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Le mirage du galet de rivière

Il faut que je vous avoue quelque chose: j’ai horreur du galet de rivière dans les aménagements paysagers!

Je dis cela en sachant que plusieurs d’entre vous en ont chez eux – et peut-être êtes-vous encore en pleine lune de miel avec lui. Mais d’autres, qui ont des espaces recouverts de galets depuis plusieurs années, savent peut-être de quoi je parle…

Photo: Getty Images

Qu’est-ce que le galet de rivière et d’où provient-il?

Le galet de rivière est une pierre arrondie et lisse, utilisée en aménagement paysager pour son aspect naturel et décoratif. Il imite les pierres que l’on trouve dans les lits de rivières, façonnées au fil du temps par l’eau et les frottements. Toutefois, la plupart des galets vendus dans le commerce ne proviennent pas directement de rivières locales (tant mieux!). Ils sont généralement extraits de carrières, puis roulés mécaniquement pour reproduire l’aspect poli des galets naturels. Certains sont aussi importés d’autres pays où ils sont récoltés, triés, lavés, et parfois polis avant d’être commercialisés.

À quoi sert le galet de rivière dans un aménagement?

L’utilisation des galets remonte à l’Antiquité, où ils servaient surtout à recouvrir le sol dans les cours ou les chemins, afin de rendre la surface plus stable et praticable. C’est toutefois au Japon, dès le Moyen Âge, qu’ils prennent une réelle dimension esthétique, notamment dans les jardins zen, où ils évoquent l’eau et servent à structurer visuellement l’espace. En Europe et en Amérique du Nord, leur usage décoratif reste marginal jusqu’aux années 1980, époque à laquelle les galets gagnent en popularité grâce à la montée des jardins de rocaille et des aménagements à faible entretien. Depuis les années 2000, le galet de rivière est devenu un incontournable des aménagements paysagers: on l’apprécie autant pour son look naturel que pour sa grande polyvalence, que ce soit dans les jardins secs, zen, contemporains ou naturalistes.

Exemple d’un jardin japonais. Photo: Getty Images

Alternative perméable au dallage

Je vois souvent le galet de rivière utilisé pour créer des sentiers ou des patios peu fréquentés. C’est une alternative beaucoup moins dispendieuse que le pavé ou le dallage, et qui n’est pas sans charme. Posé sur un tissu géotextile et ceinturé d’une bordure, il permet – en théorie – de limiter la pousse des mauvaises herbes. C’est aussi une option perméable, contrairement aux revêtements comme l’asphalte ou le béton, ce qui en fait un bon choix pour ceux qui cherchent à favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol.

Bande de propreté

D’ailleurs, sa perméabilité est l’un de ses plus grands avantages. Je me souviens de mes débuts en aménagement, comme ouvrier, il y a une quinzaine d’années. À l’époque, la tendance était d’installer une bordure de propreté autour des maisons, surtout les maisons de style contemporain qui, souvent, n’avaient pas de corniche. Cette bande de galets, installée tout autour de la maison, servait à empêcher l’eau de pluie d’éclabousser le revêtement extérieur et de salir les fondations. D’où son nom! L’eau s’infiltrait dans le sol plutôt que de ruisseler vers les égouts.

Gestion de l’eau de pluie

De la même façon, on utilise souvent le galet dans les ruisseaux secs, les tranchées filtrantes ou les zones d’accumulation d’eau. Posé sur un géotextile, parfois avec un drain perforé dessous, le tout permet de rediriger l’eau ou de la faire absorber naturellement. C’est une solution simple, durable et esthétique pour les zones problématiques du terrain.

Photo: Getty Images

Paillis

On le retrouve aussi comme paillis minéral, notamment comme remplissage entre des pas japonais, ou dans les plantes-bandes, surtout dans les jardins de rocaille ou xérophytes. Encore une fois, sa perméabilité est un atout par rapport à des matériaux non drainants.

Esthétique

Enfin, le galet peut avoir un rôle purement décoratif. Il est souvent utilisé pour séparer visuellement différents éléments du paysage – un sentier et une pelouse, deux zones de revêtement, ou une plate-bande et une structure. Ce contraste de texture et de couleur est très apprécié en design paysager.

Photo: Getty Images

Les galets, c’est la galère

C’est quoi le problème d’à bord? Au début, c’est très beau: le galet fait exactement ce qu’on attend de lui. Il est propre, uniforme, et donne un look soigné à l’aménagement. Mais avec le temps, ça se gâte! Les galets se déplacent, les mauvaises herbes s’invitent, les feuilles mortes s’accumulent, et l’effet visuel perd rapidement de sa fraîcheur. Ce qui semblait être une solution simple et durable se révèle souvent n’être qu’un mirage. Beau en photo, un peu moins en réalité, surtout après deux ou trois saisons sans entretien régulier. Et pourtant, on le présente comme une solution sans entretien!

