Par Julie Boudreau
20 juillet 2024

Nobles noyers

Par Julie Boudreau

Les arbres à noix sont une catégorie fourre-tout dans laquelle on rassemble à peu près tout ce qui pousse dans une coquille dure: les amandiers, les châtaigniers, les noisetiers et bien d’autres. Mais il est une espèce qui produit les véritables noix: ce sont les noyers.

Avec ses 21 espèces réparties à travers le monde, les noyers sont des arbres présentant plusieurs intérêts économiques. Ils fournissent des noix comestibles, dont la plus populaire est celle du noyer commun (Juglans regia). On utilise aussi l’enveloppe extérieure des noix, qu’on appelle le brou, pour faire de la teinture végétale. Enfin, le bois est très prisé des ébénistes pour la confection de meubles. De notre côté, nous les jardiniers, sommes particulièrement intéressés par cet arbre au port majestueux qui procure une ombre bénéfique. Et bien sûr, nous raffolons de ces fruits comestibles!

Goûter aux noix du noyer noir ou du noyer cendré est toute une révélation. Leur saveur n’a tellement rien à voir avec celle du noyer commun! La saveur est plus prononcée. Et dans le cas du noyer noir, je dirais même qu’elles ont presque un petit goût de fromage de chèvre! Elles sont parfaites à saupoudrer sur les salades ou à déguster telles quelles. Par contre, l’an dernier, mes biscuits aux noix de noyer noir ont laissé toute la famille un peu perplexe… (C’est que je suis réputée pour mon industrielle [et savoureuse] production de biscuits de Noël.) Bref, la noix du noyer noir convient un peu moins aux desserts.

Les noyers se reconnaissent au premier coup d’œil à cause de leurs immenses feuilles composées de plusieurs folioles élancées, jusqu’à 25. Cela donne à l’arbre un petit air exotique. On reconnaît aussi aisément les fruits, verts, allongés ou globuleux, de la grosseur d’une balle de golf, rassemblés en grappes. Enfin, là où il y a des noyers, on constatera une hausse significative de la population d’écureuils, qui raffolent de ces fruits.

Au printemps, les noyers produisent deux types de fleurs sur la même plante. D’abord de longs chatons mâles, au port retombant. Puis les fleurs femelles, réunies en grappes, qui deviendront les noix!

Majestueux noyer noir

Le noyer noir (Juglans nigra) est un arbre imposant et qui peut vivre plus de 100 ans. C’est selon moi, le plus beau des noyers, avec ses feuilles comportant jusqu’à 23 folioles (généralement entre 15 et 19). Ses fruits sont parfaitement ronds et la noix à l’intérieur a une saveur très prononcée. D’ailleurs, l’une des plus anciennes plantations de noyers noirs en Amérique du Nord se situe au Québec, dans le Domaine Joly-De Lotbinière. Elle fut plantée en 1882 par Sir Henri-Gustave Joly de Lotbinière en personne, seigneur de ses terres et aussi 4^e premier ministre du Québec! Déjà, il venait de faire la démonstration que le noyer noir est plus rustique qu’on le pense et qu’il pousse bien en zone 4. Cette espèce est indigène dans l’est des États-Unis.

Depuis, le noyer noir a connu une grande vague d’amélioration génétique et c’est maintenant plus de 400 cultivars que l’on peut dénicher partout dans le monde. La variété ‘Ottawa’ produit des noix plus grosses et en plus grande quantité.

Convoité noyer de cœur

Un autre noyer qui fait tourner les têtes est le noyer de cœur (Juglans ailantifolia var. cordiformis). Son nom provient de la forme de ses noix qui ont l’avantage d’être plus faciles à ouvrir que celle des autres noyers en culture. Aussi, les cerneaux, la partie comestible de la noix, sont plus faciles à extraire de la noix. C’est celui que je cultive au jardin! Issu d’un semis et offert par un ami, il y a 15 ans, mon noyer de cœur a commencé sa production de fruits il y a 4 ans. Mais avec des écureuils de banlieue en surpopulation, je n’ai pas encore eu le bonheur de savourer ses fruits. L’abondance viendra. Je suis patiente!

Ces fruits sont produits sur de larges grappes de 10 à 20 noix. Il a aussi comme particularité d’avoir une croissance plus rapide que ses proches cousins.

Un noyer plus exotique pour jardinier nordique

Les amateurs d’espèces plus rares pourront s’intéresser au noyer de Mandchourie (Juglans mandshurica). Originaire de l’est de l’Asie, celui-ci semble prometteur en zone 4 et probablement en zone 3. Il produit une noix avec moins de cavités, ce qui facilite l’extraction des cerneaux. Cette espèce présente aussi une bonne résistance aux maladies.

