La vraie identité du Lucky Bamboo
Il est impossible de ne pas remarquer les «lucky bamboos» (bambous porte-bonheur.) On en trouve régulièrement en vente dans presque tous les magasins (supermarchés, grands magasins, quincailleries, jardineries, etc.) et on en voit aussi, comme décoration, dans les bureaux, les salles d’attente, les salons de coiffure et même à la réception du garage du coin. Mais cette plante n’est pas un véritable bambou. D’ailleurs, est-elle même vraiment «lucky» (porte-t-elle chance)? C’est loin d’être certain. D’ailleurs, elle ne s’apporte pas la chance à elle-même, du moins, car, comme vous le verrez, la plante est dans une très mauvaise situation.
La plante en question s’appelle Dracaena sanderiana, un arbuste tropical de 2 à 3 m de hauteur de la famille des Asparagacées qui vient à l’origine des jungles d’Afrique. Elle est cependant cultivée comme plante d’intérieur, et notamment comme plante de terrarium, depuis fort longtemps, en particulier la forme à feuilles et à tiges striées de blanc. De nos jours, toutefois, la forme originale, à feuillage tout vert, est de nouveau à la mode, car elle pousse plus rapidement et est donc plus profitable à produire que la forme panachée.
Mais, avec ses longues tiges aux nœuds très en évidence, surtout quand on arrache presque toutes ses feuilles, comme c’est le cas habituellement, cette plante ressemble vaguement à un bambou et d’entreprenants Chinois y ont flairé des affaires d’or.
Voyez-vous, depuis des siècles, en Chine, le bambou est associé avec la bonne fortune, la fortitude et la résilience, mais peu de véritables bambous (plantes des Bambuseae, soit une tribu de la famille des Poacées [graminées]) peuvent pousser facilement dans nos demeures (je dirais même aucun). Ainsi, peu de Chinois citadins peuvent cultiver des bambous chez eux. En vendant des plants de dracéna et en les faisant passer pour des bambous, il y avait donc de l’argent à faire. Ainsi, des fermes de production de D. sanderiana ont commencé à pousser partout en Chine et, plus tard, ailleurs en Orient, afin de satisfaire les superstitions des Chinois; notamment leurs croyances en feng shui, l’art d’harmoniser l’énergie environnementale par l’aménagement des maisons.
Quand le concept de feng shui a commencé à circuler aussi en Occident, surtout à partir des années 2000, le marché de ce «faux bambou porte-bonheur» est devenu mondial. De quoi rendre les producteurs de ces plantes très, très riches!
Production à grande échelle
Aujourd’hui, on produit littéralement des millions de tiges de D. sanderiana annuellement dans des fermes de production situées dans les régions tropicales de l’Orient. On y plante des boutures de dracéna très serrées les unes contre les autres pour provoquer l’étiolement et ainsi stimuler une croissance en hauteur plus rapide. Les plantes sont cultivées en pleine terre, le plus souvent sous ombrière.
Dans la forme la plus simple de la production, quand les tiges sont assez hautes, on les effeuille, les coupe en sections de longueurs variables et les place dans des seaux d’eau pour l’enracinement. Une fois enracinées, elles sont expédiées à travers le monde et vendues à nu ou dans des récipients d’eau ou d’eau et de pierres.
Mais les Orientaux aiment bien les valeurs ajoutées. Ainsi, fixer les tiges ensemble avec des rubans rouges ou or (deux couleurs considérées de bon augure par les Chinois) augmente leur valeur, car elles portent alors encore plus chance, et donc la valeur de revente s’accroît. Les vendeurs ont appris que des tours de tiges, les plus grandes entourées de tiges moyennes, entourées à leur tour de tiges courtes, se vendaient encore plus cher. Et on a même découvert qu’on pouvait manipuler la croissance des tiges pour obtenir des effets spéciaux : tiges spiralées, tressées, en forme de cœur, etc. Pourtant, la tige est trop rigide pour permettre facilement les manipulations. Alors, comment y parviennent-ils? Prenons la forme spiralée pour expliquer.
Le dracéna pousse toujours vers la lumière, donc vers le haut. Ainsi, dans les champs, quand les tiges arrivent à une hauteur appropriée, les travailleurs les plient et les fixent au sol. La tige étant maintenant horizontale, son extrémité va donc, en poussant, se diriger vers le haut, soit à un angle de presque 90° par rapport à la tige originale. Après quelques semaines, on change le placement des tiges, les fixant au sol plus à droite. La plante change alors de cap, essayant de se redresser… ce qui donne une tige courbée. Puis, on change encore le placement de la tige principale quelques semaines plus tard. Ainsi, en faisant le tour de l’horloge avec la tige principale, la nouvelle pousse finit par pousser en spirale. Il faut deux ou trois tours pour obtenir une belle spirale. C’est beaucoup de manutention et il faut bien calculer la durée de chaque placement, mais les fermiers sont devenus des maîtres dans l’art de forcer la tige à former une spirale.
