Hydnora: mythe ou réalité?
Rebienvenue sous le chapiteau pour un numéro extraordinaire du grand cirque végétal du Jardinier paresseux. Si vous avez manqué la dernière représentation avec notre vedette l’utriculaire, sachez qu’elle est en supplémentaire sous la tente voisine, suivez le lien et vous vous y retrouverez sans peine.
Sans attendre, laissez-vous emporter par la mélodie et découvrez sous vos yeux ébahis un parasite arborant la fleur la plus repoussante au monde…
… J’ai nommé un genre entier: Hydnora!

Et encore une fois, l’intelligence artificielle n’a aucun talent en orthographe ni en botanique! Réussira-t-elle à produire une affiche digne de nos vedettes d’ici la fin octobre? Le mystère est entier… Voici une vraie Hydnora.
Une géante invisible
J’espère ne pas offusquer votre sensibilité, cher public, en vous présentant notre fantastique spécimen du jour. Non, ce n’est pas un Pokémon, et aucun extraterrestre n’a encore envahi notre cirque. Il s’agit bel et bien d’une plante, et celle-ci est une curiosité du bout de ses racines jusqu’à la pointe de ses pétales.
Commençons par le commencement, car aucune fleur ne fleurit sans avoir d’abord un bon apport de nutriments. Les racines d’Hydnora forment de grands rhizomes, un peu à l’image d’un gingembre… Un gingembre de quelques mètres qui ressemble de manière troublante à une colonne vertébrale! Il arrive que le sol craque sous la pression des rhizomes qui s’y cachent, et il paraît même, selon une histoire populaire dont la source reste inconnue, que cette pression pourrait infliger des dommages à des bâtiments!
Loin de moi l’idée de lancer des rumeurs, croyez-moi! Mais la réalité, c’est qu’aucun scientifique ne sait vraiment quelle est la grandeur maximum de cette racine géante. Qui suis-je pour minimiser les capacités d’une plante aussi mystérieuse? Jamais je n’oserais dire que quelque chose est impossible dans le merveilleux monde végétal! Serait-il possible pour un individu d’Hydnora de faire bouger les fondations d’une maison? Je n’en serais même pas surprise!
Sous terre, pas besoin de vert
Des racines à la fleur, c’est ce que je vous ai promis au début de notre numéro… Mais impossible de remonter quoique ce soit puisque cette plante n’a ni tige ni feuilles.
Permettez-moi donc de rester encore un peu sous terre pour vous parler du repas préféré de l’Hydnora, qui n’est autre que… la sève des autres plantes.
J’entends votre effroi, mais n’ayez crainte! Seules quelques plantes doivent se méfier, et vous, chers spectateurs, n’en faites pas partie…
Très peu de plantes arrivent à survivre sans parties vertes. Pour une plante, pas de vert signifie bien souvent pas de photosynthèse. Mais quelques espèces font exception à la règle, comme le monotrope uniflore, une plante blanche de chez nous, ou encore les différentes espèces d’Hydnora, dont les rhizomes sont équipés d’haustorium. Il s’agit d’un organe spécialisé qui pénètre les racines des autres plantes afin de voler les nutriments qui y circulent.
Ce vampire qui suce le «sang» des autres plantes est cependant une fine bouche. Chaque espèce se spécialise sur un hôte bien particulier. Ainsi, le genre Hydnora compte environ une dizaine d’espèces, toutes en Afrique, qui parasitent soit les euphorbes, pour les espèces plus au Sud, soit les acacias pour les espèces de l’Est. Une espèce de l’Est fait exception et se spécialise sur les arbres du genre Commiphora.

Fleurir une horreur
Une fois les réserves d’énergies bien pleines, ce qui peut prendre plusieurs années, l’Hydnora pourra produire des fleurs lors de la saison des pluies. Celles-ci sortent de terre et ressemblent à un champignon. Elles n’ont pas ni tige ni couleur flamboyante et passent souvent inaperçues avec leur petitesse de moins de 10 centimètres. Enfin… Jusqu’à ce que la fleur s’ouvre!