Difficile d’y circuler

Photo: Getty Images

Vous l’aurez remarqué: marcher sur des galets, ce n’est pas comme marcher sur un trottoir! Les galets roulent sous les pieds, ce qui peut les rendre instables, glissants ou tout simplement désagréables à la marche – surtout pour les personnes à mobilité réduite, les enfants ou les poussettes. Le moindre dénivelé ou un passage répété suffit à faire migrer les pierres, même avec une bordure bien installée. Ce n’est pas évident non plus d’y installer des meubles de jardin: ils ont tendance à s’enfoncer ou à bouger au moindre mouvement. Sans oublier qu’en climat nordique, les galets compliquent le déneigement. Pelle, souffleuse et même sel de déglaçage deviennent peu efficaces. Et au printemps, on retrouve du galet partout. Par contre, les petits gravillons sont généralement plus agréables pour la circulation, mais ils ont le défaut de se répandre un peu partout, ce qui peut irriter certains.

Pas facile à désherber

Quant à leur efficacité pour empêcher les mauvaises herbes, à mon avis, c’est tout le contraire! Les plantes qui se propagent par rhizomes sont effectivement freinées par la toile géotextile, mais les semences de mauvaises herbes, elles, peuvent facilement s’y déposer. Avec le temps, la poussière, les feuilles mortes et les résidus de jardin s’accumulent entre les pierres, formant un terreau parfait pour la germination. Et tôt ou tard, certaines plantes finissent par percer la toile, rendant leur arrachage très difficile sans tout déranger.

Photo: Getty Images

L’entretien, un vrai casse-tête

À cela s’ajoutent d’autres inconvénients: les galets emmagasinent la chaleur du soleil, ce qui peut assécher le sol et nuire aux plantes plus sensibles. Contrairement aux paillis organiques, ils n’apportent aucun nutriment au sol ni amélioration de la structure. L’entretien devient vite compliqué: impossible de rajouter du compost facilement, chaque intervention demande de déplacer les pierres. Et comment garder tout ça propre? J’ai déjà vu quelqu’un transporter ses galets jusqu’à la rue pour les rincer au boyau d’arrosage… D’autres sortent plutôt l’aspirateur à feuilles ou le souffleur. Bref, ce qui semblait être une solution durable et sans entretien peut vite devenir un vrai casse-tête! Et à long terme, c’est souvent l’effet visuel qui en pâtit: on est bien loin du look épuré et harmonieux des premières semaines.

Comment remplacer le galet de rivière dans un aménagement?

Pour des sentiers et patios peu fréquentés, plusieurs alternatives s’offrent à nous. Ma préférée reste la poussière de pierre. Elle se compacte bien, offre une surface stable et agréable à la marche – même pour les personnes à mobilité réduite – et elle est peu coûteuse. Une fois bien installée, elle résiste mieux aux mauvaises herbes que le galet, justement parce qu’elle est compacte. Et si quelques plantes adventices s’y installent malgré tout, un petit coup de sarcloir suffit généralement à les éliminer. En outre, elle peut facilement en rajouter après quelques années pour rafraîchir la surface, sans tout refaire. La poussière de pierre est aussi perméable, mais moins que le galet.

Le paillis organique peut remplacer la galet de rivière. Photo: Getty Images

Paillis organique plutôt que minéral

Il y a aussi l’option d’utiliser un paillis organique, comme le bois raméal fragmenté (BRF) ou de l’écorce déchiquetée. Il suffit de le poser sur du carton ou du papier journal, en une bonne couche. La surface obtenue est moins stable que la poussière de pierre, mais elle absorbe bien les chocs et compacte moins le sol en dessous – ce qui en fait une excellente option entre des plantations. En se décomposant, ce paillis nourrit le sol et améliore sa structure. Il faudra toutefois le rafraîchir tous les deux à trois ans, selon le matériau utilisé et l’intensité du passage.

Pourquoi ne pas envisager aussi quelques dalles ou des pas japonais en pierre, espacés juste ce qu’il faut, avec un couvre-sol résistant au piétinement, comme le thym serpolet ou la sagine subulée? Ces plantes apportent une touche de verdure, attirent les pollinisateurs et adoucissent visuellement les lignes d’un sentier. Un couvre-sol présente aussi l’avantage d’être perméable, tout en réduisant la chaleur emmagasinée, contrairement au galet. De plus, les débris organiques qui s’y déposent se décomposeront naturellement pour nourrir le sol. Il y aura bien un peu de désherbage à faire, mais ce sera nettement moins frustrant que de tenter de nettoyer du galet de rivière.

