L’orchidée mal aimée
L’article suivant a été publié dans ce blogue le 26 juin 2018. Je le republie aujourd’hui, car je reçois une foule de questions sur cette plante qui apparaît mystérieusement dans tant de jardins.
Par Larry Hodgson
Les orchidées sont des plantes tellement désirables qu’il est difficile d’imaginer qu’il puisse exister des orchidées qui sont détestées… mais c’est bien le cas de l’épipactis petit-hellébore, aussi appelée épipactis à larges feuilles (Epipactis helleborine). Cette orchidée terrestre largement répandue en Europe et en Asie, notamment dans les milieux forestiers, est maintenant bien établie au Nouveau Monde aussi, particulièrement dans l’est du continent nord-américain. Au Québec, en Ontario et dans les Martimes, cette intruse est désormais de loin l’orchidée la plus courante!
Chaque été, je reçois des courriels, photos à l’appui, de cette «horrible mauvaise herbe» qui ose pousser là où on ne l’a pas plantée. La plupart des gens ne se rendent pas compte qu’il s’agit d’une orchidée… et d’ailleurs, peu leur importe cette information. Ils veulent qu’elle disparaisse!
Une description
L’épipactis forme une tige dressée, souvent un peu violacée à la base, portant de larges feuilles pointues aux nervures parallèles, un peu comme un mini-vérâtre (Veratrum spp.). Elles n’ont pas de pétiole, mais engainent la tige à leur base.
Si la plante semble vouloir former une rosette au début du printemps, elle change de forme en mûrissant. La tige continue de s’allonger et les feuilles alternes s’espacent. Au début de l’été, la tige florale (une par plante), se forme : un épi qui est arqué à l’extrémité au début, mais qui se redresse bientôt. La plante au complet atteint alors de 30 à 80 cm de hauteur.
Au milieu de l’été (vers la mi-juillet au Québec), de petites fleurs verdâtres, mauves ou rosées, légèrement inclinées, s’épanouissent d’un seul côté de l’épi terminal. Si vous regardez attentivement, vous verrez clairement un labelle en forme de bol au centre de la fleur, preuve que c’est une orchidée.
Les couleurs des fleurs sont variables: juste dans ma propre cour, j’en trouve des vertes, des rose verdâtre et quelques-unes (les plus mignonnes à mon avis) d’un violet plus soutenu. Le labelle est parfois de couleur différente des tépales pointus.
Après la floraison, les capsules nervurées pendantes restent vertes jusqu’à la fin de l’automne, puis brunissent et s’ouvrent, lançant les graines au large. Fines comme la poussière, elles peuvent être portées au loin par le vent.
L’épipactis ne semble nullement dérangée par les mauvaises conditions: on la voit surgir au pied des arbres à enracinement dense où rien d’autre ne pousse et même dans les fissures des trottoirs.
La contrôler ou pas?
Une mauvaise herbe est tout simplement une plante qu’on ne désire pas. Donc, si vous n’aimez pas l’épipactis petit-hellébore, vous avez parfaitement le droit de l’appeler une mauvaise herbe. Pas moi. Je l’aime.
C’est vrai qu’elle n’est pas si saisissante, mais ses petites fleurs m’attirent néanmoins. Et bien qu’elle apparaisse assez fréquemment dans les parties les plus ombragées de mon terrain (elle semble préférer l’ombre au soleil), je ne la trouve pas si envahissante, mais plutôt imprévisible: on ne sait jamais où elle va apparaître. Car elle est plutôt éphémère, disparaissant souvent après la floraison pour apparaître ailleurs sur le terrain l’année suivante. Et bien qu’elle s’insère à travers les autres plantations, ce n’est pas une plante dominante qui étouffe ses voisines. C’est même plutôt le contraire! Quand les plantations se densifient, c’est l’épipactis qui disparaît. J’aime surtout sa capacité à pousser dans les endroits aux conditions misérables où peu de plantes réussissent.
On me dit que l’épipactis est difficile à contrôler, mais je soupçonne que le problème ne vient pas directement de la plante elle-même, mais de la méthode choisie pour la supprimer.
