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L’abécédaire de l’orchidée

Les orchidées font partie d’une très grande famille, les Orchidacées, qui comprend entre 15 000 et 20 000 espèces et plus de 100 000 hybrides: c’est l’une des plus grandes familles végétales.

Heather Cowper

Contrairement à ce que plusieurs s’imaginent, la majorité des orchidées ont des fleurs de petite taille et sont souvent de couleur modeste. En faisant des croisements, les amateurs ont réussi à développer plusieurs lignées à grosses fleurs colorées, mais vous découvrirez aussi des orchidées aux fleurs plus petites que l’ongle de votre petit doigt…

Autre fait surprenant, les orchidées ne sont pas toutes des plantes tropicales originaires de pays lointains, il en existe même dans les pays froids. Au Québec, par exemple, nous avons des dizaines d’espèces.

Forme particulière

Si ce n’est pas la taille ni la couleur de la fleur ni son exotisme tropical qui dé­finit l’orchidée, en quoi les membres de cette vaste famille se distinguent-ils? C’est la forme de la fleur. Grosses ou petites, colorées, ouvertes, les fleurs des orchidées partagent presque toutes des caractéristiques communes qui les différencient de toute autre plante.

D’abord, les orchidées ont trois sépales externes et trois pétales médians. Quand les sépales d’une fleur ressemblent aux pétales, on parle de tépales: on peut donc dire que les orchidées ont six tépales.

Jusqu’ici, rien de bien original. Mais chez l’orchidée, l’un des tépales s’est modifié. Plutôt que de ressembler aux autres, un des tépales — habituellement le tépale inférieur — s’est développé et prend souvent une forme et une couleur différentes. C’est le labelle.

1. Labelle. 2. Pétale. 3. Sépale. Image: Afanasovich.

Labelle

Le labelle est unique aux orchidées. Sa raison d’être est triple: il attire, par sa forme et souvent sa couleur, les insectes pollinisateurs dont l’orchidée dé­pend pour sa fécondation. Il sert de piste d’atterrissage aux insectes. Enfin, une fois que l’insecte atterrit sur le labelle, il découvre des marques qui le dirigent vers le nectar, donc le labelle est aussi un genre de panneau indicateur.

Mais d’autres fleurs aussi ont des or­ganes analogues au labelle. C’est donc au centre de la fleur que la vraie diffé­rence entre les orchidées et le reste du monde végétal se trouve. Chez l’orchi­dée, les organes sexuels mâles et femelles ne sont pas séparés. Ils sont réunis en une seule structure: la colonne (gynostème pour les plus pointilleux). Et le pollen n’est pas dispersé copieuse­ment, en poudre, comme chez la majo­rité des autres fleurs, mais réuni dans un amas appelé pollinie.

Fécondation

Chez l’orchidée, tout est fait pour as­surer une fécondation croisée réussie. En pénétrant dans la fleur à la recherche de nectar, l’insecte n’a pas le choix: le passage est étroit, il lui faut frôler la paroi et ainsi la pollinie se colle sur son corps au passage. Quand l’insecte sort de la fleur, il entraîne avec lui la pollinie. Quand il vole vers un autre plant de la même espèce et s’infiltre dans la fleur, la colonne, de forme unique pour chaque espèce, at­trape d’abord la pollinie avant de le laisser entrer. En effet, la forme de pollinie se marie précisément à la colonne de l’autre fleur de la même espèce comme une clé dans une serrure: au­cune autre espèce d’orchidée ne peut effectuer la pollinisation.

La pollinie (flèche) de Ophrys apifera. Photo: BerndH.

Curieusement, une fois la fécondation assurée, les sépales commencent à faner. Dans les 24 heures, la fleur de l’orchidée, qui peut souvent rester ouverte un mois ou plus si elle n’est pas fécondée, fane et commence une tâche encore plus importante: elle se mue en capsule de graines et ce sont ces graines qui assureront la relève de la plante.

Des graines minuscules

Autre caractéristique des orchidées, des graines minuscules plus fines que des poussières, visibles seulement à la loupe. Les graines des orchidées voyagent facilement par la voie des airs. Mais à l’atterrissage, il y a un problème. Sans réserve de nourriture, la graine ne peut germer: elle doit entrer en contact avec un champignon qui lui fournira la nourriture nécessaire à la germination. Les chances qu’une graine d’orchidée trouve exactement le bon champignon dans les conditions nécessaires à son épa­nouissement doivent être d’environ une sur un million… mais n’ayez crainte, la taille minuscule de la graine fait en sorte que chaque capsule peut en contenir jusqu’à cinq millions. Ainsi, l’orchidée peut réussir sa multiplication.

Deux façons de croître

Les orchidées ont adopté deux façons distinctes de croître: elles sont soit monopodiales ou sympodiales.

Monopodiales

Les orchidées monopodiales (un seul pied) produisent une seule tige qui croît durant toute la vie de la plante. La tige peut être très longue, voire presque grimpante, comme chez les Vanda, ou très comprimée et presque invisible, comme chez les Phalaenopsis. On place ces orchidées au milieu de leur pot et elles y restent centrées. On ne peut les diviser. Par contre, plus haut sur la tige ou sur la tige florale, elles produisent parfois des keikis, ou bébés, que l’on peut séparer.

Sympodiales

Les orchidées sympodiales produisent, à partir d’un court rhizome, une série de tiges appelées pseudobulbes, car souvent elles sont arrondies et donc en forme de bulbe. Chaque pseudobulbe ne fleurit normalement qu’une fois, mais produit d’autres pseudobulbes à sa base qui fleuriront à leur tour. On voit donc, après quelques années, toute une famille de pseudobulbes. Ainsi, l’orchidée sympodiale, comme le Cattleya ou le Dendrobium, avance peu à peu en suivant son rhizome, comme un iris barbu le fait dans le jardin: même si vous la centrez dans son pot au début, elle finit par tanguer vers un côté ou l’autre. Comme les pseudobulbes se multiplient avec le temps, on peut donc diviser les orchidées sympodiales après quelques années.

Épiphytes

Notez bien que la majorité des orchidées cultivées sont des épiphytes, c’est-à-dire qu’elles poussent non pas au sol dans la nature, mais sur d’autres végétaux, notamment les branches et les troncs d’arbres. Pour ce faire, elles ont dû développer des racines uniques qui s’accrochent aux surfaces rugueuses et peuvent facilement capturer la moindre goutte d’eau de pluie. Par contre, ces racines pourrissent facilement lorsqu’elles sont entourées de terre, car elles exigent une forte oxygénation. Ainsi, on ne plante pas la majorité des orchidées dans du terreau, mais dans un milieu beaucoup plus aéré, généralement composé de morceaux d’écorce, de sphaigne, de mousse de polystyrène ou d’autres particules plutôt grossières. Plusieurs des orchidées que vous verrez aux expositions seront même cultivées sur une plaquette d’écorce, comme dans la nature.

Photo: Maureen Barlin.

Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au cours de sa carrière, en français et en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre les écrits de son père accessibles au public. Ce texte a été publié à l’origine dans Le Soleil le 6 novembre 2005.

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