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Souffrez-vous de l’indifférence pour les plantes?

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Les gens qui souffrent de l’indifférence pour les plantes ne les remarquent pas dans leur environnement.

Le terme «plant blindness», qu’on peut traduire par «indifférence pour les plantes», est assez nouveau, inventé en 1998 par les botanistes américains James Wandersee et Elizabeth Schussler. Ils le définissent comme «l’incapacité à voir ou à remarquer les plantes dans son propre environnement» et soulignent qu’il peut conduire à «l’incapacité à reconnaître l’importance des plantes dans la biosphère et dans les affaires humaines». Bien que ce soit un nouveau terme, Wandersee et Elizabeth Schussler estime que la majorité des gens, en particulier ceux qui vivent en milieu urbain, souffrent justement de cette indifférence.

Une personne indifférente aux plantes voit essentiellement les plantes, même quand elle s’en trouve entourée, comme étant uniquement une toile de fond vert. Elle ne remarque pas les plantes individuelles ni leurs différences. Elle notera bien la présence d’une pelouse, d’une plate-bande ou d’un parc, mais ne distinguera pas les plantes individuelles qui les compose.

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Une personne indifférente aux plantes ne remarquera pas qu’un plant fane à cause d’un manque d’eau.

L’individu indifférent aux plantes ne remarque même pas une plante quand elle est en détresse. Il ne voit pas du tout qu’une plante flétrit à cause d’un manque d’eau ou jaunit parce qu’il est attaqué par les acariens. Cela signifie aussi qu’il ne parvient généralement pas à cultiver les plantes avec succès, ce qui l’amène à croire qu’il ait le pouce noir. Mais si on ne distingue pas une plante de la foule, comment bien l’entretenir?

L’indifférence pour les plantes tend à mener à une sous-estimation de l’importance des végétaux. La personne indifférente aux plantes est peu porté à s’objecter quand un espace vert est passé au bulldozer ou qu’une forêt vierge est fauchée. Lorsque vous lui expliquez qu’il n’y aurait pas de vie animale sur terre sans plantes, qui non seulement fournissent la nourriture que les animaux et les humains consomment, mais aussi l’oxygène que nous respirons, il semble tout à fait étonné que de vulgaires végétaux puissent avoir une telle importance.

L’individu indifférent aux plantes semble presque avoir peur de plantes et est plus porté à accepter volontiers n’importe absurdité négative qui pourrait être dite à leur sujet qu’une personne plus éveillée aux plantes, comme par exemple que les plantes grimpantes nuisent aux bâtiments, que les racines des arbres s’attaquent aux fondations, ou que les plantes d’intérieur volent l’oxygène dont les gens ont besoin pour respirer. Aussi, il voit le jardinage comme étant «compliqué» et pourtant tout bon jardinier sait que, quand vous donnez à une plante les conditions de base dont elle a besoin, elle peut littéralement pousser sans le moindre soin.

La cause

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Les gens élevés à la campagne sont plus éveillés aux plantes.

Wandersee et Schussler ont étudié ce qui cause cette indifférence pour les végétaux et ont déterminé qu’il vient surtout de l’absence de tout contact avec les plantes dans la jeunesse. Ainsi ils ont pu noter que les gens élevés à la campagne sont moins susceptibles d’être indifférentes aux plantes que ceux élevés dans un milieu urbain. La plupart des gens élevés à la campagne ont connu et participé à la culture des légumes et à la récolte des fruits dans leur jeunesse, ce qui semble leur avoir ouvert les yeux sur la verdure qui les entoure.

Mais de nos jours, la majorité de la population dans beaucoup pays industrialisés a vécu toute sa vie en ville. Les citadins n’ont souvent jamais pris soin d’aucune sorte de plante, même pas d’une plante d’intérieur. D’ailleurs, vous serez surpris du nombre d’adultes qui ne savent pas que les carottes poussent dans la terre (et non, je ne plaisante pas)!

