Les hauts et les bas de la forêt tropicale du Biodôme
Récemment, je suis allée au Biodôme. C’est amusant, car la plupart des gens y vont pour voir les animaux, mais moi, jardinière paresseuse à l’affût de sujets d’articles, c’est aux plantes que je me suis intéressée. Ce que j’ai appris sur les végétaux, et particulièrement ceux dans la jungle tropicale, est vraiment cocasse, étonnant… et même ironique.
Si vous croyez être les seuls à devoir rempoter, tuteurer, tailler, gérer les pestes, détrompez-vous: les gens du Biodôme (et certainement de plusieurs autres institutions zoologiques à travers le monde) sont aux prises avec les mêmes problèmes… mais en version grandeur nature!
Si vous ne connaissez pas le Biodôme, il s’agit de l’un des 5 musées d’Espace pour la vie présentant des écosystèmes naturels dans un vaste espace intérieur. Le visiteur suit le sentier et peut admirer tout autour de lui la nature sauvage, autant végétale qu’animale (voire minérale). Cinq écosystèmes y sont présentés: la forêt tropicale, la forêt laurentienne, le Golfe du Saint-Laurent ainsi que les pôles de l’Arctique et de l’Antarctique.
Deux jardiniers paresseux dans la forêt
Deux? Eh bien oui! Un autre collaborateur du blogue, Francis Cardinal, travaille au Biodôme comme éducateur et concepteur scientifique. À l’occasion de ma visite, j’en ai profité pour le questionner et en apprendre plus sur les dessous de la vie végétale de cet incroyable musée et je n’ai pas été déçue.
Je tiens à vous citer ma source: si vous travaillez au Biodôme et que vous réalisez que j’ai dit une fausseté… Ben, c’est de la faute à Francis!
Des contraintes d’espace par en bas
Comment va votre bananier, vous? Vous devez le rempoter? Allons donc, il peut sûrement se débrouiller autrement, après tout, les arbres tropicaux gigantesques qui touchent le plafond au Biodôme n’ont les pieds, ou plutôt les racines, que dans un seul mètre de terre de profondeur maximum, parfois moins.
Attendez, quoi? Un mètre? Pour un arbre (Sterculia mexicana) de 18 mètres de haut?
Eh oui! C’est incroyable, n’est-ce pas?
Bon, je ne vous raconte pas la quantité de compost, engrais, fumier et autre qui est nécessaire. Certains animaux participent probablement de manière naturelle à cet apport, mais c’est loin d’être suffisant.
Il faut aussi s’assurer que les produits utilisés ne sont pas toxiques pour la faune vivant dans cet habitat. On doit oublier la grosse machinerie pour répandre tout ça: le risque d’abîmer les plantes est bien trop important. C’est dense la forêt tropicale!
Des contraintes d’espace par en haut
Élaguer pour libérer les sentiers, empêcher les plantes de défoncer le plafond et assurer une visibilité intéressante aux visiteurs. Coupe coupe coupe!
Mine de rien, ça fait beaucoup de taille à faire, mais aussi beaucoup de branches dont il faut se débarrasser.
«Ce n’est pas si terrible, Audrey! Moi, j’ai besoin d’élaguer mes haies une fois par année, après c’est de l’entretien seulement…»
Connaissez-vous le balsa (Ochroma pyramidale)?
En six mois, ce végétal passe d’une petite pousse à un tronc de 30 centimètres de diamètre et atteint une hauteur spectaculaire de 4 à 5 mètres. Ouaip, ça pousse vite la nature quand il n’y a pas d’hiver (de dormance) et qu’il fait toujours chaud et beau!
Des contraintes d’espace sur les côtés
Eh oui, il y a beaucoup de contraintes d’espaces quand on met une forêt à l’intérieur! Dans une «vraie» jungle, on ne voit pas très loin et on ne sait pas trop où mettre les pieds non plus. Des arbres morts servent de support à des lianes grimpantes et les tas de feuilles au sol ne sont jamais innocents: ils cachent des trous, des serpents, des roches ou plus de plantes.
Si on transpose ça au Biodôme, bonne chance pour suivre le sentier! Vous verriez ça, vous, devoir enjamber les arbres tombés, repousser les feuilles de monstera pour voir quelques pas devant? Et puis BAM! Un perroquet qui vous mord le nez!
Tout ça pour dire qu’il y a un grand besoin de tuteurage au Biodôme. Pas des petites tiges de bambou, on parle de câbles d’aciers qui empêchent les arbres de tomber ou de pousser de travers. Imaginez si un arbre poussait en angle et qu’il finissait par tomber: les bris de matériel pourraient être catastrophiques!
Mais n’ayez crainte, les tuteurs sont très subtils. En fait, sans Francis, je ne les aurais probablement même pas vus.
Des envahisseurs
«Mettez du savon noir!»
Haha j’aimerais voir les horticulteurs frotter chaque feuille au savon noir! Beaucoup de lettres de démission en perspective!
En fait, comme c’est un écosystème qui se veut autonome, à moins d’une énorme infestation, rien n’est fait! Je sais, c’est surprenant, mais un équilibre naturel s’installe. Dans la nature, il y a toutes sortes de bestioles et elles font partie du grand cycle de la vie: le singe mange des insectes, ses excréments nourrissent les végétaux, ceux-ci produisent des fruits qui nourrissent à leur tour une panoplie d’espèces. Ainsi va la vie!
