Ce 21 juin, lors de la collation des grades, l’Université Laval a remis un doctorat honoris causa à mon père, Larry Hodgson, à titre posthume. Il a été reconnu pour son énorme contribution à l’horticulture au Québec et à travers le monde, ainsi que pour l’homme qu’il était: rigoureux et généreux. J’ai eu l’honneur d’assister et de participer à l’événement avec ma belle-mère, la conjointe de Larry, Marie Falardeau. Voici le discours que j’ai prononcé en son nom.
Remerciements
Pour commencer, en mon nom, celui de mon père et de toute notre famille: merci pour l’honneur que vous lui faites aujourd’hui. Merci surtout, à tous ceux qui ont été impliqués dans le processus de sélection, que ce soit au bureau du recteur ou de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation.
Faire ce que l’on aime
En 1984, quelques années après avoir reçu un baccalauréat en français de l’Université Laval, mon père a quitté un emploi stable pour se lancer comme pigiste et écrire sur sa passion: le jardinage. Sans aucune expérience comme rédacteur professionnel, il s’est présenté aux bureaux du journal Le Soleil et, avec son accent anglais très prononcé d’Ontarien, a demandé s’il pouvait écrire une chronique sur le jardinage. On l’a refusé… au début! Quelques semaines plus tard, on le rappelait pour lui demander d’écrire un article pour un numéro spécial sur le jardinage. Il a été chroniqueur, pendant 38 ans. En même temps, il publiait deux infolettres sur les plantes d’intérieur et faisait partie de tous les clubs horticoles qui existaient. Malgré tout ce travail, il peinait à joindre les deux bouts. Je suis assez certain qu’à l’époque, quelqu’un a dû le traiter de fou.
Mais, après des années d’efforts, il trouve finalement le succès dans sa carrière. Il publie le premier de ses 65 livres, sous son nom de plume, le Jardinier paresseux. Il devient éditeur en chef du magazine de jardinage le plus important du Québec. Puis travaille à la radio et à la télévision. Je pense que s’il a réussi, c’est qu’il a continué à faire ce qu’il aimait, sans penser aux bénéfices ou à ce que les autres pensaient de lui.
Ténacité
C’est également grâce à sa ténacité qu’il a tenu tête aux idées de l’époque. Il a presque perdu son emploi de rédacteur en chef en disant tout haut ce que l’industrie horticole souhaitait taire.
On ne devait pas tolérer les pissenlits, on devait tailler les haies, tondre nos pelouses constamment, planter des fleurs annuellement, recouvrir les plantes en hiver et traiter les maladies avec des produits chimiques. Il y avait une industrie à alimenter, alors les jardins devaient être parfaits. C’était beaucoup de travail, le jardinage.
Mon père, lui, pensait que si c’était trop de travail, on devait arrêter de le faire. Pourquoi planter des arbustes qui ont besoin d’être taillés quand il y en a qui peuvent s’en passer? Pourquoi avoir des plantes qui doivent être aspergées de pesticides néfastes pour survivre quand d’autres n’en ont pas besoin? Bref, si une plante avait besoin de trop de soins, il la remplaçait par une autre qui s’arrangeait toute seule. Dans le jardin de mon père, la nature trouve des solutions à tout, si on la laisse faire.
Importance de l’éducation
Mon père disait que l’éducation était la base de toute chose. Pour lui, c’était la solution à tous les maux dont souffre l’humanité. C’était un optimiste: il croyait qu’avec le savoir, on allait surmonter tous les problèmes.
C’est un grand honneur de recevoir cette reconnaissance des communautés académique et scientifique, qui se consacrent à la poursuite du savoir, et que mon père tenait en si haute estime. C’est grâce à elles et à leurs recherches que mon père a pu développer ses idées et les rendre accessibles à tous.
Qu’est-ce qu’on peut retirer de la vie de Larry Hodgson même si on n’est pas jardinier?
Faire ce que l’on aime, le faire sans compromis, et le partager, c’est ça le vrai succès. Mon père a passé sa vie à prodiguer des conseils sur le jardinage. Il y en a un qui sort du lot, en partie parce qu’il s’applique aussi à la vie en général. C’est le truc des 15 pas. Quand on voit un problème dans son jardin, on a juste à reculer de 15 pas. Si on l’aperçoit plus, c’est qu’il n’y en a jamais eu, de problème.
Si mon père était ici aujourd’hui, il serait content de célébrer avec vous et avec vos familles. Il se réjouirait que vous ayez profité des occasions offertes par l’université pour améliorer vos connaissances et affiner votre jugement. Il vous dirait aussi de continuer à cultiver votre jardin, celui qui est dans votre cour et celui qui est dans votre tête. Permettez-moi de vous dire en son nom et le mien, à chacun d’entre vous, Bravo!