Plantes à la rescousse!

À mon sens, la meilleure solution pour créer une bordure de propreté autour d’une maison, c’est d’utiliser des végétaux. Leur feuillage empêche naturellement la terre d’éclabousser les murs, surtout si on ajoute un paillis organique pour amortir les gouttes de pluie et limiter la repousse des mauvaises herbes. Si l’endroit est couvert par une corniche, où l’eau tombe peu ou pas, on peut planter juste à l’extérieur de son emprise, là où les plantes recevront encore un peu d’eau. Choisissez des végétaux suffisamment larges et denses pour remplir l’espace, couvrir le sol et freiner la croissance des plantes adventices. Dans ces zones souvent sèches et ombragées, un bon couvre-sol tolérant la sécheresse, comme le géranium à gros rhizome ou le thym (s’il y a un peu de soleil), fera merveille. Avec les bonnes plantes et un bon paillis, vous obtiendrez une finition propre, végétalisée, perméable et beaucoup plus vivante qu’une bande de galets!

Exemple de noue végétalisée réalisée par la Ville de Québec. Crédit photo: Ville de Québec

Une excellente alternative aux galets dans les ruisseaux secs consiste à aménager une noue végétalisée. Plutôt que de recouvrir le fond d’une tranchée avec des pierres, on y crée une légère dépression tapissée de plantes adaptées aux variations d’humidité: carex, iris versicolore, verge d’or et autres espèces indigènes bien choisies. Ces végétaux absorbent, ralentissent et filtrent naturellement l’eau de pluie, tout en stabilisant les berges avec leurs racines. En plus de favoriser l’infiltration, ce type d’aménagement améliore la biodiversité, attire les pollinisateurs et demande souvent moins d’entretien à long terme qu’un lit de galets, qui finit toujours par se salir, se déplacer ou se remplir de plantes indésirables.

Les végétaux: plus esthétiques et diversifiés

Dans un aménagement, les galets sont souvent utilisés pour créer des séparations visuelles décoratives entre différentes zones – pelouse, sentier, plate-bande, structure. Une excellente alternative consiste à utiliser des couvre-sols végétaux. En choisissant des plantes au feuillage dense, coloré ou texturé, on peut facilement structurer l’espace tout en ajoutant de la vie au jardin. Par exemple, une bordure de sedum ou un massif d’heuchères colorées permet de créer un contraste doux, mais efficace, tout en favorisant la biodiversité. Ces végétaux remplissent la même fonction esthétique que les galets, mais avec l’avantage d’être perméables, frais, nourrissants pour le sol… et souvent, pour les pollinisateurs. Et côté entretien, un simple désherbage à l’occasion suffit: pas besoin de repositionner des pierres ou de lutter contre l’accumulation de débris.

Une bordure de couvre-sol permet de remplacer les galets de rivière. Photo: Getty Images

Repenser le galet

Le galet de rivière a ses qualités: il est esthétique, polyvalent, et évoque une certaine idée de simplicité. Mais lorsqu’on l’observe dans des aménagements réels, après deux, cinq ou dix saisons, on se rend compte qu’il est souvent plus décoratif que durable, plus joli sur photo que pratique au quotidien, et beaucoup plus exigeant qu’on ne l’imaginait.

Cela dit, le galet n’est pas le seul en cause. Dans tout projet d’aménagement, il est essentiel de réfléchir à l’entretien à long terme des matériaux qu’on choisit. Rien n’est vraiment «sans entretien»: tôt ou tard, il faudra nettoyer, réparer ou remplacer. La différence, c’est que certains matériaux demandent moins d’efforts que d’autres et sont plus indulgents avec le temps.

Photo: Getty Images

Alors, lorsque vous repensez votre jardin, ne vous arrêtez pas seulement à l’aspect esthétique ou fonctionnel des matériaux que vous choisissez. Pensez aussi à l’entretien qu’ils demanderont dans cinq, dix ou quinze ans, et faites des choix éclairés – un peu comme on le fait avec les plantes. Un peu plus de réflexion maintenant, c’est beaucoup plus de paresse plus tard. Et avouons-le, c’est exactement ce qu’on cherche.

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  1. Merci Mathieu, je suis en réflexion depuis quelques mois et cet article est un vrai cadeau !

  2. J’ai intallé des galets devant mon ancienne maison il y a une trentaine d’année. C’était très beau au début mais rapidement, les passants se sont mis à les déplacer, j’en trouvais sur le trottoir et c’est devenu laid. A chaque fois que je vois un aménagement de galets, je plains le propriétaire, car je sais que ca ne durera pas. C’est fini pour moi depuis longtemps.

