil à la plante elle-même.

Du spaghetti vert

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Dans la nature, le cactus-gui pousse dans les arbres. Source: Reinaldo Aguilar, tropical.theferns.inf

Oui, le cactus-gui ressemble vraiment à du spaghetti vert à l’état sauvage: de longues tiges tubulaires vertes retombant en pluie des arbres (c’est une plante épiphyte). Parfois, il pousse aussi sur les falaises. On le trouve à diverses altitudes, du niveau de la mer jusqu’à la forêt de nuages. Et seriez-vous surpris d’apprendre que les Américains l’appellent parfois spaghetti cactus?

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Le gui (Viscum album) produit des baies blanches presque identiques à celles du cactus-gui et a aussi des tiges vertes, mais produit aussi des feuilles, ce que le cactus-gui ne fait pas. Source: H. Zell, Wikimedia Commons

Et comme le nom commun le suggère, il ressemble aussi au gui (Viscum album), qui est également un épiphyte aux tiges pendantes. La ressemblance est surtout évidente quand le cactus est orné de baies blanches rondes quelque peu translucides très semblables à celles que le gui produit. La différence est que le cactus-gui n’a pas de feuilles (autres que ses cotylédons, présents très temporairement à la germination), alors que le vrai gui en a toujours. Les deux espèces se propagent même de la même manière, d’arbre en arbre: les oiseaux mangent les baies des deux et excrètent les graines. Quand leurs fientes tombent sur d’autres branches, les graines germent!

Bien sûr, les deux plantes ne sont pas du tout apparentées. Le gui est une plante parasite de la famille des Santalacées, tandis que le cactus-gui est un véritable cactus, portant alors des aréoles (petits coussins duveteux), une caractéristique unique aux cactus. Dans le cas du cactus-gui, cependant, les poils sont petits, doux et tombent souvent avec le temps.

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Baies de cactus-gui. Notez aussi les poils sur les jeunes tiges qui tombent lorsque les tiges sont matures, les laissant lisses. Source: www.taylorgreenhouses.com

Le cactus-gui produit de petites fleurs blanches en forme d’étoile, souvent en hiver. Elles sont assez jolies, mais trop petites pour être frappantes. Elles sont remplacées par des baies sans qu’aucune pollinisation soit nécessaire. Ces dernières passent du vert au blanc translucide (ou au rose ou rouge dans le cas de certaines sous-espèces) au fur et à mesure qu’elles mûrissent. Elles persistent plusieurs mois sur la plante.

Comment le cactus-gui a-t-il fait le tour du monde?

Il existe quatre théories sur la manière dont le cactus-gui a réussi à se propager aux quatre coins du globe tropical. Les voici :

Théorie 1

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Source: www.pinterest.ca

La plante serait une introduction récente dans le Vieux Monde, ayant été importée en Afrique par des marins au XVIsiècle avant de se répandre dans la nature. La raison pour laquelle les marins auraient transporté un cactus-gui d’un continent à un autre n’est pas claire: la plante n’est pas particulièrement utile, car les baies sont comestibles, mais pas très bonnes au goût et offrent peu d’utilisations médicinales. Peut-être voulaient-ils s’embrasser sous le gui au jour de l’An?

C’est une théorie à laquelle peu de botanistes modernes croient, pour deux raisons.

Premièrement, si le cactus-gui avait été introduit récemment (le 16siècle équivaut à quelque chose comme une nanoseconde sur l’échelle de l’évolution!), il aurait une distribution limitée et se trouverait probablement principalement autour des ports africains. Or, il est largement répandu et surtout commun au centre du continent africain.

Deuxièmement, les sous-espèces présentes en Afrique ne sont pas les mêmes que celles présentes dans le Nouveau Monde. Prenons R. baccifera horrida, trouvé à Madagascar, comme exemple.

Cette variété est très différente de l’espèce type, avec des tiges plus courtes et plus épaisses, des fleurs plus grosses et une bonne couverture de poils sur les tiges matures alors que celles des cactus-gui du Nouveau Monde sont plutôt lisses. Aussi, elle croît sur des rochers plutôt qu’en épiphyte, au plein soleil tropical plutôt que dans la jungle et tolère bien la sécheresse. Même le nombre de chromosomes diffère. Tant de divergences de l’espèce type suggèrent que cette plante a subi des centaines de milliers, voire des millions d’années d’évolution indépendante, pas seulement 500 ans (du 16siècle à aujourd’hui).