Pourtant, les villes ont depuis toujours eu des parcs et des espaces verts et ils sont en fait de plus en plus nombreux, avec les murs verts et les toits verts qui ne cessent de pousser comme des champignons et l’obligation dans bien des villes d’incorporer un espace vert dans tout nouveau développement urbain. Mais même si les citadins apprécient et utilisent les espaces verts (plus de 80% des citoyens de Manhattan disent les fréquenter au moins hebdomadairement!), ils ne les voient pas comme étant composés d’êtres vivants, mais semblent prendre les végétaux pour un genre de matériau inerte de couleur verte. Certainement, le concept qu’il faut les entretenir comme tout être vivant les surprend.

Comment corriger la situation

Les écoles pourraient jouer un rôle important dans l’introduction des plantes vivantes dans la vie de leurs élèves et certaines font d’ailleurs des efforts pour proposer aux élèves des jardins de légumes et de fleurs, des sites de compostage, des semis à faire dans les salles de cours, etc. Mais elles restent minoritaires. La plupart des curriculums scolaires offrent peu de soutien: leurs programmes sont souvent presque dépourvus de connaissances sur les plantes. Et même s’il est vrai que quelques notions de la botanique sont encore enseignées au niveau supérieur lors de cours de biologie, elle l’est souvent à partir d’un manuel: souvent les étudiants ne voient même une plante vivante pendant le cours! Comme c’est stimulant!

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Pour sauver le panda, il faut sauver la forêt de bambou!

Les écoles primaires utilisent pourtant abondamment des images et des histoires mignons petits animaux pour attirer l’intérêt des enfants, mais ne parviennent pas à mentionner que ces mêmes animaux sympathiques ont besoin de plantes pour survivre. Tout élève, par exemple, connaît le panda, sait qu’il est menacé et veut le sauver, mais les pandas dépendent totalement de la forêt de bambous pour leur survie et cette forêt est menacée d’extinction. Pourquoi pas un cri de ralliement «protégeons la forêt de bambous» plutôt que «sauvons le panda»? Mais la triste réalité est que la plupart des enfants ne savent même pas ce que c’est qu’un bambou. Pour eux, les pandas naissent dans des enclos et vivent dans les zoos!

À la recherche de mentors

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Quand on montre aux enfants comment jardiner, ils restent généralement éveillé aux plantes pour le reste de leur vie.

Les études de Wandersee et Schussler montrent qu’une expérience précoce de la culture des plantes en compagnie d’un mentor informé qui aime les végétaux est un bon indicateur que la personne développera elle-même une ouverture envers les plantes plus tard. Ainsi, un parent ou un grand-père ou grand-mère qui jardine peut faire une énorme différence. Enseigner aux enfants comment cultiver des légumes, faire des boutures ou semer des fleurs éveille leur intérêt pour tout ce qui est vert. Juste les laisser vous aider à récolter des carottes ou des pois peut en soi faire une énorme différence. Au moins, ils sauront que les carottes poussent dans la terre, même si leurs amis ne le savent pas.

Amenez-les dans un parc du voisinage et montrez-leur le réseau complexe qui est la nature. Ils peuvent être tout contents d’y voir un lapin: expliquez-leur alors que les lapins mangent des végétaux et aiment avant tout le trèfle. Et que le trèfle injecte de l’azote dans le sol, ce qui permet aux autres plantes de mieux pousser. Et aussi que, pour cette raison, on devrait encourager la prolifération de trèfle dans le gazon plutôt que de vouloir l’éliminer. Une bonne leçon écologique qu’ils retiendront toute leur vie.

Ou faites une promenade avec eux, même en pleine ville, et regardez avec eux les plantes qui y poussent. Expliquez-leur que même si certaines sont considérées des mauvaises herbes, leurs fleurs attirent les abeilles et les papillons et leurs graines nourrissent les oiseaux et les petits animaux. Même les écureuils si abondants dans bien des parcs ont besoin d’arbres pour nicher et de glands de chêne et d’autres noix à manger. Tout cela étonnera beaucoup d’enfants… et aidera à stimuler un éveil à la nature.

