Categories

Recherche

Les fêtes des semences: une tradition à cultiver

Je crois que mon événement horticole préféré de l’année est la Fête des semences et de l’agriculture urbaine de Québec. Vous me pardonnerez mon parti pris assumé! Je sais qu’il existe de nombreux événements liés aux semences chaque hiver, au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde. Cependant, Québec étant ma ville natale, j’éprouve toujours une joie particulière à y être pendant ces quelques jours au début du mois de mars et à me retrouver parmi tant de visages familiers.

Souvenir de l’édition 2023.

Une tradition familiale…

C’est aussi une tradition familiale. Mon père, Larry Hodgson, participait régulièrement à cette Fête des semences. Presque chaque année, je passais le voir à son kiosque où il vendait ses livres et discutait avec les visiteurs. Il était si populaire qu’il m’était presque impossible d’échanger quelques mots avec lui. En 2013, lors de la 4e édition, il a même été porte-parole de l’événement. Après son décès en 2022, on m’a invité à participer à la fête, et j’y retourne chaque année pour perpétuer cette belle tradition familiale.

… et ancestrale

Mais les fêtes des semences s’inscrivent dans une tradition bien plus ancienne, profondément ancrée dans nos cultures, remontant probablement aux premières sociétés agricoles sédentaires, il y a environ 10 000 ans. Bien avant l’apparition des catalogues de semences et des multinationales de l’agriculture, les jardiniers et paysans échangeaient déjà leurs semences entre voisins, partageant ainsi leurs meilleures variétés adaptées aux conditions locales. De plus, les familles transmettaient précieusement leurs semences de génération en génération, perpétuant un héritage agricole et une biodiversité essentielle. Les fêtes des semences d’aujourd’hui reprennent cet esprit de communauté.

Un mouvement moderne

Elles tirent également leur origine d’un mouvement visant à contrer l’uniformisation des cultures et la domination des grandes entreprises semencières. Les fêtes des semences sont essentielles pour plusieurs raisons: elles permettent la préservation de la biodiversité en sauvegardant les variétés patrimoniales et locales, souvent absentes des catalogues commerciaux; elles favorisent l’indépendance alimentaire en réduisant la dépendance aux grandes entreprises et en promouvant des semences libres; et elles encouragent l’adaptation aux conditions locales, en facilitant l’échange de graines adaptées aux climats et sols spécifiques d’une région.

Dans les années 1970 et 1980, des groupes comme Seed Savers Exchange aux États-Unis ont commencé à organiser des événements d’échange de semences pour protéger ces variétés et promouvoir des semences diversifiées. Aux États-Unis, le National Seed Swap Day, célébré chaque dernier samedi de janvier par des évènements d’échange de semences à travers le pays, en est un exemple emblématique. En Europe, les fêtes des semences ont émergé dans les années 1990 et 2000, souvent en réponse aux réglementations strictes de l’Union européenne, qui favorisaient les variétés commerciales inscrites dans des catalogues officiels. Ces événements ont donc pris une dimension politique, permettant de protester contre ces normes tout en sensibilisant à l’importance des semences locales et à la préservation de la diversité génétique.

L’essor des fêtes des semences au Canada et au Québec

Au Canada, Semences du patrimoine (Seeds of Diversity), fondé en 1984 sous le nom de «Heritage Seed Program», a vu le jour pour préserver la diversité génétique des cultures vivrières. L’organisation a organisé son premier échange de semences en 1988, suivi en 1990 par le premier Seedy Saturday, un événement communautaire où les jardiniers, agriculteurs et passionnés de biodiversité peuvent échanger des semences, assister à des conférences et découvrir des variétés adaptées aux cultures locales, lançant ainsi un mouvement national. Ces événements ont depuis favorisé la transmission des savoirs, en encourageant le partage des connaissances sur la conservation des semences et le jardinage écologique, tout en renforçant les liens sociaux et communautaires. Devenu indépendant en 1995 sous le nom de «Semences de la diversité», l’organisme a établi des partenariats clés et lancé des initiatives comme la Bibliothèque canadienne des semences, qui conserve aujourd’hui plus de 2 900 variétés rares.

Inspirée par les Seedy Saturdays, la première des fêtes des semences au Québec a vu le jour en 2001 à Montréal. Ces événements ont été créés pour promouvoir les semences biologiques et locales, tout en sensibilisant les jardiniers à l’importance de préserver la biodiversité dans les potagers. Depuis, ces fêtes se sont multipliées à travers la province, devenant une tradition hivernale rassemblant producteurs de semences et jardiniers amateurs dans un esprit de communauté.