Pour ces raisons, la théorie du transport par bateau ne plaît pas trop à la communauté scientifique.

Théorie 2

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Dérive des continents. Source: www.clipartmax.com

Cette théorie suggère que R. baccifera serait une espèce très ancienne et qu’elle aurait déjà été présente sur le supercontinent Gondwana avant la dérive des continents, il y a environ 130 millions d’années, quand l’Afrique et l’Amérique du Sud se sont séparées. Donc, notre petit cactus n’aurait pas eu à voyager, il aurait simplement suivi le mouvement des continents au cours des millénaires.

Il serait difficile de prouver ou de réfuter cette théorie en se basant sur l’évidence physique, car les cactus ne laissent tout simplement pas de fossiles. Cependant, aujourd’hui, des estimations de l’antiquité d’une espèce peuvent être faites sur la base d’études moléculaires. Et les estimations les plus récentes tendent à suggérer que, contrairement à l’idée que les cactus soient des plantes anciennes originaires du Gondwana, la famille serait plutôt assez moderne et aurait évolué dans le Nouveau Monde il y a 35 à 30 millions d’années, bien après la dérive des continents. Et d’ailleurs, l’espèce R. baccifera serait d’évolution plus récente encore, apparue probablement il y a moins de 25 millions d’années.

Encore une fois, bien que l’état des connaissances scientifiques ne permette pas de le confirmer, la tendance actuelle est de considérer les cactus comme une famille végétale très jeune, originaire du Nouveau Monde… et de calculer alors que la dérive des continents n’a pas été un facteur dans la dispersion de Rhipsalis baccifera.

Théorie 3

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Distribution actuelle du cactus-gui (Rhipsalis baccifera). Est-ce qu’un oiseau aurait pu le transporter vers l’Ancien Monde? Source: IUCN Red List, Google Maps, montage: jardinierparesseux.com

La troisième théorie suggère que ce sont des oiseaux migrateurs qui auraient traversé l’océan Atlantique ou l’océan Pacifique avec les graines de R. baccifera dans leur intestin et les auraient alors déposées avec leurs fientes en Afrique, établissant ainsi une nouvelle population dans l’Ancien Monde.

Le défaut de cette théorie est que les oiseaux frugivores ne survolent généralement pas de telles étendues d’eau… encore moins sans déféquer pendant le voyage! (Peut-être que l’oiseau transporteur était constipé?) Cela impliquerait probablement que le pauvre volatile y aurait été transporté de force par une forte tempête. Ou peut-être qu’il y a plusieurs millions d’années, il existait des oiseaux frugivores migrateurs qui traversaient régulièrement l’océan, espèces qui n’existeraient plus.

Bien sûr, il faut dire que l’océan Atlantique Sud était beaucoup plus étroit à l’époque où les premiers Rhipsalis ont probablement évolué, rendant le voyage dans cette direction un peu plus plausible. (Le Pacifique aurait au contraire été beaucoup plus large qu’aujourd’hui, rendant un déplacement dans cette direction moins probable.)

Et il aurait également pu y avoir un transfert progressif, d’île en île. D’ailleurs, le cactus-gui s’est montré bien capable de s’étendre à des îles assez distantes. Cela explique pourquoi on trouve des cactus-gui sur des îles éloignées des côtes de l’Afrique comme l’île Maurice et les Seychelles. D’ailleurs, comment expliquer autrement l’existence d’une population de Rhipsalis baccifera sur la côte est de l’Inde et sur l’île de Sri Lanka, à quelque 5?000 km du continent africain, sinon par des sauts d’île en île à travers l’océan Indien?

La théorie du transport des graines de Rhipsalis par des oiseaux demeure la préférée des scientifiques.

Théorie 4

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Source: www.clipartbay.com

Cette dernière théorie est de mon cru. Des extraterrestres anciens auraient déplacé, il y a des millions d’années, des plantes de cactus-gui d’Amérique du Sud en Afrique tout simplement dans le but d’emmerder les scientifiques qui essayeraient de comprendre comment R. baccifera s’est déplacé d’un continent à l’autre.

Quoi? Vous ne l’acceptez pas? Permettez-moi de me sentir un peu offusqué!

