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Sus à l’herbe aux goutteux

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La variété panachée de l’égopode (Aegopodium podagraria) est la plus souvent cultivée.

L’herbe aux goutteux (Aegopodium podagraria) ou égopode (le nom que je préfère) est un des couvre-sols les plus souvent utilisés dans nos jardins… et aussi l’une des mauvaises herbes les plus pernicieuses. Une fois établie, elle s’étend dans toutes les directions grâce à ses nombreux rhizomes. C’est une plante très dominante, étouffant les autres végétaux du secteur et prévenant même la germination d’arbres et d’arbustes. De plus, elle quitte facilement les jardins pour envahir nos forêts, causant des dommages environnementaux inestimables. Et elle est terriblement difficile à contrôler!

Une description

D’abord une description. L’égopode vient à l’origine de l’Eurasie. C’est une ombellifère proche parente de la carotte. D’ailleurs, si vous écrasez son feuillage, il dégage une odeur qui rappelle vaguement celle de la carotte.

La feuille deux fois ternée de l’égopode.

Les feuilles inférieures sont divisées en 3 folioles dentées et pointues alors que les feuilles supérieures sont deux fois ternées (les 3 folioles sont à leur tour divisées en 3 folioles plus petites). L’espèce (A. podagraria) porte des feuilles vertes, mais la forme la plus courante dans nos jardins est A. podagraria ‘Variegata’, à feuillage panaché: les feuilles sont bordées de blanc. Par contre, quand la forme panachée se ressème, elle donne toujours des plantes entièrement vertes. La forme verte étant plus envahissante que la forme panachée, elle finit souvent par dominer.

Les fleurs de l’égopode rappellent celles de la carotte sauvage.

La plante peut atteindre de 50 à 100 cm de hauteur, coiffée par un dôme (ombelle) de petites fleurs blanches. Ses tiges sont creuses. Ses racines peuvent descendre à plusieurs mètres de profondeur dans le sol.

Rhizomes d’égopode. La moindre petite section laissée en terre donnera une nouvelle plante.

L’égopode se multiplie surtout par rhizomes poussant à l’horizontale et comme beaucoup de plantes qui ont choisi la multiplication végétative comme moyen principal de reproduction, elle ne se ressème que rarement… une bonne nouvelle pour les jardiniers, car au moins on n’a pas à trop se soucier que des semis égarés surgissent loin de la colonie principale.

Comme l’égopode pousse sous presque toutes les conditions — soleil ou ombre, sol riche ou pauvre, humide ou sec, acide ou alcalin — et n’a aucune ennemie naturelle à l’extérieur de l’Eurasie, une fois qu’il est installé, ce ne sont pas les conditions environnantes qui vont l’arrêter.

Méthodes de contrôle

Très honnêtement, la façon la plus facile pour se débarrasser de l’égopode est de déménager. Ça paraît excessif, mais je vous assure que des gens qui vendent leur terrain parce que la présence d’égopode rend le jardinage complètement impossible, ça existe.

Je ne suis pas un amateur d’herbicides, mais il faut admettre que même les herbicides non sélectifs comme le glysophate (Roundup) ne sont pas très efficaces sur l’égopode et de multiples applications seront nécessaires. De plus, ils empoisonnent tous les autres végétaux du secteur.

L’arrachage est rarement efficace. La plante est d’abord physiquement difficile à extirper: ses racines descendent très loin dans le sol et «ne lâchent pas facilement prise». De plus, le moindre rhizome qui échappe à votre contrôle donnera une nouvelle plante. Donc il repousse très rapidement.

Sarcler ne réglera pas le problème de l’égopode.

Pire encore est le sarclage. En voulant arracher la plante, inévitablement on sectionne le rhizome en de multiples petits segments trop petits pour être très visibles, chacun capable de produire un nouveau plant. Ainsi, au lieu d’éliminer la plante, le sarclage a tendance à augmenter le nombre de plants.

Passer un motoculteur ou un autre appareil aratoire est sans doute la pire méthode pour essayer d’éliminer l’égopode. En plus de déchiqueter les rhizomes, ce qui augmente le nombre de plantes, il les répandra partout sur son passage!

Il est possible de l’éliminer en vidant le secteur de sa terre sur une profondeur de 60 cm et en le sassant par la suite, utilisant un tamis de 1,25 cm pour enlever tous les rhizomes. D’accord, il peut rester des racines plus profondes que 60 cm, mais la plante ne régénère pas facilement d’une telle profondeur. Vider et sasser la terre, c’est toutefois beaucoup de travail, même si l’on utilise une pelle mécanique pour creuser.

Tondre court, soit à 2,5 cm ou moins, éliminera l’égopode, car on élimine ainsi ses feuilles, coupant tout accès à son unique source d’énergie, la lumière, mais il faut le répéter plusieurs fois pour en venir à but, car la réaction de la plante à une tonte est de produire rapidement de nouvelles feuilles. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’égopode s’aventure rarement très loin dans une pelouse fréquemment tondue.

