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La reine-des-prés: l’herbe aux abeilles qui fait du bien aux humains

La reine-des-prés, cette plante majestueuse au nom royal, cache bien plus que sa beauté vaporeuse. À la fois ornement de jardin et trésor médicinal, elle incarne une véritable alliée pour notre santé et notre bien-être. Dans cet article, nous explorerons les multiples facettes de cette plante fascinante: ses atouts au jardin, son histoire liée à l’aspirine, ses propriétés médicinales surprenantes et ses usages variés.

Que vous soyez jardinier passionné, amateur de remèdes naturels ou simplement curieux, la reine-des-prés vous réserve de nombreuses découvertes. Plongeons ensemble dans l’univers de cette plante qui mérite amplement sa couronne.

Reine-des-prés

La reine-des-prés (Filipendula ulmaria), avec le saule notamment, est un bon exemple d’aspirine végétale. Bien que ce soit en réalité du saule qu’on ait extrait la salicyline pour créer éventuellement l’acide acétylsalicylique, connu sous la marque de commerce Aspirine, les deux plantes sont riches en composés salicyliques qui portent les vertus fébrifuges, antalgiques et anti-inflammatoires et ont été utilisées à cet effet depuis l’Antiquité.

D’ailleurs, le nom «aspirine» est une allusion à la reine-des-prés. Il vient d’une contraction de «A» pour Acétyl et «spir» pour spirée, car à l’époque les botanistes plaçaient la reine-des-prés dans le genre Spirea.

À ce propos, on élaborera plus tard, mais j’aimerais déjà annoncer que la reine-des-prés utilisée dans son totum (toute la plante, par opposition à l’acide acétylsalicylique) ne cause pas comme ce dernier de brûlements d’estomac. Bien au contraire, elle est utile dans le traitement d’ulcères d’estomac (et d’ailleurs, pour tous les ulcères).

Pour finir, j’aimerais rapporter le trait d’humour du Dr Éric Lorrain, qui souligne que la reine-des-prés a survécu à la Révolution française, mais que malgré tout nous devons l’étêter (récolter les sommités fleuries) pour en profiter.

Description botanique

Son nom latin Filipendula ulmaria peut laisser perplexe. Filipendula vient du latin filum, fil, et Pendulus, pendant. Pourtant, on ne voit rien de pendant dans les parties aériennes. C’est que cela fait plutôt référence aux tubercules qui sont suspendus aux racines. Ulmaria, quant à lui, décrit la pseudo ressemblance de la feuille de la reine-des-prés avec celle de l’orme. Et là, franchement, on a besoin d’imagination, car hormis le pourtour denté et l’asymétrie des folioles, je n’y vois pas beaucoup de ressemblance.

En fait, la reine-des-prés ressemble beaucoup aux spirées tant au niveau des dimensions que de la floraison. Certes, c’est une herbacée, donc ses branches ne sont pas ligneuses (en bois). Toutes les deux sont composées de grappes de minuscules fleurs à 5 pétales blanches, avec pistil et étamine proéminents par rapport à la grandeur de la fleur.

Au jardin

Ne rien oublier au jardin

Un article, c’est pratique pour découvrir les usages d’une plante, mais si vous avez plusieurs plantes au jardin, le mieux est de faire votre liste de végétaux ou encore votre plan de jardin sur Tisane et jardin. Tisane et jardin vous donne toutes les infos de culture, un calendrier pour l’implémentation, les soins et aussi les récoltes. De plus, Tisane et jardin indique tous les usages et propriétés de la plante. Ainsi, vous pouvez faire des recherches pour savoir quelles plantes au jardin seraient cicatrisantes, digestives, etc.

Les usages en paysagement

Vous vous cherchez une plante vivace aux allures arbustives pour éclairer un coin frais à la mi-ombre, la reine-des-prés pourrait bien être une plante de choix. Bien que ce soit une espèce introduite, la plante qui a le surnom d’herbe aux abeilles est très visitée par ces dernières. On ne peut d’ailleurs pas leur en vouloir: avec ses plumeuses et vaporeuses hampes florales et son séduisant arôme, qui saurait résister? Et pourtant, habituellement les chevreuils, eux, ne s’y intéressent guère!

