Ces plantes qui s’accrochent: les épiphytes (partie 2)
Nous revoici pour la deuxième partie des plantes qui s’accrochent. Si vous n’avez pas vu la partie 1 sur les grimpantes, c’est par ici!
Je ne pouvais pas répondre entièrement à ma question «comment ça fait pour s’accrocher, une plante?» sans parler des épiphytes. Et puis c’est quoi ça, d’abord, une épiphyte? C’est une plante qui vit dans les arbres (généralement, mais elle peut s’implanter sur un autre support dans certains cas), et qui n’a pas besoin de s’ancrer au sol pour obtenir de l’eau ou des minéraux. Ce n’est pas un parasite puisqu’elle ne nuit pas à l’arbre hôte: elle est pleinement autonome.
Souvent, la graine est transportée par le vent, déposée sur l’écorce, et la plante y pousse tout simplement. Les méthodes d’accroche sont majoritairement les racines crampons: elles s’installent dans le moindre interstice et servent d’ancrage à la plante.
Ça ferait un article un peu court si je ne répondais qu’à ma question, non? Pas d’inquiétude, je veux aussi vous parler de leur mode de vie. Oui, elles s’accrochent, mais ensuite? Comment s’abreuver et se nourrir sans avoir de bonnes racines qui plongent dans le sol? Je ferai donc un survol (mais vraiment de très haut, car c’est un sujet très vaste!) de la grande variété qui existe ainsi que de leurs particularités.
Vous pensez ne pas connaître/posséder d’épiphytes? Détrompez-vous! Les épiphytes sont partout. Moi-même, j’en ai quatre ou cinq différentes dans ma maison! Et bien que ce soit des plantes plus courantes en forêts humides, sachez que vos chances d’en voir ne se limitent pas aux plantes d’intérieur. En fait, il y a une plante épiphyte énormément répandue dans le monde qu’on retrouve dans toutes nos forêts et je suis certaine à 100% que vous en avez déjà vu.
Vous avez deviné de quoi je parle? Faites un effort, c’est la première verdure du printemps!
La mousse
Eh oui! Mon chouchou du printemps! La moussssse. Ça y est, j’ai envie d’un cappuccino!
N’ayant pas besoin de substrat pour se nourrir ou s’abreuver, les mousses colonisent toutes sortes d’endroits: les troncs d’arbres, les roches, les dalles de patio, le béton, les murs, etc. Bien que plusieurs cherchent à s’en débarrasser, sachez qu’elle n’est nullement dommageable. La populaire vigne vierge qui grimpe sur votre maison est en fait probablement plus agressive que la mousse sur votre revêtement! Trop souvent, on associe la mousse à la moisissure. Oui, les deux aiment l’humidité, mais la mousse ne se nourrit pas de vieux bois et a besoin de lumière pour vivre, contrairement aux champignons responsables de la décomposition de la matière.
Si vous en voulez chez vous, sachez qu’elle peut magnifiquement remplacer la pelouse dans les coins ombragés. Elle ne nécessite aucune tonte, aucun arrosage, et peut servir autant de tapis moelleux que d’élément de décoration. Les interstices entre les dalles, les aires de jeu des enfants, les murs et les toits… Plein de possibilités! En plus, les tiques préfèrent l’herbe haute, alors la mousse peut être plus sécuritaire.
Il est assez difficile de la faire pousser en intérieur à cause de ses besoins en humidité, mais ce n’est pas impossible, il suffit de choisir la bonne espèce. Personnellement, j’ai un bocal avec une sarracénie, une orchidée, et une fittonia. Afin de faire un joli montage, j’ai pris un bout d’écorce dans la forêt. J’ai eu la surprise de voir, un an plus tard, que les quelques petits bouts de mousse se sont répandus et font maintenant un magnifique tapis dans mon terrarium.
