La plante blanche qui défie la logique végétale
Avez-vous déjà entendu parler du monotrope uniflore? On l’appelle aussi plante fantôme.
Selon Wikipédia, on l’appellerait aussi pipe indienne au Québec, mais je n’ai jamais entendu ça. Il y a des drôles de choses sur Wikipédia parfois… Mais de belles images quand même!
Les plantes, pourquoi c’est coloré d’abord?
La grande majorité des plantes (j’inclus même les algues ici) font de la photosynthèse. Ça signifie qu’elles prennent l’énergie du soleil pour pousser. Sans rentrer dans les détails, elles peuvent capter une longueur d’onde particulière de la lumière solaire. Celle-ci est blanche à nos yeux, mais elle contient en fait tout le spectre des couleurs. Si les plantes sont vertes, c’est qu’elles peuvent utiliser toutes les longueurs d’onde de la lumière… sauf la lumière verte. Comme elles «n’absorbent» pas la lumière verte, celle-ci est reflétée, ce qui explique qu’à nos yeux, les plantes soient majoritairement vertes.
Certaines sont violettes ou rouges (beaucoup d’algues vivant sous la surface sont en fait rouges!). C’est qu’elles absorbent des longueurs d’onde (couleurs) différentes, tout simplement.
Par exemple, plus on descend sous la surface de l’eau, moins la lumière rouge se rend. À environ dix mètres de profondeur, il n’y a plus du tout de rouge dans la lumière (c’est d’ailleurs pourquoi l’eau nous paraît bleue!). En toute logique, les algues vivant à cette profondeur n’ont pas besoin de synthétiser le rouge. En ne pouvant pas «absorber» cette longueur d’onde, elle est donc reflétée, ce qui explique qu’à nos yeux, une fois sorties de l’eau, ces algues sont… rouges!
En toute logique donc, si une feuille est blanche, c’est qu’elle ne peut absorber aucune des différentes couleurs de la lumière. En effet, le blanc, c’est l’ensemble des couleurs du spectre lumineux, donc une feuille blanche qui reflète toutes les couleurs… ne fait aucune photosynthèse. Les fans de plantes albo (marbrées de blanc) peuvent en témoigner: si une feuille sort et est entièrement blanche, elle ne survit pas.
Pas de couleur, pas de photosynthèse… Et la plante fantôme, alors?
Pour cette raison, il est très rare de voir, surtout en nature, des plantes complètement blanches. Le monotrope uniflore est d’ailleurs la seule plante que je connaisse qui ait ce mode de vie. Et c’est tellement particulier que celle-ci est souvent confondue avec un champignon!
Je vous assure que la plante fantôme est une vraie plante et aussi qu’elle est complètement blanche. Elle n’a pas de petit bout vert caché. Comment fait-elle pour vivre et avoir de l’énergie sans photosynthèse, alors?
La réponse est simple: elle a évolué en prenant son énergie ailleurs que dans la lumière du soleil.
Cette plante parasite a une relation symbiotique mycorhizienne.
Symbioses vs parasites
Un peu de vocabulaire:
Il existe plusieurs types d’interactions dans la nature. Certaines sont bénéfiques aux deux parties. C’est le cas des champignons mycorhiziens: ils connectent sous terre avec les racines des arbres et leur fournissent de l’eau et des minéraux puisés dans le sol. En retour, l’arbre donne au champignon une part de l’énergie, sous forme de glucides (sucres), qu’il a fabriquée grâce à la photosynthèse. Tout le monde est gagnant! On appelle ce type de relation une symbiose mutualiste et elle est profitable à tout le monde.
Pour faire simple, c’est comme acheter des produits à un producteur: on lui donne de l’argent pour poursuivre sa production, et il nous donne de la nourriture pour… eh bien… vivre. On ne dépend pas à proprement parler du producteur, mais on se rend mutuellement service en échangeant nos ressources.
On peut aussi comparer à la relation avec un chien: on lui donne de la nourriture et il nous donne de l’amour!
Relation parasitaire
Une relation parasitaire, à l’inverse, c’est quand une seule des deux parties en profite. Les poux, les moustiques et les punaises de lit se nourrissent de vous, et ce n’est pas agréable. Ça ne vous donne rien, ça vous nuit.
Les scarabées japonais parasitent les plantes et abîment leurs feuilles, jusqu’à parfois même tuer les plantes.