C’est qu’il n’est jamais une bonne d’idée d’essayer d’arracher les plantes aux rhizomes traçants, que ce soit le chiendent, la prêle, l’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria)… ou l’épipactis. Plus vous tirez sur ces plantes, les arrachez, les sarclez et retournez le sol dans un vain effort de les détruire, plus elles drageonnent, car ainsi vous coupez leurs rhizomes en petits morceaux, chacun desquels donnera une nouvelle plante.
Si vous voulez vraiment vous débarrasser de l’épipactis, n’essayez pas de l’arracher, mais coupez-la plutôt au sol. En supprimant son feuillage, vous l’affaiblissez, car sans feuilles, elle ne peut plus faire de photosynthèse. D’accord, elle va essayer de repousser. Quand cela arrivera, coupez-la de nouveau. Et répétez l’opération à chaque fois qu’elle repoussera. Vous verrez bien qu’elle ne survivra pas longtemps à un tel traitement! Et elle disparaîtra sans produire de drageons!
Du moins, la plante d’origine disparaîtra. Les semis spontanés peuvent apparaître n’importe où!
On me dit également de l’épipactis qu’elle est résistante aux herbicides, mais je ne peux ni le confirmer ni le contredire, car je n’utilise pas de tels produits.
Dernier mot
Plutôt que de vous engager dans une lutte à mort avec l’épipactis, je vous suggère de reconsidérer la situation. Est-ce vraiment une mauvaise herbe ou n’est-elle pas tout simplement une plante fort intéressante que vous n’avez pas encore appris à apprécier?
Je vous laisse y penser!
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Jolie cette orchidée! ..
Peut-on utiliser la même technique c’est à dire couper à la base pour se débarasser du digitère?
C’est un peu différent, en ce que la digitaire s’étend surtout par semences. Info ici: https://jardinierparesseux.com/2018/09/03/comment-controler-la-digitaire-dans-la-pelouse/
Merci beaucoup pour votre réponse rapide. Je vais la garder précieusement 🙂
J’en veux, j’ai déjà 6 orchidées à l’intérieur.
Et j’ai un grand terrain avec plusieurs zones ombragées et un sous -bois à proximité.
Je pars en exploration. Merci de l’information.
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Merci pour l’information de destruction des rhizomes. J’ai deux plantes qui envahissent mes plates-bandes de fraisiers : le trèfle et une autre plante dont je ne connais pas le nom et qui a des feuilles qui ressemblent aux fraisiers. Je vais couper au lieu de sarcler et d’arracher.
Très intéressant. Merci
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On voit bien dans votre billet d’aujourd’hui que vous êtes un amoureux des plantes même de celles qui sont moins “spectaculaires”. Cela vous honore.
Savez-vous pourquoi on l’appelle petit-héllébore? Un lien avec l’héllébore?
Je n’ai pas osé proposer ma théorie à ce sujet dans l’article, mais puisque vous poser la question: Il se trouve que, en Europe, le vératre est parfois appelé hellébore (pourquoi, par contre, je ne sais pas, car la vraie hellébore [Helleborus] est vraiment très différente). Et les feuilles de l’épipactis petit-hellébore ressemblent à des feuilles de vératre.
Sur un site d’un jardinier francais il utilise la grelinette pour enlever des plantes au rhizomes peut-être bon aussi? J’ai acheter un grelinette début été le peu de sol travailler je dois dire que c’est vrai qu’on peu enlever une longue racine a comparer du motoculteur a suivre
Le rhizome n’est pas très long et se trouve en peu de profondeur. Je ne vois pas l’utilisation d’une grélinette dans ce cas.
Enfin! Un nom est associé à cette étrange plante qui pousse un peu partout à l’ombre et surtout le long de ma haie de cèdres. Certaine que c’était une mauvaise herbe.
Je les contrôle car elles sont envahissantes. J’ai toutefois gardé une petite lisière de cette plante qui porte maintenant un nom. Merci!
