En allant chercher ma nouvelle tente de culture, je ne m’attendais pas à revenir avec autant de nouvelles connaissances sur… les vers! C’est que la jardinerie où je suis allée, Au Jardin Vers, n’est pas qu’une simple boutique de matériel horticole: ce sont des experts en vermicompostage.
Je dois avouer que j’avais pas mal d’idées préconçues sur le sujet. Des vers dans ma cuisine? Non merci! Ça doit sentir, c’est sale, beaucoup d’entretien et c’est sûrement dispendieux… J’ai déjà deux chiens et un conjoint qui remplissent ces trois conditions, alors pas besoin d’un autre paquet de troubles!
En rencontrant Jonathan Côté, le propriétaire, laissez-moi vous dire que j’ai eu droit à toute une leçon!
Des petits amis à découvrir
Première surprise: on n’utilise pas n’importe quels vers pour le vermicompostage. L’espèce utilisée, Eisenia fetida, est spécialement adaptée à la décomposition de matière organique fraîche. Ces vers rouges, aussi appelés vers du fumier, sont différents de nos vers de terre de jardin: plus petits, plus voraces, et surtout, beaucoup plus efficaces pour transformer nos déchets de cuisine en «nourriture» pour le jardin. C’est très cyclique: les «déchets» du jardin y retournent pour l’alimenter.
Si vous suivez régulièrement le Jardinier paresseux, vous vous souvenez peut-être de mon article sur les vers de terre. Je vous rafraîchis la mémoire: les vers de terre sont des invasifs bien installés au Québec et nuisent à notre environnement. Vous comprendrez donc que ma préoccupation première fut de demander à Jonathan si ces composteurs survivaient au Québec s’ils s’échappaient de nos bacs. On n’est pas à une espèce exotique près, mais on ne fera pas exprès non plus!
Eh bien, E. fetida est sensible au froid et ne peut pas survivre à nos hivers québécois. Ouf! La biologiste méfiante que je suis est rassurée!
En plus d’être sécuritaire, cette espèce est utilisée pour le compost de qualité qu’elle produit. En passant dans son tube digestif, nos restants de cuisine sont transformés en un compost extrêmement riche en nutriments, plein de bonnes bactéries et parfait pour nos plantes. En fait, c’est la même chose qui se passe avec les vers en nature, sauf que cette espèce est encore plus gourmande!
L’aspect pratique
Mon questionnement suivant concernait au fonctionnement. On ne se mentira pas, ramasser une crotte de chien, ça semble bien plus facile que de récolter des excréments de vers! Je m’imaginais un gros machin, peu esthétique, sale, qu’on doit nettoyer en triant les vers de la terre, qui pue, et coûte une fortune.
Mais non! Contrairement à ce que je croyais, l’installation et l’entretien sont assez simples. Le système se compose de bacs superposés avec des trous qui permettent aux vers de se promener et aux excréments de tomber, tout simplement, dans le bac du dessous. On n’a littéralement qu’à se pencher pour le ramasser.
Ce procédé donne une récolte qui n’est pas mélangée à de la terre ou à de la nourriture, ce qui en fait un compost très concentré, riche, et surtout, qui ne pue pas. Ça sent la terre et la forêt, tout simplement. Dire qu’il y a des diffuseurs qui essaient sans succès de reproduire cette odeur…
Le prix pour s’équiper (vers + bacs) est d’environ 200$, mais on peut facilement réduire cette somme de moitié en bricolant nous-mêmes l’habitat avec des bacs de plastique. Pas si dispendieux, n’est-ce pas?
Un système qui s’autogère
Un autre préjugé que j’avais, c’était qu’il fallait toujours racheter des vers. On se souvient que je suis arrivée au Jardin Vers en courant, mon mode chasseuse d’aubaines activé, parce que j’avais trouvé une tente de culture à un très bon prix! La perspective de devoir acheter des vers tous les mois, un peu comme on le ferait avec des prédateurs pour les plantes, me semblait un gros point négatif. Encore une fois, j’ai été surprise!