Ainsi, les fêtes des semences incarnent bien plus qu’un simple événement de troc ou de vente de semences; elles renforcent la résilience face aux crises, soutiennent l’économie locale, encouragent l’innovation horticole et valorisent les pratiques écologiques, tout en célébrant un patrimoine culturel vivant.

Qu’est-ce qu’on y trouve?

Mais ce ne sont pas seulement des événements militants! Les fêtes des semences sont avant tout des rassemblements conviviaux où le jardinage est à l’honneur. On y retrouve une multitude d’activités: des kiosques de producteurs locaux proposant des semences biologiques et des produits liés à l’agriculture durable, des conférences, des ateliers pratiques et des démonstrations sur des sujets variés comme la conservation des semences, le jardinage écologique et le rôle essentiel des pollinisateurs.

À plusieurs de ces événements, les visiteurs ont l’occasion d’échanger des graines locales et patrimoniales, souvent autour d’une table de troc où chacun partage ses trouvailles horticoles. Les familles ne sont pas en reste, avec des activités ludiques pour les enfants.

C’est un moment privilégié pour rencontrer des passionnés, poser des questions à des experts et repartir avec une foule d’idées… et de nouvelles graines pour son potager! Pourquoi ne pas débuter une tradition en visitant une fête des semences près de chez vous cette année?

Trouver une Fête de semences près de chez vous:

Au Québec
Au Canada

La Fête des semences et de l’agriculture urbaine de Québec 2025 se tiendra les 1er et 2 mars au pavillon Alphonse-Desjardins de l’Université Laval. Cet événement gratuit rassemble plus de 65 exposants et propose des conférences, réparties entre présentations sur place et en ligne. Sous le thème «Cultivons la biodiversité», les sujets incluront la lutte biologique, les pollinisateurs, la santé des sols, et les plantes envahissantes ou indigènes.

Les visiteurs pourront participer à des ateliers et profiter d’une activité gratuite de partage de semences. L’événement met également en avant des produits locaux, écoresponsables et gourmands. Avec des activités familiales et des opportunités d’apprentissage, la Fête des semences célèbre la biodiversité et l’agriculture urbaine dans un cadre convivial et éducatif.

J’y serai avec Audray de tisanji pour échanger avec vous sur les plantes, l’aménagement et, bien sûr, les semences ! En prime, une surprise spéciale t’attend : un petit cadeau qui attirera les pollinisateurs et embellira ton espace avec une touche naturelle… mais chut, on garde un peu de mystère ! Attention, il n’y en aura pas pour tout le monde ! Premier arrivé, premier servi.


  1. Bravo Matthieu pour cet article!
    La popularité toujours grandissante de ces évènements mérite qu’on en parle! On a tant de bons producteurs de semences locales qui s’efforcent avant tout de fournir une biodiversité adaptée au climat de chaque région. Qui de mieux placé que ces petits producteurs locaux pour conseiller les jardiniers amateurs sur la culture de ces légumes, fleurs, fines herbes et fruits dont ils ont eux même cultivés pour en récolter les semences.

  2. Je suis allé cette année pour la première fois à Nicolet et j’ai bien aimé y voir des cultivateurs chevronnés mais surtout passionnés qui connaissent très bien leurs semences et surtout ce qu’elles deviennent: hauteur et largeur; ça aussi c’est important.

  3. Dommage qu’on a pas de fête des semences au n.b.

  4. J’y suis allé en 2024, à Québec. C’était la première fois et je fais pourtant un potager depuis de plusieurs années. J’ai beaucoup aimé les conférences et les échanges sur place. Vous y étiez, ainsi que Lili Michaud, Jean-Martin Fortier et de nombreux autres. Très intéressant.

  5. Merci Mathieu de nous rappeler les origines de cet événement et son importance pour remettre entre les mains des jardiniers, amateurs et professionnels, le pouvoir de la culture locale.

  6. Merci pour ces informations intéressantes. Je suis nouveau à Québec et j’ai apprécié connaître ces informations qui permettent de contourner le lobby des grandes compagnies de semences..

  7. Ulysse Desranleau Dandurand

    Je vais à la fête des Serres St-Élie, à Sherbrooke, à chaque année. C’est là que j’ai acheté mes semences de pré fleuri avec espèces indigènes Akène. C’est une idée de jardinage que je n’aurais pas eu sans la fête.