Une chenille inattendue sur mes asclépiades
Que faire lorsque vous faites tout pour attirer des chenilles de monarque et d’autres chenilles se présentent à leur place?
Question
J’ai laissé pousser des asclépiades librement sur mon terrain. J’ai eu la visite des papillons monarque cet été et j’en suis très heureuse. Ces derniers jours, je me rends compte que j’ai plein de petites chenilles qui mangent les feuilles des asclépiades. Est-ce des chenilles de papillons monarques? Et que dois-je faire, les laisser aller? Auront-elles le temps de devenir papillon?
Marthe Lemieux
Réponse
Non, ce ne sont pas des chenilles de papillon monarque (Danaus plexippus), mais plutôt des chenilles d’un autre papillon, l’arctiide de l’asclépiade (Euchaetes egle).
Vous voyez, les asclépiades (Asclepias spp.) sont les hôtes de plus d’une espèce d’insecte prédateur. Le papillon monarque, ce papillon célèbre pour ses longues migrations annuelles du Mexique au Canada et de retour, attire toute l’attention des médias, mais il existe d’autres papillons, ainsi que des pucerons, des punaises et d’autres insectes, qui se nourrissent d’asclépiades. Cependant, aucun d’entre eux n’a l’allure de grande vedette que peut offrir le monarque, un papillon superbement coloré et de très bonne taille.
Au moins les arctiides de l’asclépiade, contrairement aux papillons monarques, ne limitent pas leur source de nourriture à un seul genre, soit celui des asclépiades (Asclepias spp.). Ils se nourrissent également de plantes d’un genre apparenté, l’apocyn (Apocynum spp.).
Des adultes pas si colorés
L’arctiide de l’asclépiade est un papillon d’apparence assez banale que l’on trouve dans tout l’est de l’Amérique du Nord, du Mexique jusqu’au Canada.
Oui, il a un abdomen orange et noir, l’orange et le noir ou le jaune et le noir étant une combinaison de couleurs souvent utilisée par les insectes pour avertir ses prédateurs qu’il est venimeux ou dangereux. (La plupart des insectes qui se nourrissent d’asclépiades absorbent des composés toxiques connus sous le nom de glycosides cardiaques et deviennent toxiques à leur tour.)
Cependant, une coloration vive n’est pas trop utile pour un papillon de nuit comme l’arctiide de l’asclépiade. Après tout, le noir est essentiellement invisible dans l’obscurité et l’orange n’est guère mieux. Et les ailes brunes sous lesquelles il cache son abdomen n’ont aucun attrait particulier.
Cependant, l’arctiide de l’asclépiade avertit quand même ses principaux ennemis, les chauves-souris, de sa toxicité. Il le fait en émettant un clic d’avertissement qui dit apparemment: «Peut-être que vous ne pouvez peut-être pas voir que je suis orange et noire, mais ce clic assure que je goutte orange et noir!»
La couleur est dans les chenilles
Les chenilles de l’arctiide de l’asclépiade, étant diurnes et donc visibles et exposées le jour, sont de petites créatures très colorées, couvertes de touffes de poils orange vif, noirs et blancs, du moins dans les derniers stades de leur cycle. Et c’est ce que vous avez vu sur vos asclépiades.
Amplement de temps
Si le papillon monarque doit se dépêcher à l’automne pour se rendre au Mexique avant l’hiver, les arctiides de l’asclépiade ne sont pas pressés. Ils ne migrent pas. En fait, ils se nourrissent de feuilles d’asclépiade jusqu’en septembre. Ensuite, ils se nymphosent, formant une pupe souterraine où ils peuvent hiverner. Au printemps, avec le retour du temps chaud et la croissance renouvelée de l’asclépiade, ils émergent sous forme de papillons adultes, prêts à s’accoupler et à pondre des œufs, assurant alors une nouvelle saison de chenilles. Il n’y a qu’une génération de arctiides par an au Nord, deux au Sud.
Voilà ce qui semble être un bon et simple plan!
Que devriez-vous faire?
Étant donné que les chenilles de l’arctiide de l’asclépiade préfèrent les feuilles d’asclépiade les plus matures et les chenilles du papillon monarque, les feuilles les plus jeunes, les deux ne sont pas nécessairement des concurrents très sérieux. Même quand elles le sont, il faut regarder la situation ainsi: que les arctiides sont aussi des insectes indigènes. Ils devraient jouir des mêmes droits de survie sur les asclépiades que les monarques plus charismatiques. Après tout, la diversité des espèces n’est-elle pas un élément essentiel d’un écosystème sain?