Pour les tiges tressées, on fait la même chose, mais moins longtemps, ce qui donne une pousse plutôt en zigzag qui, correctement insérée à travers d’autres tiges semblables, rappelle une tresse.
Pour les tiges en forme de cœur, on plie toujours la tige principale, mais cette fois-ci, la plante pousse sur une pente et on peut fixer la tige à un point plus bas que les racines, l’ajustant peu à peu, de façon à ce que la croissance forme un crochet. Deux crochets fixés face à face forment un cœur : il suffisait d’y penser!
Pourquoi les dracénas porte-bonheur meurent-ils?
Les dracénas porte-bonheur qui nous sont vendus ne sont pas faits pour vivre très longtemps : 6 mois, 9 mois, parfois un peu plus. Et il y a plusieurs raisons pour cet échec.
D’abord, les spécimens qui nous arrivent d’Orient sont souvent déjà en très mauvais état. Ils sont expédiés à sec (c’est moins cher ainsi) et donc leurs racines sont souvent asséchées, voire mortes, au moment de l’achat. Truc : si vous voulez un dracéna porte-bonheur un tant soit peu en santé, recherchez un plant duquel des racines blanches (vivantes) sortent à travers les racines brunes asséchées qu’on voit habituellement. Ou encore, coupez le dernier segment de votre plant et faites-le s’enraciner de nouveau.
Aussi, on cultive les dracénas porte-bonheur dans de l’eau (ou dans de l’eau avec des pierres décoratives) alors qu’il ne s’agit pas de plantes aquatiques. Même si on les fertilise, ils finissent par s’affaiblir, car l’eau devient stagnante et l’oxygène, nécessaire à la croissance des racines, disparaît. De plus, le dracéna est parmi ces plantes qui ne tolèrent pas le chlore ni la chloramine, ce qui fait que l’eau municipale lui est donc un peu toxique (voir Pas besoin de laisser l’eau reposer avant d’arroser pour plus d’explications). Il aurait fallu l’arroser avec de l’eau de pluie, de déshumidificateur, de l’eau distillée ou, du moins, avec de l’eau filtrée d’une façon quelconque (style filtre Britt). Mais habituellement, ni le vendeur ni l’acheteur ne le fait.
Même si vous replantez votre faux bambou dans du terreau, il finit souvent par mourir : ses racines, formées sous l’eau, ne sont pas habituées à un milieu terrestre et pourrissent. Il est donc souvent plus facile de le rebouturer.
Aussi, la plante est souvent infestée de maladies (disons que les conditions de culture en Chine ne sont pas des plus salubres!), notamment de plusieurs bactéries provoquant la pourriture. Et ça, c’est moins facile à traiter. Les dracénas importés de Taïwan ont la réputation d’être beaucoup mieux cultivés et d’être expédiés d’une façon plus convenable, mais ils coûtent plus cher : il n’est pas certain que votre revendeur local ait accepté de payer un supplément pour en obtenir. De plus, non seulement il est difficile de connaître la provenance des dracénas porte-bonheur qu’on voit sur le marché en Occident, mais, pour compliquer encore plus l’histoire, des exportateurs chinois ont commencé à faire passer leur production par Taïwan avec de faux papiers de façon à profiter de la réputation supérieure des plantes taïwanaises.
Une façon de réduire les risques d’acheter un plant malade est d’éviter l’achat de plantes à tiges ou à feuilles jaunes. Même si la plante que vous choisissez paraît saine, si d’autres plantes de la même livraison sont de toute évidence malades, il est fort possible que votre plante soit contaminée aussi.
Comment le cultiver
Présumons que vous avez pu obtenir un dracéna porte-bonheur en bon état, avec une certaine quantité de racines blanches et vigoureuses et des feuilles et des tiges saines. Il faut savoir comment l’entretenir adéquatement si vous voulez qu’il vive longtemps. Ça, du moins, ce n’est pas si difficile.
D’abord, il lui faut des températures relativement chaudes à l’année : jamais inférieures à 15 °C et, de préférence, plus chaudes encore. Il lui faut également un éclairage modéré l’été, avec quelques heures de soleil direct le matin, donc, un emplacement près d’une fenêtre orientée à l’est ou un peu en retrait d’une fenêtre orientée au sud ou à l’ouest. En hiver, donnez-lui un maximum de lumière.
