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Mon beau sapin, qui est le plus vert et pur?

Avant même que le père Noël ne songe à enfiler ses bottes, ou que Noël ne devienne une fête religieuse, les humains se réunissaient déjà autour des rites du solstice d’hiver. Chez les peuples celtes et germaniques, on célébrait l’allongement des jours après le solstice en décorant des conifères – qui restent verts au cœur de l’hiver – de rubans, de fruits ou de fleurs séchées. C’était une façon de marquer la renaissance du soleil et l’arrivée prochaine du printemps, mais aussi de se rassembler et de partager la nourriture et les boissons issues des récoltes de l’année.

L’arbre, dressé au milieu des festivités, devenait alors un véritable point de ralliement: symbole de vie, de renouveau et d’espoir quand tout autour était sombre. On se réunissait autour de lui pour se réchauffer, chanter, manger et demander ensemble que la lumière revienne.

Photo: Pexels

Aujourd’hui, l’arbre de Noël – qu’il soit sapin, pin ou épinette – se retrouve parfois au cœur de débats. Dans un monde où tout se polarise si facilement, même ce symbole de rassemblement devient sujet de discorde: naturel ou artificiel? Local ou importé? Coupé ou en pot?

Alors, qu’en est-il? Qui est le plus vert de tous?

Le charme du vrai

Difficile de battre le charme de l’arbre naturel, avec son odeur fraîche et boisée qui embaume la maison et amène un petit bout de nature dans nos salons. Et que dire de la tradition d’aller couper soi-même un petit arbre en nature ou dans une pépinière, ou simplement d’en choisir un au marché décoré pour le Temps des Fêtes?

Outre son charme naturel, un vrai arbre comporte plusieurs avantages par rapport à l’arbre artificiel, notamment parce qu’il se décompose après utilisation. On peut en disposer de façon écologique: le broyer pour en faire du paillis, le composter ou encore l’utiliser comme abri hivernal pour la faune en le plantant dans la neige à l’extérieur.

Photo: Pexels

Si on l’achète localement – ce qui est facile, car le Québec en produit beaucoup – on soutient des familles et des entreprises de chez nous et l’économie locale. On réduit aussi les émissions de gaz à effet de serre liées au transport. Les plantations d’arbres de Noël utilisent souvent d’anciens pâturages en déclin et abritent une faune plus diversifiée qu’une monoculture. Pendant les 8 à 12 ans de leur culture, ces arbres absorbent du CO2, captent certains polluants, produisent de l’oxygène, stabilisent les sols et protègent les cours d’eau.

Quelques désavantages aussi

Cependant, l’arbre naturel n’a pas que des avantages. Il alourdit l’empreinte carbone puisqu’il doit être transporté chaque année, surtout s’il est importé. Certaines fermes utilisent des herbicides pour limiter la compétition ou des pesticides pour réduire les ravageurs, ce qui peut avoir un impact sur la biodiversité, notamment les pollinisateurs. Sa durée de vie décorative se limite à 2 à 5 semaines et il demande un arrosage régulier – parfois jusqu’à un litre par jour – sans quoi il peut s’assécher et augmenter le risque de feu. Les terpènes responsables de son odeur peuvent aussi entraîner des symptômes chez les personnes très sensibles aux composés organiques volatils.

Quelles essences sont utilisées pour les arbres de Noël?

En Amérique du Nord, les rois du temps des Fêtes sont surtout le sapin baumier (Abies balsamea) – l’espèce la plus cultivée au Québec, très parfumée et indigène à nos forêts – ainsi que le sapin Fraser (Abies fraseri), apprécié pour sa très bonne tenue et ses aiguilles qui restent accrochées longtemps. On retrouve aussi, selon les régions, des pins comme le pin sylvestre (Pinus sylvestris), au look plus rustique, ou encore l’épinette de Norvège (Picea abies), très populaire en Europe, mais dont les aiguilles tombent plus rapidement à l’intérieur.

sapin baumier (Abies balsamea). Photo: Wikipedia

Ailleurs dans le monde, les traditions s’adaptent aux espèces locales ou aux réalités climatiques. Dans le nord de l’Europe, l’épinette de Norvège reste l’arbre emblématique des marchés de Noël, tandis que dans le sud, on privilégie le sapin de Nordmann (Abies nordmanniana), qui garde mieux sa fraîcheur en intérieur, mais dégage peu d’odeur. En Amérique du Sud, où la production de conifères de Noël est limitée, le sapin artificiel domine largement la tradition. Et dans l’hémisphère sud où les climats trop chauds, on adopte souvent des pins locaux ou des arbres artificiels, le symbole étant plus important que l’espèce exacte.

