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Une «nouvelle» bibitte sur le buis

Par Julie Boudreau

Au Québec, le buis (Buxus spp.) est devenu très populaire! C’est en partie grâce à l’arrivée de variétés plus résistantes au froid. C’est aussi grâce au réchauffement climatique qui rend nos hivers moins hostiles. Enfin, la popularité montante des tendances inspirées du Mid-Century, du minimalisme épuré et du luxe discret ont fait du buis la plante idéale pour réaliser de petites haies linéaires.

Photo: Didier Descouens sur Wikimedia Commons

Malheureusement, avec cette arrivée massive de belles boules vertes à feuilles persistantes est aussi arrivé un petit coquin. Découverte au Québec en 2023, la pyrale du buis (Cydalima perspectails) s’est vite taillé une place dans le club sélect des vilains!

Un papillon inoffensif, mais une chenille destructrice

Comme la plupart de nos envahisseurs, la pyrale du buis nous arrive d’Asie. Elle a voyagé jusqu’en Europe vers 2007, puis elle a traversé l’océan pour se manifester en grande première nord-américaine, à Toronto en 2018. Depuis, elle a traversé les frontières et on la retrouve dans toutes les provinces de l’Est du Canada ainsi que dans les états proches du Michigan.

La pyrale du buis est d’abord et avant tout un très beau papillon de nuit gris et blanc, d’environ 4 cm de long. Mais évidemment, ce sont les petites chenilles pondues par centaines qui causent les dommages.

Oh là, là! Pauvre buis! Les pyrales sont passées et ont dévoré toutes les feuilles, laissant de petits restes qui prennent l’allure de dentelles. Photo: AterlierMonpli sur Wikimedia Commons

Un cycle de vie à apprivoiser: la phase adulte

Étant donné que l’insecte est arrivé assez récemment en Amérique, on commence à peine à comprendre son cycle de vie. En Asie, ce papillon peut avoir jusqu’à 5 générations par année! Par chance, en Ontario et au Michigan, on observe seulement 2 générations par année. Comme mentionné précédemment celles-ci se suivent de près, si bien qu’on peut observer des papillons adultes presque en tout temps.

Pour cette raison, les papillons adultes sont présents sur une longue période, car les deux générations se superposent assez régulièrement. On peut donc capturer des papillons mâles à l’aide de pièges à phéromones de la mi-juillet jusqu’à septembre! Ces papillons ne sont pas facilement observables, car ils sont actifs la nuit.

Chaque papillon pond ses œufs sous les feuilles, par petits groupes de 5 à 20 œufs. En tout, un seul papillon peut pondre jusqu’à 800 œufs dans sa courte vie qui ne dure que 14 jours.

La pyrale du buis est un très beau papillon! Étant nocturne, il est rare de l’observer. Photo: Didier Descouens sur Wikimedia Commons

Le cycle de vie des ravageuses chenilles

À peine 4 jours plus tard, les œufs donnent naissance à des larves vertes munies de rayures et de petits points noirs. Ce sont elles qui grugent les feuilles et, dans le cas de fortes infestations, elles peuvent complètement défolier un petit buis en l’espace de quelques jours!

Les œufs sont rassemblés en petits groupes, sous les feuilles. Détruire cette feuille, c’est se sauver des dizaines de problèmes! Photo: Gouvernement du Canada

Les chenilles de la pyrale du buis ont de drôles d’habitudes alimentaires. Pour une raison qui nous est encore inconnue, elles aiment manger l’intérieur de la feuille. Elles ont tendance à ne pas grignoter la marge (le contour extérieur de la feuille). Cela donne un curieux effet de dentelle quand on regarde une branche de buis toute grignotée.

On pourra aussi détecter la présence des chenilles, qui sont à peu près de la même couleur que les feuilles du buis, par la présence de soies. Ce sont des tisseuses! Tout comme on pourra aussi remarquer la présence de petites crottes, prises dans les toiles ou amoncelées au sol.

Peu importe leur stade larvaire, les chenilles de la pyrale du buis sont vertes, rayées et munies de petits points noirs. Photo: Gouvernement du Canada

La métamorphose s’opère

La chenille passera par 6 ou 7 poussées de croissance pour atteindre sa maturité. Lorsqu’elle mesure 4 cm de longueur, elle attache quelques feuilles ensemble et s’y cache pour devenir une pupe, ce que l’on appelle habituellement le cocon, pour les papillons. Cette pupe passera du vert au brun et après 14 jours, le magnifique papillon adulte émerge, prêt à se trouver un partenaire pour assurer la prolifération de son espèce.

Dès qu’elle a atteint sa maturité, la chenille devient une pupe. Celle-ci est bien cachée dans un petit nid de soies et de feuilles. Photo: Rufre sur Wikimedia Commons

Mais comment passe-t-elle l’hiver?

C’est une autre particularité intéressante de la pyrale du buis. La plupart des papillons passent l’hiver sous forme de pupe enfuie dans le sol. Certains, comme les monarques s’envolent vers le sud, sous forme d’adulte. Mais, notre pyrale du buis, elle, décide d’hiverner en plein milieu de son stade larvaire. En septembre, après la 3e ou 4e mutation, la chenille se fabrique un petit cocon et l’enveloppe dans quelques feuilles de buis et hop, c’est la diapause jusqu’au printemps suivant. Dès que la température atteint environ 10 °C au printemps, la jeune chenille sort de sa torpeur et continue à s’empiffrer pour compléter son cycle larvaire. Il y a donc une première génération de chenilles qui continuent leur vie au printemps et la seconde génération fait tout son cycle en été.