Notre noyer du Québec

Nos belles forêts du sud et du sud-ouest du Québec cachent un autre noyer dont les fruits sont comestibles. Le noyer cendré (Juglans cinerea) occupe surtout l’orée des marécages et les bords de route. On l’a aussi planté dans plusieurs parcs et jardins, comme plante ornementale. C’est un arbre fabuleux avec des feuilles comptant entre 11 et 17 folioles.

Malheureusement, ces dernières années, ils sont atteints par une maladie, le chancre du noyer cendré. Cette maladie est arrivée au Québec dans les années 1990 et on prédit au noyer cendré le même sort que les ormes d’Amérique. Face à cet enjeu, on peut soit complètement éviter de planter des noyers cendrés. Les noyers noirs et les noyers de cœur ne sont pas affectés par cette maladie. Mais on peut aussi encourager la plantation par semis, ce qui augmente la biodiversité et nous offre des chances de découvrir des spécimens plus résistants.

Le méli-mélo des noyers hybrides

Puisque les noyers se croisent facilement entre eux, cela a donné naissance à quelques hybrides intéressants pour les jardiniers. La variété ‘Buartnut’ est un croisement entre le noyer de cœur et le noyer cendré. Il donne des noix faciles à ouvrir. C’est aussi une variété bien résistante aux maladies. Les pépiniéristes spécialisés ont sélectionné et greffé des cultivars intéressants, comme ‘Mitchell’, ‘Morgan’, ‘Fioka’ ou ‘Corsan’. Il y a aussi le noyer ‘Dooley’ qui est issu d’un croisement entre le noyer noir et un noyer commun.

Semer des noyers

Le moyen le plus simple de faire pousser un noyer chez soi est de faire un semis. C’est fort simple, il suffit de suivre le processus naturel: observer un écureuil! L’écureuil trouve une noix à l’automne. Il l’enterre dans un beau sol riche en humus et au printemps suivant, la noix germe! Bien sûr, on sera plus rusé que l’écureuil en plaçant un grillage sur nos semis pour les protéger dudit rongeur. Ce ne sont pas toutes les noix qui vont germer. Un taux de germination de 65% est excellent avec cette technique. Mieux vaut semer plusieurs noix dans un même endroit puis sélectionner le plant qui semble le plus prometteur.

Planter des noyers

Il est aussi possible de planter des noyers, mais préparez-vous à une quête du Saint-Graal. Les noyers sont peu commercialisés par les grandes pépinières. Il faut jeter un œil du côté des pépinières spécialisées dans les arbres fruitiers. Optez pour des petits plants, car la plupart des noyers développent une racine pivotante, ce qui complique la transplantation. La plantation s’effectue tôt au printemps ou très tard à l’automne. Beaucoup de producteurs spécialisés vendent des arbres à racines nues au printemps et certains peuvent même vous les livrer par la poste!

Les noyers aiment les sols riches et bien profonds avec un drainage modéré. Le plein soleil est essentiel à ces arbres.

Rien ne pousse sous les noyers?

On entend souvent dire qu’il ne faut rien planter sous les noyers, car ils libèrent une substance toxique dans le sol. Effectivement, tous les noyers, et surtout le noyer noir et le noyer cendré, produisent une substance appelée la juglone. Bien pratique pour empêcher la croissance d’espèces concurrentes, cette substance agit de même dans le jardin. Certaines plantes sont très sensibles à la juglone, d’autres pas. Vous trouverez ici une belle sélection de plantes qui poussent sous un noyer.

Il est aussi important de rappeler l’importance d’un judicieux positionnement du noyer sur un terrain. En plus de respecter les conditions de sol et d’ensoleillement mentionnées ci-haut, on choisira un emplacement loin du stationnement ou de la bordure d’une route. Oui, le poids des noix multiplié par la force de gravité au carré (les mathématiques sont loin…) peut égaler une bosse sur la carrosserie d’un véhicule! Mis à part ces incidents prévisibles et évitables, les noyers vous procureront une satisfaction intense et des années de régal et de lutte compétitive avec les écureuils!

Julie Boudreau

Julie Boudreau est horticultrice, diplômée de l’ITA de Saint-Hyacinthe. Elle œuvre dans le domaine l’horticulture depuis plus de 25 ans. Elle a publié une dizaine de livres et participé à de nombreuses émissions de télévision et de radio. Elle est enseignante au Centre de formation horticole de Laval. Passionnée de son métier, Julie Boudreau se consacre à promouvoir le jardinage, le design de jardin, la botanique et l'écologie, sous toutes ses formes. Un peu grano, écolo depuis toujours, gourmande et essayeuse, Julie est une épicurieuse avec un fort penchant pour tout ce qui se prononce en latin.

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