L’arbre artificiel, réutilisable, mais à quel prix?

L’avantage principal d’un arbre de Noël artificiel est bien sûr qu’il est réutilisable plusieurs années. Il devient donc plus économique qu’un arbre naturel, surtout à long terme. Son bilan carbone peut même être plus faible s’il est conservé et utilisé durant au moins 8 à 10 ans, et idéalement jusqu’à 20 ans, selon les études – un seuil nécessaire pour compenser sa production énergivore.

En termes d’entretien, il est clairement gagnant: pas d’arrosage, pas d’aiguilles à ramasser, pas de risque d’insectes cachés dans le feuillage. Plusieurs modèles sont aussi traités avec des produits ignifuges, ce qui réduit les risques d’incendie. N’émettant presque pas d’odeurs ni de composés organiques volatils (COV), il peut aussi convenir davantage aux personnes sensibles.

Photo: Pexels

Pour ceux et celles qui n’ont pas accès à des arbres naturels produits localement, le sapin artificiel est disponible partout, dans une grande variété de tailles, formes, couleurs, parfois même avec les lumières déjà intégrées. En général, ils sont aussi moins dispendieux.

Un prix dur sur l’écologie

Cependant, si un sapin artificiel n’est utilisé que quelques années – et la moyenne se situe entre 6 et 9 ans – son empreinte carbone augmente drastiquement. Sa fabrication nécessite beaucoup d’énergie et émet beaucoup de gaz à effet de serre. De plus, la majorité est produite en Asie, ce qui ajoute un important coût environnemental lié au transport.

Sa durabilité matérielle a aussi un prix écologique: les sapins artificiels sont généralement fabriqués en PVC, un plastique issu du pétrole, polluant à produire et contenant parfois d’autres substances toxiques, notamment les retardateurs de flamme. En fin de vie, ils sont très difficilement recyclables et finissent presque toujours au dépotoir, où ils mettront des siècles à se dégrader. Et que dire des microplastiques?

Malgré les efforts des fabricants, le sapin artificiel conserve rarement la beauté et l’authenticité d’un vrai conifère – et il faut admettre que sortir un arbre d’une boîte n’égale en rien la magie d’aller sélectionner un sapin au grand air.

Un arbre de Noël vivant pour longtemps

Une autre tendance s’est dessinée dans les dernières années: le sapin de Noël en pot. Certaines entreprises vendent maintenant de vrais arbres naturels en pot qu’on peut ramener à la maison. On peut les conserver à l’intérieur pendant une à deux semaines maximum, puis les arroser généreusement avant de les sortir à l’extérieur pour le reste de l’hiver. Au printemps, lorsque le sol dégèle et s’assèche un peu, on peut les replanter et ils poursuivront leur croissance.

L’option la plus écologique

On considère qu’il s’agit potentiellement de l’option la plus écologique de toutes. Pas besoin d’abattre d’arbres: il continue de capter du CO2, de produire de l’oxygène et de soutenir la biodiversité année après année – un cadeau durable pour la nature et pour votre famille. Comme l’arbre coupé, il peut servir d’abri pour la faune à l’extérieur, il dégage la même odeur agréable et il soutient l’économie locale. Et s’il est bien replanté, le sapin en pot est essentiellement zéro déchet. Il existe même des services de location de sapins vivants: l’arbre est livré, décoré, puis récupéré après les Fêtes pour être replanté.

Bien sûr, un arbre en pot est plus lourd, plus volumineux et plus coûteux à l’achat qu’un sapin coupé ou artificiel. Et tout le monde n’a pas l’espace nécessaire pour planter un arbre dans sa cour année après année.

Ce n’est pas non plus si simple de conserver un sapin en pot à l’intérieur. Habitué à l’extérieur, il peut mal tolérer la chaleur des maisons et subir un choc thermique. Il demande aussi un arrosage régulier pour ne pas sécher.

