Préparer le retour des monarques dès maintenant
Si vous voyez encore des monarques (Danaus plexippus) dans votre jardin au mois d’octobre au Canada, c’est probablement un retardataire. La grande migration de ces insectes emblématiques du déclin de nos écosystèmes vers le Mexique commence dès le mois d’août et se poursuit jusqu’au début d’octobre, selon la région.
C’est une génération spéciale qui effectue ce voyage: alors que les monarques estivaux ne vivent que 2 à 6 semaines, cette génération peut vivre jusqu’à huit mois, ce qui lui permet de parcourir jusqu’à 5 000 km pour rejoindre les forêts de pins oyamels (Abies religiosa) dans les montagnes du Michoacán et de l’État de Mexico.
Dans ce climat frais et humide, les papillons réduisent leur métabolisme et entrent en diapause reproductive pour l’hiver. Regroupés par millions, formant d’énormes grappes sur les branches et troncs, ils conservent chaleur et humidité, limitant les pertes d’énergie et se protégeant du gel.
En février et mars, avec le retour des journées plus longues et des températures plus douces, les monarques sortent de leur hivernage. Ils s’accouplent et amorcent leur voyage vers le nord. Les femelles remontent jusqu’au sud des États-Unis, pondent leurs œufs sur les asclépiades, puis meurent. Ce sont les générations suivantes, nées de ces œufs, qui poursuivent progressivement la remontée jusqu’au Canada, un voyage qui se fait en 3 à 4 générations successives.
L’asclépiade est essentielle à ce périple. C’est la plante hôte exclusive des chenilles du monarque: les femelles y pondent leurs œufs, et les larves s’en nourrissent avant de se transformer en papillons, capables de continuer le voyage sur plusieurs générations.
Pas d’asclépiades, pas de monarques. C’est aussi simple que ça.
Une espèce en péril
Au Canada, le monarque (Danaus plexippus) est reconnu comme une espèce en voie de disparition depuis 2016 en vertu de la Loi sur les espèces en péril, principalement à cause de la perte d’habitats, des pesticides, des changements climatiques et de la déforestation dans ses sites d’hivernage au Mexique. Aux États-Unis, le U.S. Fish and Wildlife Service a conclu en 2020 que l’espèce mérite d’être protégée sous l’Endangered Species Act, mais son inscription a été reportée au profit d’espèces jugées plus prioritaires, ce qui lui confère pour l’instant le statut «warranted but precluded». À l’échelle internationale, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a classé en 2022 le monarque migrateur comme espèce en danger, soulignant le déclin dramatique de cette population emblématique.
Quelle asclépiade choisir pour votre jardin?
Toutes les asclépiades sont utiles aux monarques, mais elles ne sont pas toutes utilisées de la même façon. Les papillons privilégient surtout l’asclépiade commune et l’asclépiade incarnate, car elles sont abondantes, faciles d’accès et offrent aux chenilles une nourriture bien équilibrée. D’autres espèces, comme la tubéreuse, l’élevée ou la verticillée, sont moins sollicitées, mais elles gardent leur importance: chaque espèce est adaptée à un milieu particulier et permet d’élargir les habitats disponibles pour soutenir la migration des monarques.
Asclépiade commune

L’asclépiade commune (Asclepias syriaca) est la plus répandue. Robuste et très utilisée par les monarques, elle se plaît au plein soleil, dans un sol moyen à riche, et tolère bien la sécheresse. Elle forme cependant des colonies vigoureuses grâce à ses rhizomes, ce qui peut la rendre envahissante dans un petit jardin. Elle convient mieux aux espaces naturalisés ou aux jardins champêtres.
Asclépiade incarnate

L’asclépiade incarnate (A. incarnata), qu’on appelle aussi asclépiade des marais, est idéale pour les sols lourds ou humides. Elle pousse en touffes serrées, dégage un parfum agréable et attire une foule de pollinisateurs. C’est l’une des meilleures pour la reproduction des monarques, parfaite pour les berges ou les zones argileuses mal drainées.
Asclépiade tubéreuse