Les pousses printanières de l’égopode sont, pendant qu’elles sont encore tendres, comestibles et servent de légume dans plusieurs pays. Peut-être que vous pourriez contrôler l’égopode en le mangeant?

Ma technique préférée

Utilisez une bâche noire pour couper toute lumière à l’égopode et il va nécessairement mourir.

Le bâchage est, à mon avis, le traitement le plus efficace… après le déménagement. Recouvrez, au printemps, tout le secteur envahi, plus une marge de sécurité d’un mètre, d’une bâche (toile) noire. Il ne doit laisser pénétrer aucune lumière. Ainsi plusieurs géotextiles, même noirs, ne seront pas efficaces, car ils sont perforés et la lumière passera. Pour vérifier, tenez la toile devant une source de lumière. Si vous voyez passer des filets de lumière, ce n’est pas le bon produit. Souvent, une simple bâche noire en plastique, facilement disponible en quincaillerie, est la toile la plus efficace.

Laissez la bâche en place pendant 12 mois. Placez des briques ou des pierres dessus pour qu’elle reste en place. Vous pouvez le couvrir de paillis et y poser des pots de fleurs si vous voulez embellir le secteur pendant le traitement.

Quand vous enlevez la bâche au printemps de la deuxième année, l’égopode sera mort, ayant épuisé toutes ses réserves. S’il reste un ou deux pousses pâlottes encore en vie, coupez-les au sol et elles seront si épuisées qu’elles ne repousseront plus.

Vous pouvez aussi tout simplement couvrir l’égopode d’un épais paillis, sans utiliser de bâche. Visez une épaisseur de 30 cm. Fauchez la plante avant de commencer. Encore, il faut au moins 12 mois de traitement, commençant au printemps, pour tuer la plante.

Barrières

Il ne suffit pas d’éliminer l’égopode de votre terrain, il faut empêcher qu’il ne revienne.

Une bordure de gazon extra profonde peut prévenir le retour de l’égopode.

Souvent, l’égopode pousse les deux côtés de la ligne de propriété. Si oui, et que votre voisin ne souhaite pas essayer de contrôler la plante, il faut installer une barrière verticale dans le sol entre son terrain et le vôtre avant de commencer votre traitement. Les racines de l’égopode descendent loin dans le sol (jusqu’à 9 m!), mais ses rhizomes restent d’habitude dans les 5 premiers cm du sol. Ainsi, une bordure à gazon de 20 cm suffirait. Attention: 15 cm n’est pas toujours assez, car parfois, à la rencontre d’un obstacle, le rhizome plonge vers le bas pour essayer de le contourner.

Doit-on sauver les autres plantes lors du contrôle?

Si vous entreprenez un traitement pour contrôler l’égopode, il est très tentant d’essayer de récupérer les plantes désirables dans le secteur envahi en les déterrant pour les replanter ailleurs. Cependant, vous risquez alors de transporter en même temps des rhizomes d’égopode qui se seront mélangés aux racines de la plante transplantée et ainsi de commencer une nouvelle infestation ailleurs.

Pour éviter cela, prélever plutôt des boutures sans racines: il n’y a alors aucun risque que l’égopode suive.

Ou prenez des divisions plutôt petites (il y a moins de risque avec de petites divisions qu’avec des plantes entières), rincez bien leurs racines pour enlever la terre et supprimez tout rhizome visible. Maintenant, ne plantez pas ces divisions en pleine terre pour l’instant, mais plutôt en pot. Et laissez-les pousser en pot pendant 2 ou 3 mois au moins. Ainsi, si jamais elles sont toujours contaminées de rhizomes d’égopode, vous le saurez assez rapidement. Si oui, à vous de décidez si vous essayez une 2e fois d’éliminer les rhizomes. Si aucun égopode ne paraît dans le pot après 3 mois, vous pouvez replanter la division en pleine terre sans crainte.

Ne faudrait-il pas bannir l’égopode?

N’est-il pas temps de songer à bannir la vente et distribution de l’égopode?

Malgré la dévastation causée à l’environnement par l’égopode en Amérique du Nord, en Australie, en Nouvelle-Zélande et plusieurs autres pays où il a été introduit (on peut facilement trouver des forêts au complet où il n’y a plus aucune régénération ni aucune plante indigène au sol, l’égopode ayant pris toute la place), l’égopode, et surtout sa forme panachée (A. podagraria ‘Variegata’), est encore communément vendu dans les pépinières dans toutes ces régions.

Dans certains états américains, toutefois, notamment Connecticut, Massachusetts et Vermont, l’importation et la vente de l’égopode sont désormais illégaux. Ne serait-il pas temps de faire la même chose au Canada?

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