À l’extérieur, ce n’est pas plus facile: un arbre en pot n’est pas isolé du froid comme en pleine terre, et ses racines peuvent geler complètement, ce qui compromet sa survie. Même au moment de la transplantation, le taux d’échec reste assez élevé. Enfin, il ne faut pas oublier qu’un petit sapin… devient un grand arbre! Il faut donc réfléchir à l’endroit où il pourra pousser à maturité.

Autres alternatives créatives et écolos

Pour ceux qui souhaitent sortir du modèle classique, plusieurs solutions originales existent pour célébrer Noël tout en réduisant l’impact environnemental.

Le pin de Norfolk (Araucaria heterophylla) est un choix populaire dans les petits espaces: vendu comme plante d’intérieur, il peut être décoré légèrement pour les Fêtes, puis continuer de pousser toute l’année en tant que plante d’ornement. C’est un arbre miniature permanent, parfait pour les appartements!

On peut aussi fabriquer un «sapin» à partir d’objets déjà présents dans la maison ou en réutilisant des matières recyclables: livres empilés, branches ramassées, bouts de bois, cintres, carton, bouchons de liège, etc. C’est un projet amusant, créatif et sans déchet, qui peut devenir une nouvelle tradition familiale.

Sapin de Noël créatif. Photo: Getty Images

Certaines personnes optent également pour des arbres muraux minimalistes faits de lumières, de guirlandes ou d’ornements suspendus – idéal quand l’espace manque ou pour limiter la consommation matérielle.

Ce qu’on peut faire pour un sapin encore plus vert

Pour les sapins naturels, choisissez un arbre local et, si possible, provenant d’un producteur qui limite l’usage de pesticides. Même si la collecte municipale est offerte dans plusieurs villes, tentez d’abord de lui donner une seconde vie: installez-le dehors pour qu’il serve d’abri à la faune durant l’hiver, ou transformez-le en paillis ou en compost lorsque la saison du jardinage sera de retour. Et pourquoi ne pas prolonger un peu la magie? Les aiguilles (si l’espèce est comestible) peuvent parfumer des recettes hivernales, tandis que les branches et le tronc peuvent être récupérés pour des bricolages durables – ornements, décorations, sous-verres, allume-feu et bien plus.

Photo: Getty Images

Pour les sapins artificiels, misez sur la durabilité. Choisissez un modèle de bonne qualité que vous pourrez utiliser pendant 20 ans ou plus, et rangez-le soigneusement chaque année pour éviter qu’il ne s’abîme. L’achat de seconde main – en friperie ou sur des plateformes de revente locales – est également une excellente façon de réduire son empreinte environnementale.

Pour les sapins en pot, optez pour une espèce indigène et rustique à votre région. Limitez son séjour à l’intérieur à 7 à 10 jours maximum et placez-le loin des sources de chaleur. Arrosez votre sapin régulièrement. Après les Fêtes, gardez-le dehors à l’abri du vent et isolez le pot (feuilles mortes, neige) pour protéger les racines du gel. Au printemps, plantez-le soigneusement, en tenant compte de son futur développement.

L’arbre qui nous rassemble, encore et toujours

Au fond, il n’y a pas de raison de se chicaner à propos du sapin parfait. Chaque option peut être un bon choix lorsqu’on le fait de façon éclairée et qu’on prend soin de notre arbre du début à la fin.

Photo: Pexels

Ne laissons pas l’arbre de Noël devenir un sujet de discorde. Si nos ancêtres ont conservé cette tradition, c’est parce qu’elle rassemblait en période d’isolement, permettait de partager le fruit de nos labeurs pendant des temps difficiles et renforçait les liens au sein des communautés et des familles. Toujours vert malgré le froid, le sapin rappelait que la vie persiste et aidait à garder le moral jusqu’au printemps. Et comme ces célébrations marquaient le passage d’une saison à l’autre, elles offraient un repère dans le temps, un rituel rassurant à transmettre de génération en génération.

Alors, peu importe la forme que prennent nos fêtes d’hiver, continuons la tradition: rassemblons-nous et célébrons ce qui nous unit.

Joyeuses fêtes!


  1. Merci Mathieu pour ce merveilleux texte empreint de bonté et de bienveillance. Cela m’a fait un bien fou de vous lire en plus d’être très instructif. Joyeuses fêtes à vous et à toute l’équipe!