Les chats profitent de vous, de votre argent, de votre temps, de votre sommeil, et… ne vous donnent rien en retour! (Aucun parti pris ici hein, c’est complètement objectif comme remarque! Hihi!)
Conclusion: les champignons mycorhiziens et les arbres vivent le parfait bonheur ensemble, jusqu’à ce que monsieur monotrope s’installe et viennent parasiter cette relation, se procurant ainsi l’eau, les minéraux et les glucides dont il a besoin: un parasite de symbiose!
(J’espère que tout le monde suit, il y a vraiment beaucoup de types de relations possibles dans la nature et elles ont toutes un petit nom, mais on va s’en tenir à ces deux-là pour aujourd’hui.)
Cette plante fantôme pourrait donc vivre dans le noir total, tant qu’elle a ses fournisseurs sous-terrain. Je ne sais pas pour vous, mais ça m’évoque plus un zombie qu’un fantôme.
Sinon, tout est normal avec cette plante!
Outre cette façon assez unique de se nourrir, sa couleur immaculée et son absence de feuilles, c’est une plante assez banale. Elle se fait polliniser par les bourdons et les mouches, puis, une fois fécondée, la fleur produit un fruit. Les graines sont très petites, moins d’un millimètre, et sont parfois mangées par certains herbivores comme les larves de papillons.
La présence des plantes fantôme est assez aléatoire: non seulement elles doivent trouver une symbiose mycorhizienne à parasiter, mais en plus, les conditions météorologiques font varier son émergence d’année en année. Ainsi, un individu peut produire plusieurs fleurs, une seule, ou rester en dormance tout l’été.
Et hop! Un mystère de la nature de plus débusqué par votre biologiste préférée! (Moi, une grosse tête? C’est votre faute! Avec tous vos beaux commentaires chaque semaine!)
Fantastique !!!
Merciiiiiiii !!!
Mais comm ce fut très intéressant, j’aimerais plus…
Si possible, Audrey d’y revenir plus profondément une autre fois !!!
Merciiiiiiii encore pour cette nouvelle notion !!!
??????
Est-ce que cette plante fantôme, ou zombie comme vous le dites, peut être considérée comme nuisible ou apporte-t-elle quelque chose de bon à l’environnement?
C’est une bonne question! Non, elle n’est pas nuisible. Même si elle est parasite, elle a sa place dans l’écosystème en étant une source de nourriture pour d’autres espèces. De plus, même si elle se sert dans le fruit du travail des autres, elle ne prend pas suffisamment de ressource pour nuire à l’arbre ou au champignon 🙂
Merci pour cette découverte et l’article bien documenté. ????
Mon père appelait cette plante une pipe, je ne me rappelle pas si il la qualifiait d’indienne.
Ce t article est très intéressant Vraiment
Ayant fait passablement de spéléologie plus jeune, on retrouve souvent des insectes et “plante cavernicoles c.à d. Dépigmentés est-ce dû aux mychorises ? J’imagine mal des mychorises vivant dans ce milieu !
Très intéressant au sujet des plantes, mais le commentaire au sujet des chats est déplacé, bête et méchant. On voit que vous n’y connaissez rien en ce domaine. Je suis étonné de voir un tel commentaire dans ce site toujours si professionnel.
Ce n’est qu’une blague qui fait référence au caractère indépendant des chats. Il ne faut pas s’enfarger dans les fleurs du tapis 😉
Exact ! Il fallait lire au 2e degré la remarque de notre «biologiste préférée». J’en oublie le principal… bravo pour l’article … très instructif !
Misère, certaines personnes n’ont vraiment aucun sens de l’humour… ?
C’est rien de personnel comme commentaire mais plutôt scientifique. Je suis une amoureuse des chats pour en avoir plusieurs et c’est parfois vrai ce qu’Audrey dit. C’est la vie!!
Totalement d’accord avec vous.
Chère Josiane, avez-vous remarqué qu’Audrey a ajouté”HI HI” pour faire voir que c’est une plaisanterie. Nous n’aimerions pas autant notre Audrey si elle n’aimait pas les animaux !
J aime bcp votre façon d écrire, super intéressant!!
Merci ! Très intéressant!
