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D’autres principes naturels qui aident à être paresseux, mais efficace!

Ce texte vient clore une série où j’ai partagé les grandes leçons que la nature m’a enseignées au fil du temps. Avec les années, on réalise que l’entretien d’un jardin devient l’ennemi numéro un du jardinier de moins en moins jeune. Pourtant, on apprend aussi à faire avec, à observer plutôt qu’à lutter, car après tout, vieillesse doit rimer avec paresse, mais surtout avec sagesse.

Dans mes textes précédents, j’ai abordé plusieurs principes qui aident à mieux comprendre le fonctionnement du jardin et à cultiver avec moins d’efforts. J’ai exploré de grandes leçons au cœur de la nature, puis d’autres grands enseignements qui m’ont aidé à changer mon regard sur ce qui se passe dans mon jardin.

Photo: EduardSV

Voici un rappel des cinq premiers principes que j’ai partagés:

  1. Le pâté chinois naturel: la structure des sols là où il y a des végétaux;
  2. Les vêtements de la terre: qui gèrent la couche de protection des sols;
  3. La lampe à l’huile: qui assure l’approvisionnement constant en eau aux végétaux;
  4. La place est au plus fort: principe de la sélection naturelle;
  5. Le soleil, source de vie des végétaux: Aide à la valorisation et la gestion des plantes indésirables.

Pour compléter la série, voici trois derniers principes qui aident à mieux accepter les décisions de la nature, même quand cela ne va pas dans notre sens. Ce n’est pas parce qu’on veut quelque chose au jardin que la nature nous l’accordera. En comprenant ses règles, on apprend à jardiner avec la nature, plutôt que contre elle. Donc, voici le 6e principe que j’ai nommé:

Chasse le naturel et il reviendra au galop!

Ce qu’il faut comprendre de ce principe, c’est que la nature va toujours implanter les bons végétaux dans les milieux appropriés. Par exemple, on retrouve des cactus dans le désert, des quenouilles dans les milieux humides, de l’herbe dans les prairies au soleil et non sous un couvert boisé, des algues dans l’eau, des plantes d’ombre à l’ombre, etc.

La nature suit son cours. Rien ni personne ne peut l’arrêter, car elle est régie par des lois universelles et éternelles. Elle a une grande capacité d’adaptation et elle est en continuelle transformation. Mais elle est toujours gouvernée par les mêmes lois et ce n’est pas nous qui pouvons changer cela.

Photo: Deyan Georgiev

L’horticulture s’est développée considérablement. Les nouvelles découvertes en génétique nous font découvrir des variétés de fruits et de légumes avec différents goûts, formes et couleurs; des fleurs et d’autres végétaux super productifs… Mais quel prix devons-nous payer pour tous ces changements?

En augmentant certains caractères génétiques d’une plante, on le fait souvent au détriment d’autres caractéristiques génétiques. Prenons par exemple un pétunia (St-Joseph). Une multitude de couleurs et de formes de pétunia a été créée par les hybrideurs. Avez-vous remarqué comment certaines couleurs ou certaines espèces sont très sensibles aux moisissures ou aux pucerons? Avez-vous aussi remarqué comment certaines espèces hybridées nécessitent énormément d’engrais? Anciennement, les pétunias étaient reconnus pour être des fleurs s’adaptant à toutes les conditions, nécessitant peu de soins et offrant un spectacle coloré tout l’été. Mes parents et grands-parents n’avaient pas 200 sortes de pétunias, ils n’avaient pas besoin de différents engrais, de pesticides et leurs pétunias donnaient du rendement.

Mon constat

Ce que je constate, c’est que l’humain cherche toujours à avoir plus. Je n’ai rien contre la créativité et la découverte, mais, en désirant toujours plus de nouveauté, l’humain dénaturalise son environnement.

Se peut-il que cette recherche de nouveauté vienne du fait que, ne connaissant pas les clés de la réussite (les grands principes naturels expliqués dans ce chapitre), nos résultats sont souvent médiocres et nous recherchons quelque chose de mieux? Si nous modifions l’équilibre écologique en introduisant des végétaux différents, le reste de l’écosystème se modifiera aussi. Si nous pratiquons des méthodes de culture qui ne respectent pas les principes de base de la nature, nous devrons mettre temps et argent pour compenser ou corriger.