  2. Si, les premières années de mon enfance ont été gratifiées d’un vrai grand sapin, vers ma quinzième année, grand père ne pouvait plus apporter le sapin au sixième étage, il était asthmatique ! J’ai donc fait l’acquisition d’un petit sapin dans un grand magasin parisien, en fil de fer torsadé et papiers plastifiés du plus bel effet !!! Il ne ressemble pas vraiment à un sapin , ou alors à un sapin rachitique. Mais ça marquait le coup et économisait les forces et les poumons de grand père. Depuis j’ai grandi et vieilli, et maintenant que je suis une vieille dame seule de bientôt 80 ans, c’est toujours ce petit sapin que je décore tous les ans… Il a maintenant 65 ans et je pense qu’il est largement amorti ! Il continuera à égayer mes Noëls jusqu’à la fin de ma vie…

    • Wow! Merci Mme Maheu pour ce beau récit de vie (conte de Noël) inspirant et émouvant!
      Quels beaux souvenirs vous devez vous remémorer à chaque temps des Fêtes, en décorant ce petit sapin témoin d’une si belle histoire. Dans le fond, c’est ça, l’esprit de Noël. Pas besoin de rien de plus…
      Merci aussi à Mathieu pour ce beau texte tout aussi inspirant et instructif! 🙂

  3. Attention ! Un article de Radio-Canada paru il y a quelques jours : « couper son sapin, c’est interdit, blâmez la tordeuse ». À lire avant de décider de vous aventurer en forêt pour garnir votre salon ! En plus des conséquences à la nature, une amende de 450$. C’est un pensez-y bien !

  4. Vos articles sont toujours extrêmement intéressant, percutant et informatif. Merci beaucoup.
    Passez de très joyeuses fêtes. Oui l’information est essentielle pour nous permettre à tous de grandir, de choisir et d’évoluer. Gratitude
    Huguette

  5. Quel beau texte, Mathieu. Merci!
    Mon côté écologique est le plus fort. Ça me faisait trop mal au coeur de supprimer la vie d’un si bel arbre, alors… il y a de nombreuses années, j’ai récupéré le pin de Northfolk de ma mère, lequel prenait trop de place dans la maison. Mais… à mon grand désarroi, je l’ai perdu. Une amie m’a donc donné à Noël une décoration de table contenant un tout petit pin d’à peine quatre pouces de hauteur. Il est devenu grand maintenant et c’est lui mon arbre de Noël depuis au moins 15 ans. Et j’illumine aussi mon ficus et d’autres grosses plantes, parce que Noël est une fête de lumière. Joyeuses fêtes à toi et à toute ton équipe, et merci mille fois pour tout ce que vous faites, c’est très apprécié. Vous êtes comme l’étoile en tête de l’arbre… ??

    • Mon sapin a été fait à partir de palettes, peint de nombreuses nuances de vert, acheté sur marketplace il y a des années. Les artistes locaux discrets, inspirés et inconnus sont nombreux autour de nous!
      Zéro déchet, Respect de l’environnement et des autres! Esprit de Noël après tout?

  6. Bonjour
    J’achète un sapin baumier local à chaque année, depuis 7 ans. Ils ne sentent jamais rien. J’ai essayé quelques pépinière mais niet….A chaque année nos ne sentons rien ! Et je l’arrose bien. QQ a une réponse ?

  7. J’adore ce beau texte Mathieu. Pour les amoureux de l environnement, on a toujours ces questionnements en tête. Il est toujours dommage de couper un arbre, mais c’est le but de la culture des sapins de Noël. Cette culture serait inexistante si on se tournait tous vers les arbres artificiels.
    J’ai acheté mon sapin à McMasterville, via route 116. En sortant de l’automobile, l’odeur du sapin était omnipresente. Nul doute qu’il s’agit bien de sapin baumier! Magique..

  8. Bonjour,
    L’odeur du sapin à l’année longue
    Ramasser les aiguilles de sapin dans une boîte et lorsque vous changez le sac de la balayeuse ou de temps à autre faites aspirer une pleine poignée d’aiguilles. Chaque fois que vous utiliserez votre balayeuse vous serez agrémenté par l’odeur de sapin.
    Joyeuses fêtest