Un merci tout spécial à Sebastian Hatt, le chercheur à l’origine de ce dessin, pour m’avoir autorisé à vous montrer l’étendue de la diversité des fleurs.
Selon les espèces, l’intérieur de la fleur est pâle ou rouge ou orange criard et sent horriblement mauvais. En fait, c’est une chance pour vous que nos spécimens soient protégés derrière un écran, car il y a fort à parier que vous ne resteriez pas assis si près.
Selon l’étendue de ses rhizomes, une Hydnora peut produire plusieurs fleurs. Certains témoignages affirment qu’un spécimen somalien aurait déjà produit plus de 30 fleurs et il était pratiquement impossible de rester dans les environs tant l’odeur fétide était poignante.

Mais pourquoi, me demanderez-vous?
Messieurs, mesdames, la réponse est à la fois simple et horrible… Cette odeur fétide attire les pollinisateurs de l’hydnora. Rien de bien original, selon vous? Attendez la suite…
Pour se reproduire, cette plante attire ses pollinisateurs avec une forte odeur d’excréments, mais qui répondra à cet appel? Pas un joli papillon, j’en ai peur! Les principaux vecteurs de la reproduction de cette plante sont les scarabées. Encore une fois, pas les jolies coccinelles… Plutôt des scarabées s’intéressant aux cadavres ou aux excréments.
Connaissez-vous le bousier? Cet insecte fabrique une boule de matière fécale dans laquelle il pondra ses œufs: on peut comprendre l’attraction que cette odeur aura sur lui!

Mais ce gentil futur papa risque d’être bien déçu en découvrant le subterfuge, et c’est pourquoi la plante doit redoubler d’ingéniosité! Une fois l’insecte au centre de la fleur, celle-ci se referme sur lui pendant quelque temps.
Pas d’inquiétude, elle ne tue pas le brave insecte: ce n’est pas une carnivore, après tout, elle se nourrit déjà par parasitisme! Mais la fleur restera fermée suffisamment longtemps, jusqu’à quelques jours, en fait, pour s’assurer que l’insecte se sera bien promené et sera couvert de pollen lors de sa sortie.
Un mystère de la Vie
Le monde du Vivant est complexe. L’Hydnora n’en est qu’un exemple. Dites-moi, ai-je suscité de la curiosité? Du dégoût? Sachez que même dans la communauté scientifique, cette plante est mystérieuse et peu étudiée. En fait, vous avez peut-être remarqué qu’elle n’a pas de nom commun ni en français ni en anglais. On la désigne avec son nom latin: c’est en général un bon indice qu’on ne connaît que très peu l’espèce dont il est question, qu’on n’en comprend pas bien encore tous les mécanismes, tout le chemin évolutif, toutes les vertus.
Pourquoi devenir un parasite?
Comment développer un mécanisme de pollinisation de type piège?
Qui a décidé de manger cette plante la première fois?
Car oui, les racines sont utilisées en médecine traditionnelle pour soigner divers maux, dont la diarrhée, aussi ironique que cela puisse être. Des crèmes pour l’acné sont aussi faites à partir de cette plante en Afrique. Les fruits, qui prennent deux ans à maturer sous terre, sont comestibles. Comme quoi il ne faut pas juger un livre à sa couverture, ou une plante à son odeur.