Avec les bonnes conditions de chaleur (entre 15 et 25 °C) et d’humidité, vous pourriez devenir les heureux parents de nouveaux petits vers. La reproduction ne demande rien de particulier et s’effectue d’elle-même, dans votre bac. Ça prend 23 jours pour que les œufs éclosent et deux ou trois mois pour avoir des adultes. S’il y a beaucoup de nourriture disponible, leur nombre grandit. S’il y en a moins, leur nombre diminue. Ils s’adaptent à vous, autrement dit. C’est un système qui est presque autonome de A à Z!
Un minimum d’entretien
Je dis presque, car il faut quand même les nourrir, ces petites bêtes-là. Une fois par semaine, on leur donne nos restes de cuisine végétaux. Ils sont un peu difficiles sur le menu: pas d’agrumes, d’oignons ou d’ail. Ils n’aiment pas et les laissent là. Le risque alors, c’est que ces déchets pourrissent dans le bac, ce qui met en danger la petite communauté. Sinon, après une semaine, pratiquement tout a disparu et on est prêts pour le prochain voyage de peaux de bananes et de cœurs de pommes.
Personnellement, j’aurais peur de n’avoir rien à leur donner une semaine. On ne gaspille même pas les pelures d’oignon et de pomme de terre chez nous: tout se mange avec un peu d’imagination! Mais j’ai ensuite pensé aux fanes des légumes de jardin. J’imagine que des feuilles congelées de plants de courges ou de fèves pourraient peut-être servir de dépanneur? C’est définitivement à essayer, en tout cas!
Bref, niveau entretien, c’est tout.
Vous m’avez entendu parler de ménage? Il n’y en a pas à faire! En fait, ma plus grande révélation, c’est que le vermicompostage n’est pas comme avoir un animal de compagnie. J’imaginais un entretien complexe, comme pour un hamster: nettoyer la cage, changer la litière, gérer les odeurs… En réalité, c’est plus comme une ruche. Donnez-lui les bonnes conditions et la colonie s’occupe d’elle-même.
Le plus fiable et le plus rapide
Non, ce n’est pas une pub d’auto, je parle encore bel et bien de vermicompost! L’avantage par rapport au compost extérieur, c’est que la production est continue: pas besoin d’attendre le printemps pour avoir un apport pour vos semis. Même en plein hiver, quand notre tas de compost extérieur est gelé et inutilisable, les vers continuent leur travail dans le confort de la maison. Et en été? Vos vers produiront leur compost en quelques semaines au lieu de quelques mois en plus d’éviter d’attirer les bestioles indésirables près de la maison, comme le compost extérieur traditionnel.
Le vermicompost a une texture fine et granuleuse qui le rend facile à utiliser, même pour les semis les plus délicats. Les vers ne font pas que décomposer la matière organique, ils l’enrichissent: leur système digestif y ajoute des enzymes et des bactéries bénéfiques qui stimulent la croissance des plantes. Après tout, c’est quand même un peu du fumier aussi!
Attention, cependant, car cette vedette du compost est très riche et il faut l’utiliser avec parcimonie sur vos plantules. Une part de vermicompost pour dix parts de terreau suffit généralement pour les semis. On double cette quantité quand on parle de plantes matures ou de jardin extérieur. Il est aussi possible de l’utiliser en thé de compost. C’est le liquide récupéré par le robinet tout en bas de vos bacs. Vous pouvez aussi en faire en trempant quelques poignées dans l’eau pendant 24h. C’est un excellent fertilisant liquide.
Un changement de perception
Je dois avouer que cette visite a complètement changé ma perception du vermicompostage. Ce n’est ni compliqué, ni dégoûtant, ni particulièrement coûteux. C’est simplement un système ingénieux qui transforme nos déchets en engrais pour le jardin, grâce à de petits travailleurs silencieux et efficaces!
Pour plus d’informations ou des questions sur vos vers, je vous invite à contacter le Jardin Vers sur leur page Facebook.