L’asclépiade tubéreuse (A. tuberosa) se distingue par ses fleurs orange éclatant. Elle préfère les sols sablonneux, secs et bien drainés, en plein soleil. Très ornementale et compacte, elle est parfaite pour les rocailles ou les plates-bandes sèches. Les monarques la visitent, surtout pour son nectar, mais elle est un peu moins utilisée pour la ponte que les espèces précédentes.
Autres espèces

Moins connue, l’asclépiade élevée (A. exaltata) pousse dans les sous-bois clairs et tolère la mi-ombre. Elle aime les sols frais à humides et convient aux jardins qui ne reçoivent pas de soleil toute la journée. Enfin, l’asclépiade verticillée (A. verticillata), plus discrète avec son feuillage très fin, pousse dans les sols secs et sableux. De petite taille, elle s’intègre bien dans les jardins compacts.
Chaque espèce a sa place. Le plus important est de choisir l’asclépiade adaptée aux conditions de votre jardin: un sol sec, humide, ensoleillé ou mi-ombragé trouvera toujours son asclépiade. Et peu importe laquelle, chacune contribue à offrir aux monarques la ressource essentielle à leur survie.
Semis
L’implantation par semis est la méthode la plus économique, mais elle demande un peu de patience. On peut démarrer les asclépiades à l’intérieur à partir de graines, à condition de leur offrir une stratification froide (30 à 60 jours au réfrigérateur). Une fois ce traitement terminé, les graines peuvent être semées en caissettes sous lumière artificielle ou sur un rebord de fenêtre ensoleillé. Cette méthode permet d’obtenir de jeunes plants vigoureux qu’on repique au jardin en mai ou juin.

Il est aussi possible de semer directement à l’extérieur. La méthode la plus simple consiste au semis de dormance à l’automne: les graines passent l’hiver dans le sol et germent naturellement au printemps, comme elles le feraient dans la nature. On peut aussi semer au printemps, mais uniquement après avoir stratifié les graines au froid pour briser leur dormance.
Comment faire un semis de dormance d’asclépiades
Le semis de dormance consiste à semer les graines directement dehors à l’automne, pour qu’elles passent l’hiver au froid et germent au printemps, comme dans la nature. C’est la méthode la plus simple et la plus fiable.
- Choisissez l’emplacement: choisissez un endroit qui correspond aux besoins de l’espèce d’asclépiade choisie.
- Préparez le sol: grattez légèrement la surface pour enlever herbes et débris.
- Semez les graines: dispersez-les à la volée sur toute la surface, ou en petits groupes espacés. L’idée est d’éviter que les jeunes plants se retrouvent trop serrés et en compétition. Comme repère, comptez environ 1 à 2 grammes de graines (150 à 300 graines) par mètre carré.
- Recouvrez légèrement: ajoutez une mince couche de terre ou de compost (environ 5 mm), juste assez pour les protéger des oiseaux et du vent.
- Protégez si besoin: si vous craignez le dessèchement ou les prédateurs, saupoudrez une très fine couche de feuilles déchiquetées ou de compost. Évitez les paillis épais qui bloquent la germination.
- Laissez l’hiver faire son travail: pluie, neige et gel assureront la stratification naturelle. Au printemps, les jeunes pousses perceront quand les conditions seront favorables.
Le moment idéal pour un semis de dormance d’asclépiades est après les premières nuits fraîches d’automne, quand la température descend régulièrement autour de 0 à 5 °C, mais avant que le sol ne gèle pour de bon. Selon les régions, cela correspond généralement à la mi-septembre jusqu’à la fin d’octobre, parfois même jusqu’au début novembre dans les zones plus douces. L’important est que les graines passent tout l’hiver au froid sans germer à l’automne, afin de lever naturellement au printemps suivant.
Division
Certaines espèces se multiplient facilement par division. L’asclépiade commune produit de longs rhizomes qu’on peut prélever et replanter au printemps ou à l’automne. L’asclépiade incarnata, qui pousse en touffes, peut être divisée au début du printemps. Cette méthode rapide donne des plants matures, déjà bien adaptés aux conditions locales, et assure une reprise solide.