Une fois implantée, la reine-des-prés se débrouille généralement toute seule. Elle va même s’imposer aux plantes adventices et s’assurer que sa plate-bande reste bien propre. Chez moi, je ne fais plus que la récolter. C’est une récolte agréable à cause de son parfum, mais nécessaire puisque c’est une plante fort appréciée en infusion pour bien des situations, ce qui fait qu’à la floraison, mes réserves sont toujours vides.

Généralement, ces plantes très adaptables et robustes sont qualifiées d’envahissantes, mais celle-ci a une croissance assez lente, donc oui, après une dizaine d’années vous devrez réduire sa taille, mais elle ne demande pas une surveillance active et tend à rester là où elle a été plantée.

Au jardin, bien qu’elle soit une plante herbacée, elle a vraiment une allure arbustive. Dès le mois de juin, elle atteindra 1,20 m de haut et s’étendra sur environ 50 à 60 cm. Pour sa hauteur, mais surtout sa hampe fleurie d’un blanc crème aux allures plumeuses, j’aime l’utiliser en arrière-plan pour éclairer mes plates-bandes un peu sombres. On peut aussi l’utiliser comme on utiliserait une spirée (dont elle a, dans le passé, partagé le genre rappelons-le), pour apporter de la hauteur.

La reine-des-prés préfère la mi-ombre, mais tolérera une ombre plus importante (ce qui réduira la floraison) et le plein soleil. Idéalement, on lui offre un sol drainé, mais humide. Cela dit, elle aime l’eau et tolérera les sols détrempés ou mal drainés. Également, une fois implantée, elle démontre une bonne tolérance aux sécheresses, mais appréciera malgré toute la fraîcheur du paillis. Rustique jusqu’en zone 3, elle est également heureuse dans les régions plus chaudes comme à Montréal.

Je ne connais et n’ai jardiné que l’espèce originale Filipendula ulmaria, mais il existe de nombreux cultivars ornementaux, dont F. ulmaria ‘Aurea’, F. ulmaria ‘Flore-Pleno’, F. ulmaria ‘Variegata’ qui ont reçu la mention coup de cœur de Larry Hodgson qui, en outre, mentionne que le genre Filipendula contient 12 espèces pour offrir un grand choix de grandeurs et de coloris. Je n’ai cependant aucune information concernant les propriétés et usages de ces espèces et cultivars. N’hésitez pas à me dire en commentaires si vous avez des sources complémentaires ou des expériences personnelles avec celles-ci, cela serait super intéressant.

La multiplication

Si vous désirez faire des semis, vous pouvez semer directement en terre à 2 mm de profondeur à l’automne et laisser mère Nature faire la stratification. Sinon, le traitement au froid devra durer entre 8 et 12 semaines. Ensuite, vous pouvez vous attendre à 4 à 12 semaines pour la germination; c’est pourquoi elle peut être plus difficile à réussir.

Par contre, si vous avez une connaissance qui a des plants bien établis, alors le plus facile sera de diviser les plants existants, même si son système racinaire peut être coriace et exiger de la force pour être divisé.

Récoltes

On récolte la sommité fleurie (c’est-à-dire l’inflorescence) lorsque la plante est en fleurs. Normalement, la récolte a lieu fin juin ou début juillet. Pour connaître le moment optimum, observez les abeilles (fines connaisseuses): lorsqu’elles visitent amoureusement votre plante, c’est le moment idéal! Souvent, la reine-des-prés nous offre une 2e floraison en fin d’été, que l’on peut également récolter.

À la récolte de sommités fleuries, on peut ajouter quelques feuilles caulinaires, bien que celles-ci soient moins prisées médicinalement.

