L’érable de Norvège est originaire de l’Europe centrale et orientale. Dans son continent d’origine, il compose un élément parmi d’autres des forêts matures et ne cause pas de problème environnemental. En Amérique du Nord, où il a été très largement planté comme arbre de rue à partir des années 1950 en remplacement de l’orme de l’Amérique (Ulmus americanus), foudroyé par une maladie, il est cependant devenu un fléau. Le problème est que l’érable de Norvège produit énormément de semences qui atterrissent et – surtout! – germent partout.
Si ce n’était que pour ce dernier point, cet érable ne serait pas plus envahissant que la plupart des autres plantes introduites d’autres pays. Mais là où il diffère est que, au lieu de se limiter aux zones perturbées, comme le font la majorité des plantes introduites qui sont envahissantes, il s’installe aussi dans les forêts vierges, grâce à sa capacité de germer à l’ombre profonde qui y règne. Là il pousse tranquillement au début, mais finit éventuellement par dominer la forêt, créant une ombre tellement dense que rien ne peut pousser à son pied. Il fait alors concurrence aux arbres indigènes et notamment à l’érable à sucre (A. saccharum), jusqu’alors l’arbre dominant dans les forêts du Sud-est du Canada et du Nord-est des États-Unis. Et c’est l’érable de Norvège qui gagne la bataille, haut la main, d’autant plus qu’il tolère mieux les effets du réchauffement de la planète et de la pollution de l’air et des sols que l’érable à sucre.
On n’a qu’à se promener dans les forêts urbaines et périurbaines pour découvrir que, dans bien des cas, la majorité les jeunes érables qui y poussent sont des érables de Norvège: quand des érables à sucre réussissent à germer, les petits plants sont vite étouffés par les jeunes érables de Norvège, plus nombreux, plus densément feuillus et de croissance plus rapide. Dans un inventaire fait au Parc de Mont-Royal (Montréal) en 2003, par exemple, on a retrouvé trois fois plus de jeunes érables de Norvège que d’érables à sucre. À cette vitesse, il serait déjà l’arbre dominant dans ce parc d’ici 30 ans… mais heureusement, les responsables du Parc ont lancé un programme pour essayer de limiter les dégâts, voire éventuellement éliminer l’érable de Norvège du parc.
La consigne
Donc, pour protéger nos forêts, la consigne des écologistes nord-américains est d’éviter de planter l’érable de Norvège. Et celui qui en aurait déjà sur son terrain devrait sérieusement songer à le remplacer par un arbre moins agressif.
Il serait bien si les pépinières de nos régions lançaient la balle en arrêtant la production et la vente d’érables de Norvège, mais, pour l’instant, elles ne se sont montrées nullement intéressées à collaborer: vendre des érables à Norvège est trop payant, il faut croire. Il faudrait sans doute une loi qui bannisse la vente de l’érable de Norvège, comme aux États-Unis, pour les forcer à arrêter, mais… disons que l’écologie est rarement une priorité pour les différents niveaux de gouvernement au Canada depuis quelques années!
Est-ce qu’une maladie peut sauver nos forêts !
Tache goudronneuse sur un érable de Norvège. L’érable à sucre est rarement touché par cette maladie.
Heureusement (!), il y a maintenant un incitatif qui pourrait éventuellement pousser les consommateurs à éviter la plantation de l’érable de Norvège, même sans loi l’interdisant. Depuis 2000, cet arbre est infesté par un champignon, la tache goudronneuse de l’érable (Rhytisma acerinum), une maladie qui laisse de grosses taches noires sur son feuillage et diminue ainsi son effet ornemental. Aucun traitement efficace pour cette maladie n’est connu autre qu’enlever l’arbre atteint (voir Rien à faire pour la tache goudronneuse). À date, cette infestation n’a pas encore semblé affecter les habitudes des consommateurs, qui plantent toujours autant d’érables de Norvège, mais éventuellement on peut espérer qu’ils comprennent que l’érable de Norvège a perdu son principal attrait ornemental et cessent de le planter.
Comment distinguer entre l’érable à sucre
et l’érable de Norvège
Si vous voulez éliminer les érables de Norvège d’un parc ou terrain privé dans une région où l’érable à sucre est indigène, il faut savoir comment distinguer entre les deux espèces. Or les deux arbres se ressemblent beaucoup et faire la distinction n’est pas évidente. Voici cependant quelques trucs.
Érable de Norvège à gauche, érable à sucre à droite; photo prise en octobre. Photo: Edward Moran, http://www.northshorewx.com.
- Casser le pétiole (tige) d’une feuille. Si la sève est claire, c’est un érable à sucre; si la sève est laiteuse, c’est un érable de Norvège.
- Les deux dont des feuilles à 5 lobes pointus, mais si on regarde de près l’extrémité la pointe des feuilles, celle de l’érable à sucre est arrondie alors que celle de l’érable de Norvège est finement pointue. Il faut regarder de très près!
- Les deux sont faciles à distinguer l’automne: l’érable à sucre devient orangé ou rouge orangé et ses feuilles tombent relativement tôt, en octobre; l’érable de Norvège reste vert très longtemps et ses feuilles deviennent jaunes avant de chuter.
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L’hiver, on peut se fier aux bourgeons: ils sont bruns et pointus chez l’érable à sucre, vert pourpré ou pourpre, luisants et plutôt arrondis chez l’érable de Norvège.
- Sur les arbres âgés, l’écorce de l’érable à sucre est exfoliée alors que celle de l’érable de Norvège est finement rainurée.
- Enfin, les samares (graines ailées) des deux ne se ressemblent pas du tout, ceux de l’érable à sucre étant globuleuses et munis d’ailes plus étroites placées presque à angle droit alors que ceux de l’érable de Norvège sont aplatis et portent des ailes larges et presque en ligne droite.