Cultivez votre propre cactus-gui

Voici quelques détails sur l’entretien de R. baccifera pour ceux d’entre vous qui voudraient tenter l’expérience de le cultiver.

Soins de base

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Le cactus-gui est souvent cultivé en suspension. Source: Robin Clark, www.pinterest.ca

En raison de sa nature nettement retombante (les tiges peuvent mesurer jusqu’à 1,8 m de long), le cactus-gui est bien évidemment un excellent choix pour la culture en panier suspendu ou peut-être en jardinière murale.

C’est une plante très facile à cultiver, bien adaptée aux conditions typiques de nos demeures. Mais ne traitez pas le cactus-gui comme un «cactus», même s’il en est un. Il vient de forêts tropicales humides (jungles) et n’appréciera pas les conditions sèches que préfèrent les cactus de climat aride qu’on connaît si bien. Ses soins ressembleraient davantage à ceux donnés au cactus de Noël (Schlumbergera russelliana et S. x buckleyi) et au cactus d’automne (S. truncata).

Plantez-le dans un terreau pour plantes d’intérieur tout à fait ordinaire (vous pouvez aussi utiliser un mélange pour orchidées, mais ce n’est pas nécessaire) et maintenez le terreau un peu humide en arrosant abondamment dès que le sol est sec au toucher. Une lumière vive, y compris quelques heures de soleil matinal, est préférable, mais vous devrez peut-être le retirer des fenêtres chaudes qui font face au sud pendant les mois d’été. Fertilisez-le légèrement au printemps et au début de l’été. Les températures intérieures lui conviennent toute l’année, mais il peut aussi facilement tolérer des températures plus basses, soit de 15 °C ou même moins.

Logiquement, étant donné qu’il provient d’un environnement humide (la jungle), une humidité atmosphérique élevée semblerait vitale, mais il est en fait assez indifférent à l’air sec.

Le cactus-gui aime passer l’été en plein air. Je suspends tout simplement le mien à une branche d’arbre à cette saison, là où la lumière du soleil est filtrée à travers les feuilles, comme dans la nature.

Notre cactus est facile à multiplier par boutures de tige (parfois, il produit des racines aériennes et s’installe tout seul dans les pots environnants!) et est étonnamment facile à faire pousser à partir des petites graines noires qu’on prélève dans ses baies.

Dans l’ensemble, le cactus-gui est parmi les plantes d’intérieur les plus faciles à cultiver!

D’autres variétés

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Quelques exemples de rhipsalis divers. Source: worldofsucculents.com

Il existe actuellement quelque 35 espèces de Rhipsalis, toutes de culture facile à assez facile. Certains rhipsalis ont des tiges arrondies, d’autres aplaties, d’autres presque carrées, vertes ou rougeâtres, poilues ou lisses. Les rhipsalis peuvent être dressés, arqués ou retombants, avoir des fleurs blanches ou roses, des fruits verts, blancs, roses ou rouges. Cela dit, il existe une grande confusion quant à l’identification des divers rhipsalis sur le marché et les plantes en jardinerie sont souvent mal étiquetées… ou ne portent aucune étiquette d’identification du tout.

Vous trouverez des producteurs spécialisés sur Internet, du moins en Europe et aux États-Unis. (En France, par exemple, Kuentz offre un certain choix.) Au Canada, vous devriez pouvoir en trouver dans votre jardinerie locale. Sinon, visitez un spécialiste des plantes succulentes comme Le Cactus Fleuri.

Étiquettes + Gui, Viscum album, Rhipsalis, Rhipsalis baccifera, Cactus-gui, Aréole, Comment le cactus-qui est parvenu à l'Afrique


commentaire sur "Le cactus qui a fait le tour du globe!"

  1. J’aime bien votre théorie no. 4 !!!!

  2. […] Les Rhipsalis sont des cactus épiphytes, c’est-à-dire qu’ils utilisent d’autres plantes comme support pour pousser. Par conséquent, leur port est retombant et ils sont souvent cultivés en suspension. Ils se bouturent très facilement. Le Rhipsalis cassutha n’est pas rustique, mais supporte bien la culture en intérieur. Les origines tropicales du cactus-gui font que les soins à lui apporter ne sont pas les mêmes que pour la majorité des cactées (voir à ce sujet les bons conseils du Jardinier paresseux dans l’article qu’il lui consacre). […]

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