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Le Défi pissenlits renouvelé

Le Défi pissenlits est une initiative québécoise portée depuis 2021 par un couple d’apiculteurs propriétaires de Miel&Co. Cette campagne vise à sensibiliser la population à l’importance des insectes pollinisateurs. Chaque printemps, villes et citoyens du Québec sont invités à retarder la tonte de leur gazon afin d’offrir nectar et pollen aux abeilles grâce aux pissenlits naturellement présents dans nos pelouses. Cette idée a connu un très grand succès au Québec en 2022. Mais le but encore plus vaste est de créer des habitats propices aux pollinisateurs en milieu urbain en acceptant d’avoir des pelouses fleuries plutôt que des monocultures de pâturin des prés qui sont encore trop souvent traitées avec des engrais et des pesticides pour répondre à des standards d’uniformité.

Le but du défi est de créer des habitats pour les pollinisateurs en acceptant d’avoir des pelouses fleuries plutôt que des monocultures. Photo: Edith Smeesters.

Ne pas tondre la pelouse pendant un mois?

Cependant, dans la foulée, certains médias et de nombreuses personnes ont associé cette campagne au «NO MOW MAY»: une initiative de conservation lancée vers 2018 par Plantlive, un organisme basé en Grande-Bretagne. L’idée a commencé à se répandre aux États-Unis depuis 2020 avec le même slogan, soit: «pas de tonte en mai». C’est un objectif louable, mais… si on ne tond pas la pelouse pendant tout le mois de mai, celle-ci peut atteindre 30 cm de haut! Il sera alors très difficile de passer la tondeuse et il faudra peut-être louer de l’équipement adéquat comme une débroussailleuse.

Une tonte trop espacée ou trop radicale peut avoir des effets négatifs: cela va occasionner un choc pour le gazon et diminuer la densité de la pelouse à un moment où une sécheresse peut survenir d’un jour à l’autre. Et il faudra ramasser tout ce gazon coupé si on ne veut pas étouffer la pelouse avec les résidus de coupe. Par ailleurs, les pissenlits fleurissent plus tard dans certaines régions du Québec comme la Gaspésie. Pour toutes ces raisons, je crois qu’il est important de clarifier ce projet.

Difficile de couper le gazon après un mois ! Et il faudra ramasser l’herbe.

Plutôt: retarder la tonte

En réalité, le jeune couple qui a lancé cette campagne au Québec suggère de retarder ou d’élever la hauteur de la tonte lorsque les pissenlits sont en fleurs et il n’est donc pas nécessaire de suspendre la coupe durant tout le mois de mai. L’an dernier, cette pratique a occasionné des problèmes dans certaines municipalités qui n’avaient pas le personnel ni l’équipement approprié pour faucher une pelouse devenue prairie! Certaines villes en ont profité pour ne plus tondre du tout certains espaces où personne ne marche et qui deviennent ainsi des prairies permanentes. 

Plusieurs villes ont arrêté de tondre des espaces où personne ne marche. Photo: Edith Smeesters.

Rien ne vous empêche de transformer vous aussi une partie de votre pelouse en un espace plus naturel où vous pourriez voir apparaître des fleurs sauvages comme des épervières, des boutons d’or ou des myosotis s’il y en a déjà dans les environs, mais ne vous attendez pas à obtenir un beau pré fleuri simplement en arrêtant de tondre votre pelouse. Cela demande un peu plus de préparation (lisez l’article sur mon pré fleuri).

Une belle pelouse, c’est important, mais pourquoi pas fleurie tout l’été!

Soyons francs, les pelouses tondues régulièrement jouent un rôle important dans notre vie familiale et sociale, car nous avons tous besoin d’espaces pour relaxer et jouer en toute sécurité. Une pelouse bien entretenue résiste bien au piétinement et à la sécheresse. Le plus important est de ne pas la couper trop court (pas moins de 3 pouces ou 8 cm) et si elle tombe en dormance durant une canicule, rassurez-vous, elle reverdira avec le retour de la pluie.

Mais une belle pelouse ne signifie pas que cela devrait être une monoculture. Si c’est votre cas, vous pouvez y introduire de la biodiversité avec des espèces qui tolèrent une coupe régulière et qui fleurissent une grande partie de l’été comme le trèfle blanc, le thym serpolet, le fraisier sauvage, le lotier, la prunelle, les violettes, etc. Et si vous devez refaire ou installer une nouvelle pelouse, sachez qu’il existe maintenant du gazon en plaques avec du trèfle ou de la biodiversité. Informez-vous!

Une belle pelouse ne devrait pas être une monoculture. Photo: Edith Smeesters.

Attirons tous les pollinisateurs!

Les abeilles ont besoin de pollen et de nectar tout au long de l’été et pas seulement en mai. Elles vont bénéficier de notre contribution à tous pour résister à la pollution et aux changements climatiques. Les abeilles domestiques sont importantes évidemment, mais saviez-vous qu’il existe plus de 860 espèces d’abeilles sauvages au Canada? Celles-ci ne produisent pas de miel et la plupart ne piquent pas, mais elles sont très efficaces pour la pollinisation également. Songez à planter des espèces indigènes pour les attirer, car certaines sont très spécifiques. Pensez aussi aux papillons, comme le monarque qui a besoin de notre asclépiade indigène pour se reproduire. D’autres espèces, comme les bourdons, ont besoin de fleurs très tôt dans la saison et ce sont des arbres comme les saules et les érables qui fleurissent de bonne heure ou des arbustes comme les amélanchiers, les sureaux et les viornes. 

Bref, le Défi pissenlits est une belle initiative écologique pour nous sensibiliser à l’importance des pollinisateurs et nous encourager à créer des aménagements diversifiés et particulièrement des pelouses qui fleurissent tout au long de l’année et pas juste au mois de mai.

Les abeilles ont besoin de pollen et de nectar tout au long de l’été. Photo: Edith Smeesters.

Pour en savoir plus :

Sur les pollinisateurs:

Sur l’entretien d’une pelouse écologique

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