Plantation de plants en pot
Enfin, plusieurs asclépiades sont offertes en plants en pot dans les pépinières, notamment la tubéreuse, très ornementale avec ses fleurs orange, ou l’incarnata, appréciée pour ses grandes touffes florifères. Cette approche, un peu plus coûteuse, garantit un résultat rapide et permet de contourner les incertitudes liées à la germination. C’est la méthode idéale pour intégrer les asclépiades dans une plate-bande et profiter de floraisons dès la première saison.
Préparer le retour des monarques dès maintenant
Le monarque est bien plus qu’un simple papillon: c’est à la fois un indicateur de santé des écosystèmes, un pollinisateur et un symbole de la biodiversité. Son cycle migratoire, qui dépend des asclépiades au Canada et aux États-Unis, des fleurs nectarifères le long de son trajet et des forêts de pins oyamels au Mexique, démontre à quel point les écosystèmes sont interconnectés. En déclin, il nous alerte sur la perte d’habitats, l’usage des pesticides et les effets des changements climatiques.
Parce qu’il est connu et apprécié du grand public, il joue aussi un rôle d’espèce phare: en protégeant le monarque, on protège en même temps une multitude d’autres pollinisateurs et les écosystèmes dont ils dépendent. Il nous rappelle aussi que les jardiniers ne sont pas seuls: chaque geste local, comme planter une asclépiade ou réduire les pesticides, s’inscrit dans un effort collectif et international pour maintenir la grande route migratoire de ce papillon emblématique.
Tandis que les monarques nous quittent, il est temps de préparer leur retour: le semis de dormance est probablement le moyen le plus simple et le plus efficace de faire pousser des asclépiades pour soutenir cette espèce menacée. C’est certainement aussi la méthode la plus paresseuse… et la plus naturelle!
Je me demande s’il n’est pas déjà trop tard… Dans mon coin à Mont-Tremblant, nul besoin de planter des Asclépiades, elles poussent à l’état sauvage tout autour. Dans mes plates-bandes, je me contente d’ajouter plusieurs plants de Verveine de Buenos Aires, habituellement très fréquentées par les papillons y compris le Monarque.. Cet été, je n’ai pas vu un seul papillon. PAS UN SEUL. J’en suis encore troublée…
Merci pour vos explications concernant l’ensemencement, je me posais la question! Ça fait trois ans que j’ai planté une asclépiade écarlate dans mon jardin (plant donné par la ville de Boucherville) et cette année fut la première où les monarques soient venus dans ma cour! J’ai pu les apercevoir assez régulièrement, de même que leurs chenilles mangeant les feuilles d’asclépiade. J’en n’avais pas vus depuis mon enfance des chenilles. Avec vos explications je vais semer à même le sol des asclépiades à fond de mon terrain. Merci à vous!
Chez moi, l’asclépiade incarnate pousse très bien dans un sol qui n’est ni particulièrement lourd, ni particulièrement humide, à mi-ombre — ce qui contribue sans doute à garder le sol humide, en particulier au printemps. Après stratification, les graines germent facilement.
Bonjour, j’ai des asclépiades du type incarnate.
J’ai eu un envahissement de pucerons jaunes. Malgré tout 2 Monarque sont venus pondre et j’ai eu 2 chenilles.
Est ce que les pucerons seront de retour l’année suivante. Comment d’en débarrasser ? Merci
https://natureenville.cergypontoise.fr/2016/10/03/le-puceron-jaune-de-lasclepiade/
Bonjour,
Je suis en Ile de France, je n’observe pas de Monarque dans mon jardin je vais donc essayer de cultiver des pieds d’asclepiade par contre au dessus du Tamaris il y a quelques Flambés tous les ans ils planent comme des oiseaux de proie ,volant en spirale, je vois également des Paons du jour et d’autres espèces plus communes.