
Larry Hodgson a publié des milliers d’articles et 65 livres au fil de sa carrière, autant en français qu’en anglais. Son fils, Mathieu, s’est donné pour mission de rendre ses écrits disponibles au public. Ce texte a été originalement publié dans Fleurs, plantes et jardins en décembre 1998.
Il y a plusieurs années, j’ai fait une gaffe épouvantable! C’est que je me suis laissé convaincre d’acheter un lave-vaisselle.
Ça faisait déjà plusieurs années que ma femme en parlait, mais, comme de raison, je disais non. Après tout, on n’en avait pas besoin: on avait des adolescents pour laver la vaisselle! À quoi bon avoir des enfants si ce n’est pas pour les mettre à laver la vaisselle?
Ma femme était d’un tout autre avis. «De toute façon, raisonnait-elle, les enfants grandissent rapidement et vont bientôt partir de la maison.» Ah oui? Pourquoi justement partiraient-ils d’une maison où, non seulement l’on fournit gratuitement gîte et nourriture, mais où on ne leur fait même pas laver la vaisselle? Au contraire, si on veut que les enfants partent un jour de la maison, c’est le pire achat que l’on puisse imaginer. Je suis parti moi-même de la maison paternelle, où il n’y avait pas de lave- vaisselle, à l’âge de 18 ans. Il me semble que le lien est évident. Pour autant que j’étais concerné, donc, le débat était clos et c’était moi qui avais gagné. Mais ma femme n’avait pas dit son dernier mot. Ainsi commença la guerre froide.
La guerre froide
Quand je rouspétais que l’un ou l’autre des enfants s’était sauvé sans laver la vaisselle, ma femme disait, «Ah, tu vois!». Pas besoin de dire ce que je devais voir; on le savait tous les deux. De mon côté, je brandissais fréquemment la facture du compte d’électricité, dont le montant semblait augmenter de mois en mois, en disant: «C’est épouvantable comme on gaspille de l’eau chaude!». Un non-initié aurait cru que je voulais dire que l’on prenait des douches trop longues, mais ma femme comprenait. Alors les mois passèrent.
La lumière se fit alors que j’étais assis dans la cour arrière pour le troisième jour de suite avec un seau d’eau chaude savonneuse entre les genoux, un pot sale dans une main et une brosse en métal dans l’autre, frottant vigoureusement pour enlever les dernières traces de calcaire. À mes côtés, des centaines de pots de tout acabit en deux piles distinctes; sales et récemment lavés. Après tout, jardiner (surtout quand on a beaucoup de plantes d’intérieur) demande une quantité industrielle de pots propres.
Éclair de génie
C’est entre deux coups de brosse que je fus frappé par un éclair de génie. Si on avait un lave-vaisselle, je pourrais m’en servir pour laver mes pots, sans effort!
Évidemment, il ne fallait pas que j’en souffle mot à mon épouse. «Pas dans mon lave-vaisselle!» se serait-elle exclamée.
«Chérie, lui dis-je entre deux bouchées au souper ce soir-là, chez ON VEND DE TOUT on annonce des lave-vaisselle en rabais. Aimerais-tu faire un tour pour les voir?» Après avoir feint la nonchalance pendant quelques instants, elle finit par convenir que c’était une bonne idée. Ainsi, une semaine plus tard, le lave-vaisselle était installé dans la cuisine et ma femme était tout heureuse d’avoir gagné. Moi aussi, j’étais content d’avoir gagné… un nouveau lave-pots.
Lave-vaisselle: prise un
Profitant de l’absence de ma femme (je n’allais pas mettre des pots sales dans «son» lave-vaisselle encore tout neuf; elle m’aurait tué!), je remplis de pots les deux niveaux du lave-vaisselle, chacun soigneusement placé pour pouvoir en laver un maximum à la fois. Je remplis alors le distributeur de détersif, ajustai le programmateur à la puissance et chaleur maximale et démarrai l’appareil, tout heureux de l’intelligence de mon investissement.
Bientôt, cependant, je sentis une odeur de plastique brûlé. Avec horreur, j’ouvris le lave-vaisselle… pour découvrir mes pots de plastique dans un fouillis total, lancés n’importe où par les puissants gicleurs de l’appareil. Certains fondaient sur l’élément situé au fond de l’appareil. Quel désastre!
Je fis bien sûr le grand ménage de l’appareil, ouvris toutes les fenêtres pour dissiper l’odeur et cachai les pots abîmés. Bientôt, très franchement, il n’y eut plus aucune trace de mon expérience ratée. D’ailleurs, si ce n’avait été d’un ami qui est allé raconter l’histoire à ma femme plusieurs années plus tard (merci Raymond), elle ne l’aurait jamais su.
Maintenant, chaque fois que je vois le #*$?%$# de lave-vaisselle, je suis en maudit contre moi-même. Avoir tant investi dans un appareil qui ne me profite même pas convenablement, c’est vraiment la pire gaffe de ma vie!
Une autre façon de laver les pots
Heureusement, j’ai trouvé une autre façon de laver les pots. J’ai découvert un jour qu’il est facile et rapide de laver les pots de plastique (mais pas ceux de terre cuite, je vous raconterai cette histoire une autre fois) dans la laveuse à linge. C’est un vrai charme! Pour l’amour, ne le dites pas à mon épouse!
Évidemment, comme je l’avais prévu, maintenant que nous avons un lave-vaisselle, les enfants ne donnent plus le moindre signe de vouloir quitter la maison, et pourtant, il y en a déjà deux dans la vingtaine. Quand j’ai raison, j’ai raison!
(Et oui, malgré le lave-vaisselle, les trois enfants ont fini par quitter la maison. NDÉ)