Il est si facile d’intéresser les enfants aux plantes quand on fait quelques petits efforts. Si nous pouvons produire une génération d’enfants conscients de la nature, non seulement cela aidera à éliminer l’indifférence pour les plantes, mais les sensibilisera à l’environnement en général, ce qui est certainement une bonne chose!

Corriger votre propre indifférence pour les plantes

Si vous souffrez vous-même d’indifférence pour les plantes, juste reconnaître ce fait est la première étape vers une guérison. Par contre, il est difficile de s’éveiller aux plantes tout seul. Comme pour les enfants, un bon mentor est un excellent atout.

Il y a sans aucun doute un «horticulteur invétéré» dans votre quartier. Il est facile à reconnaître, son terrain, si petit qu’il soit, sera rempli de plantes et de fleurs et même si le seul espace dont il dispose est un rebord de fenêtre, celui-ci débordera de végétation. Demandez-lui de vous montrer comment faire une bouture ou semer des graines de légume. Je vous garantis qu’il sera ravi de votre intérêt (les gens passionnés veulent toujours partager leur passion!).

Aussi, il y a probablement un jardin communautaire dans votre secteur. Si oui, louer un lot coûte peu cher et vous permettra de faire vos premiers pas en jardinage. L’un des grands avantages d’un jardin communautaire est que vous n’êtes pas tout seul, qu’il y ait toujours des voisins de lot qui seront très heureux de vous donner des conseils. Et même si vous êtes trop gêné pour poser des questions, au minimum vous pouvez observer ce qu’ils font et répéter leurs gestes.

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Dans un jardin collectif, vous travaillez toujours en équipe et apprenez alors tous les rudiments du jardinage.

Si vous êtes vraiment très débutant, par contre, que vous ne savez même pas où commencer, joignez-vous plutôt à un jardin collectif où, à la place de prêter à chaque membre sont propre lot de jardin (ce qui présuppose que vous saurez quoi faire avec!), les membres partagent la responsabilité de la planification, la gestion et la récolte d’un jardin commun, puis en partagent la récolte. Ainsi vous ne serez jamais seul, mais travaillerez en équipe: il y a toujours quelqu’un pour vous montrer quoi faire et pour vous aider à comprendre. En une seule saison, vous aurez la possibilité de tout faire – semer, repiquer, désherber, récolter, traiter contre les insectes, etc. – un apprentissage assez poussé qui ne vous coûtera pas cher… et vous reviendrez à la maison, de plus, avec de délicieux légumes, fines herbes et fruits que vous avez aidé à produire!

À mesure que vous en apprenez davantage, essayez de suivre un cours sur l’horticulture, peut-être offert par un jardin public local, ou empruntez un ou des livres de jardinage à la bibliothèque. Ou joignez-vous à une société horticole. Autant de moyens pour en apprendre plus.

Travailler avec les plantes, les toucher, les soigner, c’est apprendre à les apprécier. Non seulement votre indifférence pour les plantes s’évaporera, mais vous trouverez bientôt que les jardiniers débutants viendront vous demander conseil et ça, c’est drôlement valorisant!20161027a

Étiquettes + Insouciance des plantes, Cécité des plantes, Aveugle aux plantes


  1. Le plus beau sujet qui explique bien des choses…

  2. […] via Souffrez-vous de l’insouciance des plantes? — Jardinier paresseux […]

  3. Bien vrai. Et pendant qu’on jardine on dépenses des calories et non des $$$. dans les magasins (sauf dans les centres jardins?). On prend l’air, on est actif et non assis devant un écran. Quand on se couche le soir on est fatigué mais on sait pourquoi. Pas besoin de pilule du sommeil. On a hâte au lendemain pour lire votre chronique, prendre un café et aller contempler ce qu’on a fait la veille et se dire aujourd’hui je m’attaque à mes rangs le carottes. L’été est trop court??

  4. Claudette Lafrenière

    Bravo quel bel article….et j’offrirai vos livres en cadeaux…un autre moyen de répandre le goût des plantes…

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