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ette charmante plante sauvage revient presque chaque année à différents endroits de mon jardin et je n’ose jamais l’arracher. Je n’ai appris que cet été que c’était une orchidée : ma fille, qui est jardinière, m’a dit : c’est parce que c’est une orchidée maman que tu veux pas l’arracher ! Imaginez : moi, qui prends soin d’une centaine de plantes intérieures dont une trentaine d’orchidées… moi qui sait que notre climat ne permet qu’une petite quantité de variétés d’orchidées et qu’elles ne poussent que dans des conditions spécifiques… je me suis sentie honorée d’en trouver dans mon jardin !
C’est certain ! Surtout qu’elle est loin d’être envahissante chez moi. J’aimerais bien favoriser le développement d’une petite colonie au pied de ma haie de cèdres… puisque ce n’est pas toutes les plantes qui acceptent de vivre au dessus des racines de cèdre.
M. Hodgson, je veux vous remercier d’exister, d’avoir cette approche de jardinier paresseux et de faire profiter à tous de vos grandes connaissances et de votre passion. Je vous ai connu en achetant La bible des vivaces, tomes 1 et 2, il y a une dizaine d’années.
J’aime beaucoup ce blog !
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Il y a quelques temps, vous avez parlé de cette orchidée dans votre chronique du journal local: j’étais heureuse de pouvoir enfin l’identifier. Et maintenant, elle commence à se répandre ! Mon rêve le plus cher est d’avoir un jardin de plantes indigènes & autres. Dorénavant, avant de couper, je laisse pousser & j’ai parfois de très belles surprises: du myosotis, des marguerites, des mauves musquées, du pourpier, du trèfle, du millepertuis, des salicaires pourpres, des violettes, alouette ! Toutes ces magnifiques fleurs sont adaptées à notre climat: pourquoi ne pas en profiter ?
Quand je dois choisir entre couper ou arracher les indésirables, je me dis: si ça ne pousse pas dans le gazon, on peut simplement les couper, ce sont des plantes qui ne supportent pas la coupe. Par contre, celles qui poussent bien dans le gazon (lierre terrestre, pissenlit, etc.) sont beaucoup plus de travail…
Contrairement aux commentaires précédents, j’adore cette petite plante qui me rappelle mon enfance…
Chez mes parents elles poussaient en plein champs .
Je pense qu’elle est plus prolifique en terrain calcaire, d’où ma surprise de la découvrir chez moi au bout de 40 ans en terrain acide.
J’en prends soin chaque année à son retour mais apparemment pas de la bonne manière ( je la coupe après sa floraison…).
L’année prochaine j’essaierai de juste tenter de la déterrer.
Merci pour tous vos articles.
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[…] (Epipactis helleborine), le sujet d’ailleurs du billet d’hier de ce blogue (L’orchidée mal aimée). À l’occasion, dans la population des épipactis petit-hellébores, il paraît une plante […]
J’ai toujours bien aimé cette petite orchidée indigène et je la protège. Plus les années passent et plus il y en a sur mon terrain.
Comme quoi tout est question de terroir !
Dans ma région on n’aurait pas l’idée de considérer les épipactis comme une “mauvaise herbe”, encore moins envahissante. Plante plutôt rare et peu connue que l’on ne rencontre guère qu’en sous bois.
Mais pour les connaisseurs d’orchidées, il y a la loi CITES, qui interdit de cueillir les orchidées comme d’emmener les animaux hors de leur région de vie. Si cette orchidée vit chez nous, la loi est pareille aussi bien que les orchidées tropicales !!!!!
En autant que je sache, la loi CITES ne traite que du transport de plantes protégées d’un pays à un autre. Donc, ne s’applique vraiment ici.
Oui, on ne peut les arracher ni les enlever de leur milieu de vie sinon il arrivera comme les orchidées tropicales, que plus on les enlèvera de leur milieu naturel, moins il y en aura même si les gens les considèrent comme des mauvaises herbes, elles bénéficient des mêmes lois CITES.
Je suis contente d’avoir pu lire cet article lorsque que je me suis aperçue qu’il y en avait une qui poussait à côté de mes plants de rhubarbe. Elle est maintenant en fleur !!!