Photo: AlexRaths

Avec 40 ans d’observation, je me rends compte que plus ça va et plus la vie est compliquée. Plus l’horticulture et le jardinage évoluent, plus il est difficile de s’en satisfaire, simplement parce que nos habitudes et nos pratiques culturales se sont éloignées des principes de base de la nature. À quoi bon avoir la dernière nouveauté en matière de fleurs si nous n’arrivons pas à entretenir adéquatement ce que nous avons déjà? À quoi bon de dépenser une fortune en plantes super dénaturalisées, parce qu’elles sont évidemment les plus dispendieuses, pour ensuite devoir acheter pesticides et engrais pour les sauver, parce qu’elles sont plus fragiles et plus exigeantes que les plantes adaptées à notre milieu? À quoi bon chercher à empêcher la croissance de certaines plantes pour s’acharner à faire pousser une variété qui n’est pas adaptée aux conditions et qui nécessite d’être constamment dorlotée?

Un bel exemple

Le plus bel exemple est celui de la pelouse traditionnelle. Ces petites graminées originaires de Grande-Bretagne ne demandent qu’à retourner dans leur écosystème. Comme l’écosystème d’ici n’est pas le même, on peine à conserver de belles pelouses. Il faut constamment leur donner des soins sinon elles disparaissent au profit de ce qu’on appelle des mauvaises herbes. Dans les faits, c’est le principe «chasse le naturel et il reviendra au galop» qui agit. Les plantes indésirables qu’on qualifie de mauvaises herbes sont en fait des végétaux qui correspondent à l’environnement présent. Ils s’implantent sans nécessiter d’efforts de notre part, sans besoin d’engrais ni de pesticides.

Photo: Magic K

Choisir de maintenir une pelouse traditionnelle, c’est de signer un contrat d’entretien à vie. C’est d’être pris pour y investir du temps, des efforts ou son fonds de pension en contrat d’entretien et tout cela a un impact négatif important sur l’environnement. Il en va de même pour le potager et pour les aménagements.

Il faut comprendre que l’utilisation de végétaux les plus indigènes possibles est un plus grand gage de réussite. «Chasse le naturel et il reviendra au galop» est un principe que l’homme transgresse constamment et il en paie le prix. C’est une vérité absolue qui, trop souvent, n’étant pas respectée, apporte des conséquences coûteuses sur tous les plans. C’est un principe qui est étroitement lié au principe «La place est au plus fort».

Vivre et laisser vivre

Nous semblons parfois ignorer ou oublier que nous ne sommes pas seuls sur cette planète et que nous évoluons dans un écosystème qui s’arrange très bien par lui-même, depuis des millénaires.

Pour notre plaisir, par profit ou par insécurité, l’être humain pose des gestes ayant souvent des impacts négatifs envers l’environnement. À court terme, ça ne se voit pas, ou peu, mais à plus ou moins long terme, la nature doit s’adapter aux dommages causés par l’homme. Voici quelques exemples:

Dans la forêt

Lorsque les compagnies forestières déboisent des kilomètres carrés de forêt, combien d’orignaux, de chevreuils, de lièvres, d’oiseaux de toutes sortes, de mulots, de renards, d’ours vivaient-ils dans ces immenses surfaces? Leur habitat est totalement détruit. Leurs sources de nourriture aussi. Tous ces animaux doivent trouver refuge ailleurs, là où il y en a déjà d’autres, créant ainsi un surpeuplement et une pénurie de nourriture. D’autres animaux se font expulser par compétition et se réfugient dans nos villes, et se nourrissent de nos vidanges, de nos pelouses, de nos fleurs et de nos haies de cèdres. Voilà une conséquence directe d’une pratique humaine qui ne respecte pas l’écosystème.

Photo: Digoardi

De plus, la forêt a la propriété d’être une immense éponge qui retient les eaux de pluie pour éviter l’érosion et éviter qu’elles ne coulent trop rapidement aux rivières. Les arbres et tous les végétaux de la forêt boivent une quantité phénoménale d’eau. Ces déboisements à perte de vue rendent les terrains marécageux, augmentant la prolifération des moustiques indésirables, leurs prédateurs ayant été chassés de leur ancien habitat maintenant détruit. En plus, toute la matière organique et l’humus du sol forestier, qui approvisionnait les arbres en nourriture, ne sont plus utilisés et les engrais sont perdus dans la nappe phréatique et ruissellent dans les lacs et rivières, créant des conditions propices à la prolifération des algues indésirables dans ceux-ci.

