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Hommage aux pissenlits*

Avec le Défi Pissenlits 2022 qui débute aujourd’hui, l’auteure invitée Edith Smeesters rend hommage à cette plante tant détestée, mais aussi, si sympathique et utile.

Par Edith Smeesters

Parmi toutes les herbes dites «mauvaises», le pissenlit est sans doute celle qui est la plus détestée et la plus persécutée, en Amérique du Nord en tout cas. Laisser fleurir des pissenlits sur sa pelouse, cela paraît comme une insulte pour un grand nombre de gens qui considèrent que c’est faire preuve de laisser-aller et de négligence, c’est une honte pour tout le voisinage! Certains pensent que cela peut même dévaluer la valeur des maisons et encore aujourd’hui, beaucoup de gens me disent qu’ils arrachent tous les pissenlits manuellement car cela ne fait pas partie d’une pelouse bien entretenue. D’où peut bien venir cette phobie, cette aversion pour une plante qui a pourtant de multiples qualités et que l’on retrouve dans tous les coins de la planète? 

*Extrait du livre: Guide du jardinage écologique, Edith Smeesters, Éditions Broquet 2013

Tête de pissenlit with aigrettes blanches.

Le pissenlit doit son nom à ses propriétés diurétiques qui, à première vue, ne sont pas très attrayantes, il faut l’avouer. Certains l’appellent aussi dent-de-lion, à cause de ses feuilles échancrées. Les Anglais ont d’ailleurs transformé ce nom français en dandelion. Mais, le pissenlit aurait plus d’une centaine de noms et il en existe quelque 1200 variétés à travers le monde. Rien que dans la francophonie, on lui connaît une cinquantaine de surnoms pittoresques. L’origine de son nom latin, Taraxacum officinalis, est cependant plus obscure. Taraxacum viendrait peut-être du grec ou de l’arabe alors que officinalis fait évidemment référence à ses propriétés médicinales qui sont utilisées depuis la nuit des temps. 

Fleur de pissenlit
Photo: Marjolaine Simard

Même s’il peut pousser presque n’importe où, le pissenlit préfère les prairies ensoleillées et fauchées régulièrement. La pelouse est donc un habitat de premier choix pour lui. Mais selon la richesse et la profondeur du sol, il deviendra géant ou rabougri. Il fait partie de la famille des composées qui se distinguent par leurs multiples fleurs réunies sur un capitule ou réceptacle. Les «pétales» du pissenlit sont donc autant de petites fleurs individuelles, posées sur un plateau arrondi, qui se transforment chacune en une belle graine (akène) munie d’une aigrette. Cela forme ces boules blanches et vaporeuses que nous avons tous soufflées aux quatre vents lorsque nous étions enfants. Grâce à cette merveilleuse ingéniosité de la nature, le vent disperse ces millions de petits parachutes sur des kilomètres. Il est donc un peu vain de songer à éliminer les pissenlits dans un quartier, ou même toute une ville, car les semences du pissenlit sont équipées pour les grands voyages et reviendront toujours s’installer dans les endroits qui leur conviennent pour le plus grand bonheur de ceux qui se donnent la peine de les observer et d’en apprécier les multiples vertus. 

Photo: Lynda St-Laurent, www.deviantart.com

Le pissenlit est en effet une plante comestible. On peut en manger toutes les parties: 

  • Les feuilles se consomment en salade dès la fonte des neiges, mais il faut les récolter avant la floraison sinon elles deviennent amères. Les connaisseurs les blanchissent en les recouvrant d’une planche ou d’un pot de terre cuite renversé. Les feuilles peuvent également être servies en soupe, en quiche ou en tisane. Elles sont très riches en fer et en vitamine C et sont disponibles alors que les légumes du potager ne le sont pas encore. 
  • Les boutons floraux peuvent être marinés dans le vinaigre et remplacent avantageusement les câpres. 
  • Les fleurs servent à faire un vin, ou plutôt un digestif assez capiteux. En Franche-Comté, on en fait également une sorte de gelée, appelée cramaillotte ou miel de pissenlit. 
  • Les racines torréfiées font un excellent substitut au café qui s’apparente à la chicorée. 

Le pissenlit est aussi une plante médicinale. Le suc de pissenlit était autrefois considéré comme un remède contre les problèmes de vue. Cela justifierait l’origine grecque de son nom Taraxacum. En grec ancien, taraxis signifie: trouble de la vue et akomai: guérir. Le suc laiteux de la hampe florale est aussi utilisé contre les verrues et les taches de rousseur. Mais le pissenlit a surtout des propriétés toniques et apéritives (feuilles et racines). Il stimule les sécrétions biliaires et agit positivement sur le foie. Il diminue le taux de cholestérol et bien sûr il est très diurétique et dépuratif. Rien de tel qu’une décoction de pissenlit pour noyer une grippe. Par ailleurs, sa richesse en vitamine C en fait un antiscorbutique et sa teneur en fer combat l’anémie.

