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Le fulgore tacheté: un bel envahisseur aux portes du Canada

J’ai presque abandonné les contenants sensibles au gel, comme ceux en terre cuite. Bien que ce soit mon style préféré, je n’arrive pas à me résoudre à les vider de leur terreau et à les mettre à l’abri pour l’hiver. Je privilégie donc des pots plus résistants, même s’ils sont moins esthétiques. Un sacrifice au nom de la paresse!

Je dis «presque» abandonné, car il m’en reste encore quelques-uns que j’utilise comme points focaux en y plantant des annuelles fleuries pour égayer la terrasse en été. Avec les premières gelées d’automne, le moment est venu pour les jardiniers de protéger les pots pour l’hiver. Mais attention! En les rentrant à l’abri, vous risquez de protéger malgré vous un insecte figurant sur la liste des parasites réglementés au Canada: le fulgore tacheté.

Le fulgore tacheté adulte. Source: Inspection Canada.

Un bel envahisseur

Sous ses airs élégants et son allure colorée, le fulgore tacheté (Lycorma delicatula) est un véritable artiste du camouflage et un plaisir visuel… avant de se révéler être un cauchemar écologique. Mesurant environ 25 mm de long et 12 mm de large, cet insecte ne passe pas inaperçu. Ses ailes antérieures, brun clair ou grisâtre, sont décorées de motifs mouchetés. La base de ces ailes est recouverte de petits points noirs tandis que le haut présente des bandes foncées qui semblent presque peintes à la main.

Les ailes postérieures sont d’un rouge éclatant orné de points noirs qui captent l’œil. Cette touche de rouge est suivie d’une bande blanche centrale, tandis que le bout des ailes affiche un noir profond strié de petites lignes blanches en éventail. Ajoutez à cela un abdomen jaune rayé de noir, et voilà un insecte difficile à confondre avec un autre au Canada!

Les larves du fulgore sont également distinctives, d’abord noires et blanches, puis elles acquièrent du rouge à mesure qu’elles grandissent. Un beau mélange de couleurs, mais attention, ce n’est pas un invité de jardin que l’on veut voir proliférer!

Des œufs à l’adulte

Le fulgore tacheté commence son cycle au stade d’œuf, résistant à l’hiver, déposé par la femelle dès septembre. Les œufs, regroupés en masses d’environ 2,5 cm, ressemblent à des petites graines disposées en rangées serrées et sont protégés par une substance cireuse grisâtre qui les camoufle. Ce revêtement se dégrade au fil du temps, mais leur apparence particulière persiste.

Masse d’oeufs – D’octobre à juin. Source: Inspection Canada.

Les œufs éclosent au printemps, généralement d’avril à juin, libérant des larves qui grimpent aux arbres pour se nourrir de la sève des jeunes feuilles et tiges. À chaque stade de développement, les larves, d’abord noires et blanches, puis rouges, alternent entre la cime des arbres et le sol, montant et descendant dans un cycle qui s’amplifie à mesure qu’elles grandissent.

Jeunes larves. Source: Inspection Canada.

En juillet, les larves matures se transforment en adultes reconnaissables, prêts à continuer leur cycle et à se reproduire, bouclant ainsi une génération annuelle.

Un appétit vorace

Le fulgore tacheté est un vrai glouton quand il s’agit de plantes hôtes. Ce petit envahisseur piqueur-suceur raffole du «phloème», une substance sucrée indispensable pour la croissance des plantes. Son menu est varié, et il s’attaque aussi bien aux arbres fruitiers qu’aux feuillus: pommiers, cerisiers, peupliers, érables et chênes sont tous au menu, en passant par l’incontournable ailante glanduleux (Ailanthus altissima) – son hôte préféré. Cette plante, souvent appelée arbre du paradis, est d’ailleurs une espèce envahissante elle-même!

L’ailante glanduleux (Ailanthus altissima) est un hôte de choix pour le fulgore tacheté. Photo: seven75

Le problème avec le fulgore tacheté, c’est qu’il ne se contente pas de grignoter un peu ici et là: il s’installe en groupe et se nourrit de la sève en affaiblissant les tiges, les feuilles et les pétioles. Les dégâts sont bien visibles. En suçant cette sève précieuse, il peut réduire la capacité de photosynthèse des plantes, ce qui ralentit leur croissance et, à terme, peut même les tuer.

Et ce n’est pas tout! Les adultes laissent derrière eux des sécrétions sucrées, appelées miellat, qui encouragent la formation de moisissures et de champignons. Ce phénomène peut littéralement étouffer les plantes sous une couche de moisissure noire, coupant leur accès à la lumière et ajoutant un stress supplémentaire qui peut mener à leur déclin.

