Où est passé le gui du temps des Fêtes?
Autrefois, on utilisait beaucoup le gui (Viscum, Phordendron et autres) comme décoration du temps des Fêtes. D’ailleurs, on accrochait une tige au plafond, car la tradition voulait qu’un homme et une femme qui se rencontraient sous le gui devait s’embrasser. Je me souviens d’avoir mis la tradition en pratique.
Je devais avoir 15 ou 16 ans et j’avais été invité à une fête de Noël pour les jeunes bénévoles d’une association, fête tenue dans le sous-sol d’une résidence privée, Évidemment, il y avait une tige de gui fixé au plafond. J’ai vite vu l’avantage de la situation et me suis installé tout près, question d’embrasser le plus de belles filles que possible. C’était généralement un petit bec de type fraternel, mais parfois un peu plus durable et un peu plus intense. En fait, j’ai eu mon premier «vrai baiser» sous cette tige de gui, rapidement suivi d’un second et d’un troisième. Dans ma vie d’adolescent, c’était encore plus efficace que le jeu de la bouteille pour se rapprocher d’une jeune fille!
Je tiens à souligner qu’il ne s’agit pas seulement d’un autre machisme sexiste. Je vous assure que certaines jeunes demoiselles se tenaient aussi près du gui que moi en espérant que le garçon de leur choix passe dessous… et j’ose même dire que certaines n’étaient pas très difficiles quant à leur choix. Donc, le système fonctionne dans les deux sens!
Je ne vois plus de gui
Je n’ai pas vu de gui en vente à Noël depuis des années. En fait, depuis des décennies. Aucune des jardineries locales ne l’offrent. Je ne vois plus que du gui en plastique de nos jours! Qu’est-il arrivé avec le vrai produit?
J’espère qu’un de mes lecteurs saura, car j’aimerais bien comprendre pourquoi une tradition si intéressante liée aux plantes (et si pratique pour un ado très timide) soit en train de disparaître.
Peut-être que c’est le prix du produit qui est trop exorbitant? Car j’ai trouvé quelques sources sur l’Internet qui vendent une branche de gui… mais pour environ 15$ (10,5€), plus frais de livraison. Oui, pour une seule mince branche. C’est beaucoup trop cher!
(Aux Européens qui lisent cette chronique et se demandent pourquoi je ne vais pas tout simplement recommander aller couper du gui dans une forêt quelconque, il faut comprendre qu’il n’y pas de gui, autre que le gui nain, essentiellement invisible, dans le pays où je réside [le Canada]. Afin de pouvoir en cueillir, il faudrait que les Canadiens aillent en Europe ou au sud des États-Unis, ce qui coûterait encore bien plus cher que de faire venir une tige par la poste!)
Ou peut-être les gens ont banni le gui de leur demeure à cause de sa toxicité, car la plante est réputée toxique. Mais cela n’est pas logique non plus. Car les mêmes gens ne se gênent pas de décorer avec des tiges de houx (Ilex) alors que ses baies sont toxiques aussi. De toute façon, à la fois le gui et le houx ne sont que «légèrement toxiques», que ce soit pour les humains et les petits animaux. Manger quelques baies ne donnera qu’un petit mal de ventre.
Programme d’appréciation du gui
Je crois qu’il faudrait commencer une sorte de «programme d’appréciation du gui», sinon la tradition disparaîtra à jamais en très peu de temps.
Savez-vous reconnaître le gui?
Laquelle de ces 3 plantes est le gui?
Déplacez le curseur sur l’image pour voir si vous avez raison.
D’ailleurs, de moins en moins des gens savent reconnaître le gui. Mon expérience est que beaucoup de gens confondent le gui et le houx. Pourtant, les deux ne se ressemblent aucunement. Le gui a des feuilles lisses et relativement étroites et des baies blanches; le houx (ou du moins le type d’houx utilisé à Noël) a des feuilles coriaces, luisantes et piquantes ainsi que des baies rouges. Essayez le test Savez-vous reconnaître le gui? ci-dessous pour voir si vous êtes capable de les distinguer.
D’ailleurs, même sur l’Internet, si vous entrez le terme «gui de Noël» dans un moteur de recherche, au moins la moitié du temps on vous présentera une image de houx! C’est donc une confusion assez généralisée!
Ce qui m’inquiète surtout est que nos jeunes risquent de s’embrasser par accident sous une tige de houx. Quel faux pas social!