Jeune fille dans un champs de pissenlits.
Photo: Dominique Giroux

Le pissenlit est cultivé dans plusieurs pays pour ses qualités culinaires ou médicinales et on en retrouve maintenant dans plusieurs marchés au Québec. Par ailleurs, le pissenlit améliore le sol. Sa racine pivotante pénètre profondément dans la terre et fait remonter les minéraux à la surface tout en aérant le sol. Il s’installe rapidement sur les remblais et permet de les fixer solidement, prévenant ainsi l’érosion. 

Fleurs de pissenlit.

Bref, avec autant de qualités variées, il est surprenant que tout le monde ne le cultive pas dans son potager comme les Italiens. Dans un article de Céline Caron (Humus, mi-juin 1987), on pouvait lire que «Les racines de pissenlits se vendaient 16 cents la livre sur le marché canadien en 1920. On estimait le rendement entre 450 et 700 kg à l’acre pour un revenu allant de 160$ à 240$. Son importance économique justifiait sa présentation dans une brochure publiée en 1925 par le ministère de l’Agriculture du Canada. Ironiquement, 75 ans plus tard, le pissenlit fait encore l’objet d’un commerce, mais ô combien différent. Ce n’est plus la plante elle-même qui génère des profits, mais les herbicides qui servent à la détruire». 

Champ de pissenlits.

Le pissenlit est devenu si abondant chez nous qu’il en devient vulgaire pour le commun des mortels. On ne peut pas tolérer une plante aussi ordinaire dans un jardin bien entretenu. Comme un bohémien, il est associé aux terrains vagues, aux fissures des trottoirs, aux bords de route. Il fait donc penser aux itinérants, à la pauvreté et à tout ce que notre société veut rejeter ou ignorer. Mais comme il a cette incroyable faculté de s’adapter aux environnements les plus incultes et à revenir en force dès qu’on suspend les herbicides, il représente également un éternel défi à notre volonté de contrôler la nature. Le pissenlit est sans doute le parfait symbole de la nature indomptée dans notre cour!  

Au sujet de l’auteure

Edith Smeesters est l’auteure de plusieurs livres sur l’horticulture écologique tel que le Guide du jardinage écologique aux Éditions Broquet, 2013. Sauf mention contraire, photos d’Edith Smeesters.

Étiquettes + Pissenlit, Défi Pissenlits 2022, Dandelion, Mauvaises herbes envahissantes, Hommage aux pissenlits


  1. Merci en ce beau 1 mai pour ces arguments qui seront remplir mon argumentaire devant les citoyens de ma ville qui me contacte pour que nous enrayons les pissenlits dans les parcs ! Bon dimanche ?

  2. En espérant que mes voisins apprécient les pissenlits qui fleuriront sur mon terrain!

  3. Article intéressant et quasiment subversif, ce que je trouve très amusant. Le pissenlit, cet ennemi commun à tous (n’est-ce pas), était donc autrefois valorisé, vendu, prisé. Il avait même un marché, la mesure de toute chose! Et cela va revenir, nul doute. C’est intéressant, ces revirements dans la culture populaire. Je ne savais pas que le pissenlit avait autant de qualités culinaires, médicinales et même environnementales. Et j’aime assez l’idée qu’il représente la “nature indomptée” dans notre propre cour. Je vais désormais le voir d’un autre oeil! ?

  4. Nadège Laure Temfack

    J”aime le fait qu’elle représente la nature indomptée dans notre cour?.
    La nature nous parle, elle nous offre tout gratuitement et à portée de main, la nature nous aime, mais que faisons nous en retour pour elle?
    Nous préférons suivre tous ces industriels qui sont animés par une seule chose, se faire de l’argent au dépend de notre ignorance, se faire de l’argent en manipulant nos esprits.

  5. Peut-être que l’expression manger les pissenlits par la racine n’aide pas à les aimer.

    Cette expression date du XIXe siècle, et fait allusion aux plantes qui poussent rapidement sur une terre fraîchement retournée, ce qui est souvent le cas lors des enterrements. Celles-ci se propagent alors sur les tombes, on les assimile donc à la nourriture des morts.