Certains vont jusqu’à dire que l’Hydnora est la plante la plus bizarre au monde. Qu’en pensez-vous, cher public? Votre maître de scène, elle, en doute. Non pas que je connaisse une plante unique digne de ce titre, qui suis-je pour prétendre une telle chose? Mais dans le vaste monde, comme dans ce cirque végétal, chaque curiosité a sa place et elle est la bienvenue.
Revenez-nous jeudi prochain pour le prochain numéro, le prochain spécimen, la prochaine adorable monstruosité qui vous fera découvrir l’étrangeté du monde magnifique des plantes!
Ah! J’ai adoré votre article. Continuez à nous intriguer. Merci à vous et bonne recherche.
Choix de musique 10/10 et votre chronique j’adore !
Bonjour Audrey,
Vos articles sont tellement intéressant. La musique en plus. Vous êtes metteure en scène?
Cette fleur me rappelle curieusement au Démogorgon dans Stranger Things.
J’ai hâte à jeudi prochain.
Chère dame aux multiples talents…. tu m’as bien fait sourire. Quelle belle façon de débuter ma journée. Moi aussi j’ai bien hâte d’assister à la prochaine représentation ! À jeudi prochain…
Intriguant, intéressant, étonnant et très bien écrit.
Merci Audrey, à la semaine prochaine.
Merci Audrey! Quel bonheur de vous lire! J’adore cette série Grand Cirque végétal! Avec la musique en boni! Et les magnifiques affiches! Mille mercis!
J’ai adoré le sujet hors de l’ordinaire avec une musique qui se fondait très bien avec le côté mystique de la plante. J’aimé la présentation à même le courriel.
Bonjour,
petite réflexion quand à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour générer des images.
Les logiciels IA générateurs d’images, se nourrissent d’images créées par des humains. Des humains ‘ illustrateurs, graphistes, qui ne recoivent pas de droits d’auteur pour cette »utilisation » de leurs images et de leur style graphique. Un style qu’ils ont développé pendant de nombreuses heures et années d’efforts. Et qui, en quelques secondes, est volé par de grandes entreprises. J’ai une certaine gêne de voir que vous utilisez l’IA pour aggrémenter vos articles de cette façon…Est-ce que vos textes sont aussi générés par l’IA ? Parce que là aussi, on nourrit la bête avec des textes créés par des auteurs humains….
Bonjour Caroline, je comprend tout à fait vos inquiétudes.
L’IA est certes inquiétante, mais on ne peut nier que c’est un outil voué à prospérer. Tout comme la calculatrice, l’ordinateur ou le téléphone intelligent, il vaut mieux, à mon avis, voguer sur la vague, plutôt que de lutter contre le courant.
Bien que ce soit un outil très utile, il reste pour le moment incapable d’écrire un texte de qualité et je vous certifie que cet article est bel et bien de ma plume. Il servira probablement à inspirer des dizaines d’autres textes, qu’ils soient rédigés par des humains ou de l’IA. Ainsi va l’inspiration et la création!
Un peu d’éducation s’impose ici. La vague, comme vous le dites si bien, frappe déjà de nombreux écrivains, illustrateurs et illustratrices du Québec dont les revenus sont en baisse. Tout le monde peut maintenant fabriquer des images et des textes qui sont tirées de notre travail et ce, sans qu’aucun artiste ne recoive de compensations pour »l’emprunt » de leurs créations. Ce sont des métiers déjà peu rémunés qui vont l’être encore plus. Allez ! Surfons et dansons comme des cigales, sans soucis et sans éthique , sur la vague de la technologie aveugle et insatiable…Je préfère lutter contre le courant, même s’il risque de m’emporter moi, qui suit illustratrice, et bien d’autres travailleurs. Je choisis de faire de l’éducation et pas du spectacle.
Vos articles sont tellement captivants! Vous devz sûrement donner des conférences quelque part !
J’y travaille ! J’ai quelques conférences de prévues en 2025 pour des sociétés horticoles, mais libre à vous de proposer mon nom à vos organismes, municipalités ou événements locaux! Mon portfolio avec mes sujets de conférences sont disponibles dans ma description.
Mais où donc pousse cette horreur?
wow, l’Hydnora Africana. Quelle curieuse histoire de plante. Je ne connaissais aucunement cette plante et je suis bien contente de ne pas en avoir chez moi. Merci de me l’avoir fait découvrir. La musique aussi était très intéressante. Quels étaient les titres?
Excellente question Louise ! Honnêtement, je ne sais plus haha! Elles proviennent d’une chaîne YouTube nommée Musique libre de droit, dans une liste de lecture d’halloween. Comme je voulais un ambiance de style fond sonore, j’ai extrait l’audio pour éviter les pub, la lecture en boucle, etc.!
Quel article intéressant! Mais quelle espèce que je ne voudrais pas avoir près de chez moi!!!!
J’adore votre chronique ! C’est instructif et bien raconté !
Vraiment intéressant
Merci
super document , j en redemande
Quel beau texte original
J’adore. Cet vraiment une plante étrange… et quand même belle… si ce n’était pas de l’odeur, elle pourrait être attrayante! et je repense à une plante que vous nous avez déjà fait connaitre, celle qui n’a que 2 feuilles qui s’étalent par terre autour de la plante, poussent constamment et se dégradent à mesure pour nourrir la plante.
a jeudi prochain!
Merci Audrey pour cette belle découverte.
J ai hâte de lire vaut prochains articles.
Je suis domiciliée en France.
En lisant l’article, une autre famille de plante m’est venue en tête, soit les Rafflesiaceae. Comme l’hydnora, elles sont toutes des plantes parasites avec une odeur ma foi pas très agréable haha! comme quoi la nature nous réserve plein de surprise 😀