Quelques détails au sujet du gui
Maintenant que vous savez le reconnaître, voici quelques faits divers sur le gui qui pourraient peut-être aider à redorer son blason:
- La tradition du gui comme plante de Noël est antérieure au christianisme. Les druides, entre autres, vénéraient le gui pour sa capacité à rester vert l’hiver, même lorsque toutes les plantes des environs perdaient leurs feuilles.
- Le fait que le gui soit une plante médicinale et aussi un peu toxique n’est pas étranger à l’intérêt que les druides y portaient: ils voyaient dans les plantes médicinales et toxiques une grande puissance spirituelle.
- On pense que la coutume de suspendre le gui à la fin de l’année provienne de la tradition druide de déposer les armes et d’échanger des salutations sous le gui.
- Le gui est un hémiparasite. Il adhère à un arbre ou un arbuste au moyen d’un suçoir et vit des minéraux, des sucres, de l’eau, etc. contenus de la sève de son hôte. Il n’est toutefois pas un parasite total, car la plupart des espèces de gui font un peu de photosynthèse et ne dépendent donc pas totalement de leur hôte pour leur survie.
- Le gui tue souvent la branche sur laquelle il se développe. Une infestation vraiment lourde, avec de nombreux guis, peut tuer l’arbre hôte.
- Le gui des druides (Viscum album) est une espèce strictement européenne, mais il existe des espèces similaires (du genre Phoradendron) dans les régions tempérées chaudes de l’Amérique du Nord… et il y a des centaines d’espèces de gui dans les régions tropicales du monde entier.
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Le gui est diffusé par les oiseaux qui mangent les baies et transportent les graines par mégarde sur d’autres plantes hôtes. Souvent, les graines très collantes (notez le nom botanique Viscum qui veut dire visqueux) adhère au bec de l’oiseau qui essaie alors de les enlever en frottant son bec contre une branche. Les graines y restent collées et, si les conditions sont bonnes, germent et infestent le nouvel hôte. D’autres oiseaux avalent les graines tout rond et elles passent intactes à travers leur système digestif pour être déposées sur une branche dans leurs fientes.
- Dans plusieurs régions où l’on fait de la récolte commerciale de gui (pour le marché de Noël ou pour l’industrie pharmaceutique), le gui est récolté en tirant sur la plante avec un fusil afin de la faire tomber de son arbre. D’autres cueilleurs utilisent un lance-pierre ou une grande échelle.
- Le gui américain (Phoradendron leucarpum) est la fleur d’état de l’Oklahoma. Il ressemble beaucoup aux guis européens et est récolté lui aussi pour le marché des Fêtes.
- Dans le nord de l’Amérique du Nord (y compris l’ensemble du Canada), le seul gui local est le gui nain (Arceuthobium spp.). Cette forme très petite pousse principalement à l’intérieur des tissus de son hôte, toujours un conifère, et provoque souvent la formation d’un balai de sorcière. La petite partie exposée à l’air est trop petite pour servir de décoration et d’ailleurs, passe généralement inaperçue.
- Toutes les parties du gui sont toxiques… ce qui n’empêche pas les humains d’utiliser le gui en médecine. En Europe, les préparations à base de gui ont été approuvées pour traiter le cancer et même le SIDA.
Le gui: une plante des plus étranges, mais porteuse d’une longue et intéressante histoire d’utilisation. Il serait regrettable que la vénérable tradition du «gui du temps des Fêtes» disparaisse complètement.
Effectivement en Europe, acheté hier au marché: 1 bouquet de 3 belles branches pour 3,50 euros (5 dollars canadiens). On ne l’accroche plus tellement au plafond, car la tradition de s’embrasser dessous se perd aussi, mais nous l’utilisons encore beaucoup pour décorer.
Mais si je comprends bien, nous on vous envie vos Noëls blancs; vous notre gui: ce n’est que justice!!!
Joyeux Noël à tous.
D’ailleurs, Doris, tout est déjà bien blanc ici (à Québec du moins, sûrement pas partout au Canada). D’ailleurs, aussitôt ce message terminé, il faudrait que j’aille dégager mes entrées: une bonne demi-heure de pelletage m’attends… et j’adore pelleter la neige!
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Merci pour cette belle histoire du gui. Dommage que la tradition se perde !
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