Cactus ou succulente?
Par Larry Hodgson
Vous entendez souvent la phrase «cactus et succulentes». D’ailleurs, je l’utilise moi-même quand j’écris. Mais cette utilisation est incorrecte, dans le fond, un doublon, car tous les cactus sont des succulentes. Si je l’utilise, c’est que cela m’évite d’avoir à donner des explications plus poussées. Mais il est sans doute temps de tirer les choses au clair.
Voici alors quelques explications :
Qu’est-ce qu’une succulente?
Une plante succulente, ou simplement une «succulente», est une plante de climat aride qui a des parties aériennes, soit des tiges, des feuilles ou des tiges et des feuilles*, qui sont anormalement gonflées et qui servent de réservoir d’eau. Elles «pompent» l’eau pendant la saison des pluies locale et l’emmagasinent pour assurer leur survie pendant la saison sèche qui suivra. Ce sont, dans le fond, les chameaux du monde végétal.
*Certaines définitions de la succulence végétale incluent également les plantes ayant des organes de stockage d’eau souterrains: bulbes, tubercules, rhizomes, etc.
Le terme «plante succulente» dérive du mot latin sucus, qui signifie jus ou sève, en raison de cette caractéristique de stocker l’eau sous la forme de sève.
La succulence a évolué indépendamment plusieurs fois dans la nature et dans de nombreuses familles de plantes différentes. En fait, quelque 65 familles de plantes ont au moins quelques membres succulents. Toutes les Cactacées (cactus) sont succulentes et la majorité des Crassulacées (crassulas, echeverias et sédums) et des Aizoacées (pierres vivantes) aussi. Trois autres familles qui comptent beaucoup de succulentes sont les Asphodélacées (aloès, gasterias et haworthias), les Asparagacées (agaves, beaucarnéas, sansevierias et yuccas) et les Euphorbiacées (euphorbes). Cependant, il existe des plantes succulentes même dans des familles aussi improbables que les Bégoniacées et les Orchidacées!
Évolution adaptative en réponse à la sécheresse
En réponse à un climat de plus en plus sec, les plantes les plus capables de tolérer la sécheresse survivent et arrivent à se multiplier tandis que les plantes moins tolérantes à la sécheresse sont progressivement éliminées. Lorsque ce processus se répète génération après génération, la survivance des plus aptes commence à opérer de manière importante, conduisant à des plantes de moins en moins semblables à leurs ancêtres et de plus en plus capables de faire face à la sécheresse.
De toute évidence, il existe de nombreuses façons de survivre à la sécheresse. Certaines plantes apprennent à entrer en dormance lorsque l’eau se fait rare. D’autres réduisent la taille de leurs feuilles ou les laissent tomber à cette saison (la majeure partie de l’eau absorbée par les plantes est perdue par évapotranspiration à travers les stomates ouverts de leurs feuilles). D’autres adoptent un mode de vie annuel et apprennent à pousser, fleurir et produire des graines rapidement après une pluie, assurant la survie de la prochaine génération, puis meurent. D’autres encore se retirent entièrement sous terre dans des bulbes, tubercules, racines ou rhizomes épais pendant la saison sèche. Voilà quelques possibilités.
L’entreposage des réserves d’eau au-dessus du sol dans les tiges ou les feuilles gonflées est cependant le moyen le plus visible pour les plantes de faire face à un climat aride.
De nombreuses plantes succulentes, dont des cactus, ont abandonné leurs feuilles en cours de route. Ces plantes ont appris à effectuer de la photosynthèse en utilisant uniquement les cellules vertes riches en chlorophylle de leurs tiges. Ainsi, les feuilles, qui perdent généralement plus d’eau que les tiges parce qu’elles sont plus minces et ont un plus grand nombre de stomates, ont été éliminées. Dans le cas des cactus, ces feuilles ont souvent été transformées en épines.
D’autres plantes, comme les nombreuses succulentes des familles des Crassulacées (crassulas, kalanchoés, sédums, etc.) et des Asphodélacées (aloès, haworthias, gasterias, etc.), ont conservé leurs feuilles, mais les ont modifiées en les recouvrant d’une épaisse cuticule, en réduisant le nombre de stomates et en les transformant en unités de stockage d’eau. Leurs feuilles sont souvent couvertes d’une pruine cireuse blanche ou de poils denses qui contribuent tous deux à réduire la perte d’eau en réfléchissant les rayons excessivement intenses du soleil et en réduisant la circulation de l’air. Ainsi, ces recouvrements aident à réduire l’évapotranspiration.
Alors, qu’est-ce un cactus?
Les cactus forment une famille, les Cactacées, dont tous les membres sont des succulentes, bien que quelques espèces soient à peine succulentes. Et il y a beaucoup de cactus! Quelque 127 genres (Echinocactus, Schlumbergera, Echinopsis, Mammillaria, etc.) et plus de 1700 espèces, toutes originaires du Nouveau Monde, sauf une.
