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Plantes toxiques: coupables jusqu’à preuve du contraire

Ce n’est pas parce qu’une plante est jolie et délicieusement parfumée qu’elle n’est pas toxique. Le muguet, très toxique, en est un bon exemple. Photo: plantsam.com

Je reçois régulièrement des messages de personnes voulant savoir si une plante donnée est toxique et même de personnes (souvent des gens ayant de jeunes enfants ou des animaux domestiques) qui souhaitent bannir toutes les plantes toxiques de leur jardin ou de leur maison. Et c’est compliqué, car, en réalité, on sait très peu de choses sur la toxicité des végétaux.

Cela vient du fait que c’est quelque chose qu’on ne peut tout simplement pas tester. Il est contraire à l’éthique de faire manger aux humains ou aux animaux domestiques des plantes potentiellement toxiques juste pour étudier leur réaction. Les toxicologues doivent plutôt attendre que des cas d’empoisonnement se présentent, puis examiner le résultat. Même alors, les résultats demeurent sujets à interprétation. Si un enfant ou un animal de compagnie ingère les feuilles d’une plante, puis vomit, cela pourrait, par exemple, signifier que la plante est toxique, mais cela pourrait également signifier que les feuilles n’étaient tout simplement pas comestibles. (Il y a une énorme différence entre quelque chose que votre corps ne peut pas digérer correctement et quelque chose qui peut réellement vous empoisonner!) Ou la réaction pourrait être due au stress. Si le parent découvre un enfant en train de manger quelque chose qu’il ne devrait pas et se montre anxieux, l’enfant le sentira et pourrait bien réagir à cette angoisse en vomissant.

C’est compliqué!

Et puis, il y a le problème de la mauvaise identification des plantes. La plupart des gens ne connaissent tout simplement pas les plantes qui les entourent. Les parents paniqués amènent souvent leurs tout-petits aux urgences, convaincus que l’enfant a consommé une plante connue pour être toxique alors que la plante consommée était quelque chose de tout à fait différent et assez inoffensif.

Pour compliquer les choses, il y a aussi le problème de savoir quelle partie de la plante a été consommée… et à quelle période de l’année. De nombreuses plantes ont des parties toxiques et non toxiques. Les racines, par exemple, sont plus susceptibles de contenir une forte concentration de toxines que les feuilles, les tiges ou les fruits et de nombreuses plantes sont plus toxiques à la fin de l’été et à l’automne, lorsque leurs feuilles sont mûres, qu’au début du printemps, quand les feuilles sont fraîches.

Toutes les parties de la pomme de terre sont toxiques, à l’exception du tubercule. Et encore, les tubercules verts sont toxiques. Photo: gardening.which.co.uk

La pomme de terre est l’exemple classique d’une plante à la fois toxique et comestible. Ses tubercules sont comestibles, mais toutes les autres parties sont toxiques. D’ailleurs, même les tubercules verts sont toxiques! Et une telle situation est loin d’être rare. Les fruits de nombreuses plantes sont toxiques quand ils sont immatures, mais comestibles quand ils sont mûrs. Ou la chair du fruit est comestible, mais le noyau ou pépin à l’intérieur est toxique.

Manioc: il faut bien le faire cuire avant de le manger! Photo: www.wcat-thai.com

Certaines plantes pourtant parfaitement comestibles ne peuvent être mangées sans danger que lorsqu’elles sont soigneusement préparées, notamment après la cuisson (pensez au manioc, qui doit généralement être bouilli dans deux eaux avant d’être considéré comme comestible). Juste pour confondre encore davantage les choses, d’autres plantes sont comestibles crues, mais toxiques lorsqu’elles sont cuites!

La plupart des gens peuvent manger des mangues sans désagrément, mais certains individus réagissent très mal à leur contact. Photo: www.today.com

Bien entendu, la sensibilité individuelle est également un facteur. La plupart des gens conviendraient que les mangues mûres ne sont pas toxiques, et on les voit d’ailleurs dans tous les supermarchés, mais certaines personnes réagissent très mal au moindre contact avec leurs feuilles, tiges, pelure et sève. 