Transformation

C’est l’une des plantes les plus faciles à faire sécher. Je retire les tiges proéminentes, qui prennent plus de temps à sécher, mais je conserve les grappes.

Son séchage, à température ambiante ou dans un séchoir (à température maximale de 45 °C), prendra, selon le taux d’humidité de l’air, entre 1 et 2 jours. Contrairement à plusieurs plantes, elle ne deviendra pas cassante en séchant et gardera une certaine souplesse.

On peut également faire une teinture avec de l’alcool doux (40%) ou un vinaigré (avec un vinaigre qui a au minimum 8% d’acidité) en coupant la plante finement et en la laissant macérer 3 semaines. Pour plus de détails sur la fabrication des teintures et vinaigrés, suivez mon article sur les concentrés liquides.

Dans l’assiette

Exclusivement utilisée avec parcimonie comme condiment (là où un parfum fruité et vanillé serait intéressant). Par exemple, pour aromatiser une salade de fruits ou un mélange laitier destiné à faire une crème glacée. La reine-des-prés aromatise également le vin et la bière. Il faut se rappeler que de nombreuses personnes allergiques à l’aspirine pourraient ne pas tolérer ces plats et boissons. Heureusement, l’aspirine étant bien connue, il est rare qu’une personne allergique soit ignorante de son allergie.

Usages médicinaux

On utilise la plante pour contrer la fièvre, les courbatures et les maux de tête grippaux et comme anti-inflammatoire et antalgique (analgésique).

Plus étonnant: on utilise avec bonheur la reine-des-prés dans plusieurs cas d’inconfort digestif. Que ce soit pour les ulcères ou l’hyperacidité, la reine-des-prés vient rééquilibrer et guérir les muqueuses. Au point où David Hoffmann, auteur de Medical Herbalism[1], la décrit comme un des meilleurs remèdes digestifs. C’est surprenant, considérant que l’aspirine a plutôt mauvaise réputation dans ce domaine, mais n’oublions pas que l’aspirine est un acide salicylique, dont l’acide est manquant dans la plante. Notons aussi la présence des tanins (notamment les ellagitanins) qui resserrent les muqueuses, influencent le microbiote et ont un effet anti-inflammatoire.

On la consomme principalement en tisane:

2 cuillères à thé de sommités fleuries séchées par tasse. Infusée 10-15 minutes et servie de préférence avec du miel (ou encore du jus de cassis, du romarin ou de la menthe) pour en atténuer l’amertume. On peut prendre 1 tasse par heure, jusqu’à 4 fois par jour.

Pour ce qui est des teintures et vinaigrés, voici une recommandation des dosages:

Selon votre constitution, la dose idéale contre la fièvre et la douleur se situera entre 5 et 30 gouttes et vous pourrez en reprendre chaque heure, jusqu’à environ 90 gouttes par jour. Comme toujours, commencez à dose plus petite et augmentez jusqu’à l’obtention des résultats voulus.

En externe: on peut utiliser une infusion forte (6 cuillères à thé par tasse d’eau) dans des crèmes antalgiques. En effet, la reine-des-prés n’est vraiment pas intéressante en macération huileuse (ses composants étant fortement polaires), mais dans une crème, la phase aqueuse est mélangée à une phase huileuse (qui, elle, aide à l’absorption). Pour cet usage, la reine-des-prés offre une belle synergie avec la gaulthérie couchée, aussi appelée petit thé des bois (Gaultheria procumbens). Voici un petit article pour vous aider à créer vos propres crèmes (c’est facile!).

Les propriétés médicinales de la reine-des-prés

Quand on pense à l’aspirine végétale, on pense bien entendu aux propriétés fébrifuges (contre la fièvre), analgésiques et anticoagulantes. Mais parce que la reine-des-prés, avec l’ensemble de ses composés actifs, est bien plus que cela, on ajoute les qualités anti-inflammatoires, antiulcéreuses et antiacides comme propriétés principales de la plante.

