Les enrouleuses: visibles, mais pas très nuisibles
Par Larry Hodgson
Est-ce que vous avez des plantes chez vous — vivaces, arbustes, arbres, etc. — qui présentent une anomalie curieuse: certaines feuilles demeurent enroulées alors que les autres se déploient normalement? C’est tout probablement l’œuvre d’une enrouleuse.
Pour être bien sûr, déroulez une feuille qui est atteinte. Si c’est une enrouleuse, vous trouverez à l’intérieur une petite larve, genre «petite chenille», habituellement de couleur discrète: vert ou brun. Et souvent aussi la feuille aura été mangée «par en dedans», dans lequel cas vous trouverez aussi de petits excréments.
Il s’agit, pour la plupart, de larves de papillons de nuit de la famille des Torticidés. Il en existe plus de 11 000 espèces, présentes dans le monde entier à l’exception de l’Antarctique. Certaines enrouleuses sont spécifiques à un seul genre ou famille de plantes. D’autres sont polyphages: cela signifie qu’elles se nourrissent d’un large éventail d’hôtes.
Cycle de vie
Les œufs, pondus à la fin de l’été précédent, éclosent au printemps. Dans certains cas, la larve éclot à l’automne et hiverne dans le sol sous cette forme, se tissant parfois un abri de soie. Dans les deux cas, la larve monte sur sa plante hôte au moment où ses feuilles sont en train de s’épanouir. Elle se place sur une feuille et sécrète un genre de soie collante qui la retient. Ainsi, elle l’empêche de s’ouvrir. Ce faisant, la larve se crée un abri très pratique où ses ennemis ne peuvent pas l’atteindre. Et d’ailleurs, les pesticides des humains non plus. Ainsi, elle peut faire tout son cycle sans être dérangée.
La plupart des enrouleuses continuent de se nourrir dans leur feuille-abri pendant 3 ou 4 semaines, puis passent 3 ou 4 semaines sous forme de pupes, toujours dans leur abri. Vers le mois de juillet, les adultes sortent et s’accouplent, puis, à la fin de l’été, les femelles pondent leurs œufs à la base de la plante hôte ou dans le sol à son pied. Et puis, le cycle recommence.
Il n’y a qu’une génération par année.
Que faire?
Honnêtement, il n’y a que très peu de choses que vous pouvez faire, surtout une fois que les abris sont visibles. Comme mentionné, les insecticides couramment disponibles (savons, huiles, pyrèthre, etc.) ne peuvent pénétrer l’abri, alors que les insecticides systémiques, qui sont absorbés par la plante et qui la rendent toxique, ont presque tous été retirés du marché. Et de toute façon, voulez-vous vraiment rendre vos plantes toxiques?
Pour les espèces qui hivernent à la base des branches, un traitement à l’huile au stade dormant, donc avant l’épanouissement des feuilles, peut être efficace comme prévention. L’huile étouffe les œufs, prévenant leur éclosion. Mais seulement à condition de savoir sur quelle plante l’appliquer… et les enrouleuses sont très sporadiques. Il y en a en bon nombre certaines années, mais pas du tout d’autres.
Si vous êtes assez rapide, vous pouvez appliquer du BTK (Bacillus thuringiensis kurstakii), une bactérie spécifique aux chenilles, sur la plante au moment où les feuilles se forment. Mais comme le BTK est vite tué par les rayons du soleil et instantanément lavé des feuilles par la pluie, il faut l’appliquer la journée même où la petite larve monte sur la plante. Les chances de réussir sont alors très minces.
De plus, les adultes sont très discrets… et difficiles à distinguer des centaines d’autres petits papillons de nuit aux couleurs ternes qui vivent dans nos jardins.
En fait, la meilleure chose à faire est… de ne rien faire du tout! Il y a rarement assez d’enrouleuses sur une plante pour lui causer des dommages sérieux. Si leur présence vous dérange vraiment, arrachez et détruisez les feuilles atteintes, voilà tout. C’est ce que j’appelle un «cas 15 pas». Reculez de 15 cas. Si vous ne voyez pas le problème, il n’y a pas de problème.