Si vous souhaitez un tapis de mousse pour couvrir la terre d’une plante en pot, c’est possible aussi, mais assurez-vous de prendre une espèce de mousse qui a besoin de moins d’humidité, sans quoi vous devrez arroser à outrance, ce qui risque de noyer votre plante. Choisissez aussi une plante qui a besoin d’un sol bien humide! Mousse et cactus risquent de faire un mauvais ménage.
Peindre avec la nature
La mousse est très particulière puisqu’elle peut pousser à partir d’un minuscule bout de feuille. J’ai un projet d’été à vous suggérer. Avec les enfants, ou en prévision d’un party barbecue, vous pouvez décorer votre extérieur avec de la mousse, ni plus, ni moins! Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un robot mélangeur.
Prélevez quelques poignées de mousse, déposez-les dans votre mélangeur avec de l’eau et faites-en une belle purée. Une fois fait, badigeonnez les murs, les dalles, vos accessoires de jardin (mais pas votre barbecue hein!) de cette mixture. En quelques jours, vous devriez voir apparaître un beau tapis de mousse là où vous avez «peint»! Imaginez arriver à un événement et avoir un «BONNE FÊTE» géant écrit en mousse sur le mur de la maison.
Faites des tests avec plusieurs mousses pour trouver celle qui vous donnera le plus beau résultat et laissez aller votre créativité!
L’orchidée
Cette plante si commune est, à mon avis, l’épiphyte la plus maltraitée de l’industrie. Et je pèse mes mots! Je crois que je n’ai jamais vu une orchidée dans un commerce qui soit dans un environnement adapté. Je ne veux pas froisser les jardineries, alors je m’en tiendrai à «commerce» (épiceries, quincailleries, etc.). Certaines doivent bien vendre des orchidées de la bonne façon… Quelque part… J’imagine!
Lorsqu’elles sont vendues, les orchidées sont souvent dans un pot en plastique transparent avec un substrat de mousse de sphaigne, voire carrément dans la terre. Pour la vente, c’est pratique: le substrat reste humide jusqu’à ce que la pauvre plante arrive dans sa nouvelle maison. Elle ne manque pas d’eau, elle reste belle, tout le monde est content.
SAUF QUE!
Ce substrat reste humide au centre et ne sèche pour ainsi dire jamais. De l’extérieur, ça semble sec, on arrose, mais au centre, c’est la pourriture des racines. Si vous êtes du genre à oublier d’arroser vos plantes, super, mais si vous l’arrosez aux deux semaines, votre pauvre orchidée n’y survivra probablement pas et… vous irez en acheter une autre!
Entendez donc mon conseil: rempotez vos orchidées dès l’achat. Deux options pour vous: 1. dans du terreau à orchidée, qui n’est autre que des gros copeaux de bois, ou 2. ne mettez pas de terreau.
Ben là, Audrey… C’est une plante, ça a besoin d’un terreau!
Eh non! C’est une épiphyte, donc aucun besoin de sol. Vous pouvez la coincer dans un vase avec un pouce d’eau au fond qui touche un peu les racines et le tour est joué. J’entends souvent les gens parler des «vraies racines» et des «racines aériennes» de l’orchidée… Je vous révèle la terrible réalité aujourd’hui: ce sont toutes des racines aériennes. Certaines sont seulement coincées dans un étouffant nid de sphaigne humide qui les rend jaunes, molles ou carrément moisies. C’est tout. Par pitié, laissez respirer vos orchidées!
Le tillandsia
Tout comme l’orchidée, le tillandsia, appelé aussi fille de l’air ou plante aérienne, pousse directement sur un support. Ils apparaissent sur les arbres, les roches, les murs et même les fils électriques! Si l’orchidée a développé des racines capables d’absorber l’humidité de l’air, le tillandsia a plutôt la capacité d’absorber l’eau par ses feuilles. Les fins «poils», nommés trichomes, donnent une apparence argentée aux feuilles et servent à capter l’humidité. Une fois mouillés, après une pluie ou la rosée du matin par exemple, les feuilles deviennent vertes jusqu’à ce qu’elles sèchent. Chez cette plante, les racines ne servent que d’ancrage.