Pour cette raison, je suggère… de ne rien faire!
L’idée de planter des asclépiades pour aider les papillons monarques à se rétablir en est aussi une d’aider à restaurer un écosystème menacé. Donc de trouver un moyen naturel et durable de maintenir une bonne population de monarques sans effort supplémentaire.
Les asclépiades sont pour cet écosystème une espèce clé. C’est en les éliminant pour agrandir les champs de céréales, créant des monocultures à grande échelle, que l’humain a causé le problème en premier lieu. Donc les réinstaller et les laisser vivre naturellement est certainement une grande aide. Et lorsque vous plantez une plante indigène et que vous la laissez pousser toute seule, puis ses autres ennemis naturels apparaissent…
Eh bien, quoi de plus naturel que cela?
Les chenilles de l’arctiide mangeront quelques feuilles d’asclépiade, comme l’aurait fait le monarque, mais pas assez pour tuer l’asclépiade. Mama asclépiade, une plante vivace robuste, repoussera facilement l’année suivante et sera encore la proie des quelques insectes qui peuvent tolérer ses toxines. La plupart du temps, chaque espèce aura sa juste part d’asclépiade, assez pour se nourrir, et il restera à la plante plus qu’assez de feuilles vertes pour garantir sa continuité.
Alors, laissez Dame Nature faire son travail. Elle a œuvré sur ce plan pendant des dizaines de milliers d’années et devrait savoir ce qu’elle fait!
Mais je ne peux pas m’empêcher de les contrôler!
Si vous vous sentez incapable de résister à la tentative d’aider vos plantes d’asclépiade en éliminant les arctiides qui les attaquent, ne vous sentez pas trop coupable.
L’arctiide de l’asclépiade est un papillon commun dans toute son aire de répartition et n’est pas considérée comme une espèce en voie de disparition. Mais n’empoisonnez pas tout le secteur en essayant de le supprimer! Alors, ne succombez pas à la tentation d’utiliser des vaporisations toxiques qui tuent tous les insectes du coin, bons et mauvais.
Tout ce que vous avez à faire est de jeter ou de faire tomber les petites bestioles dont vous ne voulez pas dans un bol ou un seau d’eau savonneuse. Elles s’y noieront très rapidement. Portez des gants si vous devez manipuler les chenilles de l’arctiide, car leurs poils peuvent être irritants.
Vivre et laisser vivre!
Vous avez déjà lu cette phrase dans ce blogue et ce ne sera certainement pas la dernière fois. Apprenons à l’appliquer à toutes nos techniques de jardinage!
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À propos de l’article d’hier sur l’Alaska, j’ai écrit une bêtise : ce n’est pas le Pavot jaune (Meconopsis cambrica) qui pousse en bordure de l’Atlantique, je l’ai observé en effet dans les Pyrénnées et en Savoie, mais le Glaucium flavum, ou Pavot cornu, connu égalment sous le nom de Pavot à silique..
Une chenille de monarque et 2 artiides sur le même plan. Le lendemain toutes avaient disparues. Je dois avoir une dizaine de plan et l´un d´eux fut dévoré au complet, ne laissant entrevoir que la nervure centrale de chaque feuille. Que sont elles devenues ? Les chenilles sont elles les championnes pour se déplacer ?
Cet été j´ai vu une chenille toute blanche sur un jeune peuplier (ou tremble). Jamais vu auparavant. Quelqu´un sait il de quelle espèce il peut s´agir ?
En bac j´ai 1 brocoli et 1 chou fleur. Les 2 se font dévorer par des petites chenilles vertes qui se tiennent par chance sur le dessus de la nervure centrale des feuilles. Peut être la pyride du chou ? Mais avec 2 plantes dans un rayon peut être d´un km, il faut vraiment être malchanceux….
Merci Larry mon ami. Portez vous bien.
J’aimerais corriger une toute petite coquille dans votre texte, par ailleurs très intéressant. Quand la chenille dit «Peut-être que vous ne pouvez peut-être pas voir que je suis orange et noire, mais ce clic assure que je goutte orange et noir!», on devrait plutôt avoir écrit «Je goûte orange». Pardonnez mon réflexe d’ancienne correctrice de copie…
“Vivre et laisser vivre.” Tellement d’accord!