Dans les plates-bandes

Dans les plates-bandes, nous tenons à ce que tous les végétaux soient à 100% beaux, sans feuilles mangées, sans écorce rongée, sans moisissure et sans taches sur le feuillage. Prenons un exemple. Si vous n’avez qu’un ou deux hostas, vous tenez à ce qu’ils soient les plus spectaculaires possibles. Si des limaces rôdent par-là, vos deux hostas pourraient se faire manger. Le problème, ce ne sont pas les limaces, car elles font partie de la nature ou de l’écosystème et servent de nourriture à plusieurs petits êtres utiles. Le problème, c’est qu’il n’y a pas assez de végétaux pour que tous y trouvent leur compte.

Cependant, si vous avez un massif de 15 hostas, même si quelques feuilles se font manger, le dégât sera réparti et l’ensemble paraîtra bien. De plus, si vous mettez un couvre-sol sous les hostas, les limaces auront un habitat propice et vous pourrez profiter du résultat recherché. Chacun y trouve son compte. Plus que ça: si vous appliquez un paillis adéquat au sol, sous vos hostas, les limaces, qui préfèrent se nourrir de tissus morts, mangeront le paillis et laisseront tranquilles vos hostas. Par paillis adéquat, j’entends un paillis qui ressemble le plus possible aux végétaux sur lesquels vous l’appliquez. Oubliez le paillis de cèdre dans ce cas-ci! Les limaces le détestent et, comme l’expression: «Faute de pain, tu manges de la galette», elles devront se contenter de vos feuilles d’hosta.

Un jeune boisé naturel

J’aime prendre comme exemple un jeune boisé naturel. Aujourd’hui et sur les 75 années à venir, sur une surface boisée de 10 000 pi2 (100 pi X 100 pi) ou 900 m2 (30 m X 30 m), germeront des milliers et des milliers de semences d’arbres différents et de végétaux de sous-bois. Sur 75 ans, parmi ces milliers de végétaux, plusieurs ne vivront que quelques années, étant des végétaux colonisateurs, ou serviront de nourriture aux insectes, aux rongeurs, aux chevreuils et aux orignaux.

Photo: Karel Bock

Certains arbres et arbustes seront abîmés par la neige ou par le verglas. Certains d’entre eux mourront par la maladie ou par une compétition trop forte. Au bout de 75 ans, sur cette même surface, il ne restera qu’une centaine d’arbres matures, une centaine d’arbrisseaux et de jeunes arbres, quelques fougères et d’autres espèces de végétaux adaptés à l’ombre. Il restera donc quelques centaines de végétaux sur des milliers qui y auront poussé un jour ou l’autre. Et c’est normal!

La nature est généreuse, abondante et donne ce qu’il faut pour que tous y trouvent leur compte. Cependant, l’être humain a tendance à être égoïste. Chaque arbre qu’il plante doit se rendre à terme sans qu’aucune tempête ne le brise, sans qu’aucun rongeur ne le mange, sans qu’aucune maladie ne l’affecte, sans qu’aucun insecte ne le dévore. Il faut comprendre que si nous créons un écosystème abondant et diversifié dans notre cour, la perte de certains végétaux sera compensée par d’autres et tous y trouveront leur compte, sans infestation, sans épidémie, sans utilisation de pesticides, car il y aura de la place pour tous les êtres vivants. Un aménagement approprié à sa niche écologique, suffisamment grand et abondant attirera une quantité importante d’êtres utiles (grenouilles, crapauds, oiseaux, araignées, etc.) qui effectueront naturellement le contrôle des nuisibles.

Chacun a droit à sa part

C’est dans ce contexte que chacun a droit à sa part. Il est plus facile de vivre satisfait de son environnement tout en laissant vivre tout ce qui nous entoure. Dans ce contexte, la perte d’une plante n’est plus une perte quand on sait que c’est un gain pour une partie de l’écosystème.

La nature sait quand il faut qu’un être vivant cède sa place. Dans la nature, la mort génère la vie! Un grain de blé doit mourir pour engendrer un nouvel épi plein de grains de blé. Ces grains de blé doivent mourir pour donner la farine au boulanger. Le papillon meurt après avoir pondu ses œufs pour assurer la survie de l’espèce. La pomme est détruite lorsqu’elle sert à nous nourrir. La vie est une multitude de changements, où chaque être joue un rôle primordial! Sur la planète, la mort fait partie du cycle de vie. La vie ne peut mourir! La vie ne peut que changer de forme. Ce n’est que la forme qui meurt! C’est la base même du processus de consommation circulaire!