C’est la dose qui fait le poison

Ill.: www.cooperation.ch

Et puis, il y a le problème de la dose. Le dicton «c’est la dose qui fait le poison» est très, très vrai. En fait, il y a des composés toxiques dans la plupart des plantes — les plantes les utilisent pour se rendre moins attrayantes pour les prédateurs —, mais, pour la plupart, à des niveaux si bas qu’il est peu probable qu’elles provoquent un empoisonnement… à moins que vous n’en mangiez des quantités excessives.

Des gens ont déjà été empoisonnés en mangeant trop de carottes ou trop d’épinards (les deux, comme c’est le cas avec la plupart des légumes, contiennent des toxines), par exemple, mais cela n’arrive pas très souvent.

Le limbe des feuilles de rhubarbe est légèrement toxique, mais le pétiole est considéré comme comestible. Photo: Dieter Weber, Wikimedia Commons

Les feuilles de rhubarbe sont un bon exemple d’un cas où la dose fait le poison. 

La plante de rhubarbe entière contient de l’acide oxalique, un produit chimique présent dans de nombreux végétaux et qui est sans danger à faible dose, mais toxique à forte dose. Les pétioles (tiges) de rhubarbe, ne contenant qu’une faible dose d’acide oxalique, sont comestibles; le limbe des feuilles, qui en contient jusqu’à 10 fois plus, est aujourd’hui considéré comme toxique. 

Cela dit, autrefois les gens mangeaient des feuilles de rhubarbe tout entières: ce n’est que depuis la fin des années 1910 que le limbe de la feuille de rhubarbe a commencé à être condamné pour sa toxicité, suite à de possibles intoxications. Théoriquement, il faut en manger beaucoup pour être malade: la dose mortelle serait de 4 à 8 kg de limbes de rhubarbe pour une personne en santé de taille normale, une quantité qui serait difficile à avaler. Malgré cela, le consensus aujourd’hui est qu’il vaut mieux ne manger que les pétioles, jamais le limbe.

Si la plante est médicinale, elle est probablement toxique

La digitale est une plante médicinale très toxique! Photo: lumière solairegardens.com

Toute plante considérée comme médicinale est susceptible d’être toxique dans une certaine mesure, car les propriétés qui en font un remède créent très souvent de mauvaises réactions si on les consomme en très grande quantité ou sous forme concentrée. D’ailleurs, il est difficile de penser à une seule plante toxique qui n’a pas d’usage médicinal quelconque! 

Pensez à la digitale (Digitalis purpurea), source du médicament pour les maladies cardiaques nommé digitaline. La digitaline est sécuritaire lorsqu’elle est utilisée à faible dose, mais elle est autrement très toxique. Et manger la plante par mégarde peut être mortel! 

Et la plupart des «fines herbes» (plantes aromatiques) — thym, sauge, romarin, etc. —, qui sont à la fois des plantes culinaires et médicinales, sont toxiques si consommées en quantités trop importantes.

Donc, si vous avez un jardin de simples, il serait peut-être sage d’en garder éloignés les enfants et les animaux domestiques.

Preuve de culpabilité

Les toxicologues utilisent généralement des cas d’intoxication véritables pour aider à établir la toxicité des plantes. Si l’on sait que des personnes ou des animaux sont tombés malades après avoir consommé ladite plante (ou parfois même simplement en la touchant!) et que cette intoxication a pu être confirmée, cette plante sera déclarée toxique. 

Dans certains cas, par contre, la toxicité est plutôt une relique historique. La plante a été déclarée toxique il y a fort longtemps, en se basant sur ce que les médecins de l’époque savaient, mais aucune toxicité récente n’a été rapportée. De telles plantes restent généralement sur les listes de plantes toxiques jusqu’à ce que quelqu’un puisse vraiment faire la preuve de leur innocuité: coupables jusqu’à preuve du contraire!

Personne ne sait ce qui rend les lis toxiques pour les chats. Photo: littlepawsvet.com

Fait intéressant, bien que de nombreux produits chimiques toxiques trouvés dans les plantes soient connus des scientifiques (solanine dans les pommes de terre, urushiol dans les mangues, etc.), d’autres ne le sont pas. Les lis (Lilium spp.) sont connus pour être très toxiques pour les chats, par exemple, mais personne ne sait exactement ce qui les rend toxiques… ni pourquoi cela affecte uniquement les félins.