Si vous le cultivez dans l’eau, changez l’eau hebdomadairement, utilisant de l’eau distillée, filtrée, de déshumidificateur ou de pluie. L’eau fraîche assure que les racines seront adéquatement oxygénées. Aussi, une fois par mois, ajoutez un tout petit peu d’engrais soluble à l’eau, du moins au printemps et en été: quelques gouttes ou une pincée, tout simplement. Normalement, cela aurait pu stimuler la croissance d’algues, mais puisque vous changerez l’eau hebdomadairement, les algues n’auront pas le temps de se développer.
Si vous le cultivez dans du terreau, cela aide la plante à mieux résister aux méfaits dus à l’eau du robinet. Malgré tout, mieux vaut l’arroser avec de l’eau distillée, filtrée, de déshumidificateur ou de pluie. Arrosez la plante de façon normale, soit quand le terreau est sec au toucher. Et fertilisez occasionnellement avec l’engrais de votre choix. Enfin, comme il se plaît vraiment quand on le traite ainsi et qu’il prend alors du galon, il faut prévoir le rempoter dans des pots en plus en plus gros avec le temps.
Un dracéna porte-bonheur sain va continuer de pousser vers le haut, la nouvelle partie se couvrant de feuilles… ce qui viendra détruire l’effet original d’une tige nue avec à peine quelques feuilles. Si vous tenez à maintenir une apparence de bambou, il faut soit le dégarnir de la plupart de ses feuilles ou encore, rabattre la plante occasionnellement, ce qui forcera la plante à émettre de nouvelles pousses. Ou encore, vous pouvez laisser la plante pousser à sa guise, auquel cas elle formera une haute tige feuillue et reprendra peu à peu son allure d’arbuste.
Personnellement, je préfère l’allure naturelle d’un dracéna poussant à sa guise!
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bonjour,
je cherche 1 livre concernant la culture , l’entretien et les soins sure les lucky bambous ..
je n’arrive pas à en trouver .peut on me ire où en trouver ??
merci de votre aide..
Je ne pense pas qu’un tel livre existe.
Super article, cela va m’aider. Par contre, comment se fait-il qu’on puisse voir le bas du plant qui ressemble à un bambou? est-ce uniquement dû au fait qu’on ai enlevé les feuilles?
Autre question, peut-on bouturer un dracéna sans ses feuilles du haut (juste avec une partie du bas dénudée)? Merci pour tout!
Oui, normalement, la plante est couverte de feuilles jusqu’à la base, au moins pendant 4 ou 5 ans. Oui, on bouturer une tige nue.
[…] fois au sujet de cette plante. Une fois, une description générale et un guide d’entretien: La vraie identité du lucky bambou, et une autre fois, sur la façon d’en «libérer» un d’un milieu malsain (pierres et eau) […]
J’ai un bambou lucky de 1 mètre dans leau et des billes. Sans vraiment de grande attention…avec eau du robinet de temps en temps…Il va avoir 14 ans!! Il va bien mais devrais je lempoter?
Un an..
Une petite règle: quand quelque chose va bien, ne changez rien!
On m’a offert un lucky bambou il y a un an et demi, il doit faire 1 bon petit mètre aujourd’hui grace à sa propre volonté de survie puisque n’ayant absoluement pas la main verte je n’ai suivi aucun des conseils cités ci-dessus. Je pensais essayer de le bouturer (je viens d’apprendre le terme), car je pense qu’il commence à être très à l’étroit dans l’espèce de tube a essai bulbé dans lequel il est arrivé. Des conseils ?
Voici quelques trucs sur le bouturage: https://jardinierparesseux.com/2017/03/06/le-bouturage-etape-par-etape/
[…] fois au sujet de cette plante. Une fois, une description générale et un guide d’entretien: La vraie identité du lucky bambou, et une autre fois, sur la façon d’en «libérer» un d’un milieu malsain (pierres et eau) […]
[…] Vous trouverez plus d’information sur le lucky bambou dans le billet La vraie identité du Lucky Bamboo. […]
bjr est ce que le lucky bambou est toxique pour les animaux merci d avance
Bonjour, j’ai replanté le mien en pleine terre, il se porte à merveille et grandit. Mais dois-je craindre la multiplication et l’envahissement par de nouvelles racines? Je vis en Nouvelle Calédonie et certains bambous sont terriblement….terribles! Merci