Oeufs de papillon. Photo: Henrik_L

Ce principe naturel m’a permis de chercher à comprendre pourquoi tel ou tel insecte est présent en grand nombre sur mes végétaux. L’insecte est-il le problème? Cet insecte serait-il simplement l’indicateur d’un déséquilibre des conditions de culture? Dois-je m’attaquer à l’insecte que je retrouve en plus grande quantité que d’habitude et qui affecte mes végétaux, ou trouver la cause qui a provoqué cette infestation?

La patience est une vertu

Combien de temps prend un arbre pour atteindre sa maturité? Combien de temps faut-il pour qu’un sol sablonneux se colonise de végétaux? Combien de temps prend une tourbière pour nous donner cette épaisseur de mousse de tourbe tant convoitée en horticulture? Combien faut-il d’années pour que s’accumulent 10 cm (4 po) d’humus en forêt? La réponse est la même pour toutes ces questions: beaucoup de temps. Des années, des dizaines d’années, des centaines d’années, voire même des milliers d’années dans le cas des tourbières.

À chacun son moment

Dans la nature, chaque type de végétaux a sa période d’implantation selon l’état d’évolution du milieu. Plus les végétaux sont évolués et plus ils s’installent tardivement dans le processus évolutif de la nature. Une plante exigeante en matière organique et en eau ne peut vivre sur un sol sablonneux, pauvre et à découvert. Sur les rochers des montagnes, les mousses et les herbes basses s’implantent en premier et petit à petit, avec le temps, permettent à des végétaux plus grands de trouver les conditions vitales (eau et nourriture) à travers la couche d’humus accumulée et créée par les premiers végétaux colonisateurs. La nature prend donc son temps pour faire les choses comme il faut.

Photo: Olga Shprintsak

L’être humain, lui, n’a pas de temps! Nous venons au monde et c’est la course pour tout connaître et profiter de tout pour éprouver une certaine satisfaction avant de mourir. Alors, au diable les délais naturels! Nous n’avons pas le temps d’attendre. Mais comme nous ne pouvons pas changer les lois naturelles, nous usons d’astuces pour brûler des étapes et obtenir le résultat espéré, coûte que coûte. Coûte que coûte, oui! Quelques fois justement, ça peut coûter cher, en argent et en temps investis à créer des conditions artificielles les plus favorables possibles aux plantes que nous voulons voir chez nous.

Créer les meilleures conditions possibles

Nous pouvons aider la nature à créer les conditions nécessaires pour permettre aux plantes désirées d’être en santé sans pour autant sortir des grands principes de base. En comprenant ces grands principes, nous pouvons aider la nature et nous servir d’elle pour assurer des résultats à long terme avec moins d’efforts, mais il faudra plus de patience. Dans la plupart des cas, quelques années sont suffisantes pour avoir des résultats intéressants et durables dans nos aménagements. Dans notre style de vie effrénée, nous entendons souvent dire: «Le temps, c’est de l’argent». En horticulture environnementale, c’est : «Le temps, c’est une garantie de résultat, c’est un investissement à long terme, c’est une vertu».

Photo: milanvirijevic

L’objectif, en environnement, c’est de remettre entre les mains de la nature ce qui lui appartient, c’est-à-dire les plantes. Elle effectuera le travail qu’elle a toujours fait. Nous pouvons favoriser ce processus en créant «le pâté chinois naturel», mais nous ne serons jamais gagnants de l’ignorer ou de faire autrement.

Voilà qui met fin aux observations qui m’ont aidé à faciliter mes pratiques culturales. On dit que vieillir c’est d’acquérir une certaine sagesse. Il le faut, car la perte de capacités physiques nous oblige à nous réinventer, à nous ménager et surtout à écouter notre corps. Il n’y a qu’une seule chose qui ne vieillit pas quand on jardine, c’est la passion! Devoir la mettre de côté parce qu’on n’est plus capable de la vivre n’était pas une option pour moi. Alors j’ai trouvé une aide formidable et fidèle qui ne me laissera jamais tomber: la nature et ses lois universelles!

Je souhaite que ces textes sur les principes naturels puissent vous aider à vivre pleinement votre passion!

Bon jardinage!

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