Plieuses et lieuses
Très similaires sont les plieuses et les lieuses. Les plieuses, vous l’aurez compris, n’enroulent pas les feuilles pour former leur abri, mais les plient. Les lieuses collent 2 feuilles ensemble. Dans les deux cas, la larve est alors à l’abri. Le traitement (ou l’absence de traitement) est le même.
Vous trouverez plus de détails sur la lieuse de l’hydrangée dans le billet Qu’est-ce qui colle les feuilles d’hydrangée ensemble?.
Conseil pratique
Une leçon pour les enfants
Si vous êtes en contact avec des enfants, montrez-leur ce phénomène bizarre. Laissez-les ouvrir une feuille, examiner la larve, etc. Expliquez-leur que, même si cela se passe devant leurs yeux, la plupart des adultes ne savent même pas que des enrouleuses existent. Ainsi, peut-être réussirez-vous à instaurer chez eux une curiosité de la nature qui durera toute leur vie.
La curiosité est une grande amie du jardin. 🙂
Bonne journée!
Bonjour m.Hodgson d’abord j’aimerais vous remercier pour votre grande générosité à partager vos connaissances. Vos conseils me permettent d’apprécier encore plus le jardinage et de le faire dans une saine cohabitation avec la nature. Entre autre, la technique des 15 pas est très utile pour moi. Concernant l’article d’aujourd’hui j’ai beaucoup aimé votre rappel de transmettre cet amour et ce respect de la nature à nos enfants. Depuis toujours, je jardine et je profite des beautés de la campagne et de ses nombreux habitants avec mon fils. Maintenant adulte, il partage cette passion dans son rôle de biologiste. Comme quoi un loisirs peu devenir un mode de vie contagieux. Merci de l’enrichir chaque matin avec vos chroniques.
Ce petit papillon de nuit insignifiant ne serait t’il pas pollinisateur ?
Je n’aime pas être obligée de traiter les plantes de mon jardin, alors j’adore cette chronique sur les enrouleuses… je vais les laisser faire ?
Merci de vos précieux conseils M Hodgson… et bonne journée! Prenez soin de vous…
De mon côté c’est les ours.
Merci beaucoup de m’éclairer sur certaine difficulté que j’ai avec mon grand cerisier. Mais j’ai découvert au dos des feuilles se cachent des points noirs et on voit bien que la feuille est malade. Que me proposez-vous pour les faire disparaître ou bien je les laisse là ? Peut-être est-ce une maladie, car c’est la grosseur d’une pointe d’une aiguille ? Je vous remercie, vous êtes une encyclopédie herboriste vivante. Bonne journée et continuité
Reculer de 15 pas me semble un judicieux conseil dans votre cas…
Merci pour cet article …Dure année pour nos 2 Celtis Occidentalis qu’on pensait en fin de vie…Enfin une réponse qui confirme …Seule une horticultrice de Pépinière Auclair à Mont-St-Hilaire avait vu juste…Merci Larry !
Bonjour, encore et toujours merci pour vos articles clairs et précis.
Je suis d’accord avec vous sur les enrouleuses jusqu’à cette année.J’avais constaté les dégâts infligés aux fruitiers les années précédentes sans trop m’en inquiéter parce que les arbres continuaient de bourgeonner après leur passage et récupéraient très bien.
Cette année je ne leur ai donc pas prêté trop d’attention. Comme d’habitude.
Erreur fatale. Comme vous dites elles sont tout à coup beaucoup plus nombreuses. En Bretagne comme au Québec. Tellement nombreuses qu’elles ont attaqué les fruits à peine formés, les poires surtout, les prunes un peu moins. Tous mes fruits sont lépreux parfois même complètement dépecés. Pas très ragoûtant. Je suis certains que les enrouleuses sont les coupables. Aucun autre prédateur en vue. Les oiseaux ni les limaces n’attaquent les fruits à ce stade minuscule.
Les bourgeons de feuilles ont tout de même repris. Maintenant les pucerons s’y mettent.
Autre sujet d’inquiétude. Si les enrouleuses étaient plus nombreuses cette année, qu’en sera-t-il l’année prochaine?
A suivre