Ne pas confondre avec…

Bien sûr, la pyrale du buis n’est pas leur seul parasite à s’attaquer au buis, mais selon les connaissances actuelles, c’est le seul insecte capable de défolier un buis en mangeant les feuilles. Si les feuilles sont grignotées, c’est probablement notre coupable.

Toutefois, les buis peuvent être visités par les psylles du buis, des mineuses et plusieurs maladies que j’ai déjà abordées ici. Il ne faut pas non plus ignorer les dommages hivernaux causés par les vents violents et le sel de déglaçage.

Mais que faire?

Comme vous voyez, en raison de ces deux générations annuelles, la période de dépistage est presque constante. C’est donc à peu près en tout temps, entre juin et septembre, que l’on peut inspecter pour les trois stades de croissance. On cherchera des œufs sous les feuilles, de juillet à septembre. Dans ce cas, on peut simplement arracher et jeter les feuilles, afin de prévenir l’arrivée de centaines de chenilles.

Aussi, entre juin et septembre, on gardera un œil attentif à la présence de larves. On peut décider de la ramasser à la main ou d’effectuer un traitement au Btk.

Puis, on peut profiter de la période de dormance, soit tard en septembre ou tôt en avril pour découvrir les petites chenilles en dormance, enroulées dans des feuilles.

Jouer avec les odeurs

Comme mentionné rapidement plus haut, les papillons femelles libèrent un délectable parfum pour attirer les mâles. C’est ce qu’on appelle les phéromones. Et ce parfum, des chercheurs ont réussi à l’imiter. Ainsi, on peut créer des pièges pour attirer les papillons mâles. En phase de dépistage, on installe ces pièges près des buis. Mais si on veut dérouter les mâles et les empêcher de trouver les femelles, il suffit de disposer ces pièges loin des buis! On crée ainsi de la confusion et quelques expériences ont démontré qu’il y avait moins de ponte d’œufs dans les secteurs où on avait utilisé ce stratagème!

Et l’aromathérapie aussi!

Une autre étude que j’aime bien a vérifié si le fait de brumiser d’autres odeurs près des buis pouvait masquer l’odeur des femelles et encore une fois semer la confusion chez les mâles. Après avoir essayé les huiles essentielles d’eucalyptus, de lavande et de cannelle, il s’est avéré que la cannelle est celle qui fonctionne le mieux!

Au départ, et sensibles aux dommages causés par cet insecte en Europe, on croyait que la pyrale du buis serait un ennemi mortel. Or, les quelques années à l’observer nous ont démontré que même un arbuste complètement dénudé de toutes ses feuilles peut survivre et repousser. La pyrale du buis a donc été désignée tueuse potentielle du buis, parce que bien sûr, après plusieurs défoliations complètes, il est possible que le buis décide de rendre l’âme. Mais si on sait la dépister et agir pour prévenir les dommages, la pyrale du buis s’ajoutera aux nombreux insectes nuisibles avec lesquels on peut assez facilement cohabiter.

Remerciements: En mai 2024, le Horticultural Research Institute a tenu un webinaire très complet et à jour sur la situation de la pyrale du buis en Amérique du Nord. Je remercie donc les chercheurs Joe Boggs et Alejandro Del-Poze pour le précieux partage de leurs connaissances.

Étiquettes + Buxus


  1. Bonjour, je refuse le pistage. En France, il est obligatoire de propose SIMPLEMENT avec ou sans cookies.Je préfère vous gratifier temps. Alignez-vous sur la législation, merci. Et BRAVO ! Votre infolettre est très appréciée.

  2. Cette petite bête a envahi les haies de buis qui entouraient mes rosiers, il y a 3 ans en Belgique. En 15 jours, il ne restait plus rien. On a dû tout arracher. Quelques années auparavant, c’était une invasion de scolytes qui ont eu raison de mes épicéas. Triste, le réchauffement climatique !

  3. Après plusieurs années de combat pour mon vieux buis j’ai décidé de suivre la philosophie de Larry : je laisse tomber. J’avais dépensé des fortunes en pièges et traitements contre la pyrale mais tout cela n’est pas très très efficaces et touche à une petite faune que j’apprécie et qui en souffrait. J’ai opté pour un truc qui n’a rien à voir : un cotoneraster lacteus. Très sympathique et feuilles persistantes et mellifère et baies en hiver et tout et tout… Bon débarras le buis! Bon été Julie!

  4. moi aussi j ai cet invite de marque et je vais abandonne un jour ou l autre
    pour le moment je teste la pulverisation de purin de sureau 3 fois par mois,il aurait la particularite d eloigner les papillons, et je ne fait rien d autre, le combat est trop inegal
    j attend l annee prochaine pour voir les resultats sinon je laisserai tomber

  5. Les feuilles taillées qui sont contaminées peuvent-elles être jetées au compost?

  6. This content is really helpful, especially for beginners like me.

  7. Très instructif. Merci !