Connaissez-vous la mousse espagnole? On l’appellerait aussi barbe de vieillard, bien que je n’aie jamais entendu ça. C’est une espèce de tillandsia (Tillandsia usneoides) assez populaire. Celle-ci n’a même pas de racine! Elle est assez emmêlée pour rester accrochée aux arbres, tout simplement. Quand un bout se brise, il peut devenir une nouvelle plante: c’est facile à bouturer quand on vit littéralement d’air pur et d’eau fraîche! Les oiseaux utilisent souvent des bouts de mousse espagnole dans leurs nids, contribuant à la disperser.
Il est à noter qu’au Québec, nous avons un sosie qu’on nomme «barbe d’Indiens». La légende veut qu’en voyant les colons arriver, les «Indiens» auraient eu si peur qu’ils seraient partis dans les bois en courant, leur barbe restant accrochée aux branches au passage! Attention, cependant, ce sosie n’est pas une plante, c’est un lichen: un organisme complexe alliant algues et champignons.
Les Broméliacées
Ne me criez pas dessus s’il vous plaît! Pour les férus de latin et de classification, je sais que les tillandsias sont des Broméliacées. Elles sont dans la sous-famille des Tillandsioideae. Mais maintenant, je veux parler des autres bromélias, ceux dans la sous-famille des Bromelioideae.
Dans ce groupe, une grande partie des espèces sont épiphytes. Pas toutes, l’ananas en fait partie! Mais pour les bromélias qui vivent dans les arbres, la technique pour s’abreuver est bien différente de ses cousins tillandsias. Le centre de la plante forme une rosette de feuilles qui recueille l’eau de pluie. Si en pépinière on peut les trouver en pot, sachez qu’ils n’utilisent généralement pas, ou alors très peu, leurs petites racines pour boire. Il faut cependant leur offrir un environnement humide, alors il est recommandé d’arroser le terreau de temps en temps. Pour abreuver le bromélia, il faut mettre de l’eau de pluie (non calcaire) au centre de la rosette, sans le saturer pour éviter de faire pourrir. Il faut ralentir en hiver et arrêter lors de floraison.
**Je tiens à vous rappeler que cet article se veut un survol des épiphytes et de leurs adaptations en nature, et non un guide sur comment prendre soin de vos plantes. Même si je donne quelques petits trucs, chaque espèce a ses propres besoins.**
Les cactus…!
Certains cactus sont épiphytes. Une variété perdue et méconnue, vous pensez? Eh bien non! Les trois genres de cactus épiphytes sont très présents dans les plantes d’intérieur. Il s’agit de Disocactus, Schlumbergera et Rhipsalis.
Heu… Audrey… Arrête de faire comme si tu parlais latin.
Désolée, je me protège des lecteurs pointilleux! Même les scientifiques ne s’entendent pas tout à fait sur leurs noms ou même s’il s’agit de trois ou seulement deux genres…! Traduction: cactus zigzag, cactus de Noël et cactus gui (souvent appelé rhipsalis).
Vous savez, la biologie, c’est pire qu’une cour d’école! Les potins, les ouï-dire et les détails ne sont pas les mêmes selon à qui on demande. Je vous dis que je fais un gros travail de recherche pour déterminer le vrai du faux ici! Bref, sans trop rentrer dans les détails, les trois cactus sont des tiges modifiées sans feuilles. La tige elle-même est verte et fait de la photosynthèse. L’absence de feuilles évite de perdre trop d’eau par évaporation.
Ces trois cactus semblent pouvoir s’installer dans des crevasses humides, légèrement enracinés dans l’humus ou la mousse qui s’accumule sur les arbres ou les roches. Ils peuvent ainsi absorber le peu d’eau nécessaire par leurs racines.