Par conséquent, le terme «cactus et succulentes» n’a pas sa raison d’être. Les cactus sont des succulentes, appartenant à l’une des rares familles de plantes dont tous les membres sont des succulentes. Ainsi, tous les cactus sont des succulentes… mais toutes les succulentes ne sont pas des cactus, car il y a beaucoup de succulentes dans d’autres familles.
Si vous n’avez pas tout à fait compris, pensez à une comparaison entre les caniches et les chiens. Tous les caniches sont des chiens, mais tous les chiens ne sont pas des caniches.
Mais tous les cactus ont des épines, non?
Beaucoup de jardiniers croient avoir bien compris, mais n’ont pas vraiment saisi la différence. Ils savent qu’il existe des cactus et «d’autres succulentes», mais pensent que le moyen de les distinguer est par leurs épines. D’après cette croyance, les cactus ont des épines et les succulentes n’en ont pas. Donc, d’après leur définition, si une plante est couverte d’épines, c’est un cactus. Si elle ne l’est pas, c’est une succulente.
Si seulement c’était si simple!
De nombreuses succulentes ont des épines, toutefois. Les agaves et les aloès, par exemple, pour ne citer que deux exemples bien connus. Mais ils ont des feuilles succulentes tandis que les cactus ont une tige succulente. Est-ce une distinction suffisante? Non, car il y a beaucoup de succulentes à tige épaisse qui ne sont pas des cactus et qui sont également recouvertes d’épines. Et qui, comme elles n’ont pas de feuilles, peuvent alors ressembler à notre image d’un cactus sans en être un.
C’est le cas de beaucoup d’euphorbes et aussi de tous les stapélias et les huernias, entre autres. Aucun n’est apparenté aux cactus. D’autres encore, comme le palmier de Madagascar (Pachypodium lamereri), sont couverts d’épines et peuvent être sans feuilles plusieurs mois par année, passant ainsi pour des cactus, mais semblant changer de catégorie quand leurs feuilles se dévoilent.
Ajoutez à cela le fait que bon nombre de cactus sont sans épines, à commencer par le très populaire cactus de Noël (Schlumbergera), plus les cactus orchidées (× Epicactus) et le cactus oursin (Astrophytum asterias), et la théorie que «toute plante succulente épineuse sans feuilles est un cactus» ne tient pas la route, mais pas du tout.
On ne distingue pas un cactus à sa couverture d’épines!
Les aréoles révèlent tout!
La vraie façon de distinguer les cactus de toute autre succulente n’est pas par leurs épines, mais par leurs aréoles. Ce sont de petites bosses duveteuses sur les côtes des plantes et sur leur couronne à partir desquelles poussent des épines, des tiges et des fleurs. Les aréoles peuvent être blanches ou jaunes, parfois même rouges, mais sont présentes sur tous les cactus. Aucune autre plante ne porte d’aréoles.
Donc, si vous regardez de près une plante ressemblant à un cactus et que vous ne voyez pas d’aréoles, comme ce sera le cas pour les euphorbes et les stapélias, cette plante n’est certainement pas un cactus! Les aréoles sont, de loin, le moyen le plus sûr de distinguer un cactus de toute autre succulente.
Une fois que vous aurez saisi cela, vous ne confondrez plus un cactus avec aucune autre plante! Il faut parfois y regarder de très près, mais la distinction est néanmoins facile.
Toujours aussi passionnant et scientifiquement rigoureux. Un moyen quasi infaillible de reconnaître les cactus des autres plantes à caractères de succulente. On apprend à tout âge.
Merci monsieur Hodgson.
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J’adore lire votre blog chaque matin. Celui-ci sur les succulentes et les cactus (je refais l’erreur, car il me semble que les cactus méritent une place à part!) est particulièrement intéressant. À force d’apprendre sur les plantes et de mesurer leur capacité d’adaptation, on se prend d’une véritable affection pour ces petites bêtes-là! Je ne verrai plus mes cactus du même oeil. Quant à mes plantes jade, que j’adore mais que j’avais du mal à maintenir belles et en santé, elles vont beaucoup mieux depuis que j’ai compris comment les arroser et les exposer au soleil. Grâce à vous! Merci!
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Wow! Super intéressant! Merci beaucoup!
Très cher Larry, le terme paresseux ne s’applique pas à vos explications toujours claires,précises,illustrées d’exemples et de photos.
Vous partagez si bien vos connaissances et votre passion, vous nous contaminez!
Merci.
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Comment faire grossir le tronc d un crassula merci
Maximum de soleil.
Excellent article, très exhaustif et bien illustré, qui distingue très bien ce qui en est.
L’analogie du caniche m’a fait bien rire.
Comme souvent, j’ai partagé le lien à cette précieuse information sur ma page FB.
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Je vous remercie pour toutes les informations que vous nous transmettez. Je garde précieusement tous les courriels que je reçois de vous!
Wow! Comme votre article est intéressant et complet. Je parie que très peu de gens savaient déjà tout ça. Merci beaucoup!
Merci, toujours très intéressant de vous lire.
Très intéressant.
Merci de nous apprendre toutes les subtilités de ce monde végétal particulier. Très intéressant et bien expliqué. J’ai augmenté mes connaissances grâce à vous. Toujours hâte de vous lire.