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Ma tondeuse sélective

Par Julie Boudreau

Plus j’échange avec des jardiniers de partout, plus je réalise que je ne suis pas la seule à avoir une tondeuse sélective. Oui, nous sommes nombreux à chercher par tous les moyens possibles de tondre la pelouse le moins souvent possible. Et, quand il faut le faire, nous tombons sous le charme des plantes en fleurs, ou sur le point de fleurir, de notre belle pelouse biodiversifiée.

Mai sans tondeuse… pas de problèmes!

Déjà, de plus en plus de municipalités nous font une fleur en adhérant au programme «Mai sans tondeuse». L’intention initiale de ce programme est de donner un coup de main aux pollinisateurs. En effet, au printemps, il n’y a pas abondance de plantes en fleurs. Et pour les adorateurs de la tondeuse sélective, c’est un mois de vacances!

Techniquement, un beau jardin fleuri ne dépend pas vraiment des pissenlits de la pelouse pour fournir aux pollinisateurs une abondance de plantes en fleurs, en tout temps. Et curieusement, dans une pelouse écologique bien établie, il n’y a pas tant de pissenlits que ça! N’empêche, quel cadeau de regarder l’herbe pousser et d’attendre!

Des marguerites en fleurs… qui n’auraient jamais vu le jour si… Photo: Julie Boudreau

Puis, la sélection commence!

Dès juin, il le faut bien, on la sort enfin, cette fameuse tondeuse. Dans ma région, les pissenlits ont fini de fleurir en juin. Et c’est là que se manifeste ma grande faiblesse. Tous ces trésors que recèle ma belle pelouse bio, comment les faucher aussi brutalement?

Cette talle de petites fraises des champs! Ces marguerites en boutons! Et ce trèfle rouge tant aimé des gros bourdons! Comment tondre tout ça ? Oh non! Impossible!

Et c’est ainsi que je me retrouve à tondre en zigzag et à contourner les massifs prometteurs. «T’as oublié un spot, là», me diront les voisins. Que non! C’est voulu.

Chaque semaine, ma tondeuse sélective offre un résultat 100% aléatoire et imprévisible. Il varie même annuellement, dépendant de l’emplacement des chouchous du moment.

Et ça continue…

Chaque mois, de nouvelles fleurs prennent la relève. Les épervières (Hieracium spp.), les léontodons (Leontodon spp.), les achillées et encore des trèfles! Et si je suis chanceuse, je verrai apparaître un ou deux plants d’épipactis petit-hellébore (Epipactis helleborine).

L’épervière orangée. Photo: Krzystof Ziarnek sur Wikimedia Commons

À chaque passage, ma tondeuse fait une nouvelle sélection. Elle fauche ce qui a fini de fleurir et contourne sans effort les prochaines vedettes de ce tableau vivant.

La relation que j’entretiens avec ma pelouse a quelque chose de poétique. Je suis dans un constant état de contemplation et d’émerveillement devant tout ce qui y pousse, sans aucune intervention. Je tombe pratiquement dans un songe philosophique, à essayer de comprendre pourquoi une telle pousse à cet endroit du terrain et pas ailleurs. Comment se fait-il que cette autre plante n’a pas repoussé l’an dernier? Mais la revoilà complètement ailleurs cette année!

Comme des plaques tectoniques en mouvement, les taches de fleurs migrent. La tondeuse sélective va de surprise en surprise, car jamais elle ne suit le même parcours.

Non, chers voisins, je n’ai pas oublié un spot, là. C’est ma tondeuse qui a choisi sa voie.

L’épipactis faux-hellébore est une curieuse orchidée qui pousse où bon lui semble. Elle semble oublier que les orchidées sont habituellement difficiles. Photo: H. Zell on Wikimedia Commons

Étiquettes + Pelouse écologique, Naturalisation


commentaire sur "Ma tondeuse sélective"

  1. Bonjour Julie, merci beaucoup pour cet article!
    Tout en révélant les multiples beautés de la nature, il m’a séduit par votre poésie et votre humour coquin!?

    • Merci de votre article je mis suis reconnu. Mais l’an passé je suis devenue adepte de mon pré fleuri que j’en semence avec une grande variété de fleurs ça c’est tout un spectacle et Ouii fini de tondre. Mais shutt ? les municipalités ne sont pas toujours d’accord ?

    • Je pensais être le seul à faire de la coupe sélective mais je vois que nous sommes nombreux! Et tant pis pour ceux qui s’imaginent que nous avons oublié ?! Merci pour cet article!

    • Je pensais être le seul à faire de la coupe sélective mais je vois que nous sommes nombreux! Et tant pis pour ceux qui s’imaginent que nous avons oublié ?! Merci pour cet article!

  2. Trop drôle Julie , j adore tes réflections

  3. Même chose chez-nous et cette année le bassin de marguerites s’est agrandi, recouvrant une grande partie de notre devant de maison…magnifique et fait sourire les piétons…

  4. Merci, je me sens moins seul. J’ai commencé à tondre comme ça quand j’ai quitté la ville en 1996. Peu jardinier, mais en devenir un peu quand même, et très paresseux, je ne faisais “les foins” qu’aux trois semaines environ. Au début, ce sont les épervières et les marguerites qui m’ont conquis, puis une grande variété, chacune impossible à tondre. J’ai pris très facilement l’habitude de voir les gens regarder en essayant que ça ne paraisse pas, et j’ai toujours aimé imaginer leur admiration cachée, voire leur envie secret. Après 10 ans, j’ai dû retourner en ville, sans tondeuse, au troisième étage. Et, depuis sept ans retour à la campagne; et ça recommence, évidemment! J’ai ajouté à ça une grande section du terrain que je ne tond qu’une fois par année, ou aux deux ans, et qui commence à avoir l’air d’un joli pré fleuri!