  6. Je suis née en campagne et nous avons toujours traité les pissenlits comme des aliés. Au printemps nous allions le récolter au champs pour y faire de succulentes salades et lors de la floaraison nous récoltions les fleurs pour en faire du vin.

  7. Très bonnes, les feuilles des variétés cultivées, par exemple “améliorée à coeur plein”, en salade avec vinaigrette et lardons ou oeufs durs en tranches, ou des noix, noisettes…. Je préfère même ça à la frisée, qui gratte un peu quand on la mange. Si on les cueille dans la nature, on peut couper les feuilles pour ne pas fusiller le plant, en effet il faut les consommer jeunes et enfin pas en ville, ou alors dans un jardin ou un parc suffisamment éloigné des saletés d’origine canine et automobile.

  8. Très bon article. Bravo. Je ne connaissais pas la propriété anti verrues! Et de plus ça attire tous les insectes butineurs et les vers de terre indispensables à un bon sol. Merci a vous

  9. Le pissenlit est probablement la plante la plus répandue au monde grâce à ses akènes “armés” d’un petit parachute qui lui permet de faire le tour du monde, de conquérir des territoires coupés du monde, et de gagner des hauteurs inimaginables : en faisant des prélèvements d’échantillons d’air on a recueilli des graines de pissenlit dans la stratosphère. Un de ses moyens de propagation le plus efficace est l'”anémochorie” : dissémination des semences par le vent.
    En plus de toutes ses vertus médicinales, culinaires et décoratives, c’est un symbole de savoir. La maison d’édition Larousse a popularisé le personnage de la “Semeuse” qui souffle sur une sommité florale en faisant envoler ses akènes.
    “Je sème à tout vent”, c’est la devise de la maison Larousse, et c’est également un amusement prisé par les enfants.
    Vouloir éradiquer les Dents de Lion, c’est un combat douteux et perdu d’avance, et c’est heureux.
    Attendu le nombre d’utilisations possibles, de services que peut rendre le pissenlit, il est vraiment impossible de le qualifier de “mauvaise herbe”.
    Quand les pissenlits sont en fleur au jardin, nous attendons qu’ils soient passés fleur avant de tondre l’herbe (qui n’est pas une pelouse).

  10. Bonjour !
    Les pissenlits sont une des premières nourritures des abeilles au printemps, Et elles en ont bien besoin, l’hiver a été particulièrement difficile pour elles. Pour ceux qui sont quelque peu mal à l’aise de laisser ce fameux pissenlit fleurir sur leur pelouse, il se vend des affichettes au Québec que l’on peut mettre sur son terrain et qui précisent leur rôle pour les pollinisateurs. De quoi déculpabiliser tout le monde !

  11. Excusez moi de prendre le contrepied mais la raison pour laquelle j’arrache les pissenlits est qu’ils colonisent de grandes surfaces, ne laissant aucune chance ni à l’herbe ni aux autres planteset après la floraison, on ne peut pas dire que ce soit décoratif

  12. Bonjour Marie Josée… Je pensais quue le pissenlit n’existait pas au Québec!

  13. J’oserais dire que le (gigantesque) marché de l’entretien de pelouse fait perdurer cette notion de plante indésirable. Comme certains autres d’ailleurs qui nous font craindre les *terribles* bibittes qui préparent leur invasion chez vous: fourmis, araignées, vers… Le plus terrible, c’est qu’on vous laisse croire que leurs traitements sont biologiques…

  14. Avez-vous déjà entendu parler de purin de pissenlit et de son efficacité?

  15. Merci pour aborder le sujet du pisselit. Il es très utile, le premier “sandwich” des abeilles , je ne l’arrache jamais. De plus il est beau! Je trouve sa triste quand je vois mes voisins l’arracher sans pitié.Il sera et restera toujours le bienvenue sur mon terrain.Bon dimanche!

  16. Je choisis mes combats et celui de vaincre la renouee japonaise (bambou) me tient plus à cœur !

  17. Si seulement sa tige florale ne se comportait pas en gladiateur contre les lames de tondeuses. Elle se fera trucider, se couchera pour même amputée finir par se redresser à nouveau, toujours aussi rebelle !
    Pour le reste je l´aime bien et la déguste avec plaisir.

  18. Merci tellement beau les pissenlits

  19. Ma mère faisait du vin de pissenlit. Ricardo en donne la recette. On peut devenir ami avec cette plante excellente en salade.

  20. Merci pour l’info, Diane ! Je me procure des affichettes dès aujourd’hui pour “exposer” mes pissenlits, que les abeilles visiteront bientôt, je l’espère. Incroyable cette pub trompeuse, avec ses produits si dangereux: tout ce qui vit sur nos terrains fait déjà le travail !

