Par Edith Smeesters
11 juillet 2023

Comment venir à bout des scarabées japonais?

Introduits accidentellement du Japon il y a plus d’un siècle, les scarabées japonais sont devenus un véritable fléau pour les jardiniers et les agriculteurs de toute la Côte Est américaine et, malheureusement, les prédateurs naturels n’ont pas suivi aussi rapidement.

Les scarabées japonais

Pour ceux qui ne connaissent pas encore les scarabées japonais: ce sont de très beaux insectes d’un vert et brun métallique (environ 8 à 11 mm de long) avec 6 paires de poils disposés en V sous l’abdomen. Ils font partie de la famille des coléoptères, et comme les coccinelles: ils ont des d’élytres (des ailes dures) qui recouvrent la deuxième paire d’ailes.

Mais cette espèce exotique envahissante est très vorace, d’autant plus qu’elle forme des colonies qui s’attaquent à une quantité d’arbres et arbustes. Les scarabées japonais se nourrissent du feuillage, mais aussi des fleurs et des fruits. Ils aiment particulièrement les arbres fruitiers, les arbustes à petits fruits et les rosiers, mais ils peuvent s’attaquer à plus de 200 espèces de plantes.

On commence à en voir vers la fin de juin. Les femelles pondent des œufs dans le courant de l’été, de préférence dans les pelouses de graminées. Deux semaines plus tard, les œufs se transforment en larves et ensuite ils passent l’hiver dans le sol, à 15 ou 20 cm de profondeur. Ces vers blancs remontent en surface au printemps pour manger encore plus les racines de gazon et se transforment en nymphes (pupes) au début de l’été. Les adultes émergent vers la fin juin, début juillet et le cycle recommence.

Il n’y a pas de remède miracle pour se débarrasser des scarabées japonais actuellement, mais une combinaison de diverses stratégies pourrait vous aider à prendre le dessus. Sinon, pensez à remplacer les plantes qui attirent le plus ces scarabées, comme le suggérait Larry il y a quelques années.

Découragez les scarabées japonais de pondre chez vous en juillet-août

• Évitez l’éclairage nocturne extérieur qui attire les insectes.
• Traitez votre pelouse avec une macération d’ail pour confondre les scarabées: broyez 2 ou 3 gousses d’ail dans un litre d’eau bouillante, laissez reposer une nuit, filtrez et pulvérisez le gazon à répétition durant l’été.
• Gardez le gazon long (3-4 pouces, soit environ 8-10 cm), car c’est plus difficile de pondre dans un gazon haut et dense.
• N’arrosez pas la pelouse en été, car un sol sec est moins propice pour pondre et, si les larves sont déjà présentes et que la pelouse est en dormance, elles peuvent mourir de faim.

Contrôlez-les au stade larvaire (vers blancs)

C’est le moment le plus efficace pour intervenir, même si le pire des dommages est passé et que vous ne verrez pas l’effet avant l’été prochain. Il faut agir au stade larvaire pour diminuer la quantité d’adultes qui vont émerger au printemps prochain!

• De la mi-août à la mi-septembre, traitez le gazon avec des nématodes bénéfiques au moment où les larves sont encore toutes petites et les plus vulnérables. Lors de l’application, il faut que le sol soit détrempé. Il faut donc arroser avant et après l’application, puis garder le sol humide pendant 4 à 7 jours. Traitez de préférence par temps couvert, car le soleil peut tuer les nématodes. Il ne faut pas utiliser ce produit au printemps, car le sol est trop froid (sous 15°C) et les larves sont trop robustes. Les nématodes se trouvent en jardinerie et la boîte devrait être conservée au réfrigérateur à 4°C jusqu’à son utilisation.
• Traitez le gazon avec le nouveau BTG (Bacillus thuringiensis galleriae) disponible depuis 3-4 ans dans les commerces: ce sont des bactéries qui s’attaquent aux vers blancs (larves des scarabées et des hannetons). Il peut déjà être utilisé lorsque le sol est à 10°C au printemps, mais il sera plus efficace à la fin de l’été lorsque les vers blancs sont tout petits. Ici aussi, il faut bien arroser après l’application des granules.
• Protégez et encouragez les prédateurs naturels comme les crapauds, oiseaux, musaraignes…

Contrôlez-les au stade adulte

Au cours des dernières années, on a vendu beaucoup de pièges à phéromones pour attraper ces insectes adultes en été, mais finalement on s’est aperçu que cela en attirait encore davantage, même en plaçant les pièges à bonne distance de leur plat favori.

Voici quelques autres trucs simples:

• Faites tomber les adultes des arbres et arbustes dans un petit seau d’eau savonneuse de bonne heure le matin, alors qu’ils sont encore un peu léthargiques.
• Utilisez un aspirateur portatif pour les capturer et videz le contenu dans de l’eau savonneuse.
• Tôt le matin, vaporisez du savon insecticide ou de l’huile de Neem sur les insectes: cette huile naturelle agit en bouchant les orifices respiratoires des bestioles. Il faudra sûrement le faire plusieurs fois!

Dans un potager, vous pouvez recouvrir les plantes affectées avec une toile flottante avant l’apparition des premiers scarabées.

Ces méthodes de contrôle s’appliquent aussi aux hannetons, surtout pour le stade larvaire, car les hannetons européens font le plus de dégâts quand ils sont au stade de vers blancs dans nos pelouses. Il faut intervenir à la fin de l’été avant que les vers blancs ne remontent, gros et gras, au printemps prochain!

Une expérience très intéressante avec des mouches parasitoïdes

Si vous avez une culture qui attire les scarabées japonais par milliers, voici une histoire à succès qui devrait vous intéresser: le Vignoble de l’Orpailleur à Dunham, en Montérégie, développe des méthodes de répression naturelle des ravageurs à l’aide d’insectes et d’acariens utiles depuis plusieurs années, sous la direction de Jacques Lasnier de l’Institut de recherche Ag-cord inc. Pour contrôler les scarabées japonais sans pesticides, ce chercheur utilise des petites mouches parasitoïdes, appelées Tachinidae Istocheta aldrichi. Celles-ci pondent leurs œufs juste derrière la tête des scarabées. Ces mouches parasitoïdes, provenant de l’Asie, ont migré à partir des États-Unis vers nos régions où elles ont été introduites vers les années 1930.

Après l’éclosion, la larve pénètre dans l’insecte et se nourrit de l’intérieur du scarabée et en quelques jours le scarabée meurt. La larve de la mouche forme une pupe qui restera à l’intérieur du scarabée japonais jusqu’au printemps suivant où elle émergera sous sa forme adulte (mouche). Puis, elle recommencera son cycle biologique. Depuis 2014, les populations de mouches tachinides ont augmenté de façon exponentielle au Vignoble de l’Orpailleur, ce qui a contribué à une réduction considérable des populations du scarabée japonais.

Ce type de contrôle des ravageurs est sans nul doute la solution pour un avenir sans pesticides, tant en agriculture qu’en horticulture.

Edith Smeesters

Edith Smeesters est biologiste et est une pionnière en horticulture écologique au Québec. Elle a donné d’innombrables conférences et formations et elle a écrit plusieurs livres à ce sujet depuis plus de 20 ans. Elle a fondé et a été présidente de plusieurs organismes environnementaux, comme Nature-Action Québec et la Coalition pour les alternatives aux pesticides. Elle a été une personne clé dans la création d’un Code de gestion des pesticides au Québec en vigueur depuis 2003.

edithsmeesters.org/

---

Nos partenaires locaux