  5. Mon conjoint est à la retraite et avant de partir travailler je lui dit “là tu peux passer, mais pas là et là, tu vois de jolies fleurs vont me faire une jolie talle donc tu contourne et là….” ??? il est ben fin, mais si tu voyais son regard ?.

  6. Merci Julie pour ces beaux mots ce matin! Depuis quelques années, à force de lire le Jardinier paresseux, j’apprends à découvrir la vraie nature qui se trouve sur mon petit lopin de terre en pleine ville. J’avais un malaise à tondre en section, créant ici et là de petits chemins parmi l’herbe plus haute, mais j’osais. Tu m’as rassuré ce matin et je vais penser à toi en continuant cette tonte fleurissante et poétique.

    • J’en suis aussi! Mes coupes sélectives créent des étages de fleurs puisque certaines zones sont épargnées plus longtemps que d’autres. Merci pour la photo de l’épipactis faux-hellébore… je le reconnais maintenant, trop tard malheureusement… Je l’ai coupé à quelques reprises car je croyais que c’étaient des plants naissants de vératre… Je vais le contourner la prochaine fois.

  7. Juliette au balcon

    Quel bel article poétique et original! C’est un plaisir de vous lire.

  8. C’est exactement de cette façon que notre tondeuse travaille. Et ça embellit un gazon chez nous qui est vraiment laid , le contraire d’un terrain de golf. Ça lui donne avec ses îlots fleuris et changeants son caractère.

  9. Grâce à vous, j’ai enfin découvert le nom de cette orchidée (!!?!) qui pousse librement dans ma pelouse! Et comme je l’épargne, ainsi que plusieurs autres que vous identifiez, l’épipactis faux-hellébore revient chaque année de plus belle en plus grand nombre! Merci! Bon jardinage!

  10. j’adore cette façon de voir la pelouse. il y a nombre d’années que je contourne les épervières. sur cette suggestion, je vais agrandir ma sélection.

  11. Nous on a remplacé le gazon par du trèfle : un pré devant et un autre derrière…de toute beauté et rempli de fleurs blanches ? Merci pour cet autre article inspirant

  12. Adorable ce texte et oui j’ai une tondeuse sélective mais encore mieux mon mangeur de mauvaises herbes est mon préféré pour contourner les surprises de la saison. Cette année beaucoup moins d’asters que l’an dernier, plus de fraises et de thym, plus de millepertuis, plus de marguerites et de petites pâquerettes et encore des inconnus que je finirai bien par identifier.

  13. Bon matin!
    Une lecture revigorante pour débuter la journée, c’est chouette! Y’a rien comme de se sentir uni dans nos excentricités hihi. Ici en banlieue, les camions d’entretiens de pelouse avec leurs tuyaux qui arrosent large sont partout et très régulier. Alors nous, avec notre pelouse colorée et variée, on est bizarre. Cependant, j’ai hâte de voir l’effet à long terme…Ça fait deux ans qu’on tente de modifier la pelouse. Ce printemps des gens ont ralenti ou fait un détour pour voir nos crocus. Cette année, on a ajouté trèfle, thym serpolet et pensées sauvages. On a aussi lâché prise avec la prêle (mâle). Après tout, c’est vert et ça se tond ! C’est toujours un plaisir de te lire! Merci!!

  14. Heureux de de vous lire et de savoir que je ne suis pas le seul à faire du zigzag
    Chez nous cette année j’ai relevé le défi mai sans ma tondeuse ce qui m’a permis de découvrir une vingtaine de plants d’Asclépiade
    J’ai donc décidé de les conserver sachant que cette plante magnifique est un aimant pour les papillons
    Je me donne un petit peu d’ouvrage en réalisant un massif en y ajoutant d’autres plantes qui je l’espère éviteront les commentaires des voisins ahahah ( je m’en fout)
    J’ai attiré beaucoup de commentaires positifs dû au fait que cette plante est l’emblème de notre ville

  15. J’en ai fait une ce printemps au chalet familial. J’ai laissé des talles de jolies petites fleurs mauves. Je ne sais pas le reconnaître mais elle sont jolies et délicates. J’ai croisé un gros bourdon avec son gros bedon qui butinait dans ces fleurs. La nature, comme c’est beau !

  16. Je n’ ai plus de pelouse depuis 30 ans, la paix

  17. Ah ! Comme j’aime les petites fleurs sauvages…pas d’ouvrage et tous ces beaux petits “visages” . Oui, à la tondeuse sélective pour nous faire découvrir la magie, la poésie des fleurs sauvages !

  18. Quelle bonne idée!
    Je faisais attention aux petites fraises mais ça me donne le goût de continuer à zigzaguer!

  19. Si vous vouler ne pas avoir de pelouse à tondre laissez pousser l’épervière : elle est jolie mais ne supporte pas de voisins ; Les rosettes poussent et colonisent l’espace en envoyant des phéromones qui empêchent les autres plantes de pousser . J’en ai beaucoup par endroit et je les arrache . Désolée

  20. Mon conjoint a découvert l’avantage des fraises sauvages, il tond peu la pelouse à cet endroit. De plus, mon garçon se régale dans les fraises ainsi que les lièvres, ratons, marmotte…. En plein centre ville de st-jerome. Vive la nature.

  21. Bonjour Julie, merci beaucoup pour cet article!
    Tout en révélant les multiples beautés de la nature, il m’a séduit par votre poésie et votre humour coquin!?