Je prends la liberté de répondre à Josiane au sujet des chats. Je trouve, au contraire, que l’appréciation faite sur les chats est très pertinente. En effet, et cela n’engage que moi, un chat avec son esprit de félin ne connaît que son intérêt à être près de quelqu’un qui lui assure sa subsistance et son bien-être. Il n’est pas rare qu’après avoir pris de la distance avec un chat, il abandonne tout son confort, l’attention qu’on lui porte, la meilleure nourriture qu’on prend bien soin de lui acheter pour partir plusieurs jours à la recherche de meilleurs hospices. Le chat est très indépendant, c’est la nature même de ses ancêtres qui le fait agir ainsi, ce qui ne m’empêche pas d’en avoir trois à la maison. Bonne journée.
Une leçon de botanique très intéressante ce matin ! J’aime appprendre de nouvelles choses. Pour ce qui est des chats et des chiens, ce serait bien triste de tomber dans un tas de répliques. C’est tellement une question de perception, de notre personnalité (genre moi qui n’aime pas les chiens qui sont trop envahissants à mon goût et qui préfère les doux et courts moments tranquilles avec mes chats) Voyez comme c’est propre à chacun, chacune ! De plus, mettre tous les chats ou tous les chiens dans le même panier, c’est comme dire que tous les humains sont pareils. Ça manque de nuances. Chaque humain, chaque chat, chaque chien a son caractère particulier. Bref, aimer vos chiens ou vos chats pour les raisons qui vous appartiennent, y’a que ça d’important !
Bonjour
Concernant les chats, ce n’est pas une question d’appartenance mais de faits scientifiques bien établis. Ne pas faire d’antropomorphisme svp. Bonne journée.
Au sujet des chats, allons, de toute évidence Audrey faisait une blague (elle aime bien faire des blagues!) pour illustrer son propos sur la relation parasitaire du monotrope face au champignon mycoryzien. Et si elle signale en même temps qu’elle préfère les chiens aux chats, bon, ce n’est pas grave! C’est sa façon de s’exprimer, en faisant des clins d’oeil amusants, n’allons pas prendre ça au sérieux! ? Bien aimé ce texte qui m’a appris des choses sur les longueurs d’ondes du soleil. Merci!
Ben voyons donc … la question des chats il fallait lire ça au 2e degré. Perso, j’adore les chats et …. j’ai bien ri.
Vraiment intéressant ! Un peu compliqué mais intéressant ! Merci encore!
Super intéressant!!! Continuez de nous apprendre et surtout gardez votre humour ? on en a tous besoin!!!
J’ai bien aimé votre article Audrey. Comme à votre habitude, toujours quelques pointes d’humour et très instructif.
Mais bien sûr que notre biologiste préférée blaguait ! Elle a juste oublié que les chats font de très bonnes bouillotes l’hiver et qu’ils embellissent une maison 😉
Merci pour cet intéressant article. Dans ma famille, nous avons toujours appelé cette plante pipe indienne. Et dans la flore du frère Marie-Victorin, le nom anglais du monotrope uniflore est indian-pipe. Un joli nom inspiré de sa forme. Aujourd’hui on pourrait dire pipe amérindienne.
Merci pour cet article! J’ai justement observé pour la première fois cette année cette drôle de plante dans la région des Mille-Iles. Nous l’avions prise pour un champignon. Votre article répond donc à nos interrogations.
J’adore lire tes articles ! Toujours super intéressant, drôle et accrocheur. Merci beaucoup !
Très intéressant de voir d’autres façons qu’ont les plantes de se nourrir. Juste un détail, petit mais ho combien important; le vidéo, en anglais c’est non catégoriquement!!! Je sais que ça sauve du temps au montage, mais ce n’est pas une raison valable.
Merci, Audrey! Superbe article comme toujours rédigé avec ton humour habituel! J’adore!!!! ???
Chez nous, on a toujours appelé cette plante la pipe de l’indien.
Merci
C’est une plante qui pousse effectivement au Québec 🙂
Une raison dont on l’appel ”indian pipe ” c’est que les indiens d’amerique sen servaient médicalement pour la douleur et même comme rince pour les yeux, aussi si vous la prenez et la mettez horizontalement elle ressemble effectivement a une pipe. L’indian pipe pousse surtout en fin d’été début automne dépendamment des conditions.
Désolé mais pour une personne qui se nome elle même ” grosse tête ” votre article est plus que mince et nous laisse dans le noir sur plusieurs aspect d’intérêts comme leur diversités (certaine sont colorés, leur environnement mais aussi ce que l’ont peut faire avec aujourd’hui, comment la cueillir respectueusement, des choses qui finalement pourrai nous donner envie d’aller dehors la voir dans sont environnement. Je ne suis pas mesquin mais si vous vous donner un titre il faut non seulement s’attendre a des fleurs mais aussi a quelque pots.