  3. Très pertinent et réaliste comme article, Mathieu! Les pratiques en aménagement paysager sont beaucoup basées sur l’esthétique à court terme sans tenir compte de l’Impact sur l’environnement et sur les tâches d’entretien à moyen et long terme. Le marché invente des nouvelles façons d’aménager régulièrement, influençant le consommateur vers des achats. Combien j’en ai vu passer des modes d’aménagement en 40 années de pratique!
    Mais tout est question de choix. Cependant pour faire un choix éclairé, il faut avoir tout les éléments, les tenants et aboutissants et ton article de ce matin en fait bien mention concernant ce type d’aménagement.
    Merci

  4. Mon expérience me confirme que plus c’est simple, moins c’est compliqué.

  5. Il y a quelques années, j’ai installé des galets le long des murs de mon cabanon. Comme vous le dite Mathieu, c’est devenu un vrai fouillis. Maintenant ce coin de la cour fait le bonheur de mes petits enfants qui partent à la chasse aux pierres les plus colorées et aux formes les plus originales. Ils ont chacun leur boîte aux trésors chez moi et quel plaisir ils ont de les redécouvrir lorsqu’ils viennent me visiter et à en rajouter.

  6. Je pensais utiliser des galets pour le pourtour de la maison pour éviter les éclaboussures. Grâce a ton article ma réflexion se modifie mais quelles plantes peuvent résister aux fortes pluies ainsi qu’au lourd poids de l’accumulation de la neige des toitures???
    J’apprécie beaucoup les articles qui nous parlent des avantages et désavantages des produits et plantes…

  7. Ça fait 10 ans que j’ai un jardin zen dans la portion très ombragée de ma cour (donc pensez gros arbres et arbustes) avec des galets de différentes tailles au sol, en plus de la bordure de propreté et d’un rond de feu en gros galets.
    J’aime toujours autant cela. Pas besoin de taille bordure. Je passe le souffleur à feuilles une fois au printemps, puis 2 fois en automne car mes érables laissent tomber leurs samares après leurs feuilles et c’est tout.
    Les mauvaises herbes y sont beaucoup plus facile à retirer avec la racine que dans ma terrasse de blocs avec poussière de roche que je dois entretenir tous les ans, en passant.
    La morale de cette histoire est que si vous avez une cour et que vous voulez qu’elle ait l’air entretenue, vous devrez l’entretenir. Choisissez la modalité d’entretien qui vous convient (planification).
    Si vous ne souhaitez pas faire d’entretien, payez quelqu’un ou déménagez en appartement ou condo et profitez des parcs et lieux aménagés de votre ville.
    Même l’asphalte finit par craquer et laisser pousser les herbes, éventuellement.

  8. Je confirme à 1000% ! Je viens de terminer le nettoyage, en fait la reconstruction, d’une bande de grosse pierres de rivière située entre un muret et le pavé de l’entrée automobile. Quatre à cinq couches de pierres envahies par les débris végétaux, « mauvaises herbes » et terreau qui s’est créé par ces végétaux compostés! Et tout ça malgré un géotextile dégradé avec le temps. Plus jamais!

  9. Merci pour cet article très complet
    Je suis en réflexion pour aménager un petit coin en pente, à la sortie de ma cuisine, mais effectivement les galets n’étaient pas une option ?
    Par contre je ne sais pas quel type de plantes couvre-sol pouvoir mettre à cet endroit qui est à l’ombre le matin et au soleil l’après-midi….
    Pouvez-vous peut-être m’aider dans ce choix ?

  10. Toujours un plaisir de vous lire et comme la personne avant moi, peut importe il y a toujours un peu de travail. Et c’est pourquoi on aime nos jardins et nos potagers c’est trop le fun d’avoir le nez et les mains dedans.

  11. Un bon souffleur à feuilles , 2x par année, et tout reste impeccable et c’est très facile !

  12. Merci Mathieu ! Tu as le don de nous simplifier la vie: génial 🙂

  13. Bonjour,
    Merci pour cet article.
    J’aime beaucoup le BRF, cependant quelqu’un me faisait remarquer que du bois en décomposition avait le potentiel d’attirer les fourmis charpentières ce qui n’est pas banal., surtout si posé près de la maison. Qu’en pensez-vous?

  14. Bonjour, je lis partout que la sagine ne tolère pas bien le piétinement. Je suis surprise que vous la suggérez en exemple de plante tolérant bien le piétinement. Est-ce qu’une variété en particulier y serait plus tolérante?

  15. J’en ai sur le devant de ma maison, une bande d’environ 1 metre de large, lorsqu’il pleivait, les éclaboussures allaient dans me fenêtres de sous-sol, depuis que j’ai mis de la pierre ça reste propre et ce depuis plusieux années, je dois être chanceux