Un passager clandestin redoutable

Le fulgore tacheté se propage de façon efficace et sournoise. Cet insecte se déplace sur de courtes distances en marchant, sautant ou volant. Mais le vrai coup de maître, c’est sa capacité à parcourir de longues distances… sans effort! Il se laisse tout simplement transporter par nous, les êtres humains. Ses œufs, pondus en petits amas bruns sur des surfaces lisses, peuvent être déposés sur des voitures, des meubles de jardin, du bois de chauffage, des équipements agricoles et bien d’autres objets.

Ainsi, sans le savoir, lorsqu’on déplace ces objets, on transporte aussi les œufs du fulgore d’un endroit à l’autre. En bref, un simple déménagement ou le transport de matériel d’un lieu à un autre peuvent transformer une colonie localisée en invasion généralisée!

Aux portes du Canada

Originaire de l’Asie de l’Est, le fulgore tacheté a débarqué sur le continent américain en 2014, et a d’abord été observé en Pennsylvanie. Depuis, il a étendu son territoire aux États voisins, comme le New Jersey, la Virginie et l’État de New York, formant des colonies impressionnantes. Les autorités américaines sont sur le qui-vive, car il représente une menace directe pour les vignobles, les vergers et les forêts. Plusieurs campagnes de sensibilisation et des mesures de contrôle sont en place pour tenter de limiter ses déplacements.

Larves âgées – De juillet à septembre. Source: Inspection Canada.

Au Canada, il n’a pas encore établi de colonies… mais ce n’est peut-être qu’une question de temps! Quelques œufs ont été interceptés sur des cargaisons en provenance des États-Unis, mais, pour l’instant, il n’a pas conquis nos jardins. Des observations de l’insecte, mort ou vivant, ont été signalées au Manitoba, en Ontario, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et au Québec. L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) surveille cependant de près toute détection de fulgores tachetés, car, si cet insecte venait à s’installer, il pourrait perturber certains secteurs agricoles et naturels importants du pays.

Empêcher la propagation

Pour empêcher la propagation du fulgore tacheté, il est essentiel d’adopter certains gestes simples, mais efficaces. Avant tout déplacement, il est recommandé d’inspecter soigneusement son véhicule, remorque, ou équipement de plein air comme les VTT. Surveillez aussi les meubles et équipements de jardin et vos bacs à fleurs. Concernant le bois de chauffage, privilégiez les achats locaux et laissez tout bois inutilisé sur place pour éviter de transporter les œufs d’une région à l’autre.

En cas de découverte de masses d’œufs, d’œufs ou de larves, la destruction est la meilleure option. Grattez et plongez les masses d’œufs dans de l’eau savonneuse ou de l’alcool à friction pour éviter leur éclosion, et écrasez les larves ou adultes dès que possible. Pour signaler les observations, contactez l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA).

En adoptant ces mesures simples, chacun peut contribuer à protéger notre environnement des ravages du fulgore tacheté.


commentaire sur "Le fulgore tacheté: un bel envahisseur aux portes du Canada"

  1. Un gros merci pour cette info essentielle pour la survie de nos plantes, forêts et de notre agriculture. Ces nouveaux envahisseurs font des ravages rapidement et bien coûteux, soyons vigilants.

  2. Merci,
    On reste aux aguets.

  3. Oh très intéressant ! Avec votre article bien fait , on va pouvoir identifier sa présence sur plusieurs stades de son développement. Moi qui pensait qu’un papillon était une chenille au début de son développement.

  4. Un gros merci pour cette information. Nous surveillerons l’envahisseur.

  5. Je ne connaissais pas alors cet article est important : clair, net et précis. Merci.

  6. Merci ! Je porterai attention, et informerai mes voisins.

  7. Merci ! J’ouvre l’oeil au verger.
    La fulgore est quand même une belle bibitte.

  8. On a vu cette bestiole à l’été 2024 au nord du Maryland et au sud de la Pennsylvanie. Elle est effectivement très belle….c’est sa beauté qui a attiré notre regard. Je ne connaissais pas son côté destructeur. Merci pour les informations. On va garder les yeux ouverts.

  9. J’habite la région de Gatineau et à l’automne nous sommes littéralement envahis par des petites bestioles ressemblant à des coccinelles mais plus ternes. Plus orangées que rouges.
    Qu’est-ce que c’est et comment s’en défaire ? Ça vole, ça rentre dans nos maisons. Une plaie !!
    Merci !

  10. C’est une bonne idée de partager ce genre d’informations. Plus de gens le reconnaissent, plus on a de chances de retarder son installation chez nous! Merci Mathieu

  11. Merci pour l’info précieuse !

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