Merci pour toutes ces précisions!
Le sujet de l’article était sur le fait qu’elle soit blanche, comme le titre le laisse entendre, et je me suis concentrée sur cet aspect du sujet pour éviter de faire quelque chose de trop lourd. Il faut penser à ceux qui ne savait même pas que cette plante existait !
Mais qui sait, peut-être qu’un article de la chronique “Dans le jardin de mère Nature” sur le sujet pourrait bien être pertinent éventuellement !
C’est drôle de recevoir cet article ce matin! On a vu cette plante en randonnée cette semaine au Morne St-Sebastien (près de Megantic) sans savoir ce que c’était. Mystère résolu 😉
Merci beaucoup pour cet article très intéressant!
Vous réussissez à vulgariser l’information de façon facilement compréhensible et amusante.
Bonjour,
Elle n’est pas si rare que ça, puisque que je l’ai vue assez fréquemment le long de sentiers de randonnée pédestre où elle avait attiré mon attention. Je l’avais prise pour une curieuse forme de champignon jusque lors de ma formation de guide bénévole au Jardin botanique de Montréal, notre merveilleuse formatrice, Marie-France Larochelle, nous apprenne que c’était une ericacée, tout comme le bleuet et le rhododendron.
Je viens de me référer à la Flore laurentienne du frère Marie-Victorin et il ne mentionne pas sa rareté, mais dit: « L’apparition des Monotropes uni flores soulevant les Mousses et les aiguilles roussies est l’une des merveilles de l’été dans la forêt canadienne.
Merci pour vos capsules super intéressantes. Je les lis avec bonheur, dans mon jardin, en sirotant mon café matinL.
Merci
Merci Audrey. Vous tombez à pic. Je l´ai vu pour la première fois l´été dernier chez moi près de Rivière Beaudette au Québec. Elle dure un certain temps puis disparait pour revenir en ce moment par petits groupes de quelques individus. On peut les prendre en photos et faire des contines pour enfants. Regardant le ciel ou se faisant face. On dirait de vraies petites familles avec le père plus grand qui fixe le ciel, la mère la tête baissée et un gamin les regardant. Dommage que les photos ne montrent pas leur frimousse avec un semblant de chapeau en dentelle ornant le dessus de la tête, des boucles dorées qui sont les fleurs je suppose, les yeux noirs et la bouche ouverte aux lèvres noires. De vrais petits personnages. Mignons tout plein !!
Ah si je pouvais vous envoyer une photo vos lecteurs comprendrez. Ce petit village
s´étire sur une dizaine de mètres en petits groupes le long d´une rangée de pins. Pas étonnant de ne pas les trouver dans le livre des champignons du Québec. Ils n´en sont pas !
Très éducatif, j’adore vous lire. Merci!
“Indian Pipe” est bien une expression courante en anglais nord-américain pour désigner cette plante blanche, le sujet de votre article.
Simple observation de la nature:
Journée sombre et morne… et les commentaires vont dans ce sens.
Il faut se concentrer sur le positif! Je pourrais bien me défendre en disant que les chiens nous aident à chasser et à garder les moutons, mais au fond, les autres lecteurs ont déjà clôt le débat! Les deux ou trois négatifs ne sont rien à côté de la dizaine de positifs qui s’en est suivie !
Comme toujours article passionnant! Tellement de choses à apprendre dans la nature. Continuez votre beau travail et merci ?
La valeur économique des chats: La grande majorité des cultivateurs a un chat ou lus pour contrôler les populations de rats et de souris sur leurs fermes, permettant la sauvegarde de grains et autres aliments contre les rongeurs. . Par contre, les chats que l’on permet de patrouiller nos villes et villages détruisent des millions d’oiseaux chaque année; m’est d’avis qu’il faut garder les chats de la maison dans la maison.
Merci Audrey de nous faire partager ces pseudo mystères botaniques.
Quant à vous, Harry Gow, je vous donne entièrement raison : les chats errant dans les villes surveillent les oiseaux et finissent par les capturer. Quel dommage !
trop bien !!! Merci
merci pour cet article très éclairant sur ces plantes blanches. je me demandais comment elles survivent. et pourquoi elles ne sont pas qualifiées de champignon.
quel est son aire de distribution au Québec?
Super connaissance très simplement expliquée. Merci merci