Les cactus du même genre que le zigzag semblent être les seuls à avoir des «poils», qui sont en fait des feuilles modifiées et qui servent à absorber l’humidité. J’ai un Zigzag. Je le confesse, je l’arrose deux fois par année. Il passe l’hiver en haut d’une commode avec ZÉRO lumière et passe l’été dehors sous la pluie. J’arrose quand je le change de place à l’automne et au printemps.
Le cactus de Noël, je ne trouve pas d’information sur un moyen alternatif de boire autre que par ses racines.
Le rhipsalis semble aussi boire uniquement par ses racines. Comme il est très fin, il peut facilement s’ancrer dans une crevasse d’écorce et y pousser. Un simple segment qui tomberait dans une crevasse peut donner une nouvelle plante.
Les trois aiment les terreaux drainants (sans surprise), mais le rhipsalis a de plus grands besoins d’eau. J’en ai deux de ces jolis cactus depuis des années et ils ne poussent pas. Je viens de lire qu’ils préfèrent l’eau non calcaire… oups! Je les torture depuis si longtemps!
Il faut dire que, si toutes les plantes boivent l’eau de pluie en nature, les épiphytes la boivent «plus pure» puisqu’elle n’est pas allée se mélanger aux minéraux du sol. C’est donc en fait assez logique de préférer l’eau non calcaire pour ces plantes!
Les autres…
Je pourrais faire le double de longueur avec cet article si je continuais: les fougères, les philodendrons, les anthuriums, les bégonias… Toutes des plantes qu’on a dans nos maisons et qui peuvent nous causer des maux de tête!
On ne peut pas traiter une plante épiphyte de la même façon que les autres plantes: il faut prendre en considération son fonctionnement et ses besoins de base. Où s’accroche-t-elle en nature? Comment boit-elle? Est-ce qu’elle a besoin d’une eau pure? D’un sol pauvre? D’une période de sécheresse prolongée? Tant de questions et de paramètres à connaître!
J’espère tout de même vous avoir émerveillés avec les merveilles de la nature par mes quelques exemples du jour et je vous encourage à réviser ce que vous croyez savoir sur vos plantes épiphytes d’intérieur. Comprendre leur mode de vie est bien souvent un très bon départ pour comprendre les hauts et les bas de vos protégées.
Wow très intéressant, j’ai un cactus zigzag depuis deux ans il a fleurit une fois mais depuis il vivote plus ou moi s bien je crois que je vais lui changer le terreau avec terreau à orchidée pour voir comment il va se comporter ?
Merci Audrey! Vraiment intéressant au point où je vais relire l’article numéro un et revenir à celui-ci pour une relecture! Tu aides à changer mon regard sur mes plantes… elles sont uniques et mieux les connaître aide non seulement à mieux en prendre soin mais aussi à mieux les apprécier!
Audrey. J’adore vous lire. C’est super intéressant et très ludique. Merci. Vous remplissez bien la niche du defunt jardinier paresseux
Merci vous êtes très précieuse et professionnelle! Au plaisir de vous relire.
Très intéressant encore une fois. Merci.
Merci Audrey! C’était très intéressant. J’ai bien rit lorsque vous avez écrit votre désir de cappuccino en parlant de la mousse.
Je suis une passionnée des plantes et de la nature. J’adore vous lire, toujours très intéressant. J’en apprends grâce à vous à chaque lecture. Merci je l’apprécie.
Merci pour votre joli article sur les épiphytes. Mais puis-je vous demander votre aide? J’habite un condo de 10 étages au bord du Fleuve à Verdun, et n’arrive pas à faire cesser les arrosages contre araignées, à 2 fois l’an, lors du lavage des fenêtres par une firme d’entretien. Comment faire campagne pour convaincre les copropriétaires que le produit d’arrosage (réputé anodin mais toxique puisqu’il tue!) est plus nocif que nos pauvres araignées ?? Et qu’elles sont indispensables à la biodiversité, déjà si malmenée ?? S.O.S !!!
Superbe article et instructif
Je suis 100 % pour le message que Thérèse Romer mets en garde contre les abus des pesticides des arrosages contre les araignées