  21. Personnellement, je trouve les parterres de pelouse sans intérêt, pour ne pas dire laids.
    Quant au pissenlit, je l’aime beaucoup. Une autre vertu curative qu’on lui connaît moins c’est sa capacité à soigner l’eczéma dyshidrotique. Qu’il soit bu en tisane ou appliqué sur la peau, il soulage et aide à la guérison de la peau.
    Franchement, pour l’avoir essayé, le pissenlit s’est montré beaucoup plus efficace que toutes les crèmes qu’on m’a prescrit.
    Vive le pissenlit!

  22. J’adore les racines (coeur) du pissenlit en salade avec une petite vinaigrette, très rafraichissant et croquant. Merci pour cet article oxo

  23. Français d’origine, je vis aux USA (Californie puis Indiana) et c’est vrai que je me sens mal à l’aise d’avoir des pissenlits ou cramaillots (Franc comtois ma foi) dans mon terrain. Mais comme je ne veux pas de pesticides, je les enlève à la main. Ils (la communauté) doivent me prendre pour un redneck, mais j’assume. On a un autre fléau, ce sont les scarabées du Japon. Là aussi je les traite manuellement, alors que le voisinage arrose leur terrain de tout un tas de produits. Par contre, je n’ai encore pas vu une seule abeille…bee…

  24. Merci pour cet hommage! J’adore les pissenlits. C’est la première fleur que m’a cueillie ma fille quand elle était enfant. Je garderai toujours une tendresse particulière pour cette magnifique fleur jaune et ses belles boules blanches sur lesquelles on souffle encore et encore.

  25. Rien de telle qu’une bonne salade de pissenlit au moment d’entrer en jeûne chaque année , cela nettoie le sang! Et lorsque mon voisin a un regard réprobateur sur ma pelouse dorée en avant de chez moi, je lui offre mon plus beau sourire attendri en lui disant: elles sont belles n’est-ce pas? Il ne peut s’empêcher de laisser glisser entre ses lèvres un tout petit « oui, c’est sûr…… mais….. « 

  26. J’aime beaucoup les pissenlits. Ils égaient les champs et quelquefois les pelouses. Ils sont beaux!

  27. Bonjour!
    De toute façon au vu du nombre de pissenlits dans ma pelouse, si je m’amusais à les arracher, je n’aurais pas fini ? Sans doute pas mauvais signe qu’ils soient particulièrement gros cette année ?
    À bientôt!

  28. Bonjour, Dès mon enfance, les premières sorties en début d’année c’était pour aller à la cueillette de pissenlits dans les pâtures autour de notre ville du Nord, en l’occurrence celles de la ferme de Marcelle F. à Fourmies. Je vis désormais dans le Sud Ouest, et très surprise d’entendre des cris d’orfraie lorsque je parle de mettre au menu une salade de pissenlits cueillis dans le terrain derrière la maison..Sur un marché ai trouvé un producteur vendeur de pots de gelée de fleurs de pissenlit… Je recommande! .
    J’ai dû imprimer des articles tels que le vôtre pour rappeler les bienfaits de cette plante à certains membres de ma famille……

  29. C’est la plante préférée de ma fille de 6 ans… Elle a même réussi à me convaincre d’en planter dans la maison pour égayer l’hiver… Elle espère maintenant qu’ils fleurirons à temps pour la fête des mères ? Je ne peux pas même envisager détruire ses fleurs préférées dans la cours!

  30. marie chantal ledoux

    la gelée de pissenlits un délice

  31. En espérant que vous les gardiez chez vous!

  32. Très très d’accord!

  33. Je préfère mes milliers de crocus, de perce-neige, de scilles qui couvrent mon gazon aussitôt le printemps arrivé. Les abeilles s’en régalent avec joie. Quand vient le moment de la tonte, tout est disparu et ce sont les plates-bandes fleuries qui prennent la relève au grand plaisir, encore une fois, des abeilles, des papillons et des oiseaux… et de mes voisins! Je n’ai vraiment pas besoin de cette peste que sont les propriétaires de terrain qui, qui par manque de civisme, ne se donnent pas la peine de nettoyer leur propriété avant que les pissenlits n’essaiment à des lieues à la ronde.

  34. Cette année 2023 j’ai fait la pancarte je protège les pissenlits.
    Je l’ai installé sur mon terrain en avant de la maison ?
    Ça fait longtemps que j’ai des pissenlits sur mon terrain. J’ai déjà eu une remarque d’une voisine ( est-ce que tu les cultives)
    Je pense que j’étais avant-gardiste ?

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