Culpabilité par association

Très souvent, les plantes sont déclarées toxiques simplement en raison de leurs liens familiaux. Elles apparaissent ensuite sur des listes de plantes vénéneuses, même si personne ne sait vraiment si elles sont toxiques ou non.

Les euphorbes, par exemple, sont connues pour avoir une sève toxique: un latex blanc produit à partir de la moindre blessure. Ainsi, de nombreuses listes de plantes toxiques incluent toutes les euphorbes sans plus d’égard.

Trois euphorbes aux toxicités très différentes: plante crayon (toxique), poinsettia (non toxique, mais non comestible) et euphorbe à feuilles de laurier-rose (feuilles non toxiques et comestibles). Photos: www.fleuriot.ch, www.walmart.ca & techieoldfox.wordpress.com

Cependant, le degré de toxicité varie d’une espèce à l’autre. Certaines espèces sont très toxiques: par exemple, la plante crayon (Euphorbia tirucali), une succulente populaire. D’autres sont parfaitement inoffensives: les feuilles de l’euphorbe à feuilles de laurier-rose (E. neriifolia, syn. E. edulis), par exemple, sont consommées en Inde crues et cuites.

Le poinsettia ou étoile de Noël (E. pulcherrima), également une euphorbe, a longtemps été considéré comme toxique simplement en raison de ses liens familiaux même s’il n’y a aucun cas d’intoxication confirmé. Il est désormais considéré comme non toxique, bien que possiblement irritant pour certaines personnes très sensibles. Voir Mythe horticole: la toxicité du poinsettia pour plus d’informations.

Que faire?

Les gens qui s’inquiètent au sujet des plantes toxiques et qui veulent en débarrasser leur environnement auront beaucoup de difficulté à le faire. C’est même presque impossible. Trop de plantes, indigènes et introduites, contiennent des composés toxiques.

Vous pouvez essayer d’éviter de planter ou de cultiver des plantes apparaissant sur des listes de plantes vénéneuses publiées çà et là, mais il y en a des dizaines de milliers d’autres qui ne figurent pas sur ces listes. Il est quand même bien d’apprendre à connaître les plantes de votre environnement par leur nom, cependant. De cette façon, si un enfant ou un animal de compagnie consomme une plante potentiellement toxique, vous pourrez en informer votre centre antipoison local.

Enfin, dans le blogue de demain (Plantes d’intérieur qui ne sont pas toxiques), je ferai une liste de plantes d’appartement qui ne sont pas considérées toxiques pour les humains, les chiens et les chats.

Conclusion

Rappelez-vous que très peu d’intoxications graves sont produites par les plantes de toute façon: la plupart sont causées par des médicaments, de l’alcool, des produits de nettoyage, des cosmétiques, des pesticides et divers autres produits domestiques. Alors, investissez la plupart de vos efforts pour garder ces produits hors de portée des enfants et des animaux.

Étiquettes + Plantes toxiques, Comment savoir si une plante est toxique?


commentaire sur "Plantes toxiques: coupables jusqu’à preuve du contraire"

  1. Excellent article pour que tous soient vigilants , mais entre nous on ne ‘mange ‘ pas n’importe quoi, on s’abstient.
    Je suggere que l’on attire AUSSI l’attention des personnes sur l’aspect ‘photosensibilisant’ de cerraines plantes.
    En été je travaille bras nus et j’ai subi une dermite de l’avant-bras sans etre sur de la plante qui l’aurait occasionn. Mon jardin est grand et varié.
    Voilà ‘j’ai dit ‘

  2. Merci pour cet article très intéressant et plein de subtilité(s) !

  3. J’ai une question de néophyte : Il y avait une parcelle de mon jardin où il y avait beaucoup de muguet. J’ai retiré le muguet l’an dernier. Cet année, je souhaiterais planter à cet endroit des plantes comestibles (tomates, concombre, …). Est-ce contre-indiqué puisque le muguet est toxique?