Au Biodôme, tout est contrôlé au quart de tour. Les pestes sont tolérées si elles ne font pas trop de dommages. J’ai d’ailleurs observé des fourmis, des mouches et même quelques souris!
Francis m’a raconté que pour réduire la quantité de certaines pestes – les blattes australiennes –, des crapauds buffles ont été introduits comme prédateurs. Il s’agit de la même espèce qui cause des dégâts incroyables en Australie depuis son introduction.
Est-ce que leurs plantes sont toutes parfaites? Non, loin de là, mais en nature, elles ne le sont pas non plus! C’est normal d’avoir des bouts de feuilles bruns, déchirés ou pleins de crottes d’oiseaux!
Des espèces capricieuses
«Ma plante était ben belle avant, mais je l’ai changée de place et elle perd toutes ses feuilles.»
Les plantes ont des besoins spécifiques et s’installent généralement d’elles-mêmes aux endroits qui leur conviennent en nature. Dans la forêt tropicale intérieure dont il est question, les conditions sont idéales pour la majorité des plantes… mais pas toutes.
Il faut faire des choix judicieux au moment d’introduire une nouvelle plante. Un lys de paix, c’est «pas tuable»! Quel bon choix à mettre près de la porte qui s’ouvre et se ferme constamment! Mais le cacaoyer en arrache un peu plus…
En fait, Francis m’a confié que, lors des rénovations en 2018-2020, le cacaoyer a produit… une cabosse! Il faut dire que comme l’endroit était fermé au public, la température et l’humidité étaient peut-être bien plus stables et confortables pour cet arbre.
(Ou alors, il s’ennuyait et a essayé de ramener les gens en faisant miroiter la possibilité de manger du chocolat…)
Il y a un super mur végétal également. Je n’ai pas pu m’empêcher de penser à celui de Larry. Ayant suivi ses hauts et ses bas avec cette création, je me suis sentie interpellée. Imaginez l’échelle nécessaire pour avoir accès à ces plantes!
Du vrai, du vrai… et un peu de faux
Bien que le Biodôme ait fait un travail remarquable pour rendre aussi réalistes que possible ses habitats, il n’en demeure pas moins qu’il y a plusieurs contraintes à gérer avec une forêt intérieure. Pensez à la machinerie pour équilibrer la température et l’humidité, à l’éclairage, aux drains, à la ventilation… Difficile de donner l’illusion d’être en pleine forêt avec des fils ou tuyaux qui pendent partout!
C’est pourquoi quelques arbres ou murs rocheux sont faux. Ils dissimulent en fait tout ce qui permet de maintenir la météo adéquate (entre autres choses). Je vous rassure, ils sont bien intégrés au décor et on n’y voit presque que du feu.
Bon, quand un jet de brumisation sort d’un arbre, on a des doutes, quand même!
Ces éléments non naturels sont totalement en harmonie avec la nature environnante et ils sont un très bon choix logistique. J’aimerais bien dissimuler mes fils électriques avec de grosses roches, mais ça risque d’être bizarre (et coûteux) dans une maison…
Remontez dans les photos et essayez de repérer ce qui n’est pas naturel!
Soit dit en passant, voici une photo d’une «chose vraie» qui me semblait impossible: un MAGNIFIQUE aloès qui pousse dans un arbre! Pourquoi impossible? Parce que moi, malgré tout mon amour, je suis une meurtrière en série d’aloès…
Conclusion: les horticulteurs du Biodôme sont loin d’être des paresseux…
… mais ils travaillent dans le même habitat que quatre vrais paresseux, alors je crois que ça s’équivaut! C’est quand même intéressant de constater que, malgré l’ampleur du projet, les problèmes sont les mêmes que ceux qu’on rencontre dans nos maisons. Chapeau à ceux et celles qui s’en occupent et qui trouvent des solutions à ces «gros» problèmes!
J’ai appris beaucoup durant cette journée grâce à Francis, mais j’ai aussi discuté avec plusieurs éducateurs très intéressants. Je vous invite d’ailleurs à leur poser vos questions lors de votre prochaine visite. Ils ont toujours quelque chose d’intéressant à raconter.
En passant, et ce n’est pas un mythe, j’ai bel et bien vu un paresseux, un VRAI, dans la forêt du Biodôme. Continuez à le chercher lors de votre prochaine visite… si vous n’êtes pas trop paresseux!
Cet article est bien fait et divertissant. Bravo madame Martel!
Merci pour cet article fort intéressant. J’y retournerai assurément mais cette fois en m’attardant davantage à la flore. C’est vrai que c’est impressionnant!
Formidable texte! Vous avez une jolie plume et vos sujets sont toujours intéressants. Merci!
Cet article très intéressant et instructif. J’aimerais bien retourner au Biodôme un jour, mais seulement à penser de me rendre à Montréal à travers le trafic, les cônes oranges et les nids de poule, je deviens plus que paresseuse et préfère rester chez moi. ?
Heureusement, il y a des articles qui me font voyager sans avoir à me déplacer. Merci!
Très intéressant!
Merci
J’adore vous lire. Vos sujets sont intéressants portés par une plume talentueuse et divertissante!
Merci pour votre article très intéressant.
Une belle incursion dans cet espace magnifique.
Le Biodôme c’est à voir.
Merci !
Que j’aime votre écriture mélange d’humour et d’infos vvrraimment intéressants.
Merci!