PropriétésProblématiquesReine-des-présAspirine
FébrifugeLa fièvre3[1], [2], [3]4
Anti-inflammatoireL’inflammation, les courbatures3[1], [2], [4]2
AnalgésiqueLa douleur, les maux de tête grippaux3[2], [4]4
Antiulcéreuse et antiacideLes ulcères, l’hyperacidité2[1], [2]4
Anticoagulante*Les risques d’hémorragie lors d’opérations chirurgicales2[2], [4]4
*Alors que l’effet anticoagulant est bien documenté chez l’aspirine (par exemple, il faut éviter d’en utiliser avant une opération), chez la reine-des-prés, l’effet est beaucoup moins évident. On le nomme néanmoins par mesure de précaution.

Interactions possibles

Elle pourrait interagir avec d’autres médicaments anticoagulants, anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’héparine.

Conclusion

La reine-des-prés, comme nous l’avons vu, est bien plus qu’une simple plante ornementale. Elle incarne à merveille la synergie entre beauté et bienfaits, entre jardin et pharmacie naturelle. De ses élégantes fleurs blanches à ses propriétés anti-inflammatoires, en passant par ses qualités mellifères, cette plante nous rappelle la richesse souvent insoupçonnée du monde végétal qui nous entoure. Laissez-vous séduire par cette reine des plantes.

Avertissement

En cas de troubles importants ou de maladies chroniques, consultez un médecin.

Il est dangereux de faire son propre diagnostic et de pratiquer l’automédication.

Sauf indication explicite, les usages décrits sont pour les plantes et ne sont pas applicables aux huiles essentielles.

Avant de consommer une plante: s’assurer de bien l’identifier et toujours lire la notice «Précautions».
Les posologies sont données à titre indicatif et sauf précision contraire, elles sont adaptées à l’adulte.
Malgré tout le soin apporté à la rédaction de l’article, une erreur aurait pu s’y glisser. Nous ne saurions être tenus responsables de ses conséquences ou d’une interprétation erronée, car, rappelons-le, aucun article ne peut remplacer l’avis du médecin.


Sources

[1] Hoffmann, D. FNIMH, AHG (2003). Medical Herbalism, The Science and Practice of Herbal Medicine. Rochester : Healing art Press. 666 p.

[2] Lorrain, E. (2019). Grand Manuel de phytothérapie. Malakoff: Dunod. 1290 p.

[3] Valnet, J. (2019). La phytothérapie, se soigner par les plantes. Paris: Vigot

[4] Fleurentin, J. (2018). Du bon usage des plantes qui soignent. 2. Rennes : Éditions Ouest-France. 372 p.

[5] Class A: “Herbs for which no clinically relevant interaction are expected” Class 1 “Herbs that can safely be consumed when used appropriately.” Traduit par Classe A: “Plantes pour lesquelles aucune interaction cliniquement pertinente n’est attendue.” Classe 1: “Plantes qui peuvent être consommées en toute sécurité lorsqu’elles sont utilisées de manière appropriée.”

[6] Upton, R., Bear, S., Winston, D., Gagnon, D., Romm, A.j., Low Dog, T., Hardy, M., Craker, L. (2013). Botanical Safety Handbook. 2. London: CRC Press. 1035 p.


  1. Renée-Johanne Campeau

    Bravo et merci pour vos articles si bien documentés. Une mine d’infos !

  2. Article très bien documentée Plante essentielle pour enrichir nos connaissance médicales

  3. Merci, C’est un plaisir! N’hésitez pas à me suggérer des planes médicinales que vous aimeriez approfondir!

  4. Est-ce que la sommité fleurie de la reine-des-prés doit être blanche ? Est-ce que la sommité fleurie peut être rose et avoir les mêmes propriétés ?

  5. Merci pour cet article très intéressant et vraiment complet.

  6. Toujours super intéressant de vous lire, continuez votre on travail qui nous offre plein de belles lecture et beaucoup de nouvelles connaissances.